Inventaire n° I : Ma galerie présidentielle



 Né à Cannes au début des années 1950, je suis parvenu à l’âge de raison tandis que de Gaulle détenait fermement les rênes du pouvoir.

 A l’adolescence, je m’étais forgé des convictions de gauche, tendance marxiste-léniniste, sans jamais toutefois adhérer au PC. 

 En 1968, j’ai défilé avec les maoïstes et autres gauchistes pour demander bruyamment le départ du général.

 Le respect envers le personnage historique viendra plus tard.


 J’ai eu vingt ans à Paris sous Pompidou et moi aussi je lui avais demandé : « des sous ! »

 Je le trouvais plutôt moderne et bon enfant.

 Je le vis grossir à vue d’oeil sur les écrans de télé et les photos de presse et je fus surpris par sa mort soudaine, trois ans avant la fin de son septennat.


 Je n’ai pas voté ensuite pour Giscard, trop bourgeois et libéral à mon goût.

 J’ai apprécié néanmoins quelques unes de ses réformes, même si la majorité à dix-huit ans pour moi venait trop tard !


 J’ai aspiré à l’arrivée de Mitterrand mais en fus très vite déçu.

 Ses tendances tout à la fois machiavéliques et pharaoniques me l’avaient rendu antipathique et je n’ai pas pleuré à son départ.


 J’avais aimé Chirac, maire de Paris.

 Moins, le Chirac président. 

 Son immobilisme et sa prudence d’alors, l’avait fait comparer, à juste titre, à l’un de nos anciens rois fainéants.


 J’ai été peiné pour Sarkozy, cocu avant même d’être élu.

 J’ai compati à ses migraines et n’ai pas partagé la haine que partout il suscitait, fort heureusement tempérée par son nouvel amour pour une belle italienne.


 Je n’avais pas souhaité l’élection de Hollande, porteuse de trop de déceptions annoncées pour ceux-là mêmes qui l’avaient élu.

 Plus technocrate qu’homme d’état, il fut parfait dans l’inauguration des chrysanthèmes par temps de pluie.


 J’ai applaudi à la prise du pouvoir par Macron, qui consacra l’implosion des vieux partis traditionnels et fit barrage aux candidats situés aux extrêmes de l’échiquier politique. 

 Après un début jupitérien, il essuie depuis lors tempête sur tempête…


 Je souhaite bien du courage au prochain président !









Inventaire n° 2 : Brève esquisse d’une filmothèque sauvage




 Le samedi soir ou le dimanche après-midi, nous allions en famille à l’Azur Cinéma de Rocheville. Un cinéma de quartier, situé au début de l’avenue des Broussailles, à la périphérie de Cannes. Cette petite salle en pente douce et au vague décor à l’italienne, toujours bondée, constituait alors l’un des principaux point de rencontre des habitants. Un lieu particulièrement folklorique, haut en couleur, où nous découvrions, après le court métrage et les actualités d’usage, et selon le bon vouloir de son propriétaire et projectionniste, des films populaires à grand spectacle. Parmi les péplums, westerns, drames policiers ou comédies drolatiques, je me souviens des films de Charlots, qui nous faisaient tant rires, ou de la série des Joselito, l’enfant à la voix d’or, qui me faisait pleurer. Je me souviens aussi de films plus édifiants, se voulant historiques, tels Néfertiti reine du Nil, Samson et Dalila, Les dix commandements, ainsi que de la série des Maciste. Je me souviens également que parfois, à l’entracte, tandis que l’ouvreuse déambulait parmi les rangs avec sa grande corbeille en osier débordante de bonbons et de crèmes glacées, des membres de l’association La Roue Tourne nous proposaient d’acheter des billets de tombola au profit des vieux comédiens indigents.


 Après la mort soudaine de mon père, juste avant ma onzième année et mon entrée en sixième, l’une de ses soeurs aînées, revendeuse au marché Forville de Cannes, me proposa de venir l’aider sur son stand, le dimanche matin. Me permettant ainsi de gagner mon argent de poche et d’aller désormais seul au cinéma, après le déjeuner, dans les nombreuses salles du centre ville.

Auparavant, je suivais avec assiduité sur l’écran de la télévision trônant au milieu du buffet de sa salle à manger, l’émission d’actualité cinématographique La séquence du spectateur, qui présentait trois nouveautés de la semaine et m’aidait dans mes choix.

 De cette période, mais pas forcément dans cet ordre-là, je me souviens de West side story, de Sean Connery dans les premiers James Bond, de Michèle Mercier dans la série des Angélique, de Borsalino, avec Alain Delon et Jean-Paul Belmondo, de Brigitte Bardot dans L’Ours et la poupée de Michel Deville. Je me souviens aussi que les ouvreuses nous accompagnaient à notre place dans le noir avec une lampe de poche et aussi d’avoir vu Les Oiseaux, d’Alfred Hitchcock, au Vox, rue d’Antibes.


 Peu de temps après la mort de mon père, ayant réussi à convaincre ma pauvre mère d’acheter une télé, je pus découvrir, parallèlement, tout un tas d’oeuvres plus anciennes. Notamment sur la chaîne RMC, où était présenté un film chaque soir. Me constituant ainsi une culture cinématographique composée essentiellement de films français mais aussi hollywoodiens datant de l’avant jusqu’à l’après Seconde Guerre mondiale. Tels les films dits de « qualité française », tant décriés par les cinéastes de la Nouvelle Vague, dans les colonnes des Cahiers du Cinéma. Ce qui ne m’empêcha pas par la suite d’apprécier le cinéma de François Truffaut, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, Eric Rohmer ou Jacques Rivette. C’est sur le petit écran que je pus voir Un Carnet de bal de Julien Duvivier ou Remorques de Jean Gremillon avec Jean Gabin et Madeleine Renaud. Ainsi que tous les films de Sacha Guitry, pour lequel j’avais un faible et dans la plupart desquels Pauline Carton tournait toujours des rôles de bonne. Mais aussi la série des Don Camillo avec l’inénarrable Fernandel et la plupart des films où Louis de Funès incarnait des second rôles, plus inquiétants que comiques, avant qu’il ne devienne la vedette que l’on sait grâce à Gérard Oury.


 Je me mis aussi à m’intéresser au festival de Cannes et à lire la presse spécialisée. Je me souviens de Sophia Loren se promenant sur la Croisette entourée d’une nuée de photographes, d’avoir croisé Michèle Morgan au détour d’une rue, d’avoir lu que le Cléopâtre, avec Liz Taylor et Richard Burton, avait été, le film le plus cher de toute l’histoire du cinéma. 

 Durant les années précédant le bac, je lisais passionnément les critiques cinématographiques de Jean-Louis Bory dans le Nouvel-Obs. Désormais, au joli mois de mai, je parvenais à m’introduire, par une porte dérobée, dans l’ancien Palais des Festival, situé alors au centre de la Croisette. Séchant les cours, j’y découvris l’essentiel des films en complétion, telles les oeuvres du cinéma italien, alors à son apogée : Fellini, Antonioni, Visconti ou Pasolini. Je me souviens encore du trouble que me causa Terence Stamp dans Teorema ! C’est là que je vis également Cris et chuchotements de Bergman ou encore India Song de Marguerite Duras. Tandis que dans les sections parallèles, je découvrais le

« nouveau cinéma allemand » : Fassbinder, Herzog, Wenders, ou encore les premiers longs métrages de Lars Von Trier. 


 L’une des principales raisons de mon installation à Paris, où je m’inscrivis à la faculté de Droit de la rue d’Assas au début des années 1970, fut que j’étais assuré de pouvoir y visionner l’essentiel de la production cinématographique mondiale. De fait, sans adhérer pleinement à une quelconque obédience cinéphilique, dès mon arrivée dans la capitale, je pus aller presque tous les soirs au cinéma. Pour les films classiques, de préférence à la cinémathèque du Trocadéro : beau temple art déco, prolongé d’un vaste jardin vallonné sur la Seine, face à la tour Eiffel. Pour les films de référence, absolument incontournables, et ardemment guettés sur le Pariscope ou L’Officiel du spectacle, j’avais le choix entre les nombreuses salles indépendantes du Quartier Latin et de Saint-Germain-des-Prés. Mais aussi en divers autres points de la capitale. Je me souviens des « mélos flamboyants » de Douglas Sirk. Je me souviens du cri inimitable de Jane Mansfield dans le film La blonde et moi. Je me souviens aussi qu’on l’appelait « le buste » et qu’elle est morte décapitée dans un accident de voiture. Je me souviens du cinéma Le Wepler, place de Clichy, et de ses cendriers incrustés dans les accoudoirs pour les fumeurs. Je me souviens des premiers films porno distribués en salle. Je me souviens de Jodie Foster dans Taxi Driver. Je me souviens de Marlon Brando dans Le dernier tango à Paris. Je me souviens du documentaire Le Chagrin et la Pitié de Marcel Ophüls et de Nuit et brouillard d’Alain Resnais. Je me souviens d’Emmanuelle Riva dans Hirohima mon amour, de Bette Davis dans All about Eve, de Brad Davis dans Midnight express et Querelle de Brest, du regard de Jean-Pierre Léaud découvrant la mer à la fin des Quatre-cents coups, de L’Important c’est d’aimer de Zulawski, de la première apparition à l’écran de Carole Bouquet dans Cet obscur objet du désir de Luis Buñuel ou encore celle de Gérard Depardieu, Patrick Dewaere et Miou-Miou dans Les Valseuses de Bertrand Blier. 

 Je me souviens…








Inventaire n° 3 : Les fragments d’une bibliothèque reconstituée




 Je n’ai pas accédé à la littérature à travers les livres pour la jeunesse. 

 Ce n’est que tardivement, que j’ai lu, avec profit, le Pinocchio de Carlo Collodi ou Alice au pays des  merveilles de Lewis Carroll.

 Au commencement, je me délectais exclusivement de la lecture de magazines illustrés. Principalement de Blek le Roc, dont la sauvage virilité adolescente complaisamment exposée au fil des pages ne manquait pas de me troubler, et Frimoussette, plutôt destiné à émouvoir la sensibilité des petites filles. Je me souviens pourtant d’avoir possédé des exemplaires de la Bibliothèque Verte et de la Bibliothèque Rose, mais je serais bien incapable d’en citer le moindre titre, à l’exception toutefois des Malheurs de Sophie de la comtesse de Ségur.

 Mes premiers textes marquant remontent à l’école primaire, où l’on nous faisait apprendre par coeur les fables de La Fontaine. Sans parler de la Bible, que nous enseignaient les dames du catéchisme. 

En entrant au collège, j’appris que l’on pouvait, avec l’étude de L’Iliade et de L’Odyssée d’Homère, être auteur sans écrire une seule ligne. 

 Avec la pratique de la rédaction, je passais, avec ravissement, du simple statut de lecteur à celui d’écrivain. Non sans difficultés toutefois : le professeur de Français nous ayant demandé de rédiger notre devoir sous forme « dialoguée ». Un terme dont je ne connaissais pas la signification et qui me laissa de prime abord honteux et perplexe. Jusqu’à ce que, en lorgnant sur la copie de mon voisin, qui lui avait parfaitement compris, j’en devine le sens. J’aimais parcourir en classe, année après année et de siècle en siècle, les pages illustrées du Lagarde et Michard. Je m’étonnais du fait que Molière et Voltaire avaient pris un pseudonyme, plutôt que de se faire connaître sous leur vrai nom.

 Très vite j’éprouvais le désir de lectures extra-scolaires et me mis à acheter mes premiers livres de poche et en emprunter d’autres à la bibliothèque municipale. A l’époque, mes choix étaient assez éclectiques. Je lisais avec délectation les romans en vogue de Guy des Cars. Par la suite, je devins plus sélectif. C’est alors que je découvris les contes de Guy de Maupassant, que je lus en intégralité, ainsi que ses rares romans Bel Ami et Une Vie. Depuis, je considère que c’est avec cet écrivain que je suis vraiment entré en littérature. 

 Pour mes dix-sept ans, Hector, mon meilleur ami, m’offrit trois beaux exemplaires à la couverture cartonnée recouverte d’une élégante toile rouge : les Poésies de Lamartine, les Poèmes saturniens de Paul Verlaine et Les filles de feu de Gérard de Nerval. Ce dernier titre, en prose, eut ma préférence.

De ma première bibliothèque, je pourrais encore citer de mémoire Le Meurtre de Roger Ackroyd d’Agatha Christie, La maison du canal de Georges Simenon ou encore le Malatesta d’Henri de Montherlant, dont la lecture m’exalta un temps, et Un cœur simple (in les Trois contes) de Gustave Flaubert, qui m’épate toujours autant aujourd’hui. 

 En première et en terminale, je lus la trilogie romanesque des Chemins de la liberté de Jean-Paul Sartre, ainsi que l’essentiel de son théâtre : Huis-Clos, Les Mains sales, La Putain Respectueuse… J’en fis tout autant avec les récits autobiographiques de Simone de Beauvoir : Les Mémoires d'une jeune fille rangée, La Force de l'âge et La Force des choses. J’adhérais alors à la philosophie existentialiste. En revanche, je fus moins convaincu par les romans, les nouvelles et le théâtre de l’absurde d’Albert Camus. De L’Etranger, je me souviens seulement que le héros fait l’amour avec une putain, juste après avoir enterré sa mère, et qu’il finit par tuer un arabe anonyme sur une plage d’Alger. En ce temps-là, j’appris par coeur Ma Bohème et Le Dormeur du val d’Arthur Rimbaud et des bribes des Fleurs du mal de Charles Baudelaire.

 Durant ma première année de Droit à la fac de Nice, je me souviens d’avoir volé La Philosophie dans le boudoir du marquis de Sade à l’étal d’une librairie de la rue de France. L’audace du propos et la beauté de la langue m’incitèrent à acheter ensuite Justine ou les Malheurs de la vertu

Les révélations du Pavillon des Cancéreux d’Alexandre Soljenitsyn mirent un terme à mes véléïtés pro communistes. Ce qui ne m’empêcha pas d’acheter et de lire Le Programme commun et de me considérer toujours de gauche. D’autant plus que je venais de lire avec exaltation la trilogie auto fictive centrée autour de Jacques Vingtras de Jules Vallès : L'Enfant, Le Bachelier et L'Insurgé. Cette même année je découvris Le Procès-verbal de J. M. G. Le Clézio et les premiers romans de Patrick Modiano. Avec une nette préférence pour le second. C’est à cette époque également que je m’initiais à la psychanalyse à travers la lecture de Freud. 

 L’année suivante, à Paris, je fréquentais assidûment la librairie Le Divan à Saint-Germain-des-Près. J’y achetai L’Année de l’éveil de Charles Juliet quand vint ensuite pour moi le temps tant redouté d’accomplir mon service militaire. Je fus affecté au régiment de cavalerie de Carpiagne, vaste casernement isolé en pleine garrigue entre Cassis et Marseille. N’ayant pas réussi à me faire réformer, j’en profitai néanmoins pour lire l’intégralité de La Recherche du temps perdu de Marcel Proust, ainsi que Les Mémoires d’Adrien et L’Oeuvre au noir  de Marguerite Yourcenar. Des oeuvres particulièrement roboratives, qui m’aidèrent efficacement à tuer le temps et prendre mon mal en patience. De retour à Paris, où je pus enfin m’établir définitivement, je suivis alors avec délectation le savoureux feuilleton littéraire d’Angelo Rinaldi dans L'Express. 

 Depuis, je n’ai cessé de lire, et parfois d’écrire, jusqu’à ce jour.  

 Très tôt, j’ai considéré que les livres étaient mes plus fidèles amis. 

De l’amas de mes lectures et devant l’impossibilité de tous les répertorier ici, je me contenterai de citer, en vrac et dans le désordre, ceux qui ont eu la plus forte résonance en moi : La Vie mode d’emploi de Georges Perec, Paysage de fantaisie de Tony Duvert, Tricks de Renaud Camus, A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie  d’Hervé Guibert, Le Livre de préfaces de Jorge Luis Borges, Les Mémoires de Casanova, l’Ulysse de James Joyce, La conscience de Zeno d’Italo Svevo, La Confusion des sentiments de Stefan Zweig, En attendant Godot, de Samuel Beckett, Le Malheur indifférent de Peter Handke, Paris est une fête d’Ernest Hemingway, Tendre est la nuit de F. Scott Fitzgerald, Jours tranquilles à Clichy de Henry Miller, Sur la route de Jack Kerouac, Les Trois Sœurs d’Anton Tchekhov, Jacques le fataliste de Denis Diderot, Les rêveries du promeneur solitaire de Jean-Jacques Rousseau, Don Quichotte de Cervantes, Les Illusions perdues d’Honoré de Balzac, Le Journal de Paul Léautaud, La correspondance de Flaubert, La Divine comédie de Dante, Le Journal de Jules Renard, Ubu roi d’Alfred Jarry, les Souvenirs d’égotisme de Stendhal, Les villes invisibles d’Italo Calvino, La Promesse de l’aube de Romain Gary, Les Pensées de Pascal, les Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand, L’art du roman de Milan Kundera, Le Voyage au bout de la nuit de Céline, Le Paysan de Paris de Louis Aragon, Le Spleen de Paris de Charles Baudelaire, Les Syllogisme de l’amertume de Cioran, Les Nouveaux écrits de Rodez d’Antonin Artaud, Les Confessions de Saint-Augustin, La Métamorphose de Franz Kafka, La Montagne magique de Thomas Mann, L’arrêt de mort de Maurice Blanchot, Façons d’endormi Façons d’éveillé d’Henri Michaux, le Miracle de la rose de Jean Genet, Une saison en enfer d’Arthur Rimbaud, Les chants de Maldoror de Lautréamont, Le livre de l’intranquillité de Fernando Pessoa, Choses vues de Victor Hugo, Kaputt de Curzio Malaparte, La vie heureuse de Sénèque, Les Essais de Montaigne, Nadja d’André Breton, Confession d’un masque de Yukio Mishima, Zazie dans le métro de Raymond Queneau, Papiers collés de Georges Perros, Le Piéton de Paris de Léon-Paul Fargue, Variété I et II de Paul Valéry, La Règle du jeu de Michel Leiris, Souvenirs et voyages d’André Gide, les Poèmes de Constantin Cavafy, Tête d'or de Paul Claudel, Alcool d’Apollinaire, Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes, les Poèmes de Stéphane Mallarmé, Noces d’Albert Camus, Le Banquet de Platon, Le fleuve Alphée de Roger Caillois, Dimanche m’attend de Jacques Audiberti, Pour un nouveau roman d’Alain Robbe-Grillet, La Vie matérielle de Marguerite Duras, Le Livre blanc et autres textes de Jean Cocteau, Sur la brièveté de la vie de Bossuet, Les Caractères de La Bruyère, La Ballade de la geôle de Reading d’Oscar Wilde, Le Hussard sur les toits de Jean Giono, l’Éloge de la folie d’Érasme, le Discours de la méthode de Descartes, les Lettres Persanes de Montesquieu… 






Inventaire n° 4 : Le scopitone des baby boomers




 Mes parents étaient tout deux sourds et muets. Un handicap qui rendait ma mère proprement folle et que mon père prenait plutôt avec philosophie : « Mieux vaut être sourd qu’aveugle », lui répétait-il souvent pour tenter, en vain, de la consoler.  

 Un beau soir, en rentrant de son atelier de tailleur de pierre-marbrier, nous eûmes la surprise, mon frère aîné, Ange, et moi, de voir que notre adorable père tenait à la main un transistor tout neuf, qu’il nous offrit aussitôt. 

 Jusqu’alors, tandis que les juke box et les premiers scopitones fleurissaient dans la plupart des bars et des cafés de France et de Navarre, nous n’avions eu droit, en matière de chansons, qu’aux sempiternelles rengaines de Tino Rossi, que notre voisine, la brune Carmen Esposito, repasseuse en chambre, donnait à entendre à tout l’immeuble, du haut de sa mansarde. Depuis les « O Catarinetta bella ! Tchi-tchi » jusqu’à « Petit papa noël, quand tu reviendras du ciel…», rien ne nous était épargné du vaste répertoire du célèbre crooner corse !

 Désormais, en faisant mes devoirs à la maison, après les cours, je pouvais écouter le Hit parade à la radio. En ce temps-là, la jeunesse était résolument yéyé, dansait le twist et lisait Salut les Copains. Les plus grands organisaient même des surboums ou des surprises-parties, propices aux premiers flirts. 

Déjà, Johnny n’hésitait pas, non sans raison, à claironner que les gens l’appelaient l’idole des jeunes. Une jeune fille de Français moyens, à drôles de couettes, surnommée Sheila, qui jusqu’alors vendait des bonbons sur les marchés avec ses parents, décréta que la cloche avait sonnée et que l’école était finie. Sylvie Vartan, quant à elle, affirma péremptoirement qu’elle était la plus belle pour aller danser, alors que la mélancolique Françoise Hardy se lamentait tristement que tous les garçons et les filles de son âge allaient par les rues deux par deux, les yeux dans les yeux et la main dans la main sans peur du lendemain, à l’exception d’elle, qui errait l'âme en peine, car personne ne l’aimait. Claude François prétendait que, s’il avait un marteau en main, il referait le monde, tout en sautant en l’air comme un cabris surexcité. Un certain Christophe cria tout un été pour qu’Aline revienne, car il avait trop de peine.

 Les Surf, un groupe constitué de quatre frères et deux soeurs malgaches, nous supplièrent de ne pas nous en aller comme ça, en oubliant leur existence. Patricia Carli chantait : « Arrête, arrête, ne me quitte pas, je t’en supplie aie pitié de moi ! », que les garnements parodiait en cours de récréation par : « Arrête, arrête, ne me touche pas, avec ta main pleine de doigts ! ». 

 Richard Anthony, l’homme qui entendait siffler le train, traduit en arrière-train par les mêmes garnements de cours de récré, fit un nouveau triomphe avec « Fiche le camp Jack et ne reviens plus jamais, jamais, jamais. Fiche le camp Jack et ne reviens plus jamais ».

 Gigliola Cinquetti, une jeune italienne encore mineure, triompha à l’Eurovision, avec une chanson où elle disait à un adulte qu’elle n’avait pas encore l’âge (Non ho l'eta) pour l’aimer et sortir avec lui. Alors que France Gall ne trompait personne, sauf peut-être elle-même, lorsqu’elle interprétait innocemment avec Serge Gainsbourg, sa chanson sur les sucettes à l’anis d’Annie, qui en coulant dans sa gorge la transportait au paradis…

 Avec son premier salaire, mon frère Ange, qui fut placé en apprentissage chez l’ancien employeur de notre père, juste après son certificat d’étude, s’offrit un pick-up et quelques 45 tours des Chats sauvages et des Chaussettes noires ainsi que de Vince Taylor. S’affirmant plus rockeur que yéyé, il en adopta l’attitude rebelle et la panoplie adéquate : jeans Lewis-Strauss, sous-pull sombre, chaine en sautoir et veste en peau retournée et tourna inévitablement blouson noir.

 Pour ma part, je m’intéressais à la variété française en général, et plus particulièrement aux chanteurs à texte. Si je regardais toujours le Palmarès des chansons de Guy Lux et Âge tendre et tête de bois d’Albert Raisner à la télé, je ne manquais jamais le Discorama de Denise Glaser, le dimanche à l’heure du déjeuner. J’étais plutôt Brel que Brassens et Ferré que Ferrat. Et j’adorais par dessus tout Barbara. Ce qui ne m’empêchait pas d’apprécier, par ailleurs, Michèle Torr, Dalida, Mireille Mathieu et Georgette Lemaire, dont on se demandait laquelle des deux serait la nouvelle Piaf, Hervé Vilard et Nicoletta, qui avaient été élevés à l’orphelinat, Jacqueline Dulac, qui avait gagné le concours de la Rose d’Or d’Antibes avec sa chanson Ceux de Varsovie, Mike Brant et Joe Dassin, que je trouvais particulièrement sexy et qui m’incitèrent à laisser pousser mes cheveux long, me faire des brushings et m’habiller serré à la manière des petits minets de drugstore, que Jacques Dutronc tournait en dérision dans l’une de ses chansons. 

 J’écoutais aussi avec plaisir Charles Trenet, dont j’appréciais la poésie fantaisiste, le virevoltant Gilbert Bécaud, surnommé « Monsieur 100 000 volts » et même Philippe Clay, dont la chanson Mes Universités avait pourtant été écrite en réaction contre les soixante-huitards.

 C’était l’époque où Antoine voulait mettre Johnny en cage à Médrano, lequel lui répondit par la chanson Cheveux longs et Idées courtes. Mais je leur préférais nettement Serge Reggiani, quand il chantait La femme qui est dans mon lit, Les loups sont entrés dans Paris ou Votre fille a vingt ans. Et Claude Nougaro, swinguant sut Toulouse, sa ville natale, ou imaginant BB sur l’écran noir de ses nuits blanches. Ou encore Régine, déclinant toutes les sortes de papiers : de riz, d’Arménie, buvard, tue-mouche, de soie, etc.

 C’est alors qu’une musique venue d’ailleurs, portée par quatre garçons dans le vent, s’abattit sur notre génération et que je me mis à écouter tous les soirs le Pop-Club de José Artur sur France-Inter, bien avant la déferlante du disco, du temps où Dave chantait aux terrasses des cafés et où j’écoutais 

Ike et Tina Turner ou Otis Reeding…






Inventaire n° 5 : L’amour à toute vapeur




 Autant l’avouer tout de suite, la vraie raison de mon exil à l’autre bout du pays, loin de ma famille, c’est probablement la découverte, vers la fin de l’adolescence, de mon homosexualité. Arrivant à Paris au début des années 70, je pouvais alors m’y adonner tout entier à mon « vice », dans l’anonymat le plus complet. Difficile pour un jeune aujourd’hui, d’imaginer ce que la ville offrait d’opportunités ! Pour tous, à l’époque, le maître mot était : « baiser ». Et les homos ne s’étaient pas encore constitués en une pseudo communauté dont le Marais deviendrait la capitale. Chaque garçon dont on croisait le regard dans la rue semblait une promesse d’aventure. De nombreux lieux publics, de jour et de nuit, favorisaient la rencontre. Des bars, des boîtes, des saunas, tous marqués du sceau de la nouveauté, émergeaient aux quatre coins de la ville. Paris la grise s’était métamorphosée en Paris la rose, un immense lupanar évoquant, même pour ceux qui n’avaient jamais fait d’études classiques, des réminiscences échappées des vieux livres scolaires de latin et de grec. Même au cinéma, on commençait à voir des hommes s’embrassant à pleine bouche, sans que le public n’y trouvât rien à redire. D’un seul coup, par la grâce de l’après mai 68, Paris était devenue subitement homo ! Tout du moins, passablement bi. Les passerelles paraissaient moins étanches. Il n’était pas rare qu’un hétéro veuille tenter une première expérience, pour voir et ne pas « mourir idiot », disait-il, au titre de la libération sexuelle. Bref, personne n’était cloîtré dans son milieu identitaire, dans sa différence, sa spécificité. Tout était plus mélangé. Plus ouvert. Et l’on préférait tous mieux faire l’amour que la guerre. Dans les buissons des Tuileries, les caves de la rue Sainte-Anne, au bois de Boulogne ou de Vincennes, à Saint-Germain-des-Prés, sur les Grands Boulevards, à Montmartre, sur les quais de la Seine, dans la moindre pissotière de quartier, le dernier terrain vague, derrière l’enclos d’un récent chantier… Une multitude de corps confondus, la chair à même la chair, sans soucis de protection, chaque jour recommencé. Une décennie entière, durant laquelle on put chanter le plus bel hymne de la jeunesse. 


 J’ai toujours aimé les saunas, que je n’ai jamais cessé de fréquenter jusqu’à aujourd’hui. 

 En voyage, en France ou à l’étranger, je m’empresse toujours de me rendre dans l’un de ces établissements qui, outre la promesse du plaisir physique qu’ils favorisent, constituent la meilleure façon possible d’accéder à la sociologie secrète des villes que l’on visite et à la possibilité d’y nouer des relations privilégiées avec ses habitants.

 A Paris, je les ai pratiquement tous testés, depuis les plus anciens jusqu’aux plus récents. On en trouve dans tous les quartiers et ils ont chacun leur particularisme. 

 Certains ont disparu depuis, d’autres prospèrent encore, rejoints par de nouveaux qui ont pris le relai.

 Là, j’y ai fait l’amour et je l’ai parfois rencontré. 

 Citons le Tilt au 41 rue Sainte Anne (1er arr.), l’un des plus anciens (récemment disparu), des moins chers, à l’ambiance désuète et singulièrement provinciale ; le Gym Louvre, 7 rue du Louvre (1er arr.), fréquenté par de jeunes sportifs passablement guindés ; l’Euro Men’s Club, situé sur les Grands Boulevard, dans le passage des Panoramas et accessible par le 10, rue Saint-Marc ( 2e arr.), vieil établissement au décor néo romain, où de jeunes éphèbes viennent y rencontrer de généreux messieurs nettement plus âgés ; le Sun City, 62 boulevard de Sébastopol (3e arr.), plus récent, occupant tout un immeuble et où prédomine une clientèle juvénile et massivement asiatique ; l’IDM, 4 rue du Faubourg Montmartre (9e arr.), également sur les Grands Boulevards, mon préféré, pour la grande mixité d’âge et de style qu’il brasse, sans exclusive ; le Key West, 141 rue Lafayette (10e arr.), près de la gare du Nord, privilégié par les Blacks, qui aiment principalement les Blacks et accessoirement les Blancs ; Les Bains d’Odessa, 5 rue d'Odessa (14e arr.), au voisinage de la gare Montparnasse et au joli décor en céramique, où de bons pères de famille viennent furtivement satisfaire leurs pulsions secrètes à la sortie de leur travail et avant de prendre leur train de banlieue ; Le King Sauna, 21 rue Bridaine (17e arr.), petit sauna perdu du côté des Batignolles à la clientèle clairsemée ; le Mykonos, 71 rue des Martyrs (18e arr.), pittoresque établissement du bas Montmartre, au décor néo grec de pacotille, où j’ai rencontré Patrice, un étudiant métisse qui y travaillait en tant que masseur et avec lequel j’ai eu une liaison suivie de plusieurs mois, ou encore le Riad, 184 rue des Pyrénées (20e arr.), à l’ambiance orientale et fréquenté par les beurs des banlieues nord-est.

Mentionnons encore quelques saunas, aujourd’hui disparus, et dont deux d’entre eux ont joué un rôle déterminant pour moi. Tels les Bains Sauna de Milan, 22 rue de Milan (9e arr.) ; le Hammam Voltaire, 93 rue de la Roquette (11e arr.) ; le Sauna Horizon, 150 rue Saint Maur (11e arr.), transformé par la suite en bar à backrooms et rebaptisé le Bunker ; le Victor Hugo, 109 avenue Victor Hugo (16e arr.) ; le Sauna Bains Poncelet, 7 rue Poncelet (17e arr.) et surtout le Continental Opéra, 32 rue Louis Legrand, à l’angle du bd des Italiens, (2e arr.), le plus beau, le plus grand et le plus luxueux des saunas parisiens, aménagé dans les sous-sols de l’immeuble Berlitz dès les années 1970, où j’ai rencontré Antonio puis Louis-Fernando et enfin le King Night, 70 avenue de Saint-Ouen (17e arr.), un des rares établissement de bains ouverts toute la nuit, où j’ai rencontré Chedly, qui deviendra le compagnon de ma vie ! 







Inventaire n°6 : Chronologie des îles où j’ai accosté


 Toutes les îles sont belles.

 Au commencement pour moi il y eut les îles Sainte-Marguerite et Saint-Honorât, à Cannes, où nous allions nous baigner et pique-niquer en famille.

 Vers dix-sept ans, à l’occasion de mon premier séjour à Paris, je découvris l’île de la Cité et l’île Saint-Louis. Et aussi l’allée aux Cygnes.

 J’étais encore lycéen lorsque en fin de saison, après avoir travaillé tout l’été comme garçon de café, je m’offris quelques jours de repos bien mérités à Londres, en Grande Bretagne. L’année suivante, je me rendis pareillement à Venise, d’où je visitai le Lido, le cimetière marin de San Michele et l’île de Murano.

 A l’été 1974, âgé de 22 ans, je parvins à me faire embaucher, sur ma bonne mine et mon corps athlétique, comme marin, moi qui n’avait jamais navigué jusqu’alors, à bord du « Senouire ». Un élégant deux mâts de 18 mètres de long, à la coque laquée bleue outre mer, aux voiles blanches et au pont en bois de tek blond. Ce fut le début d’un beau voyage initiatique de plus de deux mois. Fin juin, avec trois autres jeunes de mon âge (deux garçons et une fille), le capitaine-propriétaire du bateau et sa compagne, nous embarquâmes au port Vauban d’Antibes, pour un long périple qui nous conduisit d’une traite à Sidi Bou Saïd, dans la baie de Tunis, ensuite jusqu’à Ágios Nikólaos, en Crête, et de là, à travers les principales îles des Cyclades, jusqu’à Bodrum, au sud de la Turquie. Au retour, nous passâmes par d’autres îles des Cyclades, visitâmes Ios, Rhode dite « l’île aux roses », longeâmes Ithaque, puis traversâmes les détroits de Corinthe et de Messine, passâmes au large des îles Lipari, de la Sardaigne et apercûmes enfin les côtes de la Corse, où je fus promptement débarqué à Bastia par le propriétaire du bateau, qui jugeait mon caractère trop insolent.

 Frais émoulu de l’école de journalisme, je fus invité à participer à un voyage de presse d’une semaine, tous frais payés, à Pointe-à-Pitre et en profitai pour sillonner la Guadeloupe de long en large.

 Avec Alec, qui me fit découvrir la France, que nous sillonnâmes en voiture dans tous les sens, je découvris l’île de Ré, qui n’était pas encore reliée par un pont au continent, et où j’attrapai mon premier coup de soleil, puis l’île de Majorque aux Baléares. Plus tard, alors que nous ne vivions plus ensemble mais étions resté amis, nous séjournâmes à Capri, où rien n’est jamais fini, et la Sicile : Palerme, Agrigente, Catane et Taormina. Nous avons séjourné plusieurs fois à Londres, l’ultime fois à l’occasion de l’entrée en fonction de l’Eurostar, que nous étrennâmes. Enfin, à l’occasion d’un week end à Paimpol, nous allâmes passer une journée dans l’île de Bréhat.

 Avec Antonio, qui me fit découvrir son pays natal, le Portugal, via Lisbonne et ses environs, je suis retourné en Corse, du côté d’Ajaccio.

 Un autre été, j’ai rejoint ma mère et la famille de mon frère Ange, dans une maison qu’il avait louée à Porto Vecchio.

 Au début du millénaire, avec Hector, nous sommes partis avec sa voiture en villégiature dans le Cotentin, d’où nous avons embarqué à Granville pour l’île de Guernesey.

 Tandis qu’avec Chedly, nous sommes partis en vacances à Djerba, puis en Corse, à Bonifacio. De là, nous allions souvent passer la journée à la plage dans les îles Lavezzi et un jour nous avons poussé une pointe jusqu’en Sardaigne. Nous sommes également allés en Grèce : Paros, Delphes, Mykonos, Santorin. Et aussi à Ibiza aux Baléares. Ou encore, durant plusieurs années, en hiver comme en été à Gran Canaria, aux Canaries. Plus récemment, à l’ile des Princes, au large d’Istanbul, puis en Thaïlande, à Kho Samui et Kho Tao. De nouveau en Grande Bretagne, afin de passer le Noël à Glasgow. Et tout dernièrement, entre deux confinements de l’année 2020, nous nous sommes rabattus prudemment sur les îles d’Or, au large d’Hyères, tout spécialement aux îles du Levant, situées à mi-chemin entre Toulon, sa ville natale, et Cannes, la mienne, où je n’étais jamais venu auparavant et me suis dis qu’il n’était pas nécessaire d’aller si loin pour retrouver le Paradis !


par Jacky Barozzi 14 juin 2025
La paysanne de Paris Native de la campagne varoise (83), Vita aime la nature. Outre ses nombreuses sorties dans le quartier et sa promenade quasi quotidienne au bois de Vincennes, elle dispose d’un petit jardin méditerranéen privé, aménagé sur le balcon en arc de cercle, qui surplombe les arbres du boulevard Soult, à l’angle de la rue de la Nouvelle-Calédonie, et ceux de la cour du lycée Paul-Valéry. Là prospèrent pas moins de deux oliviers, un figuier, un citronnier, un laurier à fleurs aux trois tons de rose, un chèvrefeuille, des lavandes…
par Jacky Barozzi 13 juin 2025
Miam miam, ce jeudi soir mes deux papas m'ont amenée à la pizzeria Momo, place Saint-Paul (3e arr.), où l'on a retrouvé leurs amis Eric et Fabrice ! La vie parisienne de Vita En bonne Parisienne, Vita adore quand l'on reçoit à la maison et encore plus quand on sort dîner en ville...
par Jacky Barozzi 11 juin 2025
Matin calme, sans aucun tram à l'horizon. Promenade hygiénique Mardi 10 juin, à l’heure du déjeuner. Rentrant du bureau de tabac et tenant son chien en laisse, un homme traverse le boulevard Soult (12e) et s’en retourne à son domicile sur le trottoir d’en face, sans savoir qu’il est observé. Vita et moi sommes nous filmés par une caméra de contrôle, depuis un drone, un hélicoptère ? Non, juste Chedly nous photographiant depuis notre balcon, avec son smartphone…
par Jacky Barozzi 10 juin 2025
Séance d'échauffement à la musique des tam tam africains de la sportive Vita au bois de Vincennes. La déesse du stade S’il ne vente, pleut, neige ou grêle, Chedly ou moi menons quotidiennement Vita au bois de Vincennes. Là, sur la large prairie jouxtant le temple bouddhiste du lac Daumesnil, elle peut se dépenser à loisir et en toute liberté durant une bonne heure ou deux. Lieu de rendez-vous des proches résidents à chien de Paris, Charenton, Saint-Moritz ou Saint-Mandé, elle y rencontre les principaux candidats susceptibles d’entrer en compétition avec elle. N’hésitant pas à aller aboyer crânement sous le nez des plus grands et des plus costauds canidés de l’assemblée et les encourager à lui courir après. Lorsqu’à la suite de quelques brefs départs et retours d’excitation et d’échauffement, l’un ou l’autre des partenaires putatifs de Vita se décide enfin à la pourchasser, on assiste alors à un double départ en trombe pour de grandes courses circulaires endiablées à travers tout le vaste espace verdoyant et herbeux environnant. Enivrée par sa propre vitesse, il lui arrive parfois de mal contrôler ses virages et de se renverser sur le dos, les quatre pattes en l’air. L’occasion pour le poursuivant d’en profiter pour la plaquer au sol et où la course à pattes se transforme en une lutte au corps à corps, déloyale et déséquilibrée. C’est alors que, ses longues jambes aux cuisses musculeuses ne lui servant plus à rien, Vita gigotant en tous sens, n’hésite pas à montrer au molosse qui la surplombe dangereusement l’entièreté de son appareillage dentaire. En appelant désespérément à l’aide l’un ou l’autre de ses deux accompagnateurs humains dont elle semble fort opportunément se ressouvenir de l'existence.
par Jacky Barozzi 9 juin 2025
Heidi 1ère. Le choix de Vita Nous avions pourtant décidé de ne jamais remplacer notre première chienne Heidi, morte la veille de sa seizième année, il y a bien longtemps maintenant. Achetée, tout juste sevrée, par Chedly dans une boutique animalière des quais de Seine, elle était arrivée par surprise chez nous, sans que je fusse le moins du monde consulté au préalable. Heidi était une adorable bâtarde de Loulou de Poméranie et de Fox Terrier et ressemblait à un renard blanc au pelage parsemé de quelques taches beiges, principalement concentrées autour de la tête. Elle était particulièrement vive, joueuse et très sociable avec les humains, qui étaient cependant priés de lui témoigner un certain intérêt, et les autres chiens, avec une nette tendance à la domination. Sinon, gare aux représailles ! Heidi était une vraie reine dans son genre. Quand, contre toute attente et prévisions, Vita est finalement entrée dans nos vies, il y a six mois, elle m’a tout de suite fait penser à Heidi, mais dans un format sensiblement plus minuscule. Même énergie, même curiosité, même tendance à vouloir tout régenter et même obsession pour la nourriture : pas question que l’on prenne tranquillement le moindre repas sans payer le quota qu’elle estime lui être dû. Après quoi seulement, elle s’en retourne à ses croquettes. Elle est pourtant toujours la première servie mais la dernière à sortir de table (ou d’écuelle) ! Ainsi était également Heidi. Au point que très vite, je me suis dis que Vita était la réincarnation d’Heidi. Mais comment, unilatéralement ou conjointement, Chedly et moi, sommes nous parvenus, quasi au premier regard, et à près de quinze ans de distance, à trouver le genre de chien (en l’occurence et sans discussion possible une chienne), qui nous convienne aussi bien ? Mystère…
par Jacky Barozzi 8 juin 2025
Vita part en croisière Elle connaissait déjà l’avion, le TGV et le RER et le tram et le bus et le métro et l’auto, mais, malgré trois séjours à la mer, elle n’avait jamais pris le bateau. C’est désormais chose faite ! Vita à l’honneur de vous annoncer qu’en ce dimanche de Pentecôte, elle est partie en croisière sur la Marne, avec ses deux papas adorés. Ce fut un agréable aller-retour entre Joinville-le-Pont et Neuilly-Plaisance d'environ trois heures par un bel après-midi printanier…
par Jacky Barozzi 3 juin 2025
Vita, la pile Duracel, qui nous use sans que l'on s'en serve ! Haute tension Est-ce un tic, est-ce un toc ? Plutôt un trop plein d’énergie. Vita est une pile qui ne s’use jamais, une cocotte minute à explosions récurrentes. Plusieurs fois dans la journée, elle a son quart-d’heure de folie. Après avoir tournoyé un temps en tentant d’attraper vainement sa queue et en aboyant, elle se lance soudainement dans une course effrénée à travers toutes les pièces de l’appartement. Reproduisant une sarabande à la circularité éclatée, en bondissant sur les canapés du salon, le lit de la chambre, replongeant aussitôt sur le parquet, slalomant entre les meubles, réduisant en accordéon les tapis rencontrés sur son passage. Ainsi, plusieurs fois à la suite. Quoi que l’on dise, quoi que l’on fasse, rien ne l’arrête, on a juste à se garer des voitures pour ne pas risquer de se la prendre de plein fouet dans les jambes. Ni Dieu ni maître, plus rien alors ne semble exister pour elle, hors l’ivresse de la vitesse ! Une vitesse aux dérapages incontrôlés qui parfois la fait se renverser, faire un tour latéral complet sur elle-même, pour aussitôt se rétablir sur ses jambes et reprendre le cours de sa danse frénétique et barbare, venue de quel instinct perdu et retrouvé ? On a plus qu'à attendre que ça passe, puis constater les dégâts du tsunami domestique qui s’est abattu sur la maison et tout remettre en place avant la prochaine séance…
par Jacky Barozzi 2 juin 2025
Devant le placard à friandise : "Sésame ouvre-toi !" Vita est une grosse vilaine Vita, de temps en temps se reçoit une petite fessée bien méritée. Mais toujours avec un journal roulé, jamais à la main, dévolue, elle, à la caresse. Il ne faut pas brouiller les messages, disent les vétérinaires. Vita a droit à sa friandise après avoir fait son pipi et son caca dehors. Cela, elle l'a bien compris et si en remontant à la maison on oublie par hasard de lui donner sa récompense, elle se pointe devant le placard à friandises, dans l’entrée, et nous regarde d’un air quémandeur, lourd de reproche. On lui dit aussi, « c’est bien », avec une caresse, ou « ça non ! », en haussant le ton, selon qu’elle fait bien ou mal. Mais le journal roulé, un gratuit pas très épais, elle le craint et le plus souvent nous avons juste à l’en menacer, pour qu’elle file à sa couche et nous tourne le dos, vexée. Pour un bref moment. Car comme tous les chiens, Vita, dotée néanmoins d'une bonne mémoire, vit l’instant présent, et n’est pas rancunière. Elle est bien vite submergée par l’affection qu’elle semble nous porter et qu’elle nous manifeste avec beaucoup d’enthousiasme à chaque fois. Notamment lorsque l’un ou l’autre d'entre nous rentre à la maison après un plus ou moins long temps d’absence. Il parait que les chiens n'ont pas vraiment la notion du temps ? Mais il faut bien avouer que Vita est, fondamentalement, une petite chienne adorable !
par Jacky Barozzi 1 juin 2025
Le narrateur et son héroïne. Les aventures de Vita Premier bain Bien que nous l’ayons emmenée plusieurs fois à la mer, Vita ne s’était jusqu’alors jamais baignée. Tout juste trempé les pieds. Hier après-midi (mardi 27 mai 2025, le lendemain de son huitième mois d’anniversaire), tandis que je la promenais dans le bois de Vincennes, elle est tombée dans la rivière et n’arrivait plus à remonter. J’ai dû la tirer en l’empoignant par son harnais. Voilà comment cela s’est passé. Parvenu dans un coin solitaire de la forêt, je l’avais détachée. Comme à son habitude, elle s’est mise à gambader partout. Curieuse et casse cou, téméraire mais pas suicidaire, elle s’était précipitée pour aller laper l’eau, plus goûteuse, de la rivière (artificielle, créée sous Napoléon III), placée quelques centimètres au-dessous du niveau du sol et bordée de gros cailloux mousseux. Malgré une approche précautionneuse, elle a glissé et plongé directement dans l’eau, plouf ! Elle n’avait plus pied et tentait, en me regardant d’un air désespéré, de grimper sur la rive en s’agrippant à la terre boueuse et reglissant aussitôt dans l’eau. Quand je l’ai retirée, elle était entièrement trempée et ressemblait à un gros rat efflanqué aux poils collés par paquets. Elle s’est violemment ébrouée et s’est roulée illico dans la terre ocre et poudreuse de l’allée jouxtant la rivière. Autant dire qu’à son retour, à la maison, à deux pas du bois, elle a eu droit à un nouveau… bain mais avec shampoing cette fois-ci !
par Jacky Barozzi 27 mai 2025
Avril en Catalogne Agréable séjour à Villanova i la Geltrú, du 2 au 23 avril 2025, avec Chedly et notre chienne Vita.