par Jacky Barozzi 24 mai 2025
Cannes 2025 Un palmarès éclectique et politique Palme d’or - « Un simple accident » de l’iranien Jafar Panahi ; Grand prix - « Valeur sentimentale » du réalisateur norvégien Joachim Trier ; Prix du jury - Exaequo : « Sirat » du réalisateur franco-espagnol Óliver Laxe et « Sound of Falling » de la réalisatrice allemande Mascha Schilinski ; Prix d’interprétation masculine - Wagner Moura, l’acteur brésilien de « L’Agent secret » ; Prix de la mise en scène - Kleber Mendonça Filho, le réalisateur brésilien de « L’Agent secret » ; Prix d’interprétation féminine - Nadia Melliti, l’actrice française principale de « La Petite Dernière » ; Prix du scénario - « Jeunes Mères » des réalisateurs belges Jean-Pierre et Luc Dardenne ; Caméra d’or - « The President’s Cake » du réalisateur irakien Hasan Hadi ; Palme d’or du court métrage - « I’m glad your dead now » du réalisateur palestinien Tawfeek Barhom ; Queer Palm - « La Petite Dernière » de la réalisatrice française Hafsia Herzi ; Palm Dog - Le chien Panda « dans L’amour qu’il nous reste » du réalisateur islandais Hlynur Palmason L’œil d’or ; - « Imago » du réalisateur tchétchène Déni Oumar Pitsaev ; Prix spécial - « Résurrection » du réalisateur chinois Bi Gan ; Mention spéciale de la Caméra d’or - « My father’s Shadow » du nigérian Akinola Davies Jr ; Prix Un certain regard - « Le Mystérieux regard du flamant rose » du réalisateur chilien Diego Céspedes. * Mais qui a voulu saboter le festival cette année ?
par Jacky Barozzi 24 mai 2025
« Jeunes mères » de Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne, avec Babette Verbeek, Elsa Houben, Janaïna Halloy Fokan, Lucie Laruelle, Samia Hilmi et India Hair. Il faut bien du talent aux frères Dardenne pour aboutir à ce film choral sobre comme un reportage télévisé idéal. On croirait assister à un épisode de la série documentaire belge Strip-Tease. Comme si une caméra invisible se contentait d’enregistrer ici la vie, pas si ordinaire que ça, des cinq adolescentes hébergées dans la maison maternelle auprès de laquelle elles sont allées chercher aide et réconfort. Et pourtant, il s’agit bien d’un vrai film, à la pureté d’un drame classique, avec unité de lieu, de temps et d’action : celui qu’il faudra pour que Jessica, Perla, Julie, Ariane et Naïma, qui n’ont pas opté pour la solution de l’avortement, décident de garder ou de donner leur bébé pour qu’il soit adopté. Un moment crucial pour elles et leurs enfants superbement interprété par cinq jeunes comédiennes en herbe plus vraies que nature. Un futur Prix d’interprétation féminine collectif ? D’autant plus que les frères Dardenne, deux fois Palme d’Or au Festival de Cannes, n’ont, eux, plus rien à prouver. https://www.youtube.com/watch?v=QChh62wkbvQ
par Jacky Barozzi 23 mai 2025
« La Venue de l’avenir » de Cédric Klapisch, avec Suzanne Lindon, Abraham Wapler, Vincent Macaigne, Julia Piaton, Zinedine Soualem, Paul Kircher, Vassili Schneider, Sara Giraudeau, Cécile de France et Olivier Gourmet. Avec son dernier film, présenté en hors compétition au Festival de Cannes, le cinéaste des générations bobos contemporaines, Cédric Klapisch, et son scénariste fétiche, Santiago Amigorena, n'hésitent pas à s’attaquer à l’Histoire avec un grand H. Tout du moins à une page de l’histoire des arts visuels : peinture, photographie, cinéma, via celle d’une famille française en voie de reconstitution. Rien de moins ! A cette fin, le cinéaste réussit à faire de beaux enfants à l’histoire, allant jusqu’à prêter une fille naturelle à Claude Monet, le chef de file de l’école impressionniste. A moins que celle-ci ne soit la fille du photographe Nadar, le portraitiste des plus illustres célébrités de la deuxième moitié du XIXe siècle ? A défaut d’être original, « La Venue de l’avenir », que l’on aurait pu tout aussi bien titrer « L’Avenue de l’à venir », sans nécessairement citer Lacan, est un film populaire et ludique au bon sens du terme. Un divertissement qui ne manque pas de charme ni d’inventivité. Un film enquête, qui nous balade au long de la Seine, depuis le Havre jusqu’à la capitale, nous offrant de délicieux aller-retour dans le Paris, pratiquement inchangé, sinon les costumes, de 1895 et 2025. Une trentaine de membres issus d’une même famille, mais qui ne se connaissaient pas auparavant, apprennent qu’ils sont les héritiers d’une maison abandonnée dans la campagne normande depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Quatre d'entre eux, Seb, Abdel, Céline et Guy, chargés d’en faire l'état des lieux, vont alors y découvrir un trésor et partir sur les traces de leur aïeule commune, Adèle, notamment lors de son mystérieux voyage à Paris en 1895, au moment où la ville est en pleine révolution industrielle et culturelle, l’année même de la première projection de cinéma des frères Lumière. Une narration habilement entremêlée autour d’un double patrimoine, familial et national, menée par une impressionnante troupe d’acteurs français, en devenir ou déjà confirmés. Une génétique cinématographique pour un film choral, plus consensuel, qui aurait sans doute mieux convenu en ouverture du festival de Cannes cette année ? https://www.youtube.com/watch?v=CTHXknI3Hnc 
par Jacky Barozzi 22 mai 2025
« Ollie » de Antoine Besse, avec Kristen Billon, Théo Christine, Cédric Kahn et Emmanuelle Bercot. La magie du cinéma n’est-elle pas de nous introduire dans un monde qui est à l’opposé du nôtre ? C’est mon cas avec « Ollie », premier long métrage du réalisateur Antoine Besse. Sur fond de crise paysanne en Dordogne, son film nous donne à découvrir les heurts et malheurs de Pierre, 13 ans, revenu vivre à la ferme de son père après le décès brutal de sa mère. Harcelé à l'école, il se réfugie dans sa passion secrète pour le skate et rencontre fort opportunément Bertrand, un marginal, ancien skateur, qui va l’aider à se perfectionner dans l’art de la planche à roulette, lui permettant, au-delà de la figure de base du ollie, de quitter le sol et de s’envoler avec grâce au-dessus de la violence du monde environnant et de prendre de la distance avec ses problèmes et premiers émois d’ado. Un beau film authentique et rythmé, sous forme de 400 coups rebelles en milieu agricole, dans une version totalement réactualisée. Mention spéciale au comédien Théo Christine, dans ce rôle de personnage sensible et couturé en diable, qui s’était distingué récemment dans « Vivre, mourir, renaître » de Gael Morel. https://www.youtube.com/watch?v=yp2ka8pl_dE
par Jacky Barozzi 20 mai 2025
« Marco, l’énigme d’une vie », de Aitor Arregi et Jon Garaño, avec Eduard Fernández, Nathalie Poza et Chani Martín. C’est l’histoire d’une imposture énorme, bien trop belle pour être inventée ! Un mensonge, devenu une véritable affaire d’État, qui permit néanmoins à une page généralement occultée de l’histoire espagnole d’entrer enfin dans la lumière. Un scénario réel idéal, qui est déjà en soi toute une fiction. Avec un personnage d’anti-héros fascinant, Enric Marco, président charismatique depuis une vingtaine d’années de l’association des victimes espagnoles de l’Holocauste, dont on découvrit en 2005, grâce à l’obstination d’un historien rigoureux (Benito Bermejo, c’est lui le véritable héros positif de cette histoire), qu’il n’a jamais été déporté au camp de Flossenbürg, contrairement à ce qu’il prétend. Travailleur volontaire en Allemagne sous Franco, cet ancien mécanicien barcelonais, s’inventa dès les années vacillantes du franquisme, un passé plus glorieux aux côtés des 9 000 Espagnols déportés dans les camps de concentration nazis, dont environ deux tiers n’ont pas survécu. Il s’agissait essentiellement de Républicains espagnols réfugiés en France à l’issue de la guerre d’Espagne, livrés par Vichy aux nazis et qui ne furent ni réclamés par Franco avant leur captivité ni accueillis en Espagne à leur libération. C’est à leur cause qu'Enric Marco se consacrera avec brio et efficacité, obtenant même la présidence de la délégation espagnole parmi les nombreuses délégations européennes de victimes de l’holocauste lors d’une cérémonie internationale à Mauthausen en 2005 et la venue à cette occasion du premier ministre espagnol, José Luis Rodríguez Zapatero, membre du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Une consécration personnelle pour Enric Marco dont il sera écarté in extrémis… Les réalisateurs espagnols Aitor Arregi et Jon Garaño réussissent là un superbe film qui, à défaut de véritable suspens, maintient cependant tout du long une tension extrême : comment le piège lourd de conséquences va t-il se refermer sur notre mythomane ? Un film, précis, complet, bien documenté, qui va au-delà du livre « L’Imposteur », le roman non fictionnel de l'écrivain espagnol Javier Cercas publié en 2014 et traduit en français en 2015 et porté par l’interprétation magistrale de Eduard Fernández dans le rôle de ce personnage qui, entre rêves et mensonges, tient tout à la fois de Don Quichotte et du matois Sancho Panza. Viva España ! https://www.youtube.com/watch?v=X_sKJpXNm-8
par Jacky Barozzi 17 mai 2025
François Truffaut tourne La Nuit américaine Jy étais ! J’apparais de dos (cheveux longs et veste en daim) à 3:27 et ensuite je fais, à pas rapide, tout le tour de la place et réapparait dans le plan-séquence à 3:50, devant le café et ensuite devant le salon de coiffure… https://www.youtube.com/watch?v=1HCs2yaP-c4 Cela se passait au début de l’été 1972 et le tournage se faisait aux studios de la Victorine à Nice.
 Ayant lu auparavant un article dans Nice-Matin annonçant la venue de Truffaut, je lui avais écrit et reçu en retour une convocation à me présenter… Cette première impression de tournage m’a à jamais dégoûté du métier d’acteur, pour lequel j’avais alors quelques velléités ! Je me souviens très bien qu’entre deux prises, Jean-Pierre Aumont, assis sur une chaise de jardin, remplissait à la pépère la grille de mots croisés du quotidien régional ! Dans le rôle de la script du film dans le film, Nathalie Bayle faisait de modestes débuts. Aura t-elle couché pour obtenir ensuite le rôle principal dans « La Chambre verte », si l’on en croit une méchante rumeur ? https://www.youtube.com/watch?v=ugmb9Q8IFt8 Laissez-moi encore vous dire que je n’avais pas décroché le premier rôle mais, quoiqu’il en soit, je n’aurais jamais couché pour cela !
par Jacky Barozzi 16 mai 2025
« Partir un jour » de Amélie Bonnin, avec Juliette Armanet, Bastien Bouillon, François Rollin, Tewfik Jallab et Dominique Blanc. Une ouverture tout en douceur à Cannes, avec un film qui n’est pas son genre. Pensez, une simple romance sur les joies et les peines de coeur d’une famille modeste dans la France de Top chef et The Voice ! Premier long métrage d’une réalisatrice quasi inconnue, « Partir un Jour » d’Amélie Bonnin, présenté en hors-compétition, nous conte l’histoire de Cécile, fille unique d’un couple de restaurateurs pour routiers, alors qu’elle s’apprête à ouvrir son propre restaurant gastronomique à Paris. Suite à l'infarctus de son père, elle doit retourner en catastrophe dans le village de son enfance (ou plutôt sur le parking de l’autoroute) où elle croise son amour de jeunesse. Entre temps, elle a appris qu’elle est enceinte. A part ça, aucun problème existentiel sérieux et pas le moindre écho de questions politiques mondiales à l’horizon, propres aux films présentés habituellement dans ce prestigieux et exigeant festival international. Rien non plus d’exceptionnel dans le scénario et dans la mise en scène. Ici, on se retrouve dans « La Famille Bélier », dix ans après que l’oiseau rare s’est envolé du foyer. Du cinéma karaoké, où Louane cède la place à Juliette Armanet, qui ne chante plus exclusivement les chansons de Michel Sardou mais de Dalida et des 2Be3, entre autres. Seule la play liste s’est renouvelée. J’étais parti dubitatif à la projection de ce film que je subodorais passablement wokiste et j’ai découvert que l’on y boit et fume à volonté et que l’on y pratique le rodéo urbain. Autant de sujets qui fâchent les ligues bien pensantes actuelles. A l’arrivée, j’en suis sorti enchanté et en chantant ! Mais par quel mystère, ce film essentiellement populaire, s’est-il invité à Cannes ? https://www.youtube.com/watch?v=qXg6QSuKrEU 
par Jacky Barozzi 14 mai 2025
« Ingeborg Bachmann » de Margarethe von Trotta, avec Vicky Krieps, Ronald Zehrfeld et Tobias Resch. Après la révolutionnaire Rosa Luxembourg (1986) et la philosophe engagée Hannah Arendt (2012), Margarethe von Trotta, 83 ans, portraitiste des grandes figures féminines allemandes les plus emblématiques, s’est attaquée au biopic de la poétesse et romancière viennoise Ingeborg Bachmann. Le film a été présenté à la Berlinale 2023, mais il ne sort en salles que ces jours-ci. C’est un film vintage, dont l’esthétique s’inspire de celle de Visconti et de Fassbinder. Dans le rôle titre, Vicky Krieps campe, de façon distancée et crédible, une héroïne torturée par sa relation amoureuse avec le célèbre dramaturge suisse Max Frisch, alors qu’elle avait la trentaine et était déjà au faîte de sa gloire. La rencontre de deux égos hypertrophiés, plus incompatibles que complémentaires. Portrait d’une femme libre et émancipée, tant sur le plan intellectuel que sexuel, dont nous suivons les pas entre Paris, Vienne, Zurich, Rome et le désert égyptien. Entre les conférences et les cocktails mondains, la cinéaste allemande nous restitue l’univers d’un milieu littéraire qui a à peu près disparu. Malgré une « reconstitution d’époque » à la limite du chromo, le film m’a tenu sous son charme de bout en bout. https://www.youtube.com/watch?v=pYzGsnyTYHo
par Jacky Barozzi 13 mai 2025
« Les Musiciens » de Grégory Magne, avec Valérie Donzelli, Frédéric Pierrot et Mathieu Spinosi. La fille d’un riche homme d’affaires musicologue réussira t-elle à réaliser le rêve de son père, qui vient de mourir ? Trente ans auparavant, celui-ci avait commandé à un compositeur au talent prometteur une partition pour quatuor et souhaitait acquérir quatre Stradivarius en vue d’un enregistrement unique à destination des mélomanes du monde entier. Alors que les conditions sont enfin réunies, les quatre solistes pressentis, à l’égo particulièrement démesuré, se révèlent incapables de former un quatuor harmonieux. Pour sauver cet événement artistique, aux enjeux financiers mettant en péril la société de son père, sa fille n’a d’autres moyens que de faire appel au compositeur de la partition inédite. Sur cette trame, le réalisateur Grégory Magne nous offre une séduisante comédie s’adressant autant à nos yeux qu’à nos oreilles. Un scénario efficace mais sans vrai suspens et des comédiens convaincants, pour un agréable divertissement dont la vraie vedette, en définitive, est la partition originale due au compositeur de musique de film Grégoire Hetzel. https://www.youtube.com/watch?v=mSl4JgUiJMc 
par Jacky Barozzi 9 mai 2025
« L’Effacement » de Karim Moussaoui, avec Sammy Lechea, Zar Amir Ebrahimi et Hamid Amirouche. Après le très remarqué « En attendant les hirondelles » (2017), le second long métrage de Karim Moussaoui, inspiré du livre éponyme de Samir Toumi (2016), dépeint l'émancipation d'un jeune homme dans une société algérienne menacée par le terrorisme et gangrenée par la corruption. C’est un film tout à la fois très dur et très fragile, qui demande cependant à être décrypté. Ça commence comme un film historico-politique et ça tourne ensuite au thriller fantastique. On y suit les pas de Réda, un jeune homme des beaux quartiers d’Alger. Son père, parti de rien, à réussi opportunément à l’occasion de la Guerre de Libération algérienne à se hisser à la tête de la plus grande entreprise d’hydrocarbures du pays. C’est un homme puissant plein d’ennemis, à l’extérieur, et un patriarche autoritaire et machiste dans sa maison. Tandis que le frère aîné de Réda résiste et se révolte contre son père, le cadet, en bon fils obéissant, se soumet à son ordre despotique. Il s’efface, il s’efface, au point qu’un beau jour il ne voit plus son reflet dans la glace de son miroir ! C’est alors que va commencer sa métamorphose. Une sanglante métamorphose, où malgré une belle rencontre amoureuse avec une femme douce et expérimentée, il ne parviendra pas à contenir les strates de frustration accumulés inconsciemment en son for intérieur. Eclatante vengeance, qui d’invisible le rend un peu trop voyant… Un film au scénario ambitieux, qui oscille entre le réalisme et un fantastique plus gore que kafkaïen, interprété par des acteurs justes et convaincants et ponctué par la musique de Chopin. Et qui en fin de conte, traduit parfaitement le mal-être de la génération, des milieux populaires ou privilégiés, éduquée à l’ombre des pères dans l’Algérie postcoloniale. https://www.youtube.com/watch?v=oca7IzqtUis 
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