
Cannes, en couverture du numéro d'août 1962 du mensuel le Sélection du Reader's Digest. Est-ce à cette occasion que ma mère s'est abonnée à ce magazine ?
Les fragments d’une bibliothèque reconstituée
Je n’ai pas accédé à la littérature à travers les livres pour la jeunesse.
Ce n’est que tardivement, que j’ai lu, avec profit, le Pinocchio de Carlo Collodi ou Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll.
Au commencement, je me délectais exclusivement de la lecture de magazines illustrés.
Principalement de Blek le Roc, dont la sauvage virilité complaisamment exposée au fil des pages ne manquait pas de me troubler, et Frimoussette, plutôt destiné à émouvoir la sensibilité des petites filles.
Je me souviens pourtant d’avoir possédé des exemplaires de La Bibliothèque Verte et de La Bibliothèque Rose, mais je serais bien incapable d’en citer le moindre titre, à l’exception toutefois des Malheurs de Sophie de la comtesse de Ségur.
Mes premiers textes marquant remontent à l’école des Broussailles, où l’on nous faisait apprendre par coeur Les Fables de La Fontaine.
Sans parler de La Bible, que nous enseignaient les dames du catéchisme.
Je lisais aussi les pages du Sélection du Reader's Digest, le magazine mensuel familial auquel ma mère était abonnée.
En entrant au collège, à Carnot, j’appris que l’on pouvait, avec l’étude de L’Iliade et de L’Odyssée d’Homère, être auteur sans écrire une seule ligne.
Avec la pratique de la rédaction, je passais, avec ravissement, du simple statut de lecteur à celui d’écrivain.
Non sans difficultés toutefois : le professeur de Français nous ayant demandé de rédiger notre devoir sous forme « dialoguée ». Un terme dont je ne connaissais pas la signification et qui me laissa de prime abord honteux et perplexe.
Jusqu’à ce que, en lorgnant sur la copie de mon voisin, qui lui avait parfaitement compris, j’en devine le sens.
J’aimais parcourir en classe, année après année et de siècle en siècle, les pages illustrées du Lagarde et Michard.
Je m’étonnais du fait que Molière et Voltaire avaient pris un pseudonyme, plutôt que de se faire connaître sous leur vrai nom.

Blek le Roc et son fidèle compagnon Roddy, auquel je devais sans aucun doute m'identifier ?
Très vite, j’éprouvais le désir de lectures extra-scolaires et me mis à acheter mes premiers livres de poche et en emprunter d’autres à la bibliothèque municipale.
À l’époque, mes choix étaient assez éclectiques.
Je lisais avec délectation les romans en vogue de Guy des Cars.
Par la suite, je devins plus sélectif.
C’est alors que je découvris les contes de Guy de Maupassant, que je lus en intégralité, ainsi que ses rares romans Bel Ami et Une Vie.
Depuis, je considère que c’est avec cet écrivain que je suis vraiment entré en littérature.
Pour mes dix-sept ans, Hector, mon meilleur ami, m’offrit trois beaux exemplaires à la couverture cartonnée recouverte d’une élégante toile rouge : les Poésies de Lamartine, les Poèmes saturniens de Paul Verlaine et Les filles de feu de Gérard de Nerval.
Ce dernier titre, en prose, eut ma préférence.
De ma première bibliothèque, je pourrais encore citer de mémoire Le Meurtre de Roger Ackroyd d’Agatha Christie, La maison du canal de Georges Simenon ou encore le Malatesta d’Henri de Montherlant, dont la lecture m’exalta un temps, et Un cœur simple (in les Trois contes) de Gustave Flaubert, qui m’épate toujours autant aujourd’hui.
En première et en terminale, je lus la trilogie romanesque des Chemins de la liberté de Jean-Paul Sartre, ainsi que l’essentiel de son théâtre : Huis-Clos, Les Mains sales, La Putain Respectueuse…
J’en fis tout autant avec les récits autobiographiques de Simone de Beauvoir : Les Mémoires d'une jeune fille rangée, La Force de l'âge et La Force des choses.
J’adhérais alors à la philosophie existentialiste.
En revanche, je fus moins convaincu par les romans, les nouvelles et le théâtre de l’absurde d’Albert Camus.
De L’Etranger, je me souviens seulement que le héros fait l’amour, juste après avoir enterré sa mère, et qu’il finit par tuer un arabe anonyme sur une plage d’Alger.
En ce temps-là, j’appris par coeur Ma Bohème et Le Dormeur du val d’Arthur Rimbaud et des bribes des Fleurs du mal de Charles Baudelaire.

Durant ma première année de Droit à la fac de Nice, je me souviens d’avoir volé La Philosophie dans le boudoir du marquis de Sade à l’étal d’une librairie de la rue de France.
L’audace du propos et la beauté de la langue m’incitèrent à acheter ensuite Justine ou les Malheurs de la vertu.
Les révélations du Pavillon des Cancéreux d’Alexandre Soljenitsyne mirent un terme à mes véléïtés pro communistes.
Ce qui ne m’empêcha pas d’acheter et de lire Le Programme commun et de me considérer toujours de gauche.
D’autant plus que je venais de lire avec exaltation la trilogie auto fictive centrée autour de Jacques Vingtras de Jules Vallès : L'Enfant, Le Bachelier et L'Insurgé.
Cette même année je découvris Le Procès-verbal de J. M. G. Le Clézio et les premiers romans de Patrick Modiano.
Avec une nette préférence pour le second.
C’est à cette époque également que je m’initiais à la psychanalyse à travers la lecture de Freud.






