Mise en page du blog

Jacques Barozzi et

Marie-Christine Bellanger-Lauroa




Histoire des jardins de Paris

Des Tuileries au parc de Bercy


 


 

Avant propos




     L’histoire des jardins de Paris, c’est aussi celle de l’évolution de la ville, à travers les personnages qui l’ont façonnée et les grands épisodes qui l’ont marquée, mais c’est encore celle de l’évolution de l’art des jardins, où s’expriment les grands courants de pensée et les sensibilités. Jardins classiques au tracé régulier, jardins pittoresques et anglo-chinois au dessin mouvementé, parcs haussmanniens aux paysages recréés, jardins des années 30 à la rigueur monumentale, jardins contemporains partagés entre une intégration à l’espace urbain et une incitation à l’imagination, ils offrent autant d’images et de visages de Paris qui s’enorgueillit du privilège de cette diversité. Expression du faste et de la gloire, de l’ouverture au monde, de l’émotion artistique ou de la recherche du bien-être, le jardin est un symbole, en perpétuel renouvellement, de nos croyances et de nos aspirations, que leurs auteurs ont su transcrire dans le paysage parisien pour les transmettre à la postérité. Ces pages vous invitent à les découvrir, chacun avec son histoire singulière, en partant du plus ancien, celui des Tuileries, et que soient remerciés tous ceux qui, des plus grands créateurs aux plus modestes jardiniers, nous permettent de les apprécier et de les admirer.


Vue du jardin depuis le palais des Tuileries dans la seconde moitié du XVIIe siècle. 


Le Moyen Age et la Renaissance




     Le jardin du Moyen Age est un enclos, situé à côté des bâtiments d’habitation qui sont fortifiés et centrés sur une cour intérieure. Le mot lui-même, de l’ancien français jart (début XII° siècle), dérivé du francique gard, la langue des anciens Francs, signifie clôture. Cet espace clos, replié sur lui-même, propice à la méditation et au repos, à l’imitation des cloîtres des monastères, est composé selon l’image idéale du paradis. Deux allées perpendiculaires dessinent une croix délimitant des carrés de gazon et l’eau, source de vie, est souvent présente sous la forme d’une fontaine. Une vigne, des plantes médicinales, des fleurs odorantes – lilas, aubépine –, puis des roses trémières en sont les seuls ornements. Ce jardin d’agrément, lieu privé par excellence, est totalement séparé du potager et du verger, jardins de cultures, utilitaires et également clos, désignés par le mot latin hortus.

     A Paris, l’enceinte de Charles V, sur la rive droite, englobe au XIV° siècle prés et cultures maraîchères tandis que sur la rive gauche, des pépinières entourent le couvent des Chartreux et des champs l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, au nom évocateur. Le jardin d’inspiration médiévale créé par les architectes paysagistes Eric Ossart et Arnaud Maurières (2000) autour de l’hôtel des abbés de Cluny, reconstruit à la fin du XV° siècle, qui abrite le musée national du Moyen Age, évoque à partir de sources écrites et iconographiques ces jardins médiévaux dont Paris n’a pas conservé la trace.

Le jardin d’inspiration médiévale du square de Cluny.

     A cette vision symbolique de la nature, sans rapport avec la nature elle-même qui, au-delà des murs, représente un monde hostile, va se substituer peu à peu une vision élargie, intégrant le monde extérieur que l’on découvre et que l’on apprivoise.     

     Avec la Renaissance, les murailles tombent et les demeures s’ouvrent vers l’extérieur, créant un nouvel espace, composé, ordonné, au tracé régulier associant différents éléments dont les proportions se répondent. Le paysage devient tableau et déjà, en Italie, où souvent les architectes participent au dessin du jardin, résidence et jardin sont envisagés comme un tout. Le jardin italien, organisé symétriquement, devient aussi le lieu d’un itinéraire philosophique, en référence constante à la mythologie antique, multipliant les allégories et créant une sorte de langage codé où tous les éléments – allées, grottes, fontaines, sous-bois –, jouent un rôle. Cette influence italienne est adaptée en France dans les châteaux de la Loire et à Fontainebleau.

     Dans le jardin de la Renaissance, trois caractéristiques dominent : l’espace est organisé selon un axe qui crée une perspective, l’eau est présente sous de multiples formes – fontaines, nymphées, grottes –, des zones boisées assurent la transition entre les parterres réguliers et le paysage alentour.

     Dans les parterres apparaissent de nouveaux dessins, découpes de buis et de plantes odorantes ; les arbres et les arbustes sont taillés en formes géométriques ; des labyrinthes, des dédales, des berceaux, des roseraies créent des effets harmonieux selon des rythmes savamment organisés ; des statues et des grottes, souvent aménagées sous des terrasses, viennent ponctuer l’espace. Mais le jardin, toujours clos, est limité à son extrémité, le plus souvent par une forêt et, s’il forme un ensemble avec les bâtiments, il n’est pas encore conçu par rapport à leur architecture.

     A côté de ces jardins de châteaux, il y a ceux des petites propriétés où, au XVI° siècle, le jardin d’agrément côtoie toujours le jardin utilitaire.

     A Paris, de plus en plus d’hôtels particuliers possèdent un jardin, sur lequel s’ouvre leur plus belle façade et dont le caractère décoratif s’accentue ; des arbres sont plantés en lisière, encadrant des parterres dont les broderies de buis se découpent sur un fond de sable coloré. Le jardin dessiné en 1955-1957 au pied de l’hôtel reconstruit à la fin du XV° – début du XVI° siècle pour les archevêques de Sens, offre un bel exemple de ces parterres de broderies organisés autour d’un bassin.

     A l’extérieur de la ville, jardins maraîchers, vergers, potagers et vignobles occupent la plaine et les pentes des collines.

Jardin de l'Hôtel de Sens.




Le jardin classique : XVII° et XVIII° siècles



     A l’aube du XVII° siècle, tous les éléments du jardin classique existent, ou plutôt coexistent. Le parterre de buis en est le centre, organisé de manière symétrique par rapport à la demeure devant le perron de laquelle il s’étend. Mais cette symétrie est souvent une illusion car elle est corrigée avec art pour apparaître telle à l’œil. A son extrémité, le jardin n’est plus fermé mais il se prolonge au contraire par une ouverture sur la plaine ou la campagne. C’est André Le Nôtre qui va en donner la vision d’ensemble en élaborant, à partir de l’héritage de la Renaissance, les règles strictes du jardin classique dont il codifie l’ordonnance.

   

Le Jardin classique

     Le jardin classique est assujetti à une stricte symétrie qui se développe à partir du bâtiment : dans l’axe de celui-ci s’ouvre une large perspective, déterminant d’autres perspectives qui toutes convergent vers l’élément architectural. À partir de ce plan général, rectiligne et symétrique, s’agencent tous les éléments du jardin : terrasses, qui dominent des parterres de broderies, eux- mêmes délimités et parfois traversés par des allées rectilignes, implantation de bosquets et de charmilles, le tout selon de faibles déclivités – rampes, escaliers – et de légers retraits, toujours destinés à accentuer les effets optiques et à conduire le regard au plus loin ; et, partout, l’eau joue un rôle – canaux, bassins avec jets d’eau ou bassins dormants –, afin de prolonger encore les lignes de fuite. Répartis selon un schéma bien ordonné, statues et vases monumentaux ponctuent et soulignent le plan. Tout est calcul, proportion et harmonie, avec pour résultat un ensemble d’une grande cohérence dans lequel chaque élément est indispensable. La nature est disciplinée, soumise à une ordonnance rigoureuse dont le but est un effet de perspective illimitée, dépassant les frontières du domaine dont la campagne semble être le prolongement.

                                           

     Paris à cette époque est à la campagne et l’air pur n’est jamais loin car la ville est ceinturée de jardins potagers, de vergers et de vignobles. Intra-muros, les jardins sont essentiellement privés, appartenant à des hôtels particuliers, à des congrégations religieuses ou au roi. Cependant, ils s’ouvrent parfois au public, mais sous certaines conditions et selon le bon vouloir de leur propriétaire. Aussi les Parisiens se tournent-ils souvent vers la campagne, qu’ils peuvent atteindre facilement à pied, allant parfois jusqu’au bois de Boulogne, chasse royale entourée d’une muraille dont les portes s’ouvrent pour eux dès le règne de Louis XIV mais qui n’est cependant pas aménagée pour la promenade. A Auteuil, on bâtit des maisons de campagne pour la belle saison tandis qu’à l’est, vergers et vignobles s’étendent jusqu’au parc royal de Vincennes. Quelques belles demeures s’élèvent à Bercy et dans les environs.

     Catherine de Médicis a lancé en 1564 la construction du château des Tuileries et de son jardin, qui sera entièrement redessiné par Le Nôtre en 1664. Sous Henri IV est aménagée à l’est, en bordure des remparts, la promenade plantée de l’Arsenal (1604), plantée de deux rangées d’ormes, où les Parisiens s’adonnent à un de leurs jeux favoris, une sorte de jeu de croquet appelé mail, dont le nom rappelle encore aujourd’hui l’allée bordée d’arbres que l’on réservait à son usage. En 1612, Henri IV inaugure la place Royale, future place des Vosges et première place de Paris, sur laquelle un jardin sera établi en 1682. La même année 1612, Marie de Médicis acquiert les terrains du Luxembourg dont le jardin, marqué de réminiscences de la Renaissance italienne, est aménagé en parterres de broderies par Jacques Boyceau. En 1616, la reine fait planter le long de la Seine la promenade, fermée de grilles, du Cours-la-Reine. En 1633, Guy de La Brosse crée le Jardin royal des Plantes médicinales, futur Jardin des Plantes et premier jardin de Paris à être ouvert au public. Au Palais-Royal, le premier jardin – l’actuel date de 1784 – est celui du cardinal de Richelieu qui fait élever son palais de 1634 à 1639. En 1667, au nord du Cours-la-Reine, Le Nôtre trace le Grand-Cours, devenu Champs-Élysées en 1709, comme un prolongement du jardin des Tuileries. Une pépinière royale, la pépinière du Roule, est créée en 1668 au nord-est du Grand-Cours, entre les actuelles rues du Colisée, de Berri, du Faubourg- Saint-Honoré et les Champs-Élysées, pour fournir les arbres et arbustes destinés aux jardins du roi. A partir de 1670, une promenade est aménagée sur le tracé des anciennes enceintes de Charles V et de Louis XIII, à l’emplacement des actuels Grands Boulevards, et le boulevard du Temple, planté d’ormes, devient un lieu de promenade très en vogue.




JARDIN DES TUILERIES 1564/1664

1° arr., place du Carrousel, rue de Rivoli, place de la Concorde, quai des Tuileries, M° Palais-Royal-Musée du Louvre, Tuileries ou Concorde


     Le lieu-dit « les Tuileries » tient son nom des fabriques de tuiles attestées à cet emplacement dès le XIII° siècle, les alluvions provenant des différentes terrasses creusées par les lits successifs de la Seine fournissant le limon nécessaire à la fabrication des tuiles et des briques.

     Après la disparition tragique d’Henri II en 1559, mortellement blessé au cours du tournoi donné à l’occasion du mariage de sa fille, Elisabeth de France, avec Philippe II d’Espagne, la reine Catherine de Médicis abandonne l’hôtel des Tournelles – situé à l’emplacement de la place des Vosges – qu’elle a pris en horreur et qu’elle fera raser en 1563. Elle se réfugie au Louvre mais, s’y trouvant à l’étroit et désireuse de posséder une demeure qui lui soit réservée, elle commence dès 1563 à acquérir des terres aux Tuileries où la couronne possédait déjà une maison, achetée en 1518 par François Ier pour sa mère Louise de Savoie mais occupée par des écuyers de la maison royale. Catherine de Médicis agrandit ce domaine, proche du Louvre mais situé au-delà du mur de l’enceinte de Charles V, et décide d’y faire édifier un palais qui surpasse en magnificence tous les autres.

     Les travaux débutent en 1564 sous la direction de Philibert de l’Orme et seront poursuivis après sa mort, en 1570, par Jean Bullant. Il faut imaginer le palais de Tuileries comme un alignement d’ailes et de pavillons perpendiculaires à la Seine, entre les actuels pavillons de Marsan et de Flore du Louvre, et devant lequel s’étendait, à l’ouest, le vaste espace destiné au jardin. Le palais ne fut en réalité achevé que sous Henri IV, mais les travaux des jardins furent, eux, menés à bien.

     Ce jardin, conçu en même temps que le palais, reflétait dans son tracé la symétrie de l’architecture, avec des allées d’arbres qui divisaient l’espace en compartiments rectangulaires, lesquels se répétaient de chaque côté de l’axe principal de l’habitation. Ce quadrillage régulier délimitait des parterres ayant chacun sa décoration spécifique, les broderies de buis répondant aux gazons, le potager aux colorations florales. On y trouvait en outre une fontaine, un hémicycle planté de manière à renvoyer l’écho de la voix, un labyrinthe de cyprès et une grotte ornée de poteries émaillées par Bernard Palissy dont les vestiges sont conservés par les musées de Sèvres et Carnavalet.

Il ne reste rien de ce premier jardin des Tuileries, auquel reste attaché le nom des Mollet mais aussi des Le Nôtre, deux dynasties de jardiniers qui travaillent pour le roi. Héritier du Moyen Age par ses hauts murs de clôture et ses quadrillages réguliers aux parterres variés, il était influencé également par les parcs à l’italienne mêlant en une savante ordonnance nature et ornements d’agrément. Le jardin des Tuileries est l’œuvre d’André Le Nôtre.



André Le Nôtre (1613-1700)

     Pierre Le Nôtre, son grand-père, est jardinier aux Tuileries lorsque Catherine de Médicis établit le premier jardin. Jean le Nôtre, son père, y est premier jardinier de Louis XIII. Le jeune André, formé par son père, reçoit également une éducation artistique, en peinture dans l’atelier de Simon Vouet au Louvre, et en architecture. Nommé en 1635 premier jardinier de Monsieur, frère du roi, qui réside au Luxembourg – il s’agit de Gaston d’Orléans qui héritera de ce palais à la mort de Louis XIII –, il est assuré en 1637 de succéder à son père dans sa charge des Tuileries. C’est à partir de 1649 qu’il est officiellement jardinier du roi aux Tuileries, qu’il remodèlera à partir de 1664 ; mais c’est à Vaux-le-Vicomte, où il travaille pour Fouquet de 1656 à 1661, en étroite collaboration avec l’architecte Louis Le Vau et le peintre Charles Le Brun, qu’il va donner les premières mesures de son talent, lequel éclatera à Versailles pour la plus grande gloire du Roi-Soleil. C’est en 1662 en effet, alors qu’il est nommé contrôleur des Bâtiments du roi, que la responsabilité du parc de Versailles lui échoit, mais il travaillera aussi à Clagny, Dampierre, Fontainebleau, Marly, Meudon, Saint-Cloud, Saint-Germain-en-Laye, Sceaux... Considéré comme le créateur du jardin classique, style qui va dominer l’art des jardins jusqu’au milieu du XVIII° siècle, son influence s’est étendue à toute l’Europe.     

     A la demande de Colbert, surintendant des Bâtiments du roi, Le Nôtre reprend entièrement le tracé du jardin en 1664. Il corrige la pente du terrain en aménageant les deux terrasses longitudinales qui le bordent au nord (terrasse des Feuillants) et au sud (terrasse du Bord de l’Eau) et se rejoignent à l’ouest en rampes courbes en surplomb de l’esplanade (actuelle place de la Concorde). Il élargit l’allée centrale pour créer une vaste perspective et creuse sur son parcours deux grands bassins, en accentuant les dimensions du bassin octogonal, le plus éloigné du palais, afin de le faire paraître plus proche. En partant du palais des Tuileries, dont ils sont séparés par une allée (actuel souterrain de l’avenue du Général Lemonnier), les jardins sont aménagés en Parterres avec deux petits bassins, puis c’est le vaste espace planté des Quinconces, entre le bassin rond et le bassin octogonal ; au-delà des terrasses, l’œil va se perdre vers la campagne et vers Chaillot. Ici ou là, Le Nôtre complète les effets végétaux avec la statuaire en commandant des copies d’antiques selon les pratiques alors en usage à Rome mais aussi en faisant appel à des sculpteurs contemporains comme Coysevox et Nicolas Coustou.

     Si les occupants successifs du palais des Tuileries ont apporté des modifications au jardin, aucun cependant n’a changé le majestueux dessin de Le Nôtre qui, en traçant ce jardin à la française, a donné à la capitale son premier chef- d’œuvre d’art classique (plan d'origine et plan actuel).

     Ce jardin royal, que Colbert trouva si beau qu’il voulut le réserver au roi et à sa famille, fut en réalité ouvert au public, en partie grâce à l’influence du conteur Charles Perrault, alors Premier commis du surintendant, mais probablement aussi parce que le roi et sa cour avaient déjà délaissé Paris pour Versailles.

     Les Gardes suisses, qui en avaient la charge, ouvraient les grilles chaque matin et l’on pouvait s’y promener, s’y asseoir sur les chaises disséminées ça et là et même y déjeuner dans des établissements tenus par les Gardes suisses. Cependant, si la noblesse y avait accès toute la semaine, les bourgeois n’y étaient admis que le dimanche et les soldats, les laquais et les ouvriers ne pouvaient y pénétrer que le jour de la saint Louis.

     En 1716 fut créée l’entrée ouest du jardin, du côté de l’esplanade qui sera aménagée à partir de 1748 pour devenir la place Louis-XV, actuelle place de la Concorde. Cette nouvelle entrée fut décorée en 1719 par les Chevaux ailés (1702) d’Antoine Coysevox provenant de l’abreuvoir de Marly : à droite en regardant le jardin, la Renommée, à gauche, Mercure, remplacés depuis 1986 par des moulages, les originaux étant conservés au Louvre. Les Chevaux de Guillaume Coustou, qui avaient remplacé à Marly ceux de Coysevox, furent à leur tour amenés à Paris en 1794 et installés de l’autre côté de la place de la Concorde, à l’entrée des Champs-Élysées.

     Au XVIII° siècle, la vogue du jardin des Tuileries ne se démentit pas et c’est toujours le lieu de rendez-vous des élégantes. C’est à cette époque qu’apparaît la location des chaises et l’on installe même des commodités.

     Le 1er décembre 1783, c’est des Tuileries que les aéronautes Charles et Robert s’élancent pour la première ascension en aérostat.

     La période révolutionnaire marque les Tuileries à différentes reprises. Le 10 août 1792, Louis XVI et sa famille s’enfuient du palais des Tuileries par le jardin, poursuivis par les émeutiers et un grand nombre de Gardes suisses y sont alors massacrés. Le 8 juin 1794 se déroule dans le jardin la fête de l’Etre Suprême organisée à la gloire de Robespierre et ordonnancée par le peintre Louis David. Sous la Restauration, les Tuileries constituent l’un des lieux de promenade favoris des Parisiens, ceux de la haute société se retrouvant sur la terrasse des Feuillants alors que les gens de plus modeste condition fréquentaient celle du Bord de l’Eau.

     Louis-Philippe appréciait lui aussi ce jardin puisqu’il se réserva les Parterres, c’est-à-dire la partie de jardin située juste devant le palais jusqu’au bassin rond, appelés pour cette raison « jardins réservés ». Napoléon III en fera un jardin anglais, disparu lors du réaménagement à l’occasion de la célébration du bicentenaire de la Révolution française.

     C’est sous le Second Empire que sont construits l’Orangerie (1853), au sud, et le Jeu de Paume (1861), au nord, sur les terrasses surplombant la place de la Concorde qui furent alors élargies. Transformés en musées dès le début du XX° siècle, l’Orangerie abrite notamment de très beaux Nymphéas de Monet tandis que le Jeu de Paume, rénové en 1991 par l’architecte Stinco, sert de galerie pour des expositions temporaires d’art contemporain.

     En 1871, c’est la Commune de Paris et l’incendie du palais des Tuileries dont les murs seront finalement rasés en 1882. C’est sur l’emplacement des vestiges du palais et de son avant-cour que furent créés, en 1889, les jardins du Carrousel, entre les deux ailes du Louvre, qui conservèrent l’arc de triomphe du Carrousel élevé sous Napoléon par les architectes Percier et Fontaine, ceux-là mêmes à qui l’on doit les originales façades à arcades et toitures en carène de la rue de Rivoli qui borde les Tuileries au nord.

     En août 1944, de nombreuses statues furent gravement endommagées lors des furieux combats qui précédèrent la reddition allemande.

     C’est en 1991 que commence le réaménagement des jardins des Tuileries, par Louis Benech, Pascal Cribier et François Roubaud, et du Carrousel, par Jacques Wirtz. La mise en souterrain de l’avenue du Général-Lemonnier a en effet réuni le jardin historique des Tuileries (à l’ouest du souterrain) et les jardins du Carrousel (à l’est), qui forment aujourd’hui un ensemble indissociable de plus de 28 hectares.

     Le plan général de Le Nôtre, avec ses perspectives, est conservé. Les grilles du jardin, les rampes, les bassins sont restaurés. Des pelouses sont tracées dans les anciens jardins réservés – devenus le Grand Carré – qui accueillent un très grand nombre de fleurs, et 1 300 arbres sont replantés, dont une grande partie dans les 16 bosquets de marronniers des Quinconces – rebaptisés le Grand Couvert. Un grand nombre de statues et de vases sont restaurés.

     Le jardin des Tuileries a constitué en effet, dès sa création, un écrin pour la sculpture et chaque époque y a laissé sa marque, de qualité parfois disparate, faisant de ce jardin un véritable musée en plein air de quatre siècles de sculpture. Parmi les plus anciennes figurent les Chevaux ailés de Coysevox, déjà mentionnés, et, de part et d’autre du bassin octogonal, les Fleuves, à l’ouest, et les Saisons, à l’est. Les sujets mythologiques du XVIII° côtoient la sculpture animalière du XIX° et les œuvres plus novatrices d’Auguste Rodin. La sculpture moderne a été mise à l’honneur dès 1964-1965 avec l’installation dans les jardins du Carrousel des statues monumentales d’Aristide Maillol et ce sont aujourd’hui les artistes contemporains qui prennent place dans ce cadre chargé d’histoire, parmi lesquels Jean Dubuffet, Max Ernst, Alberto Giacometti, Henri Laurens, Etienne Martin, Henry Moore, Germaine Richier et David Smith.




JARDIN DU LUXEMBOURG 1612-1625

6° arr., rue de Vaugirard, rue de Médicis, boulevard Saint- Michel, rue Auguste-Comte, rue Guynemer, RER Luxembourg


     Un camp militaire était établi à l’époque gallo-romaine dans ce faubourg de Lutèce nommé Lucotitius, – qui a donné le diminutif de « Luco » par lequel les familiers du lieu désignent volontiers le jardin.

     Au X° siècle, Robert le Pieux fit construire en ces lieux éloignés le château de Vauvert qui, abandonné, tomba vite en ruine et devint le lieu d’élection de vagabonds et autres bandits qui semaient la terreur dans le voisinage et entretenaient dans l’esprit des habitants l’idée d’un lieu hanté, et par le diable lui-même !

     Ce sont les Chartreux de l’ordre de saint Bruno qui mirent fin à la légende – dont le souvenir perdure dans l’expression « aller au diable Vauvert » – en proposant à saint Louis d’exorciser l’endroit dont ils prirent possession en 1257. Ils reçurent affluence de dons qui leur permirent d’édifier un magnifique couvent, renommé pour son potager et sa pépinière. Leur enclos s’étendait sur la partie méridionale actuelle du jardin, entre le boulevard Saint- Michel et la rue Notre-Dame-des-Champs.

     Après la mort de Henri IV en 1610, la reine Marie de Médicis, devenue régente du royaume au nom de son fils Louis XIII alors âgé de neuf ans, décida de se faire construire un palais dans le souvenir du palais Pitti de son enfance florentine. Elle acquit en 1612 l’hôtel du duc François de Luxembourg et les terrains adjacents, dans ce faubourg paisible et campagnard éloigné du Louvre qu’elle n’aimait guère, où s’élevaient de rares hôtels particuliers.

     Tout en conservant l’ancien hôtel de Luxembourg (actuel Petit-Luxembourg, résidence du président du Sénat), elle chargea en 1615 l’architecte Salomon de Brosse de lui édifier un palais à l’italienne dans lequel elle s’installa dès 1625. Elle ne devait pas y demeurer longtemps car, s’étant opposée à la politique menée par le cardinal de Richelieu, elle fut exilée à Cologne en 1631 où elle mourut en 1642.

     Le jardin fut entrepris dès 1612 et, l’année suivante, le jeune Louis XIII posait la première pierre du nouvel aqueduc d’Arcueil, destiné à amener l’eau de Rungis pour alimenter les fontaines, cascades et jets d’eau dont la reine voulait agrémenter son domaine selon la mode italienne. C’est l’ingénieur hydraulicien d’origine florentine Thomas Francine qui se chargea des travaux, menés de 1614 à 1623.

     Le terrain s’étendait alors parallèlement au palais, son extension au sud étant rendue impossible par la présence du couvent des Chartreux.

     Le dessin général en était sensiblement le même qu’aujourd’hui : dans l’axe du palais, le centre du jardin formait un jardin à la française dessinant des parterres brodés d’entrelacs de buis autour d’un bassin, rond à l’origine ; l’ensemble était encadré de terrasses plantées d’ifs et se poursuivait par des alignements géométriques d’ormes, au nombre de 2 000, entrecoupés d’allées à angle droit. Les concepteurs de ce jardin étaient Jacques Boyceau pour les

parterres, Nicolas Deschamp pour les plantations et Thomas Francine pour les terrasses et les effets d’eau. C’est probablement à lui que l’on doit la grotte qui sera transformée au XIX° siècle pour devenir la fontaine Médicis.

     André Le Nôtre, nommé premier jardinier en 1635, garda le dessin du jardin dont il remania les parterres mais c’est lui qui donna au bassin rond sa forme octogonale.

     A la mort de Louis XIII, en 1643, le palais échoit à son frère, Gaston d’Orléans, puis à la fille de ce dernier, Mademoiselle de Montpensier, dite la Grande Mademoiselle, qui s’illustra lors de la Fronde.

     La duchesse de Berry, fille aînée du régent Philippe d’Orléans, l’occupe à partir de 1715 et l’on dit qu’elle aurait fait murer les entrées du jardin pour pouvoir s’y livrer à la débauche qui l’a rendue célèbre.

     En 1778, le comte de Provence, frère de Louis XVI et futur Louis XVIII, qui loge au Petit-Luxembourg, cède 11 hectares de terrain à l’ouest (entre les actuelles rues Guynemer et Notre- Dame-des-Champs) et cette partie du jardin est alors ouverte à la promenade publique moyennant un droit d’entrée.

     Devenu bien national à la Révolution, le palais abrita d’abord une manufacture d’armes avant de devenir sous la Terreur la Maison nationale de Sûreté où furent emprisonnés Camille Desmoulins, Fabre d’Eglantine, André Chénier, Danton, les peintres Hébert et David et bien d’autres encore. La vue du jardin que David peignit alors depuis sa cellule est le seul paysage qu’il ait jamais réalisé.

     Le Directoire installe au Luxembourg son gouvernement (1795) et Bonaparte, après son coup d’Etat du 18 brumaire (1799) en fait le palais du Consulat avant de l’affecter en 1800 au Sénat.

     Le couvent des Chartreux avait lui aussi été nationalisé et il sera finalement détruit. Le jardin du Luxembourg s’agrandit du terrain des moines qui donna enfin au palais la perspective qui lui avait toujours fait défaut au sud et dont Marie de Médicis avait rêvé.

     L’architecte Jean-François Chalgrin remanie alors l’édifice (1800) pour l’adapter à sa nouvelle destination. C’est lui surtout qui, en abattant le mur de l’ancien couvent puis en traçant l’avenue de l’Observatoire (1810), donne au Luxembourg la magnifique percée qui le relie à l’Observatoire de Paris.

     Pour mieux inscrire le jardin dans ce nouvel axe, il modifie le parterre central en l’agrandissant et les terrasses qui le surplombent sont ornées de balustrades. Au-delà du jardin à la française et des alignements boisés, on créa, au sud, sur l’emplacement de l’ancien jardin des moines, une zone paysagère de pelouses et d’allées sinueuses.

     Napoléon, qui résida un temps au Luxembourg avant de le quitter pour les Tuileries, fit remplacer par des grilles les hauts murs dont Marie de Médicis avait clos sa résidence.

     Sous la monarchie de Juillet, l’architecte Alphonse de Gisors fut chargé d’agrandir le palais et il édifia à partir de 1835 un nouvel avant-corps sur le jardin, ce qui entraîna un remaniement des parterres. C’est à lui également que l’on doit la construction de l’Orangerie (1840), qui accueillera de 1886 à 1937 le musée du Luxembourg et sert aujourd’hui de salle d’exposition temporaire.

     C’est le Second Empire qui donne au jardin du Luxembourg ses dimensions actuelles – environ 23 hectares. Il est alors amputé par le percement du boulevard Saint- Michel et de la rue de Médicis à l’est tandis que la rue Auguste- Comte fait disparaître au sud l’ancienne pépinière des moines (entre la rue d’Assas et l’avenue de l’Observatoire).

     Le tracé de la rue de Médicis oblige à déplacer, en 1861, la grotte de Francine qui fermait jusqu’alors le jardin à l’est. Elle fut transformée en fontaine et c’est la fameuse fontaine Médicis, précédée d’un long bassin rectangulaire et encadrée de deux rangées de platanes. Elle reçut en 1866 son groupe sculpté par Auguste Ottin qui représente Polyphème sur le point d’écraser Acis et Galatée sous un rocher ; de part et d’autre sont représentés Diane et Pan.

     Cependant cette grotte devenue fontaine n’avait pas été conçue pour que l’on voie sa partie arrière et, en 1864, Alphonse de Gisors lui adossa la fontaine du Regard, élevée sous l’Empire à l’emplacement du carrefour Saint-Placide et qu’il fallut déplacer lors de l’ouverture de la rue de Rennes. Le bas-relief figurant Léda et son cygne avait été sculpté par Achille Valois (1807), alors que les deux naïades couchées aux rampants du fronton sont dues à Jean-Baptiste Klagmann (1864).

     C’est à cette époque que disparaissent les ormes de Marie de Médicis, remplacés par les alignements de marronniers, tilleuls et platanes.

     En 1890 est élevé le monument à Eugène Delacroix par Jules Dalou. Cette fontaine, placée en bordure des jardins réservés du Sénat, entre Grand et Petit-Luxembourg, rappelle que Delacroix avait décoré en 1847 la bibliothèque du Sénat.

     De nombreuses statues ont pris place tout au long du XIX° siècle dans le jardin et c’est en tout une centaine de sculptures qui parsèment ses pelouses et ses allées. Les statues des Dames de France sont installées sur la terrasse de 1845 à 1850 à la demande de Louis-Philippe et ce furent ensuite les poètes, artistes et hommes de science qui furent mis à l’honneur ici ou là.

      C’est le XIX° siècle également qui installe au Luxembourg diverses attractions destinées notamment aux enfants. Le manège de chevaux de bois, réalisé en 1879 sur les plans de Charles Garnier, fut suivi en 1881 par un premier théâtre de marionnettes (l’actuel date de 1933).

     Le jardin du Luxembourg fut prisé de tout temps par les artistes et les écrivains. Au XVIII°, Watteau s’en inspira pour ses peintures tandis que Diderot et Rousseau aimaient à s’y promener. Baudelaire, Lamartine, Musset, Verlaine ou Hugo au XIX°, Gide ou Hemingway plus près de nous l’appréciaient également. Aujourd’hui, ce sont les étudiants du proche Quartier latin qui s’y retrouvent, côtoyant les familles du quartier dont les enfants l’animent de leurs rires et leurs jeux.

     Jardin à la française devant le majestueux dôme du palais, jardin à l’anglaise inspirant à la flânerie romantique en bordure des rues Guynemer et Auguste-Comte, le jardin du Luxembourg n’a rien oublié de la tradition horticole des Chartreux qui se perpétue dans les cours d’arboriculture dispensés à l’emplacement même de l’ancien verger des moines. Le rucher-école de la Société centrale d’apiculture, fondé en 1856 dans la pépinière disparue lors des travaux d’Haussmann, a été rétabli en 1872 et reconstruit en 1991. L’orangerie abrite près de 200 plantes en caisse parmi lesquelles des bigaradiers (oranges amères) dont les plus anciens sont âgés de 250 à 300 ans et les serres conservent l’une des plus anciennes collections d’orchidées d’Europe, dont les origines remontent à 1838, représentant 11 000 pieds de 1 600 espèces ou hybrides différents.




JARDIN DES PLANTES 1633

5° arr., place Valhubert, rue Buffon, rue Geoffroy-Saint- Hilaire, rue Cuvier, M° Gare-d’Austerlitz, Jussieu ou Place-Monge



     C’est en 1614 que Guy de La Brosse, médecin ordinaire de Louis XIII, soumet à Jean Héroard, Premier médecin du roi, son projet de création d’un jardin où l’on cultiverait « toutes sortes d’herbes médicinales ». Il faut dire que les travaux des botanistes du XVI° siècle avaient attiré l’attention sur cette science nouvelle. Après la création du Jardin des plantes de Montpellier, en 1593, qui est le premier fondé en France, Henri IV et Sully songèrent à en établir un semblable à Paris qui possédait seulement un petit jardin de simples planté par l’apothicaire Nicolas Houel pour l’école des Apothicaires de la rue de l’Arbalète.

     L’édit de fondation du «Jardin royal des plantes médicinales » est promulgué en 1626 mais il reste encore à lui trouver un emplacement ! C’est Guy de La Brosse qui, en 1633, s’occupe de l’acquisition d’un vaste terrain, le clos Coypeau, situé au sud de l’abbaye Saint-Victor.

     D’une surface représentant environ le quart de sa superficie actuelle (qui est de 24 hectares), le jardin est séparé de la Seine par un entrepôt de bois et bordé de l’autre côté (vers l’actuelle rue Geoffroy-Saint-Hilaire) par des buttes artificielles faites de détritus et de gravats de construction.

     Guy de La Brosse s’attache immédiatement à aménager cette propriété royale, dont il est nommé intendant en 1635, pour en faire une école de botanique et d’histoire naturelle. L’espace est compartimenté en quatre zones distinctes, séparées par deux allées se coupant à angle droit. L’on y cultive des plantes usuelles, des arbres fruitiers, des arbustes et des plantes aquatiques. Sur les pentes des buttes artificielles qui bornent le jardin, Guy de La Brosse aménage un labyrinthe.

     En 1636, Vespasien Robin, démonstrateur en botanique, plante le robinier ou faux-acacia à partir d’un rejet dont son père Jean Robin, chargé du Jardin du roi dans l’île de la Cité (emplacement de la place Dauphine), se serait procuré les graines par l’intermédiaire d’un pépiniériste anglais. Le robinier du Jardin des plantes fut longtemps le deuxième plus vieil arbre de Paris, après le robinier du square René-Viviani planté vers 1601 par Jean Robin. Il est aujourd’hui mort et il ne reste qu’un tronc avec des rejets (extrémité ouest de la galerie de botanique) mais celui du square René-Viviani, avec ses 20 mètres de hauteur et ses 4 mètres de circonférence, existe toujours, soutenu par des étais.

     Dès 1640, le jardin est ouvert au public et, à la mort de son fondateur, l’année suivante, il compte 

1 800 plants différents.

     C’est désormais le « Jardin du roi », développé à partir de 1693 par Fagon, Premier médecin de Louis XIV, puis par le botaniste Tournefort, qui plante l’érable de Crète en 1702 (labyrinthe, côté bibliothèque), et les trois frères de Jussieu qui parcourent le monde à la recherche de nouvelles espèces rares. C’est ainsi que Bernard de Jussieu rapporta d’Angleterre, en 1734, deux cèdres du Liban dont l’un subsiste sur les pentes du grand labyrinthe ; c’est lui aussi qui plantera en 1747 le premier pied de Sophora, qui provenait de Chine (devant la galerie de minéralogie). Entre 1732 et 1739 sont créées les premières serres chaudes françaises, pour abriter des plantes exotiques.

     Nommé intendant du Jardin du roi en 1739, Georges- Louis de Buffon le restera jusqu’à sa mort, en 1788. Il sut s’entourer des meilleurs savants, parmi lesquels les naturalistes Louis Daubenton (une colonne signale sa tombe près du sommet du labyrinthe) et Jean-Baptiste de Lamarck et le botaniste Antoine-Laurent de Jussieu, neveu des trois frères. Pour le jardin, il s’adjoignit les services d’André Thouin, nommé jardinier en chef en 1764, et pour la construction des bâtiments, ceux de l’architecte Edme Verniquet. C’est sous la direction de Buffon que le Jardin du roi va connaître son plus bel essor.

     L’intendant y habite, dans la maison dite « de Buffon » située dans l’angle sud-ouest du jardin (actuelle librairie).

     



Maison de l'intendant Buffon.



     Buffon agrandit le terrain par des achats successifs et il s’étendra désormais jusqu’à la Seine, ayant plus que doublé sa superficie initiale. C’est à cette époque qu’est acheté (1787) l’ancien hôtel de Magny, aujourd’hui pavillon de l’administration.

     En 1786, Verniquet construit le Belvédère qui surmonte le labyrinthe. Appelé « gloriette de Buffon » car son armature de fer avait été fabriquée à Montbard, dans les forges appartenant à Buffon, c’est la plus ancienne construction en métal conservée à Paris.

     Verniquet débute en 1787 la construction du grand amphithéâtre qui, inachevé, sera modifié en 1794 par Jacques Molinos.

     



Le jardin des Plantes vers 1788.



     Buffon, qui a enrichi d’une manière considérable les collections du Cabinet d’histoire naturelle, a fait du Jardin du roi un grand foyer de science, où les plus grands savants possèdent leur chaire d’enseignement. Cet établissement joue en effet un rôle éminent en ce XVIII° siècle où les sciences, l’histoire naturelle en particulier, sont tellement en faveur.

    Parmi les espèces les plus remarquables implantées à cette époque figurent notamment le pin de Corse planté par Antoine-Laurent de Jussieu en 1784 (parterre de l’école de botanique), le platane hybride planté par Buffon vers 1785 (vers l’entrée de l’angle Cuvier/Geoffroy-Saint-Hilaire), le marronnier d’Inde planté par Thouin en 1785 (près du pavillon de l’administration), le platane d’Orient planté par Buffon en 1785 (non loin du grand amphithéâtre) et l’arbre de Judée planté par Buffon vers 1785 (en bordure de l’allée Cuvier, côté place Valhubert).

   



Le belvédère métallique de Verniquet, au sommet du labyrinthe.

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     Par décret de la Convention, l’ancien Jardin du roi devient en 1793 le Muséum national d’Histoire naturelle, placé sous la direction de Bernardin de Saint-Pierre, dont le monument par Louis Holweck (1907) se dresse non loin du pavillon de l’administration. Les collections de plantes de Buffon sont heureusement sauvegardées mais le champ des recherches s’étend désormais aux minéraux, aux fossiles et aux squelettes d’animaux. L’on y dispense un prestigieux enseignement pour lequel douze chaires sont créées.

     

L'entrée de la Ménagerie.



     Une ménagerie est implantée en 1793 avec les animaux confisqués aux forains, qui s’étaient vus interdire l’exhibition d’animaux vivants sur les places et dans les rues de Paris, et ceux provenant de l’ancienne ménagerie royale de Versailles, pour lesquels l’architecte Molinos élève de 1802 à 1812 la rotonde en brique et pierre située au centre de l’actuelle ménagerie. L’arrivée spectaculaire, en 1827, de la girafe offerte à Charles X par le pacha d’Egypte Méhémet Ali ranimera d’ailleurs l’intérêt du public pour ce jardin qu’il avait alors quelque peu déserté.

    En 1833, Charles Rohault de Fleury est nommé architecte du Muséum. Il élève le long bâtiment en pierre de la galerie de minéralogie (1833-1841) et les deux serres chaudes carrées à armature métallique (1834-1836), les plus anciennes conservées en France, qui accueillent les plantes australiennes et mexicaines.

   



Le Muséum dans son écrin de verdure et de fleurs.



     Il avait le projet d’agrandir l’ancien Cabinet d’histoire naturelle du XVIII° pour en faire une galerie de zoologie, mais c’est l’architecte Jules André qui la construira de 1877 à 1889. C’était la construction la plus importante du jardin, celle qui devait affirmer clairement l’ambition du Muséum d’être « le musée » des sciences naturelles, à l’instar du Louvre pour les arts. C’est désormais la Grande galerie de l’évolution, entièrement remaniée intérieurement par les architectes Paul Chémétov et Borja Huidobro en 1994.


     

Une évolution de la galerie pour la Galerie de l'évolution !




    La galerie de paléontologie construite par Ferdinand Dutert en brique et métal vint remplacer en 1894-1895 l’ancienne galerie d’anatomie comparée de la rue Cuvier devenue trop petite.

    La galerie de botanique (1930-1935) de l’architecte Chaussemiche est célèbre dans le monde entier pour son herbier qui contient 7 millions et demi de spécimens.

     Une nouvelle bibliothèque a été élevée en 1963 par l’architecte Henri Delaage pour remplacer celle qui prenait autrefois place dans le bâtiment de la galerie de minéralogie. Datant de la création du jardin, cette bibliothèque, modeste à l’origine, s’était surtout enrichie grâce aux confiscations révolutionnaires, puis tout au long du XIX° siècle.

   




     Avec son jardin botanique, dans l’axe de la place Valhubert, traité à la française, ses deux beaux mails de platanes taillés en rideau, les allées sinueuses de ses ménageries, son insolite jardin alpin, son romantique labyrinthe, le Jardin des plantes offre une grande diversité d’atmosphères et de paysages, ponctués parfois par de belles sculptures, parmi lesquelles le Dénicheur d’oursons 

par Emmanuel Frémiet (début XX°) dans l’allée Brongniart et Nymphe chevauchant un dauphin 

par Joseph Félon (1863) à l’entrée de la ménagerie côté rue Geoffroy-Saint-Hilaire. Aux arbres remarquables déjà cités, il faut ajouter les thuyas d’Orient rescapés d’une haie arrachée vers 1670 (labyrinthe, côté rue Geoffroy-Saint- Hilaire), le pistachier planté avant 1716 (jardin alpin), le chêne Vélani planté en 1815 (angle des allées de Jussieu et Cuvier) et l’arbre aux Quarante écus planté par Decaisne vers 1870 (entre la galerie de paléontologie et le jardin d’iris).

    De simple jardin « d’herbes médicinales », le Jardin des plantes est devenu en quatre siècles un haut lieu des sciences naturelles, avec ses laboratoires de recherche, ses vingt-cinq chaires d’enseignement et des collections réputées dans le monde entier.





JARDINS DES CHAMPS-ELYSEES 1667

8° arr., place de la Concorde, Cours-la-Reine, avenue Franklin-D.-Roosevelt, avenue Matignon, avenue Gabriel, M° Concorde, Champs-Elysées-Clemenceau, Franklin-D.- Roosevelt


     

     Au début du XVII° siècle, il n’y avait là que des terres de cultures, à l’exception d’une longue allée bordée de quatre rangées d’ormes et entourée de grilles qui, des Tuileries à l’actuelle place de l’Alma, longeait la Seine et la route qui menait à Versailles. C’était le Cours-la-Reine, créé en 1616 par Marie de Médicis pour servir à la promenade en carrosse, que l’on n’ouvrait au public qu’en l’absence de la Cour.

     En 1667, André Le Nôtre trace une avenue, plantée d’une double rangée d’ormes et bordée d’arbres en quinconces, destinée à prolonger la perspective de l’allée centrale du jardin des Tuileries qu’il remodèle entièrement depuis maintenant trois ans. C’est le Grand-Cours, ainsi nommé pour le différencier du Cours-la-Reine, qui s’achève au rond-point dessiné par Le Nôtre.

     Il s’agissait en fait, dans l’esprit de Colbert, de doter le palais des Tuileries d’un vaste parc qui prolongerait le jardin. Il s’étendrait au sud jusqu’au Cours-la-Reine et serait borné, de l’autre côté du Grand-Cours, selon un dessin symétrique. Toutefois il fut impossible d’acquérir au nord les terrains nécessaires et, dès le début du XVIII° siècle, la rue du Faubourg-Saint-Honoré vit s’élever de beaux hôtels particuliers dont les jardins jouxtaient la propriété royale.



Le Grand-Cours dessiné par Le Nôtre.



     En 1709, le Grand-Cours fut rebaptisé Champs- Élysées, en référence à la mythologie gréco-romaine qui désignait ainsi le séjour dans l’au-delà des âmes des héros.

     Au cours des années suivantes, les Champs-Élysées seront prolongés jusqu’à la butte de Chaillot (butte de l’Etoile) et enfin, vers 1770, jusqu’au pont de Neuilly. Cette partie de l’avenue des Champs-Élysées, située au-delà du rond-point, sera lotie, alors que la partie qui nous intéresse, entre la Concorde et le rond-point, est toujours restée végétale.

     Vers 1765, le marquis de Marigny, surintendant des Bâtiments du roi, replante entièrement le jardin et trace de nouvelles allées, conservant cependant l’esprit de jardin à la française cher à Le Nôtre. Auberges et buvettes, jeux de paume et de boules contribuent dès cette époque à l’animation et au succès des lieux. Cependant, si les jardins des Champs-Élysées constituent une promenade publique très fréquentée dans la journée, ils demeurent déserts et peu sûrs dès la nuit tombée.

     A la Révolution, les jardins, propriété de la couronne, deviennent bien national. En 1794, les Chevaux de Marly du sculpteur Guillaume Coustou (1745), qui avaient été commandés en remplacement de ceux de Coysevox déjà placés à l’entrée des Tuileries, furent à leur tour ramenés à Paris et installés à l’entrée des jardins des Champs-Élysées. Des moulages les remplacent aujourd’hui, les originaux, en marbre, ayant été mis à l’abri de la pollution et des intempéries au musée du Louvre.

     



Plan actuel des jardins des Champs-Élysées.



     Sous le Directoire (1795-1799), on élargit l’allée centrale et les buvettes deviennent peu à peu d’élégants cafés comme celui des Ambassadeurs, ou encore le joli restaurant ouvert en 1800 qui, reconstruit, deviendrait plus tard célèbre sous le nom de Ledoyen.

     De 1814 à 1816, les Alliés occupent Paris et installent une partie de leur campement dans les jardins des Champs- Élysées. Les dégâts furent tels que les travaux de remise en état se poursuivirent jusqu’en 1819 et que tous les arbres durent être remplacés. Disparurent ainsi les gazons et toutes les plantations, y compris les ormes centenaires.

     A partir de 1828, la « promenade des Champs-Élysées » est concédée à la Ville, à charge pour elle d’en assurer l’entretien. Les travaux d’embellissement, confiés à l’architecte Jacques-Ignace Hittorff, sont menés pour l’essentiel entre 1836 et 1840. On voit alors apparaître

trottoirs et candélabres en fonte, alimentés au gaz.

     De part et d’autre des Champs-Élysées, Hittorff distribue l’espace en « carrés », avec au nord, côté Concorde, le carré des Ambassadeurs, puis celui de l’Elysée (carré Marigny) et, au sud, le carré du Géorama (carré Ledoyen), puis le carré des Fêtes.

     





     Des bâtiments élevés par Hittorff subsistent, remaniés, les restaurants Laurent au nord (1842) et Ledoyen au sud (1848), ainsi que quatre fontaines : la fontaine des Ambassadeurs, dédiée à Vénus, sculptée par Francisque-Joseph Duret ; la fontaine, très simple, dédiée à l’Elysée ; la fontaine du Cirque (dans le carré Marigny), dédiée aux Saisons, sculptée par Jean- Auguste Barre ; enfin la fontaine Ledoyen, dédiée à Diane, sculptée par Louis Desprez. Ont disparu en revanche le Panorama (1838) et le cirque d’Eté (1841), que leur couverture métallique avaient rendus célèbres.

     Les panoramas, ces assemblages de toiles peintes entourant de toutes parts le spectateur en lui donnant l’illusion de se trouver au cœur même du paysage, connurent un très grand succès. Celui de Hittorff, qui ne dérogea pas à la règle, fut intégré dans le palais de l’Industrie, construit en 1855 pour la première Exposition universelle parisienne, et démoli l’année suivante.

     Le cirque d’Eté, qui prenait place dans le carré Marigny, connut lui aussi un succès considérable et fut démoli vers 1900.

   





     C’est le Second Empire qui transforma la promenade des Champs-Élysées pour en faire, sous la direction de l’ingénieur Jean-Charles Adolphe Alphand, les jardins anglais que nous connaissons. Corbeilles de fleurs, massifs d’arbustes et pelouses vallonnées vinrent alors rompre la géométrie des plantations d’alignements, qui furent cependant sauvegardées en bordure de l’avenue centrale. 

     C’est alors que les Champs-Élysées – jardins et avenue – devinrent l’endroit à la mode qui avait toutes les faveurs de la haute société.

     De cette époque date le Panorama construit par Gabriel Davioud (1858) pour remplacer celui de Hittorff. Devenu Palais des glaces en 1894 (il abritait une patinoire), il fut transformé pour devenir en 1980 le théâtre du Rond-Point.

     Quant au Panorama construit par Charles Garnier en 1883, il fut d’abord transformé en music-hall avant de devenir en 1925 le théâtre Marigny.

   




     C’est sur l’emplacement de l’ancien carré des Fêtes que furent construits, en vue de l’Exposition universelle de 1900, le Grand et le Petit Palais. Le premier, qui abrite les Galeries nationales du Grand Palais, accueille aussi, dans sa partie ouest, le Palais de la Découverte, tandis que le Petit Palais renferme des collections appartenant à la Ville.

     En 1929 fut démoli le café-concert des Ambassadeurs qui laissa place au théâtre des Ambassadeurs, aujourd’hui occupé par l’Espace Pierre Cardin.

     Le théâtre de Guignol, proche de l’avenue Matignon, créé en 1818, a été sauvegardé, tout comme les petits éventaires dessinés par Hittorff qui égrènent le parcours tout au long de l’avenue et se parent aux beaux jours de marchandises multicolores. Et les abords du théâtre Marigny accueillent trois fois par semaine un célèbre marché aux timbres.

     





     De l’autre côté de l’avenue de Marigny, le sculpteur Georges Jeanclos a élevé en 1984 les 5 stèles de l’Hommage à Jean Moulin. Un peu plus loin, presque en face de la Grille du Coq du palais de l’Elysée, la statue en bronze à la mémoire de Georges Pompidou, par Louis Derbré (1984), frappe le passant par sa stature imposante (4 mètres de haut) et sa facture très stylisée. De l’autre côté de l’avenues des Champs-Elysées, la statue en bronze de Clemenceau par François Cogné (1932), a reçu pour vis-à-vis, en bordure de l’avenue qui porte son nom, celle de Winston Churchill (1999) par Jean Cardot, qui signe également l'impressionnant monument en hommage à Charles de Gaulle (2000).

     Mentionnons enfin le Bouquet de Tulipes de Jeff Koons, inauguré en octobre 2019, juste derrière le Petit-Palais.






SQUARE LOUIS-XIII 1682

4° arr., place des Vosges, M° Bastille, Chemin-Vert ou Saint-Paul-Le Marais



     A cet emplacement se trouvait le parc de l’hôtel des Tournelles, bâti au milieu du XIV° siècle et acquis au début du XV° par Charles VI qui en fit la résidence parisienne des rois. Après la mort accidentelle d’Henri II en 1559, qui provoqua le départ de Catherine de Médicis pour le Louvre et sa décision de faire bâtir le palais des Tuileries, l’hôtel royal des Tournelles fut démoli en 1563. Le terrain, laissé à l’abandon et devenu le lieu de rendez-vous des duellistes, vit s’installer à partir de 1585 un important marché aux chevaux. Henri IV, qui s’attachait à moderniser et embellir la capitale où il avait fait son entrée en 1594, décida en 1604 d’y construire une place publique, dont le côté nord serait occupé par la manufacture de soie qu’il voulait créer pour concurrencer celle de Milan, et les trois autres côtés seraient destinés au logement des marchands et ouvriers du drap.

     Par lettres patentes de 1605, le roi fixait les modalités de construction des pavillons, comportant à l’identique deux étages en brique et pierre sur arcades formant une galerie pour la promenade et l’installation de commerces. Ces pavillons étaient donnés en concession à des particuliers, le roi se réservant néanmoins l’aile sud, qu’il n’habitera jamais. La manufacture royale, qui occupait le côté nord, ne rencontra pas le succès escompté et périclita rapidement. Aussi fut-elle démolie dès 1607 et des pavillons identiques à ceux des trois autres côtés élevés à sa place en 1609.

     On ne connaît pas avec certitude le nom de l’architecte de cette place, la première de Paris, peut-être Claude Chastillon, qui en a laissé une gravure. Le rythme des trente-six pavillons est seulement rompu par les pavillons dits du Roi au sud et de la Reine au nord, légèrement plus élevés.

     La place Royale fut inaugurée par le grand carrousel donné en 1612, deux ans après la mort d’Henri IV, à l’occasion du double projet de mariage de Louis XIII avec Anne d’Autriche et de sa sœur, la princesse Elisabeth, avec l’infant d’Espagne, futur Philippe IV.



Place Royale, 1612. Musée Carnavalet, Paris, anonyme.



     Habitée dès cette époque par la haute aristocratie, la place Royale sera ensuite quelque peu délaissée lorsque la Cour suivra Louis XIV à Versailles ; y resteront fidèles, cependant, la noblesse de robe et la haute finance.

     La place Royale était alors en réalité un vaste espace sablé, entouré d’une barrière de bois. En 1639, le cardinal de Richelieu y fait ériger une statue équestre de Louis XIII : le cheval, en bronze, avait été commandé dès 1559 à l’italien Daniel de Volterra par Catherine de Médicis, qui voulait dédier un monument à son défunt mari Henri II ; le cavalier fut confié par Richelieu au sculpteur Pierre Biard.

     En 1682, les riverains obtiennent de Louis XIV l’autorisation de remplacer, à leurs frais, la vieille barrière de bois par une grille en fer forgé. Dans le même temps, la municipalité aménageait, à l’intérieur de ces grilles, un jardin à la française composé de pelouses traversées par des allées se coupant à angle droit selon les lignes médianes et diagonales du carré.

     Si l’année 1682 marque la naissance du jardin, les premiers arbres, deux rangées de tilleuls, ne seront plantés qu’en 1783 à la demande des riverains.

     A la Révolution, la place devient un champ de manœuvre ; gravier et sable remplacent le gazon tandis que la statue en bronze de Louis XIII est envoyée à la fonte en 1792.

     Place des Fédérés en 1792, de l’Indivisibilité en 1793, l’ancienne place Royale devient place des Vosges en 1800, pour récompenser ce département qui fut alors le premier à s’acquitter de ses

impôts.

     Une fontaine, par Girard, est installée en 1811 au centre du jardin, à l’emplacement qu’occupait l’effigie de Louis XIII. Cette fontaine disparut à son tour en 1829 lorsque la monarchie, de retour au pouvoir, la remplaça par une nouvelle statue équestre de Louis XIII, en marbre, par Louis Dupaty et Jean-Pierre Cortot.



Louis XIII, le retour.



     Entre-temps, en 1825, quatre fontaines, par Ménager, avaient pris place au centre de chacune des pelouses carrées composant le jardin.

     Quant à la grille d’époque Louis XIV, très abîmée, elle fut enlevée en 1835 et une nouvelle grille prit sa place en 1839.






     Les tilleuls furent remplacés en 1870 par une double rangée d’ormes, lesquels, malades, disparurent à leur tour en 1976 au profit des trois rangées de tilleuls qui ornent aujourd’hui le square, baptisé square Louis-XIII cette année-là. Pour avoir une vue d’ensemble sur la place et ses hôtels, qui accueillirent nombre d’illustres personnages, il suffit d’aller visiter le discret musée Victor-Hugo, installé au n° 6, dans la maison où il vécut de 1832 à 1848.





     Au début du XVIII° siècle, la noblesse qui a quitté Versailles après la mort de Louis XIV (1715) s’installe dans les hôtels particuliers avec jardin du faubourg Saint-Germain et du Marais et, plus au nord, à proximité des actuels Grands Boulevards.

     Les promenades publiques sont encore peu nombreuses, l’Arsenal à l’est, les Boulevards, le quai de la Seine entre le palais du Louvre et le Pont-au-Change ; quant aux jardins royaux, ils sont toujours fréquentés. D’une manière générale, les rues et les places ne sont pas plantées. A la périphérie s’étendent de vastes jardins privés appartenant pour la plupart à des communautés religieuses. Les Parisiens vont volontiers dans la campagne encore proche qui entoure la capitale. Là, autour des châteaux princiers ou privés comme La Muette, Bagnolet, Bercy, s’étendent de beaux parcs, inaccessibles. Composés comme des jardins classiques, avec terrasses, allées rectilignes, bassins et parterres de broderies de buis, ils s’agrémentent d’ormes, de tilleuls et de charmes, taillés en rideaux ou en boule et, depuis peu, de marronniers et d’acacias communs. Les jardins des simples particuliers sont surtout des potagers et des vergers mais ils adoptent le même schéma géométrique, au décor régulier formé non pas de fleurs mais de légumes.

     





     Alors que la pépinière du Roule est vendue en 1720 pour être lotie et remplacée par une nouvelle située plus au nord, entre les actuelles rues La Boétie et de Courcelles et le boulevard Malesherbes, l’esplanade des Invalides est tracée la même année devant l’Hôtel royal construit sous Louis XIV dans la plaine de Grenelle ; peu après est créé non loin le premier jardin de l’hôtel particulier qui abrite aujourd’hui le musée Rodin. En 1731 est opéré un reboisement complet du bois de Vincennes, réserve de chasse royale entourée de murailles mais les jardins dessinés devant le château vont s’ouvrir au public. La place Louis-XV, future place de la Concorde, est aménagée en 1748 pour relier les Tuileries et les Champs-Élysées. L’Ecole Militaire est fondée en 1751 et devant elle est bientôt tracé le Champ-de-Mars, qui ne sera transformé en jardin que dans les premières années du XX° siècle.






ESPLANADE DES INVALIDES 1720

7° arr., quai d’Orsay, place des Invalides, rue de Constantine, rue Fabert, M° Invalides



     Deux édits, de 1670 et 1674, portèrent fondation de l’hôtel royal des Invalides, destiné à accueillir les soldats blessés au service du roi de France. En effet, il n’existait auparavant aucun établissement pour les recevoir et, le plus souvent réduits à la mendicité, ils trouvaient refuge dans les couvents.

     La construction de l’hôtel des Invalides est l’œuvre de l’architecte Libéral Bruant, qui y travailla de 1671 à 1676. Les travaux furent ensuite poursuivis par Jules Hardouin-Mansart à qui l’on doit le célèbre Dôme, achevé seulement en 1706.

     En ce milieu du XVII° siècle, la plaine de Grenelle, choisie par Colbert pour recevoir cette institution qui contribuerait à la gloire du Roi-Soleil, n’était qu’une vaste zone de cultures, de jardins, de vergers et de prés, située à l’extérieur de Paris, à l’extrémité ouest du faubourg Saint-Germain. Appartenant pour partie à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés et, pour un grand nombre de parcelles, à des propriétaires privés, des terrains furent acquis pour dégager un vaste espace tout autour de l’hôtel des Invalides et tracer les avenues qui l’entourent. Cette plaine, encore déserte et longée de chaque côté par une allée, ne fut guère entretenue et servait d’ailleurs de «pré pour la promenade ».

     En 1704, l’esplanade fut dégagée devant les Invalides jusqu’à la rue de l’Université puis, en 1720, jusqu’à la Seine. C’est à cette date que l’architecte Robert de Cotte en donna les dessins : six grandes pièces de gazon bordées d’arbres disposés en quinconces. Ce furent dix rangées d’ormes qui furent ainsi plantées, parallèlement à l’hôtel des Invalides. Le terrain descendait en pente douce vers les berges de la Seine et deux vastes hémicycles furent aménagés aux abords du fleuve.

     






     

     En 1740, puis en 1802, l’Esplanade fut en grande partie inondée par des crues de la Seine et, en 1812, pour éviter ces débordements, les berges seront aménagées en quais, ce qui n’empêchera pas une nouvelle crue en 1910.

     L’Esplanade des Invalides, qui avait déjà accueilli en 1806 l’Exposition des produits de l’Industrie française, vit à nouveau s’élever des bâtiments pour l’Exposition universelle de 1889. Mais c’est celle de 1900 qui apporta le plus de transformations, avec la construction de la gare des Invalides à partir de 1898 et surtout celle du pont Alexandre-III, qui ouvrait désormais une vaste perspective dans le prolongement de l’allée centrale de l’Esplanade et conduisait le regard vers le Grand et le Petit Palais inaugurés dans les jardins des Champs-Élysées pour cette Exposition.

     






     Tous ces chantiers successifs avaient endommagé l’Esplanade et ses plantations et l’endroit était même devenu dans les années 1960, un vaste parc de stationnement à ciel ouvert ! Aussi fut-il décidé, à la fin des années 1970, de redonner à ce site un dessin digne de l’architecture qui l’entoure, avec six vastes espaces plantés de gazon répartis de chaque côté de l’avenue du Maréchal-Galliéni, des mails plantés de tilleuls argentés et la création d’un vaste hémicycle devant l’entrée de l’ancien hôtel royal.







     Jardin de l’Intendant 1980

    7° arr., place Vauban M° Ecole-Militaire

    Situé dans la partie sud-ouest de l’hôtel des Invalides, côté église du Dôme, ce jardin a été restauré en 1980 selon les plans du XVIII° siècle, dus à Robert de Cotte. Un vaste bassin central entouré d’allées et des pelouses soulignées de plates-bandes fleuries, de bordures de buis et d’ifs taillés en pointe composent ce beau jardin classique bordé par un mail de tilleuls. On y a placé une statue en bronze de Jules Hardouin-Mansart, l’architecte du Dôme, par le sculpteur Ernest Dubois.




JARDIN DU MUSEE RODIN 1728-1730

7° arr., 77, rue de Varenne, M° Varenne. Entrée payante sauf pour les enfants et les adultes qui les accompagnent


     Le bel hôtel particulier qui abrite le musée Rodin fut construit par Jean Aubert de 1728 à 1730 pour le financier Abraham Peyrenc de Moras, qui s’était enrichi au moyen du système Law, sur des terrains situés en lisière du faubourg Saint-Germain. C’est cependant Louis-Antoine de Gontaut- Biron, maréchal de Biron, qui a laissé son nom à l’hôtel dont il fut propriétaire de 1753 à 1788. L’hôtel était célèbre pour ses jardins, qui occupaient environ le double de la surface actuelle. Les parterres à la française du premier jardin furent remplacés par un jardin anglo-chinois faisant l’admiration des invités de Biron qui donna en son hôtel de grandes fêtes.

     L’hôtel fut occupé entre 1820 et 1904 par un pensionnat de jeunes filles tenu par les Dames du Sacré-Cœur, qui firent élever par l’architecte Juste Lisch (1875) la chapelle néogothique (à droite de l’entrée) qui sert aujourd’hui de salle d’exposition temporaire.

     L’hôtel fut ensuite loué par petits appartements à des artistes et des écrivains, parmi lesquels le poète Rainer Maria Rilke et sa femme, le sculpteur Clara Westhof, Henri Matisse, Isadora Duncan, Jean Cocteau... et Rodin, qui installa à partir de 1908 son atelier au rez-de-chaussée.

     



Rodin en son jardin.



     L’Etat achète l’hôtel en 1910 au profit du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts qui congédie les locataires. Mais Rodin résiste et offre à l’Etat de lui léguer toutes ses œuvres et collections personnelles pour faire de l’hôtel de Biron un musée, en échange de quoi il serait autorisé à y rester jusqu’à la fin de ses jours.

     La propriété fut finalement divisée, la partie sud du terrain, vers la rue de Babylone, étant dévolue au futur lycée Victor-Duruy, Rodin conservant l’usage de l’hôtel et du terrain restant. C’est deux ans après la mort du sculpteur que le musée fut finalement créé, en 1919, tandis que le jardin, très abîmé, allait être restauré en 1927.

     






     Ce jardin est, avec celui de l’hôtel Matignon, le plus vaste du faubourg Saint-Germain (près de trois hectares). Le classicisme très simple de ses vastes pelouses et de ses allées ombragées offre un cadre sans pareil aux fontes monumentales les plus célèbres de Rodin. Le mur nord de clôture, récemment ajouré, permet d’apercevoir depuis la rue de Varenne les Bourgeois de Calais (à gauche de l’entrée), installés non loin de la célèbre Porte de l’Enfer. Le Penseur et Balzac accueillent le visiteur (à droite) alors que le groupe d’Ugolin et ses enfants orne le petit bassin rond situé vers le fond du jardin.






     D’autres sculptures de Rodin, ainsi que des fragments d'antiques qui lui appartenaient, parsèment le jardin.







     La seconde moitié du XVIII° siècle va apporter de grands changements dans l’art des jardins. Depuis un siècle, le jardin classique tel que l’a défini Le Nôtre domine et une réaction va se produire, déclenchant de nombreuses recherches et l’apparition d’une nouvelle manière d’envisager et donc de concevoir le jardin. A cette époque, nombreux sont ceux qui s’intéressent de très près à la création des jardins. A côté des riches aristocrates, amateurs éclairés qui se piquent de botanique et rivalisent les uns avec les autres, des artistes, comme Hubert Robert, le plus grand peintre paysagiste du temps, des architectes, comme François-Joseph Bélanger à Bagatelle, mais aussi des écrivains et des poètes, comme Carmontelle à Monceau, imaginent, conçoivent et réalisent des jardins, tout comme les jardiniers qui, à l’instar des Mollet et des Le Nôtre aux siècles précédents, travaillent souvent en famille, formant de véritables dynasties qui se transmettent leur savoir. L’architecte paysagiste tel que l’a dénommé le XIX° siècle finissant n’existe pas encore en France alors qu’en Angleterre déjà, depuis le début du XVIII° siècle, une profession nouvelle est apparue, qui allie science du jardinage et art de la composition, capable d’assurer à la fois la maîtrise d’ouvrage et la mise en œuvre.

     Parallèlement, les échanges se multiplient, les esprits s’ouvrent au monde – c’est le siècle des Lumières –, et les idées foisonnent. De nouvelles espèces sont introduites en France, la végétation s’enrichit – cèdre du Liban, sophora du Japon, peuplier d’Italie –, et les serres chaudes, venues de Hollande par l’intermédiaire de l’Angleterre, permettent la culture de plantes rares et exotiques.

     L’apparition des jardins pittoresques, une mode venue d’Angleterre qui se répand avec succès face aux rigueurs du jardin classique, constitue le premier grand bouleversement dans l’art des jardins. C’est le duc de Chartres qui fait aménager en 1773 le premier “jardin d’illusion”, une œuvre de Carmontelle aujourd’hui disparue, dans sa propriété de Monceau.



Le jardin pittoresque

     Le jardin pittoresque, littéralement “picturesque”, c’est-à-dire peint, apparaît en France vers le milieu du XVIII° siècle. Puisant son inspiration dans les tableaux des peintres paysagistes, il transcrit une nature mise en scène, chaque scène s’organisant autour d’une fabrique. Le terme de fabrique, emprunté au vocabulaire de la peinture, désigne toute construction élevée dans un jardin dont la peinture offre une représentation car sa finalité est ornementale. Ce mouvement, illustré en France à partir de 1760 par des peintres comme Hubert Robert, qui dessina lui-même des jardins et des fabriques, et par le dessinateur Carmontelle à Monceau, était apparu en Angleterre bien plus tôt, dans le premier tiers du XVIII° siècle. Ce goût du pittoresque, de la fantaisie, survenu en réaction à la symétrie classique qui régnait dans les jardins depuis Le Nôtre, va cependant rapidement évoluer vers un style différent, dit anglo-chinois, qui donne une signification symbolique plus qu’esthétique aux fabriques et tient davantage compte du caractère “naturel” du paysage.




Carmontelle remet les clefs du jardin de Monceau au duc de Chartres huile sur toile, vers 1775.



     Le duc de Chartres est bientôt suivi par le comte d’Artois qui confie en 1779 à l’Ecossais Thomas Blaikie le soin de réaliser son jardin de Bagatelle où, déjà, le style anglo-chinois détrône le pittoresque.



Le jardin anglo-chinois

     Subtile résultante de diverses influences entremêlées, le jardin anglo-chinois apparaît en France dans les années 1770. L’influence anglaise se traduit par un retour au côté naturel du paysage, une tendance qui existe déjà en Angleterre depuis les années 1740, dans des jardins qui ne peuvent être conçus que sur de grandes parcelles ; la nature y est donc traitée pour elle-même, ce qui implique la disparition progressive de ces morceaux d’architecture que sont les fabriques.

     L’influence de la Chine, civilisation où l’art du jardin est une véritable tradition, imprégnée de littérature et de poésie et traduisant un profond sentiment religieux, s’exprime à la fois dans la création de scènes à signification symbolique, destinées à provoquer une émotion, et dans l’introduction d’un répertoire de formes et de motifs tirés de l’art chinois. Cette influence chinoise est arrivée en France à la fois par le biais de l’Angleterre, qui l’avait déjà dépassée, et par des échanges entretenus entre la France et la Chine.

     Le plus parfait représentant en France du style anglo- chinois est un Ecossais, Thomas Blaikie, qui crée à partir de 1779 pour le comte d’Artois le jardin de Bagatelle et remanie en 1783 pour le duc de Chartres le parc de Monceau.

     Le jardin anglo-chinois se caractérise par un tracé sinueux d’allées et de rivières, qui dessinent tantôt des îles et des îlots, tantôt de vastes espaces de pelouses vallonnées. Le terrain est modelé, accidenté, et permet de varier les effets. Les fabriques prennent place sur de petites buttes, les ponts enjambent lacs et rivières, les rochers forment des grottes et des cavernes. Des bosquets fournis servent à fermer le cadre des scènes ainsi créées et à marquer les lisières du jardin ; des végétaux isolés dimensionnent l’espace en créant des repères visuels et des perspectives ; les arbres ne sont plus taillés mais laissés libres de se développer. Les fabriques ne sont ni anecdotiques ni traitées pour elles-mêmes dans un but esthétique, mais chacune revêt une signification particulière, en accord avec la portion de paysage dans laquelle elle s’inscrit ; elles forment ainsi une succession de scènes destinées à susciter la surprise et l’émotion, chaque scène étant pensée dans une vision d’ensemble et l’addition de toutes formant l’univers du jardin.







     Deux courants s’affrontent en cette seconde moitié du XVIII° siècle, entre tenants du jardin régulier et adeptes du nouveau style irrégulier.

     Vers 1765, les Champs-Élysées sont replantés et de nouvelles allées tracées dans un esprit proche de celui de Le Nôtre ; cafés et jeux de boules y font leur apparition, créant l’animation mais aussi un certain désordre. Lorsque Louis- Philippe d’Orléans lotit une partie du Palais-Royal, en 1780- 1784, les jardins sont amputés mais les cafés et restaurants qui s’y installent en font l’une des promenades préférées des Parisiens. A cette époque, Buffon a agrandi le Jardin des Plantes qui s’étend maintenant jusqu’à la Seine. A partir de 1785 cependant, la ville s’agrandit jusqu’à l’enceinte fiscale dite mur des Fermiers généraux, destinée à contrôler les marchandises entrant dans Paris afin de limiter les fraudes. Ponctuée de pavillons élevés par l’architecte Claude-Nicolas Ledoux, elle mécontente fort les Parisiens et, de l’autre côté du mur se multiplient les guinguettes qui attirent le dimanche une foule nombreuse, bien décidée à profiter d’un vin moins cher car non taxé.



JARDIN DU PALAIS-ROYAL 1780-1784

1° arr., place du Palais-Royal, rue de Montpensier, rue de Beaujolais, rue de Valois, M° Palais-Royal-Musée du Louvre



     Le cardinal de Richelieu, devenu ministre de Louis XIII en 1624, acquiert à cette date l’hôtel de Rambouillet, situé non loin du Louvre, et accroît peu à peu son domaine jusqu’aux limites de l’enceinte de Charles V. Il charge alors l’architecte Jacques Lemercier de lui élever une demeure, le Palais-Cardinal, dont les travaux sont menés de 1634 à 1639.

     L’architecte conserve la partie centrale de l’hôtel de Rambouillet, lui adjoint deux ailes sur cour et une grande galerie donnant au nord sur le jardin. A la demande du cardinal, il construit une salle de théâtre à l’intérieur même du palais.

     Il ne reste de ce Palais-Cardinal que la galerie des Proues (aile est de la cour d’honneur) dont le décor de trophées maritimes rappelle que Richelieu était Grand amiral et surintendant de la Navigation.

     Le cardinal mourut en 1642, léguant son palais au roi Louis XIII qui disparut à son tour l’année suivante. La régente Anne d’Autriche, qui trouvait le Louvre inconfortable, vint s’installer avec le jeune Louis XIV dans cette belle demeure qui portera désormais le nom de Palais-Royal. Ils ne devaient pas y rester, chassés par la Fronde et, à son retour, Louis XIV choisirait le Louvre pour y demeurer.

     La troupe de Molière obtint en 1661 la concession du théâtre de Richelieu et c’est sur cette scène que le grand homme sera victime du malaise qui devait l’emporter en 1673.

     




Au commencement était le Palais-Cardinal.



     En 1670, le duc d’Orléans, frère de Louis XIV, s’installe au Palais-Royal qui restera dès lors dans la famille d’Orléans. Les jardins sont remaniés à partir de 1674 par Le Nôtre et les premiers cafés apparaissent, qui attirent une clientèle élégante.

     Philippe III d’Orléans, Régent du royaume (1715-1723) pendant la minorité de Louis XV, mène au Palais-Royal une vie dissolue, donnant les « soupers du Palais-Royal » qui sont restés célèbres.

     Desgots, neveu de Le Nôtre, entreprit la réfection des jardins à partir de 1730 : un grand bassin, au centre, était entouré de parterres et de bosquets ornés de statues et l’ensemble était ceint d’une allée d’ormes plantés en quinconces pour la promenade. C’est pour ces parterres qu’on utilisa pour la première fois, en 1742, l’arrosage à la lance.

     L’incendie en 1763 du théâtre de Richelieu, qui abritait alors l’Opéra de Lulli, entraîna un remaniement total du palais par l’architecte Pierre Contant d’Ivry.

     En 1780, le palais passe à Louis-Philippe d’Orléans, futur Philippe-Egalité, qui, toujours à court d’argent, eut l’idée d’entreprendre une vaste opération immobilière en lotissant les trois côtés du jardin, le quatrième étant occupé par le palais lui-même. L’architecte Victor Louis éleva les maisons de rapport avec, au rez-de-chaussée, des galeries à arcades en plein cintre séparées par des pilastres corinthiens destinées à recevoir des boutiques.

     





     Les façades sur jardin, toutes identiques, étaient terminées en 1784 et l’on ouvrit alors les rues de Valois, de Montpensier et de Beaujolais, du nom des héritiers d’Orléans. Le tiers de la surface du jardin avait disparu dans cette entreprise. La même année était inauguré le théâtre du Palais-Royal, construit par Victor Louis à l’angle des rues de Montpensier et de Beaujolais.

     Les jardins du Palais-Royal étaient devenus la promenade favorite des Parisiens qui se pressaient sous les arcades où avaient pris place de nombreux cafés et restaurants, des libraires, des marchands de frivolités et de nombreux commerces. Les distractions ne manquaient pas et il y avait même un cirque, construit par Victor Louis en 1787- 1788, qui servit également de manège et de salle de spectacle avant d’être détruit par les flammes en 1799. L’attrait pour ces lieux était en outre ravivé par la présence de cercles de jeux et de maisons de plaisir. Un règlement très strict interdisait l’accès du jardin princier aux domestiques... et à la police.

     





     La liberté de mœurs et de pensée qui prévalait au Palais- Royal depuis la Régence en fit tout naturellement l’un des foyers de l’agitation révolutionnaire. Louis-Philippe d’Orléans, qui prit en 1792 le nom de Philippe-Egalité, appela désormais son jardin « Jardin de la Révolution ». Il vota la mort du roi, son cousin, et devait lui-même périr guillotiné en 1793.

     Sous le Consulat et l’Empire, la vogue du jardin ne fit qu’augmenter, les restaurants, cafés et boutiques se multiplièrent tandis que tripots et filles galantes attiraient une clientèle de plus en plus nombreuse.

     C’est Louis-Philippe, alors duc d’Orléans, qui mit fin à ces activités de débauche en faisant fermer les maisons de jeux et expulser les femmes galantes. Il confia à l’architecte Pierre Fontaine les travaux de restauration du palais et c’est à lui que l’on doit la double colonnade de la galerie d’Orléans qui sépare la cour d’honneur des jardins (1825).

     




     Le Palais-Royal, saccagé par la révolution de 1848, fut en partie incendié en 1871 par la Commune. Restauré, il fut alors affecté au Conseil d’Etat, qui l’occupe toujours.

     La fin du XIX° siècle vit le déclin des jardins, dont les galeries furent peu à peu abandonnées par les commerces.

     Il a fallu l’installation, dans la cour d’honneur du palais, des fameuses colonnes de Buren (1986) et celle des sphères mobiles en acier, de Pol Bury, sur les bassins de la galerie d’Orléans pour susciter à nouveau les passions autour du Palais-Royal.

   



Au Palais-Royal les bancs sont des poètes !



     Aujourd’hui, ses jardins constituent un véritable îlot de paix au milieu de l’agitation du quartier. Les arcades, bordées d’une double rangée de tilleuls, abritent des restaurants, des marchands de décorations et de soldats de plomb, des antiquaires, des libraires, et offrent au promeneur l’élégance de leur architecture XVIII°. Ainsi durent l’apprécier l’écrivain Colette, qui vécut au n° 9 de la rue de Beaujolais, et Cocteau, qui habitait 36, rue de Montpensier.






JARDIN DE BAGATELLE 1786

16° arr., bois de Boulogne, route de Sèvres-à-Neuilly, route des Lacs-de-Bagatelle, route du Point-du-Jour-à- Bagatelle, M° Pont-de-Neuilly.


     Aux origines de Bagatelle, il y eut d’abord un petit logement situé près d’une des portes du bois de Boulogne, entre le château de Madrid et la porte de Longchamp, accordé à vie à Louis Paul Bellanger, avocat général à la Cour des aides, qui en céda la jouissance, en 1720, au maréchal d’Estrées.

     Celui-ci le fit reconstruire en l’agrandissant et cette « folie », ou maison dans les feuilles, fut dès lors baptisée Bagatelle, ce qui, dans le langage du XVIII° siècle, signifiait tout à la fois quelque chose de peu de valeur mais aussi quelque chose de frivole. Ce qu’illustra très bien la jeune maréchale d’Estrées, qui y donna de brillantes mais non moins galantes réceptions, dont le Régent était un habitué, bientôt suivi par le jeune Louis XV.

     Veuve depuis 1737, la maréchale disparut à son tour en 1745. Deux ans plus tard, c’est à la marquise de Monconseil que fut accordé Bagatelle et elle y donna elle aussi de somptueuses fêtes, tout aussi légères, tant et si bien qu’elle s’y ruina. La maison, faute d’entretien, était alors dans un état de délabrement inquiétant.

     Elle fut cédée en 1772 à Monsieur de Boisgelin, qui s’en défit deux ans plus tard au profit du fermier général Laurent Grimod de La Reynière, lequel s’en débarrassa très vite auprès de François Hénin, dit le prince de Chimay, capitaine des chasses du comte d’Artois.

     Charles-Philippe, comte d’Artois et jeune frère de Louis XVI, qui deviendrait roi de 1824 à 1830 sous le nom de Charles X, était alors un jeune homme, grand amateur de femmes et de chasse. C’est ainsi qu’il se toqua de la demeure de son capitaine, auquel il la racheta en 1775.

     La reine Marie-Antoinette, sa belle-sœur, pour laquelle il organisait de nombreux divertissements dont elle raffolait, vint lui rendre visite en sa nouvelle acquisition, qu’elle trouva en ruine. Ce fut l’occasion d’un pari fou entre les deux jeunes gens : 100 000 livres que le château ne serait pas reconstruit en deux mois, temps du séjour de la reine à Fontainebleau.

   


La façade principale, du côté de la Cour d'Honneur.



     Le comte d’Artois fit appel à son Premier architecte, François-Joseph Bélanger (1744-1818) qui arrêta les plans en deux jours, commença les travaux le 21 septembre 1777 et donna livraison de la « folie » le 26 novembre suivant. Le comte d’Artois avait tenu son pari... et gagné 100 000 livres !

     Bélanger imagina un premier jardin, au tracé régulier, avec parterre et bassin devant le château et des arbres en lisière du parc, le tout à l’intérieur des quelques hectares qui constituaient la propriété.

     Dès 1778, le comte d’Artois obtint de Louis XVI une parcelle de 10 hectares prise sur le bois afin d’agrandir son domaine qui passa ainsi à 14 hectares. Il en confia l’aménagement à Bélanger, qui avait travaillé en Angleterre où il avait découvert la mode des jardins anglais, ou plutôt anglo-chinois où la nature est en liberté.

     Bélanger fit appel au jardinier écossais Thomas Blaikie, savant botaniste, et tous les deux s’attachèrent à la création d’un nouveau jardin à partir de 1779. A la fin de l’année 1781, les plantations étaient quasiment finies mais il fallut attendre 1786 pour que l’ensemble soit réellement terminé.

     Ils en firent l’une des œuvres les plus achevées en matière de jardin anglo-chinois. Des chemins et des rivières, au tracé extrêmement sinueux, découpaient des îlots, certains traités comme des buttes couronnées par une fabrique, d’autres, plus vastes, formant des pelouses en vallons. Le tout était ponctué de plantations denses, aux espèces variées, destinées à cerner des paysages ou à créer des effets de profondeur. Des lacs et des rochers artificiels, dont certains énormes et creusés pour former des grottes, une succession de fabriques, d’inspiration antique, chinoise, gothique, et de ponts, tout était fait pour arrêter l’œil et le surprendre, pour qu’il reparte et s’arrête à nouveau.



Le château et le Trianon à sa gauche.



Thomas Blaikie (1750-1838)

     Botaniste écossais, Thomas Blaikie fut adressé par un pépiniériste anglais à Louis de Brancas, comte de Lauraguais, dans la propriété normande duquel il travailla de 1776 à 1778. C’est le comte de Lauraguais qui le recommanda en 1778 à l’architecte François-Joseph Bélanger, qui venait de construire pour le comte d’Artois la Folie de Bagatelle et qui demanda à Blaikie de créer un jardin anglais, tâche à laquelle il s’attacha dès 1779. Il fut d’ailleurs cette année-là nommé Inspecteur de tous les jardins du comte d’Artois. En 1783, il reçut du duc de Chartres la charge de son jardin de Monceau que Carmontelle avait créé dans un goût pittoresque et qu’il remania en le simplifiant. Thomas Blaikie a travaillé pour le comte d’Artois au château de Maisons, à Maisons-Laffitte, pour le duc de Chartres au Raincy et à Saint-Leu, mais aussi pour nombre d’aristocrates et riches propriétaires qui s’étaient entichés de ses nouveaux jardins paysagers à la mode anglaise. La Révolution, ruinant ses commanditaires, le ruina également et cet homme que les grands s’étaient arrachés mourut presque oublié rue des Vignes à Paris. Savant botaniste, amateur de plantes rares et connaisseur de l’art des pépiniéristes – il allait en Angleterre acheter les plantes qu’il ne trouvait pas en France –, Thomas Blaikie a fait évoluer l’art des jardins en France en substituant au style pittoresque créé par des artistes comme Carmontelle ou Hubert Robert, le style anglo-chinois, plus proche de la nature.



La grande cascade.



      Ce jardin si nouveau pour l’époque, encore tout imprégnée de la rigueur des tracés de Le Nôtre, enchanta les contemporains et fit la réputation de Bagatelle. La « folie d’Artois » comme on l’appelait, était devenue le lieu à la mode par excellence.

     La Révolution provoqua l’exil du comte d’Artois et Bagatelle devint bien national. Le château de Madrid fut détruit en 1793 et le parc de La Muette divisé mais Bagatelle fut épargné et laissé à la disposition du peuple, avant d’être vendu en 1796 et transformé en restaurant.

     Napoléon le fit acheter par l’Etat en 1806, pour en faire son pavillon de chasse, et remettre en état en 1811 par l’architecte Pierre Fontaine.

     La Restauration, en 1815, voit le retour du comte d’Artois qui récupéra la propriété mais l’abandonna à son fils, le duc de Berry. A la mort de ce dernier, assassiné en 1820, Bagatelle revint à la couronne qui décida finalement de le vendre en 1833.

     Deux ans plus tard, Bagatelle est acheté par un Anglais, le marquis d’Hertford. Il avait connu en Angleterre celui qui deviendrait Napoléon III, grâce auquel il put accroître la superficie du terrain, le faisant passer de 14 à 24 hectares, soit ses limites actuelles. Le jardin est remanié par Louis-Sulpice Varé qui, s’il ne modifie pas profondément l’œuvre de Blaikie, la simplifie pour l’intégrer dans son propre dessin. Il rétablit le jardin à la française devant le château et crée, sur les terrains nouvellement acquis, de grandes pelouses à la mode paysagère, mais aussi des étangs et des grottes.

     




     Le marquis d’Hertford fait surélever le château et restaurer le pavillon des Pages que Bélanger avait construit à l’extrémité sud de la cour d’honneur. Il fait en outre construire une fruiterie, une orangerie avec parterres, de nouvelles écuries, la maison du jardinier et fait ouvrir l’entrée sur le bois, avec sa grille d’honneur et son pavillon de style Louis-XVI.

     A sa mort, en 1870, le marquis d’Hertford laisse sa fortune et son domaine à son fils adoptif et probablement naturel, sir Richard Wallace, plus connu pour avoir offert à Paris ses fontaines conçues sur le modèle anglais.

     A partir de 1873, et avec la collaboration de l’architecte Léon de Sanges, il effectue d’importantes transformations qui donneront à Bagatelle son aspect actuel.

     Il fait démolir le pavillon des Pages, ce qui permet d’allonger la cour d’honneur dont l’entrée est marquée par les deux pavillons des gardes, et aménager de part et d’autre deux grandes terrasses. C’est lui également qui fait construire, toujours par Léon de Sanges, le Trianon.

     Sir Richard Wallace meurt à Bagatelle en 1890 et sa veuve laissera le domaine à Murray-Scott, ancien secrétaire de son mari, qui envisagera de le lotir et le vendra finalement à la Ville en 1905.

   



L'orangerie vue depuis la roseraie.



     C’est Jean-Claude-Nicolas Forestier, alors conservateur du bois de Boulogne, qui avait suggéré cette acquisition et c’est lui qui est tout naturellement chargé du domaine, ouvert au public à partir de cette date.

     Son ambition n’est pas de reconstituer l’état XVIII° modifié par Varé, mais plutôt de faire de Bagatelle un endroit agréable et propice au délassement, où couleur et verdure se répondent. C’est ainsi qu’il crée un nouveau mode de présentation des fleurs, regroupées espèces par espèces afin d’obtenir des taches colorées qui offrent des contrastes. Dans cet esprit, il constitue la collection d’iris et celle des nymphéas.

     C’est à Forestier surtout que Bagatelle doit la création de sa célèbre roseraie, constituée grâce à la générosité de Jules Gravereaux, créateur de la roseraie de L’Haÿ, et l’instauration du concours de roses nouvelles qui se tient ici depuis 1907.



   Jean-Claude-Nicolas Forestier (1861-1930)

     Né à Aix-les-Bains, formé à l’Ecole polytechnique puis à l’Ecole forestière de Nancy, il est recruté en 1887 par Alphand et fera toute sa carrière, jusqu’en 1927, au service de la Ville. Conservateur du bois de Vincennes en 1889, il devient en 1898 le directeur du secteur ouest de Paris qui comprend également le bois de Boulogne. C’est sous son impulsion, et afin d’éviter le morcellement du bois, que la Ville achète en 1905 le domaine de Bagatelle dont il fait un jardin d’agrément et où il commence la constitution de collections de plantes ; il y crée la roseraie et institue le concours international de roses. Créateur de la promenade de l’avenue de Breteuil pour l’Exposition universelle de 1900, il opère avec Formigé la remise en état du Champ-de-Mars. Après la Première Guerre mondiale, il participe à l’étude de l’aménagement de la zone des fortifications mais ce projet de création d’une “ceinture verte” autour de Paris ne verra pas le jour, abandonné pour une politique de construction de logements et d’équipements sportifs et scolaires. Il dessine d’ailleurs à cette époque le projet d’aménagement du parc de la Cité universitaire. Responsable des jardins de l’Exposition universelle de 1925, il réalise son implantation sur les rives de la Seine. Ce botaniste averti a beaucoup écrit sur les jardins, qu’il concevait comme partie intégrante de la ville et devant participer à son développement, théories qu’il a exposées dans son ouvrage Grandes villes et systèmes de parcs publié en 1908. C’est à l’étranger surtout qu’il a pu développer ses talents conjugués de jardinier et d’urbaniste, à Séville, Barcelone et La Havane.

                             

     Ainsi, de la succession de jardins qu’a connus Bagatelle – le premier jardin français de Bélanger, le jardin anglo- chinois de Bélanger et Blaikie, le jardin anglais de Varé et le jardin de collections de Forestier –, il reste une trace, chacun ayant englobé et intégré l’œuvre de son prédécesseur dans son propre projet.

     Bagatelle, qui se veut aujourd’hui à la fois jardin d’agrément mais aussi jardin botanique, avec tout ce que cela implique de didactique, apparaît donc comme un concentré de l’art des jardins depuis le début du XVIII° siècle.

     Plan détaillé du jardin botanique de Bagatelle avec mention de ses arbres remarquables et de ses collections florales



     La Révolution va dévaster la plupart des grandes propriétés privées et des couvents. Déclarés biens nationaux, de nombreux bâtiments sont détruits, les parcs saccagés, les terrains vendus, morcelés, lotis. Les bois de Vincennes et de Boulogne sont ravagés, le château de Madrid disparaît, La Muette est morcelée mais Bagatelle, mis à la disposition du peuple, échappe à la destruction. Le Luxembourg est transformé en prison, les Tuileries et le Champ-de-Mars accueillent de nombreuses fêtes révolutionnaires et Monceau devient une promenade publique où sont organisées de nombreuses manifestations populaires qui ruinent le jardin. Le Palais-Royal est un haut lieu de l’agitation révolutionnaire et seul est véritablement sauvé le Jardin des Plantes, qui devient Muséum national d’Histoire naturelle par décret de la Convention.



La Fête de la Fédération au Champ-de-Mars, le 14 juillet 1790.


© Jacques Barozzi et Marie-Christine Bellanger-Lauroa, 2022


par Jacky Barozzi 08 avr., 2024
Sandrine, assisse au soleil sur un banc du square Trousseau , au faubourg Saint-Antoine, observait, tout en achevant d’avaler un sandwich, des enfants jouant dans l’aire de jeux, au milieu du grand bac à sable. Une jeune femme blonde d‘une vingtaine d’années et son compagnon, un beur du même âge, accompagnés de leur gamin, se dirigèrent vers le kiosque à musique, au centre du jardin. Là, ils s’installèrent sur les marches. Le père sortit une balle de son sac à dos et la donna au garçon, qui courut rejoindre les autres enfants dans l’aire de jeux voisine du kiosque. Sandrine alluma une cigarette et fuma voluptueusement, les yeux mi-clos, le visage offert aux rayons du soleil. Plongées dans ses rêves, elle fut soudain ramenée à la réalité par la voix d’une jeune femme : – Pourrais-je vous emprunter votre briquet, s’il-vous-plait ? Rouvrant les yeux, Sandrine découvrit la blonde du kiosque. Elle tira un briquet de son sac, posé à côté d’elle sur le banc, et le tendit en souriant à la mère du petit garçon. Sans plus de façon, celle-ci repartit jusqu’au kiosque où elle donna à son tour le briquet à son conjoint. Malgré la distance, Sandrine perçu toute l’action : le jeune homme chauffa une barrette de cannabis et se confectionna un joint, qu’il alluma, avant de rendre le briquet à sa compagne. Celle-ci revint en direction de Sandrine et lui redonna son briquet – Merci beaucoup, dit-elle. – Il n’y a pas de quoi, répondit Sandrine, toujours souriante. 
par Jacky Barozzi 23 mars, 2024
Connaissez-vous, au voisinage du bois de Vincennes, l’hôpital Esquirol de Saint-Maurice ? Un haut-lieu de vie et de mémoire, qui vaut le détour ! Durant douze siècles, Saint-Maurice se dénomma Charenton-Saint-Maurice, jusqu’à ce qu’une ordonnance royale de Louis Philippe, du 25 décembre 1842, lui permit de n’en conserver que sa seule appellation dernière. Officiellement, pour la distinguer de la commune voisine, qui prit le nom de Charenton-le-Pont en 1810. En réalité, c’est parce que les habitants, du fait de la trop grande renommée de l’asile de Charenton, et trouvant qu’ils avaient de plus en plus de mal à marier leurs filles, voulurent, à défaut de se débarrasser de l’asile, en effacer le nom. Voilà pourquoi l’ancien asile de Charenton, devenu l’hôpital Esquirol, ne se trouve pas sur la commune de Charenton, mais sur celle de Saint-Maurice.
par Jacky Barozzi 12 mars, 2024
JARDIN DES PLANTES - 1633 5° arr., place Valhubert, rue Buffon, rue Geoffroy-Saint- Hilaire, rue Cuvier, M° Gare-d’Austerlitz, Jussieu ou Place-Monge C’est en 1614 que Guy de La Brosse, médecin ordinaire de Louis XIII, soumet à Jean Héroard, Premier médecin du roi, son projet de création d’un jardin où l’on cultiverait « toutes sortes d’herbes médicinales ». Il faut dire que les travaux des botanistes du XVI° siècle avaient attiré l’attention sur cette science nouvelle. Après la création du Jardin des plantes de Montpellier, en 1593, qui est le premier fondé en France, Henri IV et Sully songèrent à en établir un semblable à Paris qui possédait seulement un petit jardin de simples planté par l’apothicaire Nicolas Houel pour l’école des Apothicaires de la rue de l’Arbalète. L’édit de fondation du «Jardin royal des plantes médicinales » est promulgué en 1626 mais il reste encore à lui trouver un emplacement ! C’est Guy de La Brosse qui, en 1633, s’occupe de l’acquisition d’un vaste terrain, le clos Coypeau, situé au sud de l’abbaye Saint-Victor. D’une surface représentant environ le quart de sa superficie actuelle (qui est de 24 hectares), le jardin est séparé de la Seine par un entrepôt de bois et bordé de l’autre côté (vers l’actuelle rue Geoffroy-Saint-Hilaire) par des buttes artificielles faites de détritus et de gravats de construction. Guy de La Brosse s’attache immédiatement à aménager cette propriété royale, dont il est nommé intendant en 1635, pour en faire une école de botanique et d’histoire naturelle. L’espace est compartimenté en quatre zones distinctes, séparées par deux allées se coupant à angle droit. L’on y cultive des plantes usuelles, des arbres fruitiers, des arbustes et des plantes aquatiques. Sur les pentes des buttes artificielles qui bornent le jardin, Guy de La Brosse aménage un labyrinthe. En 1636, Vespasien Robin, démonstrateur en botanique, plante le robinier ou faux-acacia à partir d’un rejet dont son père Jean Robin, chargé du Jardin du roi dans l’île de la Cité (emplacement de la place Dauphine), se serait procuré les graines par l’intermédiaire d’un pépiniériste anglais. Le robinier du Jardin des plantes fut longtemps le deuxième plus vieil arbre de Paris, après le robinier du square René-Viviani planté vers 1601 par Jean Robin. Il est aujourd’hui mort et il ne reste qu’un tronc avec des rejets (extrémité ouest de la galerie de botanique) mais celui du square René-Viviani, avec ses 20 mètres de hauteur et ses 4 mètres de circonférence, existe toujours, soutenu par des étais. Dès 1640, le jardin est ouvert au public et, à la mort de son fondateur, l’année suivante, il compte 1 800 plants différents. C’est désormais le « Jardin du roi », développé à partir de 1693 par Fagon, Premier médecin de Louis XIV, puis par le botaniste Tournefort, qui plante l’érable de Crète en 1702 (labyrinthe, côté bibliothèque), et les trois frères de Jussieu qui parcourent le monde à la recherche de nouvelles espèces rares. C’est ainsi que Bernard de Jussieu rapporta d’Angleterre, en 1734, deux cèdres du Liban dont l’un subsiste sur les pentes du grand labyrinthe ; c’est lui aussi qui plantera en 1747 le premier pied de Sophora, qui provenait de Chine (devant la galerie de minéralogie). Entre 1732 et 1739 sont créées les premières serres chaudes françaises, pour abriter des plantes exotiques. Nommé intendant du Jardin du roi en 1739, Georges- Louis de Buffon le restera jusqu’à sa mort, en 1788. Il sut s’entourer des meilleurs savants, parmi lesquels les naturalistes Louis Daubenton (une colonne signale sa tombe près du sommet du labyrinthe) et Jean-Baptiste de Lamarck et le botaniste Antoine-Laurent de Jussieu, neveu des trois frères. Pour le jardin, il s’adjoignit les services d’André Thouin, nommé jardinier en chef en 1764, et pour la construction des bâtiments, ceux de l’architecte Edme Verniquet. C’est sous la direction de Buffon que le Jardin du roi va connaître son plus bel essor. L’intendant y habite, dans la maison dite « de Buffon » située dans l’angle sud-ouest du jardin (actuelle librairie).
par Jacky Barozzi 01 mars, 2024
Fontaine Hydrorrhage Jardin Tino-Rossi, quai Saint-Bernard (5e arr.) Métro : Gare d’Austerlitz ou Jussieu Transformé en jardin entre 1975 et 1980, le quai Saint-Bernard constitue désormais une belle promenade, entre les ponts d’Austerlitz et de Sully. C’est là qu’a été installé le musée de Sculptures en plein air de la Ville de Paris, consacré essentiellement aux œuvres de la seconde moitié du XXe siècle. Au centre, un rond-point constitué d’une succession de bassins semi-circulaires, abrite une bien singulière fontaine. Baptisée Hydrorrhage , celle-ci a été réalisée en 1975-1977 par l’architecte Daniel Badani et le sculpteur Jean-Robert Ipoustéguy. Derrière une imposante armure en forme de bouclier, on découvre un homme nu, harnaché d’un attirail relevant proprement de l’iconographie sado-masochiste, et suçotant une sorte de gland tout en se livrant à la masturbation ! Cette audacieuse œuvre, contemporaine de l’époque de la libération sexuelle, semble avoir dépassée les souhaits de son commanditaire. La municipalité a en effet récemment entouré d’un grillage et d’une haie d’arbustes l’ensemble des bassins, empêchant le visiteur de se rapprocher de cette fontaine, autrefois de plain-pied, et en a pudiquement détourné la gerbe principale, qui jaillissait du sexe du personnage et retombait dans le premier bassin depuis le gros tuyau recourbé au centre du bouclier, pour le remplacer par les deux inoffensifs jets d’eau du bassin, situés de part et d’autre du groupe en bronze. 
par Jacky Barozzi 29 févr., 2024
La Lutèce gallo-romaine reconstituée. JARDIN DES ARENES DE LUTECE ET SQUARE CAPITAN - 1892 5° arr., rue de Navarre, rue des Arènes, rue Monge, M° Place-Monge La Lutèce gallo-romaine, qui voit se reconstruire l’île de la Cité, se développe sur la rive gauche, à l’abri des inondations. Là, sur les pentes de la montagne Sainte- Geneviève, s’établit une cité à la romaine, de part et d’autre de la voie principale, le cardo, dont on retrouve le tracé dans la rue Saint-Jacques. Un peu à l’écart, adossé au versant oriental de la colline, est construit vers la fin du Ier siècle après J.-C. un édifice, connu sous le nom d’Arènes de Lutèce, qui servait en réalité tout aussi bien pour les jeux du cirque que pour les représentations théâtrales, comme en témoigne la scène qui vient interrompre les gradins sur un côté.
par Jacky Barozzi 25 févr., 2024
I nlassable piéton de Paris, pour lequel les errances dans la capitale furent longtemps le prétexte à ranimer son imaginaire mémoriel, Patrick Modiano serait-il brusquement rattrapé par le principe de réalité ? Dans son dernier roman, « La Danseuse », un récit de moins de cent pages, aux chapitres particulièrement aérés, il nous conte l’histoire d’une danseuse, jamais autrement nommée dans le livre, et de son jeune fils Pierre, rencontrés un demi siècle plus tôt. Situé en grande partie entre la Place Clichy (9e arr.) et la Porte de Champerret (17e arr.), ce court texte est ponctué de plusieurs paragraphes où le présent s’invite comme jamais auparavant dans les romans de notre auteur récemment nobélisé : « Qu’étaient devenus la danseuse et Pierre, et ceux que j’avais croisés à la même époque ? Voilà une question que je me posais souvent depuis près de cinquante ans et qui était restée jusque-là sans réponse. Et, soudain, ce 8 janvier 2023, il me sembla que cela n’avait plus aucune importance. Ni la danseuse ni Pierre n’appartenaient au passé mais dans un présent éternel. » Ici, le narrateur ne reconnait plus le Paris de sa jeunesse et s’y sent désormais étranger. Une ville où les Parisiens ont été remplacés par les touristes et où la nostalgie n’est plus ce qu’elle était. Une ville : « qui avait à ce point changé qu’elle ne m’évoquait plus aucun souvenir. Une ville étrangère. Elle ressemblait à un grand parc d’attraction ou à l’espace « duty-free » d’un aéroport. Beaucoup de monde dans les rues, comme je n’en avais jamais vu auparavant. Les passants marchaient par groupes d’une dizaine de personnes, traînant des valises à roulettes et la plupart portant des sacs à dos. D’où venaient ces centaines de milliers de touristes dont on se demandait s’ils n’étaient pas les seuls, désormais, à peupler les rues de Paris ? » Tandis que le narrateur traverse le boulevard Raspail (Patrick Modiano réside aujourd’hui dans le 6e arr.), il croise un fantôme du passé : « Je reconnus aussitôt Verzini. Et j’éprouvai un brusque malaise, celui d’être en présence de quelqu’un que je croyais mort depuis longtemps. » Après l’avoir accosté, les deux hommes décident de se réfugier dans un café, à l’angle du boulevard et de la rue du Cherche-Midi : « Nous étions assis à une table, l’un en face de l’autre, seuls dans la salle, ce qui m’étonnait. Depuis quelques temps, les cafés et les restaurants étaient bondés. Devant la plupart d’entre eux, il y avait même des files d’attente. » Le narrateur précisant : « Derrière la vitre, je voyais passer les groupes de touristes habituels depuis quelques mois, sac au dos et traînant leurs valises à roulettes. La plupart portaient des shorts, des tee-shirts et des casquettes de toile à visière. Aucun d’entre eux ne pénétrait dans le café où nous étions, comme si celui-ci appartenait encore à un autre temps qui le préservait de cette foule. » Et ajoutant, au moment où le narrateur et Verzini se séparent sur le trottoir : « Dehors, nous étions bousculés par le flot des touristes. Ils avançaient par groupes compacts et vous barraient le chemin. ''Nous reprendrons peut-être un jour notre conversation, me dit-il. C’est si loin, tout ça… Mais j’essaierai quand même de me souvenir…'' Il eut le temps de me faire un signe du bras avant d’être entraîné et de se perdre dans cette armée en déroute qui encombrait le boulevard. » Le narrateur ou Modiano lui-même, avouant, plus loin : « Nous vivions des temps difficiles depuis trois ans, comme je n’en avais jamais connu de ma vie. Et le monde avait changé si vite autour de moi que je m’y sentais un étranger. » Alors, texte testamentaire de notre auteur national, dans un Paris post covidien et de plus en plus airbnbisé ? Seul, l’avenir nous le dira…
par Jacky Barozzi 20 févr., 2024
12e arrondissement Musée des Arts forains 53, avenue des Terroirs de France Tél. : 01 43 40 16 22 Métro : Cour Saint-Émilion http://www.arts-forains.com
par Jacky Barozzi 20 févr., 2024
PARC DES BUTTES-CHAUMONT - 1867 19° arr., rue Manin, rue de Crimée, rue Botzaris, M° Buttes- Chaumont ou Botzaris Entre Belleville et La Villette, la butte de Chaumont, du latin calvus mons ou mont chauve, est de tout temps une colline aride et dénudée dont le sol calcaire interdit toute agriculture. Des moulins apparaissent dès le XVI° siècle sur les hauteurs de Belleville et de La Villette et on en dénombre six à la fin du XVII°sur la butte de Chaumont. A partir du XVIII° siècle, le gypse du sous-sol est exploité pour fournir de la pierre à plâtre destinée à la construction. Cette extraction, qui se fait en souterrain, entraîne des affaissements du terrain et, à la suite d’effondrements meurtriers, l’exploitation souterraine est interdite en 1779. Les carrières à plâtre sont détruites et comblées par éboulement mais l’exploitation va se poursuivre à ciel ouvert, de plus en plus intensive dans le premier tiers du XIX° siècle. En 1851, la carrière dite de l’Amérique, l’une des plus importantes, quasiment épuisée, est fermée. Le site offre à cette époque un aspect véritablement désolé. Aux pieds de la butte, du côté de La Villette, se trouve depuis la fin du XVIII° siècle le plus grand dépotoir d’ordures de la capitale, qui sert aussi pour l’équarrissage des chevaux. La nuit, les anciennes carrières sont le refuge des clochards et des rôdeurs. 
par Jacky Barozzi 18 févr., 2024
PARC FLORAL DE PARIS 1969 12° arr., bois de Vincennes, esplanade Saint-Louis, route de la Pyramide, M° Château-de-Vincennes. Entrée payante Le Parc floral a été inauguré en 1969 à l’occasion des Troisièmes Floralies internationales de Paris. Les deux premières éditions s’étaient tenues en 1959 et 1964 au Centre national des Industries et des Techniques (CNIT) de La Défense et le succès qu’elles avaient remporté avaient conduit les organisateurs à rechercher un emplacement mieux adapté. C’est ainsi que le Conseil de Paris décida en 1966 d’implanter ce nouveau “Parc d’activités culturelles de plein air” dans le bois de Vincennes, sur des terrains qui avaient été occupés par les anciens établissements militaires de la Pyramide et de la Cartoucherie. L’objectif était double : accueillir les Troisièmes Floralies internationales de Paris, qui seraient suivies d’autres expositions temporaires, mais aussi profiter de l’engouement pour l’art floral manifesté par le grand public pour le sensibiliser à l’art contemporain en exposant des œuvres en plein air. 
par Jacky Barozzi 06 févr., 2024
BOIS DE VINCENNES - 1857 12° arr., M° Château-de-Vincennes ou Porte-Dorée Le bois de Vincennes est le vestige d’une vaste forêt antique qui s’étendait à l’est de Paris. Ces terres incultes appartenaient à tous et les paysans gaulois puis gallo- romains les utilisaient pour mener paître leurs bêtes, se nourrir et trouver du bois pour se chauffer. L’arrivée des Francs, si elle ne modifie pas leurs habitudes, change cependant le statut de la forêt qui, de publique, devient alors privée selon les règles du droit franc. Après la mort de Dagobert, en 639, sa veuve fonde une abbaye à Saint-Maur. La première mention connue de la forêt de Vilcena figure dans une charte royale de 848 dans laquelle Charles le Chauve entérine un échange de terres entre l’évêque de Paris et l’abbé de Saint-Maur-des-Fossés. La forêt devient propriété de la couronne à la fin du X° siècle mais c’est dans une charte de 1037, par laquelle Henri Ier accorde des droits d’usage dans la forêt aux moines de l’abbaye de Saint-Maur, que la présence royale est mentionnée pour la première fois à Vincennes. D’autres droits seront accordés à différentes abbayes parisiennes jusqu’en 1164, date de la fondation du couvent des Bonshommes de Grandmont par Louis VII, qui donne aux moines un enclos et un prieuré. Louis VII possède un pavillon de chasse dans la forêt de Vincennes, la plus proche du palais de la Cité où il réside fréquemment. Dès le début de son règne, Philippe Auguste rachète les droits d’usage qui avaient été accordés dans la forêt afin de constituer un domaine de chasse. Il fait construire un manoir, qui constitue la première résidence royale à Vincennes (disparue au XIX° siècle), et élever en 1183 un mur de pierre pour protéger cet espace destiné à la chasse (ce mur restera en place jusqu’aux aménagements du Second Empire). Saint Louis fait construire en 1248 une chapelle dédiée à saint Martin pour abriter une épine de la Couronne du Christ qu’il a acquise de l’empereur d’Orient Baudoin II. Il agrandit le manoir d’un donjon car Vincennes constitue désormais la deuxième résidence du roi après le palais de la Cité et chacun connaît la fameuse scène, rapportée par Joinville dans la Vie de saint Louis, du roi rendant la justice sous un chêne du bois de Vincennes. 
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