
Brève esquisse d’une filmothèque cannoise
Le samedi soir ou le dimanche après-midi, nous allions en famille à l’Azur Cinéma de Rocheville.
Un cinéma de quartier, situé au début de l’avenue des Broussailles.
Cette petite salle en pente douce et au vague décor à l’italienne, toujours bondée, constituait alors l’un des principaux point de rencontre des habitants.
Un lieu particulièrement folklorique, haut en couleur, où nous découvrions, après le court métrage et les actualités d’usage, et selon le bon vouloir de son propriétaire et projectionniste, des films populaires à grand spectacle.
Parmi les péplums, westerns, drames policiers ou comédies drolatiques, je me souviens des films de Charlots, qui nous faisaient tant rires, ou de la série des Joselito, l’enfant à la voix d’or, qui me faisait pleurer.
Je me souviens aussi de films plus édifiants, se voulant historiques, tels Néfertiti reine du Nil, Samson et Dalila, Les dix commandements, ainsi que de la série des Maciste.
Peu de temps après la mort de mon père, dans ma dixième année, ayant réussi à convaincre ma pauvre mère d’acheter une télé, je pus découvrir tout un tas d’oeuvres plus anciennes.
Notamment sur Télé Monte-Carlo, où était présenté un film chaque soir.
Me constituant ainsi une culture cinématographique composée essentiellement de films français, italiens mais aussi hollywoodiens.
Tels les films dits de « qualité française », tant décriés par les cinéastes de la Nouvelle Vague, dans les colonnes des Cahiers du Cinéma.
Ce qui ne m’empêcha pas par la suite d’apprécier le cinéma de François Truffaut, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, Eric Rohmer ou Jacques Rivette.
C’est sur le petit écran que je pus voir Un Carnet de bal de Julien Duvivier ou Remorques de Jean Gremillon avec Jean Gabin et Madeleine Renaud. Ainsi que tous les films de Sacha Guitry, pour lequel j’avais un faible et dans la plupart desquels Pauline Carton tournait toujours des rôles de bonne. Mais aussi la série des Don Camillo avec l’inénarrable Fernandel et la plupart des films où Louis de Funès incarnait des second rôles, plus inquiétants que comiques, avant qu’il ne devienne la vedette que l’on sait grâce à Gérard Oury.

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Dès cette époque, après avoir gagné mon argent de poche en travaillant avec ma tante le dimanche matin au marché Forville, j’allais désormais seul au cinéma, après le déjeuner, dans les nombreuses salles de la rue d’Antibes.
Auparavant, je suivais avec assiduité sur l’écran de la télévision trônant au milieu du buffet de sa salle à manger du 10, rue du Suquet, l’émission d’actualité cinématographique La séquence du spectateur, qui présentait trois nouveautés de la semaine et m’aidait dans mes choix.
De cette période, mais pas forcément dans cet ordre-là, je me souviens de West side story, de Sean Connery dans les premiers James Bond, de Michèle Mercier dans la série des Angélique, de Borsalino, avec Alain Delon et Jean-Paul Belmondo, de Brigitte Bardot dans L’Ours et la poupée de Michel Deville ou encore du film Les Oiseaux, d’Alfred Hitchcock.

Je me mis aussi à m’intéresser au festival de Cannes et à lire la presse spécialisée.
Je me souviens de Sophia Loren se promenant sur la Croisette entourée d’une nuée de photographes, d’avoir croisé Michèle Morgan au détour d’une rue, d’avoir lu que le Cléopâtre, avec Liz Taylor et Richard Burton, avait été, le film le plus cher de toute l’histoire du cinéma.
Durant les années précédant le bac, je lisais passionnément les critiques cinématographiques de Jean-Louis Bory dans le Nouvel-Obs.

Désormais, au joli mois de mai, je parvenais à m’introduire, par une porte dérobée, dans l’ancien Palais des Festival, situé alors au centre de la Croisette.
Séchant les cours, j’y visionnais l’essentiel des films en compétion, telles les oeuvres du cinéma italien, alors à son apogée : Fellini, Antonioni, Visconti ou Pasolini.
Je me souviens encore du trouble que me causa Terence Stamp dans Teorema !
C’est là que je vis également Cris et chuchotements de Bergman ou encore India Song de Marguerite Duras.
Tandis que dans les sections parallèles, je découvrais le « nouveau cinéma allemand » : Fassbinder, Herzog, Wenders, ou encore les premiers longs métrages de Lars Von Trier.




