
Forville for ever !
Les Cannois véritables (qu’ils y soient nés ou ont choisi de venir y résider), ne sont-ils pas cela même qui continuent à faire leur marché à Forville ?
C’est là que demeure l’âme de Cannes, que bat le coeur de la ville, le meilleur endroit assurément pour y prendre le pouls.
Nombreux sont les Cannois à avoir connu ma petite soeur Marinette, trônant, accorte et souriante, derrière son étal, sous la grande horloge, au centre du marché.
Elle y occupait, jusqu’à sa récente retraite, un emplacement où trois générations de femmes de ma famille se sont succédées.
Parti de la région de Modène, mon aïeul, Erminio Barozzi, est arrivé à Cannes, en passant par le Piémont, dans les dernières années du XIXème siècle.
Il avait une trentaine d’années et était accompagné de sa femme et de leurs deux premiers enfants, nés en Italie.
Très vite, mon grand-père paternel cultiva des terrains du côté de la Blanchisserie, sur la route de Grasse, et sa femme commença à vendre leur production au marché Forville de Cannes.
Mes vieilles tantes Henriette et Joséphine, nées à Cannes, se souvenaient encore des bois et des campagnes qu’elles traversaient, gamines, dans la nuit, en tirant un lourd charreton de primeurs destinées à l’alimentation des Cannois.
À cette époque, le marché Forville était le cœur populaire et économique de la ville.
Il était ouvert à partir d'une heure du matin, jusqu'à 13 heures.
Les habitants de la région y achetaient tous les produits frais d'alimentation. Les hôtels et restaurants s'y approvisionnaient directement. Ainsi que les épiciers.
Ma tante Henriette, sous la grande horloge, débitait des monceaux de cagettes de courgettes, tomates, haricots, salades, pommes de terre, aubergines et autres poivrons, cueillis la veille.
En gros, durant la nuit, et au détail, dès le lever du jour.
À l’emplacement même où sa fille Marie-Jeanne lui succéda plus tard, ainsi que sa petite-fille Marise et ma petite soeur Marinette, fille de son frère cadet, Eugène Barozzi.
C’est là aussi où, après la mort subite de mon père (hiver 1961) et mon entrée au lycée Carnot, j’allais aider mon adorable et généreuse tante Henriette, sous la grande horloge, tous les dimanches matins, échappant ainsi à la messe dominicale tout en gagnant mon premier argent de poche.
Marinette au coeur du marché.

