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Lucéram d'antique cité.


 Avec son arrière-pays, Nice est plus qu’une ville : c’est un comté.

 Un comté qui s’offre le luxe d’englober une principauté, et constitue à lui seul plus des deux tiers du département actuel des Alpes-Maritimes.

 Nice à tous les attributs d’un pays : un territoire, un peuple, une langue (le « nissart ») et même une cuisine ? Le Niçois n’a ni la jovialité du Provençal ni la volubilité de l’Italien. Il ne manque pas d’humour, mais c’est un pince-sans-rire, tout à la fois orgueilleux et timide. Farouche, volontiers rebelle, le Niçois est indépendant sans être indépendantiste. Contrairement à son proche cousin Corse, avec lequel il partage cependant bien des caractéristiques.


 Lucéram n’est pas le « pittoresque village de l’arrière-pays niçois » que nous décrivent les dépliants touristiques actuels. C’est en fait une antique cité, riche d’une histoire singulière. Rares sont les lieux qui ont conservé un environnement et une population d’une telle authenticité : les Lucéramois d’aujourd’hui sont les descendants directs des familles fondatrices d’une bourgade qui n’a pratiquement pas changée depuis des siècles ! Cette pérennité dans l’espace et les gens est le résultat d’une pratique intensive de la consanguinité, portée jusqu’à l’extrême limite de l’inceste ! De fait, dans le village, tout le monde est plusieurs fois apparenté. Les arbres généalogiques se croisent et s’entrecroisent à souhait. Pour le vérifier, il n’y a qu’à se rendre au cimetière. Là, les pierres tombales présentent d’infinies variations autour des mêmes noms : Barralis, Barrayas, Gal, Paul ou Dalmas, pour les plus anciens, accolés aux traditionnels prénoms d’Adrien, Honoré, Félix, Aimé, Prosper, pour les hommes, de Joséphine, Adrienne, Honorine, Françoise, Marie, pour les femmes. Difficile de savoir qui était qui ? Heureusement, les dates se révèlent souvent fort utiles pour une meilleure

identification ! De ce lignage intriqué, il résulte un type physique propre aux habitants. Notamment les mâles, qui sont généralement plus petits que la moyenne, de corpulence trapue, le muscle sec, le visage rond, les cheveux et les yeux clairs, la calvitie précoce. Des caractéristiques physiques qui sont parfaitement incarnées par Albert de Monaco, dont la réserve, voire la timidité, fait écho, de surcroît, à l’humeur farouche et fière des Lucéramois. Il faut savoir que Lucéram a été riche, jadis. Avant de devenir de modestes cultivateurs, ses habitants furent de prospères négociants. De cette aisance passée, il leur reste de nombreux vestiges, ainsi qu’un trésor ! Une tour crénelée, des remparts, de belles maisons médiévales dont certaines semblent de véritables petits palais vénitiens, trois églises dans le village et plusieurs chapelles aux environs, des peintures et fresques signées par les meilleurs artistes locaux des XVème et XVIème siècles, dont un retable attribué à Louis Brea (1475-1522), et de splendides pièces d’orfèvrerie tout aussi anciennes. Leur fortune, âprement défendue, les Lucéramois la devaient à la position stratégique qu’ils occupaient sur la route du sel, reliant Palerme à Nice via Turin. Longtemps les caravaniers durent s’acquitter ici d’un lourd tribut, que les familles alliées ne voulurent partager avec personne d’autre qu’eux-mêmes.


Rétable de l'église Sainte-Marguerite de Lucéram, attribué à Louis Bréa.


 Dès 1272, Lucéram fut promulguée ville libre. Plus tard, l’exploitation sur son sol de moulins à huile et à farine constitua une autre source importante de revenus. Elle favorisa même l’installation dans ses murs des Chevaliers de l’Ordre de Malte qui y fonda par décision de Jean-Paul Lascaris, son Grand-Maître, une Commanderie dont les deux petits fils se répartirent la succession en 1696. Enfin, en 1860, toujours soucieux de leur indépendance, les Lucéramois votèrent en masse leur rattachement avec la France. De fait, ils constituent une enclave de patronymes franco-provençaux, dans une région où prédominent les noms à consonance italienne ! Cité autonome, gérée depuis toujours par ses seules élites, accueillante au visiteur de passage, de préférence fortuné, mais méfiante envers l’étranger qui voudrait s’y installer, Lucéram, dont les ruelles en escaliers interdisent l’accès à tous véhicules motorisés, offre bien des analogies avec la Sérénissime République ! 


Le lavoir et une belle maison de la Placette.


 Lucéram : sa tour crénelée, son clocher, ses maisons médiévales, ses ruelles en escaliers. Ses six cent cinquante mètres d’altitude, qui marquent la limite des oliviers. Juste après, sur la route de Peira-Cava, qui dépend de la commune de Lucéram, c’est déjà la forêt de pins. Peira-Cava, qui fut la première station de ski des Alpes-Maritimes, au début du XXème siècle. Dernière heure de gloire ? Lucéram, heureusement oublié de l’ère des loisirs et des congés payés. Lucéram, miraculé. Identique, ou presque, à ce qu’était le village il y a au moins quatre siècles.


 Lucéram a eu son propre historien, un érudit local, un ancien abbé : Bonaventure Salvetti. Un Corse, venu prêcher là, entre 1897 et 1914, et qui a choisi d’y être enterré. Son livre, publié en 1912, est régulièrement réédité. Titrée Lucéram, paroisse et commune, cette monographie de plus de deux cents pages nous narre l’histoire du village depuis ses origines : anciennes tribus ligures, camp romain, familles féodales, sujets des comtes de Savoie, rattachement à la France sous Napoléon III…, jusqu’à la période contemporaine, à savoir l’entrée dans le XXème siècle. L’auteur nous décrit l’organisation sociale du village, avec une étroite prégnance de la religion ; il nous parle de son étymologie, de son climat, de sa géologie ; il nous détaille la provenance et la valeur artistique de ses trésors; il nous raconte l’histoire de ses familles, avec des temps forts, telle la Révolution, qui eut de sanglantes conséquences jusque dans nos campagnes. Certes, on a droit, de temps à autre, à un petit prêchi-prêcha de l’abbé Salvetti, qui ne nous laisse jamais ignorer que c’est un curé qui nous parle ! Mais il sait être objectif et curieux du progrès. On trouve une analyse sur les possibilités de développement économique de la commune et même un recensement général de la population vers 19I0. J’y ai appris que mon grand-père Prosper Dalmas, à ce moment-là, vivait seul dans une maison de la Placette. C’était avant qu’il ne se marie et récupère la maison familiale de la rue de la Tour.


Le facteur de la rue de la Tour au temps jadis. C'est au sommet de la rue de la Tour, qui part de l'église Sainte-Marguerite et aboutit à la Tour crénelée que se trouve la maison de mes grands-parents maternels.


 C’est là que je venais en vacances, adolescent. J’y retrouvais ma grand-mère Joséphine, devenue veuve et vivant seule. Mon grand-père est mort juste un an avant mon père, après qu’on lui eut arraché ses dents de sagesses ! C’est mon père qui sculpta dans le marbre la stèle funéraire de Prosper, que l’on peut toujours voir sur la tombe familiale située dans le petit cimetière à l’entrée du village. Dans la maison de la rue de la Tour, avec ma grand-mère Joséphine, je me reconstituais. Dans le calme et grâce aux vieilles racines de Lucéram, je pouvais me ressourcer au sein d’un monde ancestral, alors qu’à Cannes, toute l’année, j’étais submergé au quotidien par le plus élémentaire principe de réalité. J’avais du mal à définir mon identité, en cours de constitution. J’assumais les responsabilités de chef de famille mais j’étais aussi un enfant, et je devais me charger tout seul de mon éducation et des possibilités de promotion sociale. J’étais un pauvre garçon de Rocheville, mais je me retrouvais au lycée Carnot, le meilleur de Cannes, avec tous les rejetons de la bonne bourgeoisie locale. Je cachais mes origines, et ne me montrais avec ma mère, que dans les cas d’absolue nécessité. J’avais honte de sa surdité et je craignais ses esclandres publics. Je signais mes carnets de note, choisissais mes orientations scolaires, justifiais les absences de ma mère aux conseils de parents d’élèves. Et pendant les temps de vacances, je commençais à travailler. Les étés, je fus garçon charcutier, livreur, plongeur, commis de bar, serveur, chasseur, réceptionniste et, durant l’hiver, placeur de polices d’assurance-vie ou encore donneur de cours particuliers, entre autres ! J’ai beaucoup travaillé, jusqu’au bac, des saisons estivales entières, de 14 heures par jour, sans congés. A chaque rentrée, j’étais content de retrouver le lycée. Et d’autant plus impatient d’en sortir, le diplôme en poche, pour partir vivre ma vie le plus loin possible ! 


 Jusqu’à la mort de Joséphine, en 1968, j’ai grappillé dans cette maison quelques semaines de répit. Nos campagnes étaient encore exploitées, par mon oncle Félix, le cadet des neufs enfants de mes grands-parents maternels, le seul demeuré au village, comme cantonnier, avec femme et enfants. Aux beaux jours, nous nous installions à La Pinea, un terrain accidenté de huit hectares, parmi les vingt hectares que nous possédons toujours, en indivision aux abords du village. Là, au bout d’un chemin muletier à flanc de collines, après un parcours d’une bonne demie heure, entre les pins et les oliviers, nous retrouvions une petite maison de deux pièces, avec un poulailler en dessous, à l’ombre d’un grand tilleul, dont le parfum enivrant avait pour vertu principale d’éloigner les moustiques. Nous prenions tous nos repas dehors, sous une tonnelle, où dans un coin était aménagée la cuisine. La nuit, nous dormions tous dans la même pièce avec mes cousins et cousines, dont j’étais l’aîné. Les parents se réservant la pièce voisine, presque à claire voie. Une érotique promiscuité ! Nous avions un âne pour transporter les provisions. Nous disposions sur place de fruits et légumes, de poules et d’œufs, d’une chèvre pour le lait. Nous ramenions surtout du village les grosses miches de pain et les litrons de vin. Et aussi les journaux et du savon ou du café. La Pinea était traversée par un ruisseau, où nous rafraîchissions nos corps brûlés de soleil. Là, nous n’entendions d’autres bruits que le son de nos voix et le chant des cigales. Victime d’incendies à répétition, notre pauvre campagne ne présente plus désormais au regard qu’un tas de ruines au milieu d’un paysage lunaire, inaccessible et noir, au bout d’un sentier à moitié éboulé. Tandis que la maison de la rue de la Tour a été vendue depuis bien longtemps à des étrangers, qui en ont fait une charmante résidence secondaire. C’est désormais une pimpante petite maison de village, entièrement rénovée, au frais crépi rose, sur trois niveaux, surmontée d’une terrasse panoramique en place de l’ancien balcon. 



par Jacky Barozzi 23 mars, 2024
Connaissez-vous, au voisinage du bois de Vincennes, l’hôpital Esquirol de Saint-Maurice ? Un haut-lieu de vie et de mémoire, qui vaut le détour ! Durant douze siècles, Saint-Maurice se dénomma Charenton-Saint-Maurice, jusqu’à ce qu’une ordonnance royale de Louis Philippe, du 25 décembre 1842, lui permit de n’en conserver que sa seule appellation dernière. Officiellement, pour la distinguer de la commune voisine, qui prit le nom de Charenton-le-Pont en 1810. En réalité, c’est parce que les habitants, du fait de la trop grande renommée de l’asile de Charenton, et trouvant qu’ils avaient de plus en plus de mal à marier leurs filles, voulurent, à défaut de se débarrasser de l’asile, en effacer le nom. Voilà pourquoi l’ancien asile de Charenton, devenu l’hôpital Esquirol, ne se trouve pas sur la commune de Charenton, mais sur celle de Saint-Maurice.
par Jacky Barozzi 12 mars, 2024
JARDIN DES PLANTES - 1633 5° arr., place Valhubert, rue Buffon, rue Geoffroy-Saint- Hilaire, rue Cuvier, M° Gare-d’Austerlitz, Jussieu ou Place-Monge C’est en 1614 que Guy de La Brosse, médecin ordinaire de Louis XIII, soumet à Jean Héroard, Premier médecin du roi, son projet de création d’un jardin où l’on cultiverait « toutes sortes d’herbes médicinales ». Il faut dire que les travaux des botanistes du XVI° siècle avaient attiré l’attention sur cette science nouvelle. Après la création du Jardin des plantes de Montpellier, en 1593, qui est le premier fondé en France, Henri IV et Sully songèrent à en établir un semblable à Paris qui possédait seulement un petit jardin de simples planté par l’apothicaire Nicolas Houel pour l’école des Apothicaires de la rue de l’Arbalète. L’édit de fondation du «Jardin royal des plantes médicinales » est promulgué en 1626 mais il reste encore à lui trouver un emplacement ! C’est Guy de La Brosse qui, en 1633, s’occupe de l’acquisition d’un vaste terrain, le clos Coypeau, situé au sud de l’abbaye Saint-Victor. D’une surface représentant environ le quart de sa superficie actuelle (qui est de 24 hectares), le jardin est séparé de la Seine par un entrepôt de bois et bordé de l’autre côté (vers l’actuelle rue Geoffroy-Saint-Hilaire) par des buttes artificielles faites de détritus et de gravats de construction. Guy de La Brosse s’attache immédiatement à aménager cette propriété royale, dont il est nommé intendant en 1635, pour en faire une école de botanique et d’histoire naturelle. L’espace est compartimenté en quatre zones distinctes, séparées par deux allées se coupant à angle droit. L’on y cultive des plantes usuelles, des arbres fruitiers, des arbustes et des plantes aquatiques. Sur les pentes des buttes artificielles qui bornent le jardin, Guy de La Brosse aménage un labyrinthe. En 1636, Vespasien Robin, démonstrateur en botanique, plante le robinier ou faux-acacia à partir d’un rejet dont son père Jean Robin, chargé du Jardin du roi dans l’île de la Cité (emplacement de la place Dauphine), se serait procuré les graines par l’intermédiaire d’un pépiniériste anglais. Le robinier du Jardin des plantes fut longtemps le deuxième plus vieil arbre de Paris, après le robinier du square René-Viviani planté vers 1601 par Jean Robin. Il est aujourd’hui mort et il ne reste qu’un tronc avec des rejets (extrémité ouest de la galerie de botanique) mais celui du square René-Viviani, avec ses 20 mètres de hauteur et ses 4 mètres de circonférence, existe toujours, soutenu par des étais. Dès 1640, le jardin est ouvert au public et, à la mort de son fondateur, l’année suivante, il compte 1 800 plants différents. C’est désormais le « Jardin du roi », développé à partir de 1693 par Fagon, Premier médecin de Louis XIV, puis par le botaniste Tournefort, qui plante l’érable de Crète en 1702 (labyrinthe, côté bibliothèque), et les trois frères de Jussieu qui parcourent le monde à la recherche de nouvelles espèces rares. C’est ainsi que Bernard de Jussieu rapporta d’Angleterre, en 1734, deux cèdres du Liban dont l’un subsiste sur les pentes du grand labyrinthe ; c’est lui aussi qui plantera en 1747 le premier pied de Sophora, qui provenait de Chine (devant la galerie de minéralogie). Entre 1732 et 1739 sont créées les premières serres chaudes françaises, pour abriter des plantes exotiques. Nommé intendant du Jardin du roi en 1739, Georges- Louis de Buffon le restera jusqu’à sa mort, en 1788. Il sut s’entourer des meilleurs savants, parmi lesquels les naturalistes Louis Daubenton (une colonne signale sa tombe près du sommet du labyrinthe) et Jean-Baptiste de Lamarck et le botaniste Antoine-Laurent de Jussieu, neveu des trois frères. Pour le jardin, il s’adjoignit les services d’André Thouin, nommé jardinier en chef en 1764, et pour la construction des bâtiments, ceux de l’architecte Edme Verniquet. C’est sous la direction de Buffon que le Jardin du roi va connaître son plus bel essor. L’intendant y habite, dans la maison dite « de Buffon » située dans l’angle sud-ouest du jardin (actuelle librairie).
par Jacky Barozzi 01 mars, 2024
Fontaine Hydrorrhage Jardin Tino-Rossi, quai Saint-Bernard (5e arr.) Métro : Gare d’Austerlitz ou Jussieu Transformé en jardin entre 1975 et 1980, le quai Saint-Bernard constitue désormais une belle promenade, entre les ponts d’Austerlitz et de Sully. C’est là qu’a été installé le musée de Sculptures en plein air de la Ville de Paris, consacré essentiellement aux œuvres de la seconde moitié du XXe siècle. Au centre, un rond-point constitué d’une succession de bassins semi-circulaires, abrite une bien singulière fontaine. Baptisée Hydrorrhage , celle-ci a été réalisée en 1975-1977 par l’architecte Daniel Badani et le sculpteur Jean-Robert Ipoustéguy. Derrière une imposante armure en forme de bouclier, on découvre un homme nu, harnaché d’un attirail relevant proprement de l’iconographie sado-masochiste, et suçotant une sorte de gland tout en se livrant à la masturbation ! Cette audacieuse œuvre, contemporaine de l’époque de la libération sexuelle, semble avoir dépassée les souhaits de son commanditaire. La municipalité a en effet récemment entouré d’un grillage et d’une haie d’arbustes l’ensemble des bassins, empêchant le visiteur de se rapprocher de cette fontaine, autrefois de plain-pied, et en a pudiquement détourné la gerbe principale, qui jaillissait du sexe du personnage et retombait dans le premier bassin depuis le gros tuyau recourbé au centre du bouclier, pour le remplacer par les deux inoffensifs jets d’eau du bassin, situés de part et d’autre du groupe en bronze. 
par Jacky Barozzi 29 févr., 2024
La Lutèce gallo-romaine reconstituée. JARDIN DES ARENES DE LUTECE ET SQUARE CAPITAN - 1892 5° arr., rue de Navarre, rue des Arènes, rue Monge, M° Place-Monge La Lutèce gallo-romaine, qui voit se reconstruire l’île de la Cité, se développe sur la rive gauche, à l’abri des inondations. Là, sur les pentes de la montagne Sainte- Geneviève, s’établit une cité à la romaine, de part et d’autre de la voie principale, le cardo, dont on retrouve le tracé dans la rue Saint-Jacques. Un peu à l’écart, adossé au versant oriental de la colline, est construit vers la fin du Ier siècle après J.-C. un édifice, connu sous le nom d’Arènes de Lutèce, qui servait en réalité tout aussi bien pour les jeux du cirque que pour les représentations théâtrales, comme en témoigne la scène qui vient interrompre les gradins sur un côté.
par Jacky Barozzi 25 févr., 2024
I nlassable piéton de Paris, pour lequel les errances dans la capitale furent longtemps le prétexte à ranimer son imaginaire mémoriel, Patrick Modiano serait-il brusquement rattrapé par le principe de réalité ? Dans son dernier roman, « La Danseuse », un récit de moins de cent pages, aux chapitres particulièrement aérés, il nous conte l’histoire d’une danseuse, jamais autrement nommée dans le livre, et de son jeune fils Pierre, rencontrés un demi siècle plus tôt. Situé en grande partie entre la Place Clichy (9e arr.) et la Porte de Champerret (17e arr.), ce court texte est ponctué de plusieurs paragraphes où le présent s’invite comme jamais auparavant dans les romans de notre auteur récemment nobélisé : « Qu’étaient devenus la danseuse et Pierre, et ceux que j’avais croisés à la même époque ? Voilà une question que je me posais souvent depuis près de cinquante ans et qui était restée jusque-là sans réponse. Et, soudain, ce 8 janvier 2023, il me sembla que cela n’avait plus aucune importance. Ni la danseuse ni Pierre n’appartenaient au passé mais dans un présent éternel. » Ici, le narrateur ne reconnait plus le Paris de sa jeunesse et s’y sent désormais étranger. Une ville où les Parisiens ont été remplacés par les touristes et où la nostalgie n’est plus ce qu’elle était. Une ville : « qui avait à ce point changé qu’elle ne m’évoquait plus aucun souvenir. Une ville étrangère. Elle ressemblait à un grand parc d’attraction ou à l’espace « duty-free » d’un aéroport. Beaucoup de monde dans les rues, comme je n’en avais jamais vu auparavant. Les passants marchaient par groupes d’une dizaine de personnes, traînant des valises à roulettes et la plupart portant des sacs à dos. D’où venaient ces centaines de milliers de touristes dont on se demandait s’ils n’étaient pas les seuls, désormais, à peupler les rues de Paris ? » Tandis que le narrateur traverse le boulevard Raspail (Patrick Modiano réside aujourd’hui dans le 6e arr.), il croise un fantôme du passé : « Je reconnus aussitôt Verzini. Et j’éprouvai un brusque malaise, celui d’être en présence de quelqu’un que je croyais mort depuis longtemps. » Après l’avoir accosté, les deux hommes décident de se réfugier dans un café, à l’angle du boulevard et de la rue du Cherche-Midi : « Nous étions assis à une table, l’un en face de l’autre, seuls dans la salle, ce qui m’étonnait. Depuis quelques temps, les cafés et les restaurants étaient bondés. Devant la plupart d’entre eux, il y avait même des files d’attente. » Le narrateur précisant : « Derrière la vitre, je voyais passer les groupes de touristes habituels depuis quelques mois, sac au dos et traînant leurs valises à roulettes. La plupart portaient des shorts, des tee-shirts et des casquettes de toile à visière. Aucun d’entre eux ne pénétrait dans le café où nous étions, comme si celui-ci appartenait encore à un autre temps qui le préservait de cette foule. » Et ajoutant, au moment où le narrateur et Verzini se séparent sur le trottoir : « Dehors, nous étions bousculés par le flot des touristes. Ils avançaient par groupes compacts et vous barraient le chemin. ''Nous reprendrons peut-être un jour notre conversation, me dit-il. C’est si loin, tout ça… Mais j’essaierai quand même de me souvenir…'' Il eut le temps de me faire un signe du bras avant d’être entraîné et de se perdre dans cette armée en déroute qui encombrait le boulevard. » Le narrateur ou Modiano lui-même, avouant, plus loin : « Nous vivions des temps difficiles depuis trois ans, comme je n’en avais jamais connu de ma vie. Et le monde avait changé si vite autour de moi que je m’y sentais un étranger. » Alors, texte testamentaire de notre auteur national, dans un Paris post covidien et de plus en plus airbnbisé ? Seul, l’avenir nous le dira…
par Jacky Barozzi 20 févr., 2024
12e arrondissement Musée des Arts forains 53, avenue des Terroirs de France Tél. : 01 43 40 16 22 Métro : Cour Saint-Émilion http://www.arts-forains.com
par Jacky Barozzi 20 févr., 2024
PARC DES BUTTES-CHAUMONT - 1867 19° arr., rue Manin, rue de Crimée, rue Botzaris, M° Buttes- Chaumont ou Botzaris Entre Belleville et La Villette, la butte de Chaumont, du latin calvus mons ou mont chauve, est de tout temps une colline aride et dénudée dont le sol calcaire interdit toute agriculture. Des moulins apparaissent dès le XVI° siècle sur les hauteurs de Belleville et de La Villette et on en dénombre six à la fin du XVII°sur la butte de Chaumont. A partir du XVIII° siècle, le gypse du sous-sol est exploité pour fournir de la pierre à plâtre destinée à la construction. Cette extraction, qui se fait en souterrain, entraîne des affaissements du terrain et, à la suite d’effondrements meurtriers, l’exploitation souterraine est interdite en 1779. Les carrières à plâtre sont détruites et comblées par éboulement mais l’exploitation va se poursuivre à ciel ouvert, de plus en plus intensive dans le premier tiers du XIX° siècle. En 1851, la carrière dite de l’Amérique, l’une des plus importantes, quasiment épuisée, est fermée. Le site offre à cette époque un aspect véritablement désolé. Aux pieds de la butte, du côté de La Villette, se trouve depuis la fin du XVIII° siècle le plus grand dépotoir d’ordures de la capitale, qui sert aussi pour l’équarrissage des chevaux. La nuit, les anciennes carrières sont le refuge des clochards et des rôdeurs. 
par Jacky Barozzi 18 févr., 2024
PARC FLORAL DE PARIS 1969 12° arr., bois de Vincennes, esplanade Saint-Louis, route de la Pyramide, M° Château-de-Vincennes. Entrée payante Le Parc floral a été inauguré en 1969 à l’occasion des Troisièmes Floralies internationales de Paris. Les deux premières éditions s’étaient tenues en 1959 et 1964 au Centre national des Industries et des Techniques (CNIT) de La Défense et le succès qu’elles avaient remporté avaient conduit les organisateurs à rechercher un emplacement mieux adapté. C’est ainsi que le Conseil de Paris décida en 1966 d’implanter ce nouveau “Parc d’activités culturelles de plein air” dans le bois de Vincennes, sur des terrains qui avaient été occupés par les anciens établissements militaires de la Pyramide et de la Cartoucherie. L’objectif était double : accueillir les Troisièmes Floralies internationales de Paris, qui seraient suivies d’autres expositions temporaires, mais aussi profiter de l’engouement pour l’art floral manifesté par le grand public pour le sensibiliser à l’art contemporain en exposant des œuvres en plein air. 
par Jacky Barozzi 06 févr., 2024
BOIS DE VINCENNES - 1857 12° arr., M° Château-de-Vincennes ou Porte-Dorée Le bois de Vincennes est le vestige d’une vaste forêt antique qui s’étendait à l’est de Paris. Ces terres incultes appartenaient à tous et les paysans gaulois puis gallo- romains les utilisaient pour mener paître leurs bêtes, se nourrir et trouver du bois pour se chauffer. L’arrivée des Francs, si elle ne modifie pas leurs habitudes, change cependant le statut de la forêt qui, de publique, devient alors privée selon les règles du droit franc. Après la mort de Dagobert, en 639, sa veuve fonde une abbaye à Saint-Maur. La première mention connue de la forêt de Vilcena figure dans une charte royale de 848 dans laquelle Charles le Chauve entérine un échange de terres entre l’évêque de Paris et l’abbé de Saint-Maur-des-Fossés. La forêt devient propriété de la couronne à la fin du X° siècle mais c’est dans une charte de 1037, par laquelle Henri Ier accorde des droits d’usage dans la forêt aux moines de l’abbaye de Saint-Maur, que la présence royale est mentionnée pour la première fois à Vincennes. D’autres droits seront accordés à différentes abbayes parisiennes jusqu’en 1164, date de la fondation du couvent des Bonshommes de Grandmont par Louis VII, qui donne aux moines un enclos et un prieuré. Louis VII possède un pavillon de chasse dans la forêt de Vincennes, la plus proche du palais de la Cité où il réside fréquemment. Dès le début de son règne, Philippe Auguste rachète les droits d’usage qui avaient été accordés dans la forêt afin de constituer un domaine de chasse. Il fait construire un manoir, qui constitue la première résidence royale à Vincennes (disparue au XIX° siècle), et élever en 1183 un mur de pierre pour protéger cet espace destiné à la chasse (ce mur restera en place jusqu’aux aménagements du Second Empire). Saint Louis fait construire en 1248 une chapelle dédiée à saint Martin pour abriter une épine de la Couronne du Christ qu’il a acquise de l’empereur d’Orient Baudoin II. Il agrandit le manoir d’un donjon car Vincennes constitue désormais la deuxième résidence du roi après le palais de la Cité et chacun connaît la fameuse scène, rapportée par Joinville dans la Vie de saint Louis, du roi rendant la justice sous un chêne du bois de Vincennes. 
par Jacky Barozzi 08 janv., 2024
Bercy-village (12e arr.) Meilleurs voeux pour 2024 ! Une année paire, Toute en rondeur, Placée sous le multiple de deux, Telle une promesse d’amour et de partage pour tous ...
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