
Mon itinéraire santé : de la Place des autobus au Square Mérimée
Qui se souvient du docteur Gallet, un généraliste dont le cabinet était installé en étage dans l’immeuble situé à l’angle de la rue Saint-Antoine et de la rue Félix-Faure ?
Depuis le balcon de la salle d’attente on dominait la place des autobus (l’actuelle place Bernard-Cornut-Gentille), la mairie de Cannes et le vieux port.
Dans mon enfance et mon adolescence, années 1950-1960, c’était notre médecin de famille.
C’était un bel homme d’allure svelte et aux tempes légèrement grisonnantes, qui nous faisait attendre longtemps, tant il prenait son temps avec chacun de ses patients.
Je lui dois en grande partie ma bonne santé actuelle.
Il m’interrogeait et m’écoutait avec une certaine aménité.
Très vite, je pris l’habitude d’aller le consulter seul.
Au courant de ma situation familiale et connaissant ma très chrétienne de mère, il se chargea de suppléer à l’absence de toute éducation sexuelle.
En commençant par une vigoureuse leçon d’hygiène : il me décalotta à fond et me montra, joignant le geste à la parole, la partie cachée de mon intimité, qu’il convenait de nettoyer quotidiennement.
Je me demande si une telle façon de faire serait encore permise aujourd’hui ?
Il veilla sur ma croissance, n’hésitant pas à m’envoyer chez l’un de ses confrères kinésithérapeute de l’avenue du Petit Juas, où je suivis longtemps des séances de gymnastiques correctives, en prévision d’un début de scoliose.
Résultat des courses, cette année-là, je me redressai et pris 10 cm.
Selon le principe d’un esprit sain dans un corps sain, il me conseilla de faire régulièrement du sport mais aussi de lire au minimum un livre par semaine.
C’était un homme de conscience et de confiance.
Je fus triste quand j’appris, plus tard, que ce grand fumeur, dont le cendrier sur son bureau était toujours rempli de mégots, avait été emporté, en pleine activité, par un cancer du poumon.
Un praticien remarquable, auquel je voue un souvenir reconnaissant.

Course libre à Rome, la reprise du vainqueur, oeuvre du sculpteur
Arthur Le Duc (1848-1918).Groupe en bronze élevé en 1927 au square Mérimée.
Un autre médecin dont je me souviens très bien, mais sans aucune reconnaissance, celui-là, c’est le docteur Boissonnière, un grand homme ventru, plus très jeune, aux cheveux gominés plaqués en arrière, d’aspect autoritaire, cravaté et toujours tiré à quatre épingles sous sa blouse blanche, dont le cabinet dentaire se trouvait au début du boulevard de la Croisette, juste après le square Mérimée.
Afin de corriger ma dentition quelque peu zigzagante, il me plaça, au haut et au bas de la mâchoire, une branche métallique incurvée, terminée par deux couronnes dans lesquelles venaient s’encastrer mes deux dernières dents de sagesse.
Me passant de fins fils de fer entre les dents à redresser, il venait ensuite les fixer sur la branche centrale en effectuant de multi torsades, avant de les couper à ras.
Un peu à la manière des fils de fer barbelés !
C’était brutalement effectué, me mettait les gencives en sang et désagréable et douloureux ensuite à supporter en permanence dans la bouche.
Chaque fois que je devais entrer dans le cabinet dentaire pour une nouvelle séance barbare, je tentais de me rassurer en me disant que dans une demie heure, tout au plus, j’en serai sorti !
Un jour que je gigotais un peu trop violemment à son goût sous la torture, en émettant des grognements qui devaient s’entendre jusque dans la salle d’attente, le docteur Boissonnière me flanqua une violente baffe, qui me laissa proprement sans voix.
Rentré chez moi, je retirai tant bien que mal tout l’attirail qui me meurtrisait la bouche depuis bien trop longtemps, l’enveloppai soigneusement dans un mouchoir et le retournai, le lendemain, au cabinet dentaire du docteur Boissonnière, en priant sa secrétaire de lui dire qu’il ne me reverrait plus.


