L’oracle de la rue du Rendez-Vous




   Tandis que je m’acheminais d’un pas hâtif dans la rue du Rendez-Vous, j’avisai, juste avant le café-tabac qui fait face à l’église, la silhouette avachie d’un clochard sans âge, assis à même le trottoir, tête baissée, laissant transparaître une longue traînée suspecte entre ses jambes écartées.

   J’avais marché une bonne partie de l’après-midi et, l’heure venant, je regagnais mon domicile. Je me demandais alors – la marche étant pour moi particulièrement propice à la réflexion – auquel de mes divers projets littéraires je devais m’atteler ? Je venais de rendre le manuscrit d’un livre de commande et souhaitais, dès lors que la matérielle était assurée dans l’immédiat, consacrer un peu de mon temps à un travail plus personnel.

   Je cherchais l’inspiration, en somme !

   J’aime marcher. Spécialement en ville. C’est l’une de mes activités préférées : mes idées s’y ordonnent d’autant mieux que je contemple l’agitation des autres.

   Arrivé à la hauteur de l’ivrogne, je me déportai légèrement sur la gauche, afin de contourner l’obstacle,   retenant ma respiration au passage.

   Peine perdue, une odeur de fromage putride mêlée de relents d’urine et de vinasse parvint cependant à me picoter les narines : malgré mon paquet quotidien de cigarettes, j’ai conservé un odorat très fin.

   Alors qu’il était resté immobile, les yeux mi-clos tournés vers le sol, l’homme, d’une voix rauque et parfaitement audible, me cria dans le dos : « Vas te faire enculer au nom de Dieu ! T’as compris ? C’est au nom de Dieu que tu vas te faire enculer ! »

   Je poursuivis mon chemin sans ralentir, à peine vexé voire amusé : d’autant qu’hormis nous deux, ils n’y avait personne dans le voisinage.

   Devant l’église, les cloches se mirent à carillonner à toutes volées (il s’agit, bien sûr, d’un enregistrement). C’était un samedi. A travers les portes grandes ouvertes, je constatai que l’assistance à l’intérieur était clairsemée.

   Je vis dans tout cela une troublante concordance de signes : quel message cet homme était-il chargé de me communiquer ? Ce pouvait-il que Dieu, en personne, m’ordonnât d’aller me faire enculer !

   J’avais écouté attentivement la phrase proférée avec autorité par le clochard, dans mon dos, comme pour la faire pénétrer jusqu’au plus profond (au fondement) de ma conscience. Dans l’intonation même de son « Tu comprends » j’avais bien perçu le point d’interrogation, qu’il y avait mis, suivi du redoublement, insistant, de ce qui sonnait tel un oracle : « C’est au nom de Dieu que tu vas te faire enculer ! »

   Si j’ai bien compris, en effet, il ne s’agirait donc pas d’aller me faire enculer pour mon propre plaisir ou déplaisir, selon que j’aime ou pas cela, mais par mission divine.

   Comme si Dieu m’avait choisi, moi (et probablement quelques autres car je ne saurais suffire seul à la tâche !) pour, dans son infinie bonté, répondre à la misère sexuelle des hommes ?

   Sacrée distinction, s’il en est !

   N’aurais-je pas dû alors commencer mon sacerdoce avec le clochard, dont on pourrait interpréter la phrase comme une invite ?





Rue du Rendez-Vous, à l'angle de la Rue Marsoulan, Première Communion de l'Immaculée-Conception ( 1906 ).


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Devant le placard à friandise : "Sésame ouvre-toi !" Vita est une grosse vilaine Vita, de temps en temps se reçoit une petite fessée bien méritée. Mais toujours avec un journal roulé, jamais à la main, dévolue, elle, à la caresse. Il ne faut pas brouiller les messages, disent les vétérinaires. Vita a droit à sa friandise après avoir fait son pipi et son caca dehors. Cela, elle l'a bien compris et si en remontant à la maison on oublie par hasard de lui donner sa récompense, elle se pointe devant le placard à friandises, dans l’entrée, et nous regarde d’un air quémandeur, lourd de reproche. On lui dit aussi, « c’est bien », avec une caresse, ou « ça non ! », en haussant le ton, selon qu’elle fait bien ou mal. Mais le journal roulé, un gratuit pas très épais, elle le craint et le plus souvent nous avons juste à l’en menacer, pour qu’elle file à sa couche et nous tourne le dos, vexée. Pour un bref moment. Car comme tous les chiens, Vita, dotée néanmoins d'une bonne mémoire, vit l’instant présent, et n’est pas rancunière. Elle est bien vite submergée par l’affection qu’elle semble nous porter et qu’elle nous manifeste avec beaucoup d’enthousiasme à chaque fois. Notamment lorsque l’un ou l’autre d'entre nous rentre à la maison après un plus ou moins long temps d’absence. Il parait que les chiens n'ont pas vraiment la notion du temps ? Mais il faut bien avouer que Vita est, fondamentalement, une petite chienne adorable !
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Le narrateur et son héroïne. Les aventures de Vita Premier bain Bien que nous l’ayons emmenée plusieurs fois à la mer, Vita ne s’était jusqu’alors jamais baignée. Tout juste trempé les pieds. Hier après-midi (mardi 27 mai 2025, le lendemain de son huitième mois d’anniversaire), tandis que je la promenais dans le bois de Vincennes, elle est tombée dans la rivière et n’arrivait plus à remonter. J’ai dû la tirer en l’empoignant par son harnais. Voilà comment cela s’est passé. Parvenu dans un coin solitaire de la forêt, je l’avais détachée. Comme à son habitude, elle s’est mise à gambader partout. Curieuse et casse cou, téméraire mais pas suicidaire, elle s’était précipitée pour aller laper l’eau, plus goûteuse, de la rivière (artificielle, créée sous Napoléon III), placée quelques centimètres au-dessous du niveau du sol et bordée de gros cailloux mousseux. Malgré une approche précautionneuse, elle a glissé et plongé directement dans l’eau, plouf ! Elle n’avait plus pied et tentait, en me regardant d’un air désespéré, de grimper sur la rive en s’agrippant à la terre boueuse et reglissant aussitôt dans l’eau. Quand je l’ai retirée, elle était entièrement trempée et ressemblait à un gros rat efflanqué aux poils collés par paquets. Elle s’est violemment ébrouée et s’est roulée illico dans la terre ocre et poudreuse de l’allée jouxtant la rivière. Autant dire qu’à son retour, à la maison, à deux pas du bois, elle a eu droit à un nouveau… bain mais avec shampoing cette fois-ci !