Mise en page du blog

à la mémoire de

Pierrette Barozzi, née Dalmas


LES BEIGNETS DE FLEURS DE COURGETTES 

et autres spécialités niçoises à la façon de Pierrette

 


Juste une voyelle sépare les « mets » des « mots » !

Les mets pour se souvenir, les mots pour raconter...

Mieux que les parfums et les odeurs, les nourritures de notre enfance, avant même que nous ne sachions les nommer, s'impriment pour toujours au plus profond de notre subconscient.

De tous les plats de ma jeunesse, celui qui s’impose immédiatement à ma mémoire culinaire se compose pour l’essentiel d’un bouquet de fleurs : des fleurs de courgettes (la courgette longue, Cucurbita pepo) que ma mère offrait régulièrement à ses trois enfants. 




Tels de longs lis sauvages, mais d'une texture moins rigide, quasi-diaphanes, et d'un ton ocre orangé, les fleurs de courgettes, une fois cueillies et liées en bottes - ainsi qu'on les trouve sur les marchés de Provence -, prennent un aspect mol et fripé qui n'est pas sans évoquer les ailes des chauves-souris ! Tout à la fois soyeux et élastiques, leurs larges pétales suggèrent, au toucher, plus la matière animale que végétale. Saisie, comme fixée, dans la pâte croustillante, la fleur de courgette confère au beignet un goût légèrement acre et sucré, qui prend toute sa saveur, le jour suivant, quand celui-ci s'est quelque peu rassis. Aussi, ma mère s'arrangeait-elle toujours pour en confectionner une pyramidale platée, de manière à ce que, malgré nos vigoureux appétits, nous en laissions toujours quelques-uns, que nous dégusterions avec plaisir, en hors-d'oeuvre, au déjeuner, le lendemain, alors que la veille au soir, accompagnés d'une salade, ils avaient constitués, à eux seuls, l'essentiel du repas.



RECETTE DES BEIGNETS DE FLEURS DE COURGETTES



Passez les fleurs à l’eau. Retirez la tige et le pistil central. Laissez les égoutter sur une planche. Battez au fouet 150 g de farine tamisée, 2 jaunes d'oeuf, une pincée de sel, une cuillère à café d'huile d'olive et 25 cl de lait froid. Ajoutez à la pâte 20 brins de persil plat hachés finement. Trempez les fleurs dans cette pâte, une à une à la main, puis plongez les dans une friture bien chaude.





La veille de ma naissance, ma mère avait eu une furieuse envie de fayots. C'est ainsi que l'on désigne les haricots secs en Provence : je suis né le 30 janvier 1952, à 0 H 30 du matin (Verseau ascendant Balance), à Saint-Dizier, l'ancien hôpital de Cannes, situé alors dans le haut du Suquet (la vieille ville). Son appréhension était fort grande, car, trois ans auparavant, l'accouchement de son premier fils, avait été douloureux. Avec moi, tout fut plus aisé. En poussant, elle se vida de tous les côtés ! Elle en riait encore lorsqu'elle me rapporta ces faits, des années après. Pour le nouveau-né mariné à la sauce tomate que je fus, elle en déduisit les plus heureux présages. 



HARICOTS BLANCS A LA NIÇOISE



De toutes les variétés de flageolets, le coco blanc était habituellement celui que ma mère sélectionnait. Frais écossés, si c'était la saison, ou secs et mis à tremper la veille, elle les jetait dans un faitout, arrosés de plusieurs cuillerées d'huile d'olive. Selon les promotions du boucher (ma mère était économe !), elle ajoutait un morceau de lard maigre ou une grosse saucisse de ménage. Deux oignons coupés en quatre, une grosse gousse d'ail, un bouquet garni (thym, laurier, sauge, romarin...), deux tomates (ou du coulis), du sel et du poivre complétaient la préparation. Elle laissait mijoter au moins deux bonnes heures, couvert et à feu doux sur la gazinière, ajoutant de temps en temps un demi verre d'eau, de manière à obtenir une sauce assez réduite sans que les haricots n'accrochassent le fond de la casserole. Au moment de servir, elle parsemait le plat de persil finement haché.



RECETTE DE LA PISSALADIÈRE




La pissaladière, que l’on peut acheter en part individuelle dans toutes les bonnes boulangeries de la ville, était une des spécialités dont nous régalait régulièrement notre adorable maman. Préparez une pâte à pain en pétrissant de la farine avec un peu d'eau et une petite cuillerée de levure. Aplatissez la pâte au rouleau de manière à lui donner une forme rectangulaire d'un demi-centimètre d'épaisseur. Déposez la pâte sur une plaque à tarte préalablement graissée à l'huile. Faites revenir des oignons émincés dans de l'huile, mais sans les faire roussir, de façon à obtenir une purée compacte. Mélangez alors la préparation avec deux noisettes de pissalat (de peis salat, poisson salé. Condiment pâteux, de fabrication traditionnelle à Nice et à Antibes, obtenu à partir d’une macération au sel d’alevins de sardine – la poutine – et d’aromates. Devenu rare, le pissalat, qui a donné son nom à la pissaladière, est remplacé de plus en plus aujourd’hui par de la crème d’anchois). Salez et poivrez. Piquez la pâte avec une fourchette et étalez la mixture sur laquelle il n'y a plus qu'à ajouter quelques filets d'anchois dessalés et une poignée de petites olives noires niçoises. Faites cuire au four doux durant environ une demi-heure.




RECETTE DE LA SALADE NIÇOISE



Disons-le d’emblée, la salade niçoise, chef-d’œuvre culinaire universel, épure quasi-abstraite de couleurs et de saveurs, tant copiée et tout autant dévoyée, ne doit jamais être accompagnée de légumes cuits (haricots verts ou pommes de terre) et encore moins de riz, telle qu’on la sert parfois dans les brasseries parisiennes et même en Provence ! Quelques belles tomates mûries au soleil, un concombre, un demi oignon frais ou des cébettes et un petit poivron vert doux, coupés en rondelles, constituent la base idéale d’une belle salade niçoise, que l’on agrémentera de miettes de thon, de quarts d’œufs durs, d’une poignée de petites olives noires du pays, de filets d’anchois dessalés et de quelques brins de basilic. Sel, poivre, vinaigre de vin et huile d’olive extra-vierge de première qualité sont requis pour l’assaisonnement, qu’on répandra juste avant de servir. Et rien de plus ! Hormis, selon la saison, quelques petites févettes fraîches, épluchées, ou des petits artichauts violets, dont on aura retiré les premières feuilles et la pointe ainsi que la barbe autour du cœur. 




RECETTE DES PETITS FARCIS NIÇOIS



Un restant de viande, du pain dur en réserve, quelques légumes dans le garde-manger... Aussitôt, ma mère confectionnait l’un de ses plats maison récurrents : les petits farcis niçois. Natif d’une cité de carnaval, le Niçois aime la farce. En cuisine, cela se traduit par une manie obsessionnelle de tout farcir ! Tomate, oignon blanc, poivron, courgette ronde, aubergine, pomme de terre... Hormis les trois premiers légumes, ma mère pochait les autres puis les coupait tous en deux, les creusait délicatement et rangeait les enveloppes à farcir dans deux grands plats à gratin. Après avoir fait roussir des oignons à feu vif avec une branche de thym, elle ajoutait son reste de viande, qu’elle avait haché et complété généralement de chair à saucisse, puis laissait mijoter doucement. Au préalable, elle avait mis à tremper de la mie de pain rassis dans un bol de lait et fait cuire un plein verre de riz. Dans un grand saladier, où elle avait réservé la chair soigneusement égrainée des légumes, elle rajoutait le riz, le pain bien essoré à la main, la viande, deux œufs, du fromage râpé, du sel et du poivre, de l’ail et du persil finement hachés. Quand le tout était bien malaxé, elle n’avait plus qu’à remplir à la petite cuillère les fonds de légumes rangés serrés dans leur plat, saupoudrer de chapelure - qu’elle confectionnait elle-même en écrasant dans un torchon du pain dur à l’aide d’une bouteille en verre -, arroser chaque farci de quelques gouttes d’huile d’olive et à enfourner à chaud durant 45 minutes. A la suite de quoi, elle était tranquille pour au moins deux repas !




RECETTE DE LA RATATOUILLE NIÇOISE



Je n’entrerai pas dans les querelles de chapelles concernant la ratatouille 

niçoise, tout aussi universelle que la salade du même nom. Plus c’est simple et plus on veut faire compliqué ! D’aucuns disent qu’il n’y entrent jamais d’aubergines ? En tous cas ma mère en mettait. D’autres préconisent d’y ajouter une dose de safran et deux clous de girofle, ces épices étaient rarement utilisées chez nous, surtout la dernière, dont j’interdis à ma mère l’usage dans sa cuisine, après que j’en eusse croqué un par inadvertance, qui me souleva instantanément le cœur, planté dans un morceau de mouton, que ma grand-mère avait concocté en ragoût, délicieux au demeurant. Mais le plaisir en fut définitivement gâché. Comme on le voit, les variantes dépendent essentiellement des goûts de chacun. Transition entre le cru et le cuit, autour des principaux légumes d’été, la ratatouille comme la salade niçoise, exigent avant tout des aliments de grande saveur. A défaut d’un jardin potager, on ira les acheter au marché. C’est pour masquer leur insipidité que les mauvais cuisiniers en rajoutent toujours trop dans l’exotisme. Des tomates, des poivrons de toutes les couleurs, des aubergines et des courgettes longues, des oignons blancs, des gousses d’ail, du thym, du laurier, du persil et du basilic, de l’huile d’olive, du sel et du poivre. Et puis quoi encore ? Nul besoin de rien d’autre ! Si ce n’est qu’il est recommandé d’en préparer une grande quantité. Car il faut savoir que la ratatouille peut se déguster froide ou chaude, en entrée, en accompagnement de viande ou de poisson, ainsi qu’en omelette et que, comme la plupart des préparations locales, elle est encore meilleure réchauffée. Et pour finir, un détail d’importance à rappeler : le secret d’une ratatouille réussie réside dans la friture séparée des principaux légumes : dix minutes pour les aubergines et les poivrons et cinq minutes pour les courgettes, avant de les ajouter aux tomates et de laisser mijoter le tout à feu doux une petite demi-heure. 



RECETTE DE LA DAUBE NIÇOISE



Pour quatre personnes, comptez environ 1 kilo et demi de boeuf (joue, galinette, paleron, seuls ou mélangés). Faites mariner la viande, coupée en cubes (de 80 à 100 g), au moins douze heures dans du bon vin rouge (côtes-du-Rhône, côtes-de-Provence ou vins de Bellet niçois sont tout à fait recommandés). Agrémentez la marinade d'une carotte tranchée en rondelles, d'un oignon, de deux belles gousses d'ail, de thym, de laurier et de persil plat. Attention, ne salez pas la marinade ! Au moment de la préparation, mettez les morceaux de viande à égoutter dans une passoire, quelques minutes, puis faites-les revenir seuls dans une cocotte avec de l'huile d'olive afin qu'ils roussissent légèrement. Retirez alors la viande et mettez dans la cocotte un oignon débité en lamelles et environ 150 g de lard (petit salé ou lardons). Faites-les revenir sans brûler. Ensuite remettez la viande, ajoutez des herbes de Provence, du sel, du poivre et un... zeste d'orange (le petit détail qui met la touche finale !). Versez enfin le jus de la marinade et faites mijoter le tout durant 1h à 1h et demie, à feu moyen, en surveillant régulièrement la cuisson. Servir la daube de préférence avec de grosses pâtes, style penne ou rigatone. 

 


L’ART D’ACCOMODER LA POLENTA 



Vers la fin du 19e siècle, des travailleurs immigrés italiens, majoritairement piémontais, vinrent en masse tenter leur chance à Nice, ce nouvel eldorado, récemment redevenu français, et où s’ouvraient les multiples chantiers de construction qui allaient remodeler la ville. Est-ce à moment-là qu’a été introduite la polenta, aliment de base de la cuisine campagnarde du nord de l’Italie ? Ou bien son apparition sur nos tables remonte-t-elle au temps où Nice était encore sujette des rois de Piémont-Sardaigne ? Quelle que soit son origine, ma mère en tous cas avait intégrée la polenta parmi ses recettes. Elle nous en confectionnait régulièrement, de diverses façons. La pâte d’or orangé de la semoule de maïs, patiemment et vigoureusement touillée dans la marmite, nous était servie chaude, tantôt arrosée de sauce tomate et agrémentée de champignons et de quelques saucisses, tantôt découpée et frites dans l’huile, ou bien plus liquide et rehaussée de beurre telle une épaisse purée, ou encore gratinée au four avec du fromage râpé. Servi en plat principal ou en accompagnement de volaille ou de viande, exceptionnellement de poisson, c’était toujours un régal, roboratif et peu onéreux. Un de ces plats de misère, dont ma mère se débrouillait toujours pour en faire un plat de fête ! 



RECETTE DES GANSES



   Chez nous, les ganses figuraient parmi les treize desserts traditionnels de Noël. A Nice, à la Chandeleur, il arrive que ces petites friandises en forme de nœuds papillons remplacent même les crêpes. En effet, à la fin du carnaval, qui s’achève avec le mercredi des Cendres, il est d’usage d’en servir une dernière fois avant que ne commence la période de jeûne du Carême. Mais c’est surtout pour les fêtes de fin d’année que ma mère en confectionnait : personnellement, nous tenions aussi beaucoup aux crêpes ! Elle plaçait alors un kilo de farine tamisée dans une jatte à laquelle elle rajoutait une bonne pincée de sel (environ 10 g), un sachet de levure chimique et 200 g de sucre en poudre. Creusant un puits au centre, elle versait huit œufs battus avec un peu de lait, comme pour une omelette, 200 g de beurre coupé en petits dés et quatre grosses cuillerées d’eau de fleur d’oranger. Elle malaxait le tout du bout des doigts, jusqu’à l’obtention d’une pâte ferme, qu’elle roulait en boule et laissait reposer une heure dans la jatte, sous un torchon. A la suite de quoi, elle coupait la boule en quatre, et, à l’aide d’un rouleau à pâtisserie, l’étalait en larges feuilles d’un millimètre d’épaisseur. C’est alors que, réunis autour de la table, nous nous disputions l’unique roulette en buis pour découper des triangles ou des losanges d’une dizaine de centimètres de hauteur et moitié moindre dans les plus grandes largeurs. Ma mère grondait pour que chacun puisse participer à tour de rôle à l’opération. Nous tailladions également la base du triangle ou le centre du losange et introduisions à l’intérieur de la pâte l’une des pointes recourbée. Lorsque toutes les ganses étaient prêtes, ma mère n’avait plus qu’à les plonger dans l’huile bouillante de la friteuse, où elle les laissait cuire, les retirant progressivement avec une écumoire, sans leur laisser le temps de brunir. Tandis qu’elle les mettait à égoutter sur un torchon (le papier absorbant n’existait pas encore), nous avions tout loisir pour constater combien nos plats et irréguliers découpages s’étaient transformés en de croustillants petits beignets blonds. Chacun de nous revendiquant la paternité des plus dodues et des plus réussis, que nous voulions réserver pour notre consommation immédiate. Calmant nos ardeurs, ma mère arrosait généreusement de sucre glace chaque ganse et les plaçait ensuite dans un plat qu’elle rangeait d’autorité dans le haut du buffet : nous n’y aurions droit qu’à la fin du souper !




RECETTE DE LA SOUPE AU PISTOU


   De toutes les soupes de mon enfance, la plus fameuse et la plus mémorable est, sans conteste, la soupe au pistou. Une soupe d’été, sublime résultat du syncrétisme culinaire entre le comté de Nice et l’Italie. Recette pour six personnes. Dans une grosse cocotte, faites fondre à feu doux dans de l’huile d’olive deux poireaux et un oignon coupés en rouelles, ainsi qu’une gousse d’ail, écrasée vigoureusement d’un bon coup de poing. Ajoutez six gros cubes de petit salé (environ 200 grammes), préalablement ébouillantés durant cinq minutes. Lorsque les poireaux et l’oignon deviennent transparents, c’est le moment de rajouter les autres légumes que l’on avait préparés et coupés en petits cubes : deux carottes, deux pommes de terre, un navet, le tout pelés ; trois petites courgettes de Nice, mais, elles, avec leur peau ; deux tomates ébouillantées, pelées et coupées en gros morceaux et un demi chou vert débité en lamelles. Laissez cuire encore cinq minutes, toujours à feu doux, puis versez alors deux litres d’eau salée et l’équivalent de 100 grammes de cocos frais, écossés. Portez à ébullition, en jetant, un quart d’heure avant la fin de la cuisson, 50 grammes de macaroni. Pendant que la soupe cuit (comptez en tout une heure), on préparera le pistou (de pista, mélangé, malaxé) qui donne toute sa saveur à la recette. Dans un mortier, pilez trois gousses d’ail, puis ajoutez vingt belles feuilles de basilic. Continuez à malaxer l’ail et le basilic, versez ensuite de l’huile d’olive et 100 grammes de parmesan en poudre. Mélangez jusqu’à obtention d’une sorte de pommade verte. C’est le fameux pistou, que l’on versera dans la soupe, hors du feu, juste avant la dégustation !



LA SOCCA


   

Et pour finir, évoquons encore une spécialité niçoise incontournable, que nous ne dégustions jamais à la maison, mais seulement à l’occasion de nos promenades dans le Vieux Nice : la socca. Cette fameuse galette de farine de pois chiche, que tout bon visiteur se doit d’ingérer, sur place, sous peine de passer totalement à côté de l’esprit des lieux-mêmes où elle a été créée et inlassablement diffusée ! Pas vraiment un goûter susceptible de laisser un souvenir impérissable sur les papilles d’un jeune enfant, mais, plus tard, ces fragments de grosses crêpes, légèrement carbonisées et fortement poivrées, selon l’usage, prises en toute convivialité, à même le comptoir ou autour d’une table, dans une ruelle joyeusement animée, et accompagnées d’un verre de vin frais : blanc, rosé ou rouge, constitueraient toujours à mon goût une sympathique mise en bouche d’avant-dîner.






par Jacky Barozzi 02 mai, 2024
Adopté par Mimi, le Chartreux de Corine, l'amie de ma petite soeur Marinette, du côté de Flayosc. Séjour dans le Sud, entre Flayosc (Var) et Cannes (Alpes-Maritimes) du 17 au 30 avril 2024.
par Jacky Barozzi 08 avr., 2024
Sandrine, assisse au soleil sur un banc du square Trousseau , au faubourg Saint-Antoine, observait, tout en achevant d’avaler un sandwich, des enfants jouant dans l’aire de jeux, au milieu du grand bac à sable. Une jeune femme blonde d‘une vingtaine d’années et son compagnon, un beur du même âge, accompagnés de leur gamin, se dirigèrent vers le kiosque à musique, au centre du jardin. Là, ils s’installèrent sur les marches. Le père sortit une balle de son sac à dos et la donna au garçon, qui courut rejoindre les autres enfants dans l’aire de jeux voisine du kiosque. Sandrine alluma une cigarette et fuma voluptueusement, les yeux mi-clos, le visage offert aux rayons du soleil. Plongées dans ses rêves, elle fut soudain ramenée à la réalité par la voix d’une jeune femme : – Pourrais-je vous emprunter votre briquet, s’il-vous-plait ? Rouvrant les yeux, Sandrine découvrit la blonde du kiosque. Elle tira un briquet de son sac, posé à côté d’elle sur le banc, et le tendit en souriant à la mère du petit garçon. Sans plus de façon, celle-ci repartit jusqu’au kiosque où elle donna à son tour le briquet à son conjoint. Malgré la distance, Sandrine perçu toute l’action : le jeune homme chauffa une barrette de cannabis et se confectionna un joint, qu’il alluma, avant de rendre le briquet à sa compagne. Celle-ci revint en direction de Sandrine et lui redonna son briquet – Merci beaucoup, dit-elle. – Il n’y a pas de quoi, répondit Sandrine, toujours souriante. 
par Jacky Barozzi 23 mars, 2024
Connaissez-vous, au voisinage du bois de Vincennes, l’hôpital Esquirol de Saint-Maurice ? Un haut-lieu de vie et de mémoire, qui vaut le détour ! Durant douze siècles, Saint-Maurice se dénomma Charenton-Saint-Maurice, jusqu’à ce qu’une ordonnance royale de Louis Philippe, du 25 décembre 1842, lui permit de n’en conserver que sa seule appellation dernière. Officiellement, pour la distinguer de la commune voisine, qui prit le nom de Charenton-le-Pont en 1810. En réalité, c’est parce que les habitants, du fait de la trop grande renommée de l’asile de Charenton, et trouvant qu’ils avaient de plus en plus de mal à marier leurs filles, voulurent, à défaut de se débarrasser de l’asile, en effacer le nom. Voilà pourquoi l’ancien asile de Charenton, devenu l’hôpital Esquirol, ne se trouve pas sur la commune de Charenton, mais sur celle de Saint-Maurice.
par Jacky Barozzi 12 mars, 2024
JARDIN DES PLANTES - 1633 5° arr., place Valhubert, rue Buffon, rue Geoffroy-Saint- Hilaire, rue Cuvier, M° Gare-d’Austerlitz, Jussieu ou Place-Monge C’est en 1614 que Guy de La Brosse, médecin ordinaire de Louis XIII, soumet à Jean Héroard, Premier médecin du roi, son projet de création d’un jardin où l’on cultiverait « toutes sortes d’herbes médicinales ». Il faut dire que les travaux des botanistes du XVI° siècle avaient attiré l’attention sur cette science nouvelle. Après la création du Jardin des plantes de Montpellier, en 1593, qui est le premier fondé en France, Henri IV et Sully songèrent à en établir un semblable à Paris qui possédait seulement un petit jardin de simples planté par l’apothicaire Nicolas Houel pour l’école des Apothicaires de la rue de l’Arbalète. L’édit de fondation du «Jardin royal des plantes médicinales » est promulgué en 1626 mais il reste encore à lui trouver un emplacement ! C’est Guy de La Brosse qui, en 1633, s’occupe de l’acquisition d’un vaste terrain, le clos Coypeau, situé au sud de l’abbaye Saint-Victor. D’une surface représentant environ le quart de sa superficie actuelle (qui est de 24 hectares), le jardin est séparé de la Seine par un entrepôt de bois et bordé de l’autre côté (vers l’actuelle rue Geoffroy-Saint-Hilaire) par des buttes artificielles faites de détritus et de gravats de construction. Guy de La Brosse s’attache immédiatement à aménager cette propriété royale, dont il est nommé intendant en 1635, pour en faire une école de botanique et d’histoire naturelle. L’espace est compartimenté en quatre zones distinctes, séparées par deux allées se coupant à angle droit. L’on y cultive des plantes usuelles, des arbres fruitiers, des arbustes et des plantes aquatiques. Sur les pentes des buttes artificielles qui bornent le jardin, Guy de La Brosse aménage un labyrinthe. En 1636, Vespasien Robin, démonstrateur en botanique, plante le robinier ou faux-acacia à partir d’un rejet dont son père Jean Robin, chargé du Jardin du roi dans l’île de la Cité (emplacement de la place Dauphine), se serait procuré les graines par l’intermédiaire d’un pépiniériste anglais. Le robinier du Jardin des plantes fut longtemps le deuxième plus vieil arbre de Paris, après le robinier du square René-Viviani planté vers 1601 par Jean Robin. Il est aujourd’hui mort et il ne reste qu’un tronc avec des rejets (extrémité ouest de la galerie de botanique) mais celui du square René-Viviani, avec ses 20 mètres de hauteur et ses 4 mètres de circonférence, existe toujours, soutenu par des étais. Dès 1640, le jardin est ouvert au public et, à la mort de son fondateur, l’année suivante, il compte 1 800 plants différents. C’est désormais le « Jardin du roi », développé à partir de 1693 par Fagon, Premier médecin de Louis XIV, puis par le botaniste Tournefort, qui plante l’érable de Crète en 1702 (labyrinthe, côté bibliothèque), et les trois frères de Jussieu qui parcourent le monde à la recherche de nouvelles espèces rares. C’est ainsi que Bernard de Jussieu rapporta d’Angleterre, en 1734, deux cèdres du Liban dont l’un subsiste sur les pentes du grand labyrinthe ; c’est lui aussi qui plantera en 1747 le premier pied de Sophora, qui provenait de Chine (devant la galerie de minéralogie). Entre 1732 et 1739 sont créées les premières serres chaudes françaises, pour abriter des plantes exotiques. Nommé intendant du Jardin du roi en 1739, Georges- Louis de Buffon le restera jusqu’à sa mort, en 1788. Il sut s’entourer des meilleurs savants, parmi lesquels les naturalistes Louis Daubenton (une colonne signale sa tombe près du sommet du labyrinthe) et Jean-Baptiste de Lamarck et le botaniste Antoine-Laurent de Jussieu, neveu des trois frères. Pour le jardin, il s’adjoignit les services d’André Thouin, nommé jardinier en chef en 1764, et pour la construction des bâtiments, ceux de l’architecte Edme Verniquet. C’est sous la direction de Buffon que le Jardin du roi va connaître son plus bel essor. L’intendant y habite, dans la maison dite « de Buffon » située dans l’angle sud-ouest du jardin (actuelle librairie).
par Jacky Barozzi 01 mars, 2024
Fontaine Hydrorrhage Jardin Tino-Rossi, quai Saint-Bernard (5e arr.) Métro : Gare d’Austerlitz ou Jussieu Transformé en jardin entre 1975 et 1980, le quai Saint-Bernard constitue désormais une belle promenade, entre les ponts d’Austerlitz et de Sully. C’est là qu’a été installé le musée de Sculptures en plein air de la Ville de Paris, consacré essentiellement aux œuvres de la seconde moitié du XXe siècle. Au centre, un rond-point constitué d’une succession de bassins semi-circulaires, abrite une bien singulière fontaine. Baptisée Hydrorrhage , celle-ci a été réalisée en 1975-1977 par l’architecte Daniel Badani et le sculpteur Jean-Robert Ipoustéguy. Derrière une imposante armure en forme de bouclier, on découvre un homme nu, harnaché d’un attirail relevant proprement de l’iconographie sado-masochiste, et suçotant une sorte de gland tout en se livrant à la masturbation ! Cette audacieuse œuvre, contemporaine de l’époque de la libération sexuelle, semble avoir dépassée les souhaits de son commanditaire. La municipalité a en effet récemment entouré d’un grillage et d’une haie d’arbustes l’ensemble des bassins, empêchant le visiteur de se rapprocher de cette fontaine, autrefois de plain-pied, et en a pudiquement détourné la gerbe principale, qui jaillissait du sexe du personnage et retombait dans le premier bassin depuis le gros tuyau recourbé au centre du bouclier, pour le remplacer par les deux inoffensifs jets d’eau du bassin, situés de part et d’autre du groupe en bronze. 
par Jacky Barozzi 29 févr., 2024
La Lutèce gallo-romaine reconstituée. JARDIN DES ARENES DE LUTECE ET SQUARE CAPITAN - 1892 5° arr., rue de Navarre, rue des Arènes, rue Monge, M° Place-Monge La Lutèce gallo-romaine, qui voit se reconstruire l’île de la Cité, se développe sur la rive gauche, à l’abri des inondations. Là, sur les pentes de la montagne Sainte- Geneviève, s’établit une cité à la romaine, de part et d’autre de la voie principale, le cardo, dont on retrouve le tracé dans la rue Saint-Jacques. Un peu à l’écart, adossé au versant oriental de la colline, est construit vers la fin du Ier siècle après J.-C. un édifice, connu sous le nom d’Arènes de Lutèce, qui servait en réalité tout aussi bien pour les jeux du cirque que pour les représentations théâtrales, comme en témoigne la scène qui vient interrompre les gradins sur un côté.
par Jacky Barozzi 25 févr., 2024
I nlassable piéton de Paris, pour lequel les errances dans la capitale furent longtemps le prétexte à ranimer son imaginaire mémoriel, Patrick Modiano serait-il brusquement rattrapé par le principe de réalité ? Dans son dernier roman, « La Danseuse », un récit de moins de cent pages, aux chapitres particulièrement aérés, il nous conte l’histoire d’une danseuse, jamais autrement nommée dans le livre, et de son jeune fils Pierre, rencontrés un demi siècle plus tôt. Situé en grande partie entre la Place Clichy (9e arr.) et la Porte de Champerret (17e arr.), ce court texte est ponctué de plusieurs paragraphes où le présent s’invite comme jamais auparavant dans les romans de notre auteur récemment nobélisé : « Qu’étaient devenus la danseuse et Pierre, et ceux que j’avais croisés à la même époque ? Voilà une question que je me posais souvent depuis près de cinquante ans et qui était restée jusque-là sans réponse. Et, soudain, ce 8 janvier 2023, il me sembla que cela n’avait plus aucune importance. Ni la danseuse ni Pierre n’appartenaient au passé mais dans un présent éternel. » Ici, le narrateur ne reconnait plus le Paris de sa jeunesse et s’y sent désormais étranger. Une ville où les Parisiens ont été remplacés par les touristes et où la nostalgie n’est plus ce qu’elle était. Une ville : « qui avait à ce point changé qu’elle ne m’évoquait plus aucun souvenir. Une ville étrangère. Elle ressemblait à un grand parc d’attraction ou à l’espace « duty-free » d’un aéroport. Beaucoup de monde dans les rues, comme je n’en avais jamais vu auparavant. Les passants marchaient par groupes d’une dizaine de personnes, traînant des valises à roulettes et la plupart portant des sacs à dos. D’où venaient ces centaines de milliers de touristes dont on se demandait s’ils n’étaient pas les seuls, désormais, à peupler les rues de Paris ? » Tandis que le narrateur traverse le boulevard Raspail (Patrick Modiano réside aujourd’hui dans le 6e arr.), il croise un fantôme du passé : « Je reconnus aussitôt Verzini. Et j’éprouvai un brusque malaise, celui d’être en présence de quelqu’un que je croyais mort depuis longtemps. » Après l’avoir accosté, les deux hommes décident de se réfugier dans un café, à l’angle du boulevard et de la rue du Cherche-Midi : « Nous étions assis à une table, l’un en face de l’autre, seuls dans la salle, ce qui m’étonnait. Depuis quelques temps, les cafés et les restaurants étaient bondés. Devant la plupart d’entre eux, il y avait même des files d’attente. » Le narrateur précisant : « Derrière la vitre, je voyais passer les groupes de touristes habituels depuis quelques mois, sac au dos et traînant leurs valises à roulettes. La plupart portaient des shorts, des tee-shirts et des casquettes de toile à visière. Aucun d’entre eux ne pénétrait dans le café où nous étions, comme si celui-ci appartenait encore à un autre temps qui le préservait de cette foule. » Et ajoutant, au moment où le narrateur et Verzini se séparent sur le trottoir : « Dehors, nous étions bousculés par le flot des touristes. Ils avançaient par groupes compacts et vous barraient le chemin. ''Nous reprendrons peut-être un jour notre conversation, me dit-il. C’est si loin, tout ça… Mais j’essaierai quand même de me souvenir…'' Il eut le temps de me faire un signe du bras avant d’être entraîné et de se perdre dans cette armée en déroute qui encombrait le boulevard. » Le narrateur ou Modiano lui-même, avouant, plus loin : « Nous vivions des temps difficiles depuis trois ans, comme je n’en avais jamais connu de ma vie. Et le monde avait changé si vite autour de moi que je m’y sentais un étranger. » Alors, texte testamentaire de notre auteur national, dans un Paris post covidien et de plus en plus airbnbisé ? Seul, l’avenir nous le dira…
par Jacky Barozzi 20 févr., 2024
12e arrondissement Musée des Arts forains 53, avenue des Terroirs de France Tél. : 01 43 40 16 22 Métro : Cour Saint-Émilion http://www.arts-forains.com
par Jacky Barozzi 20 févr., 2024
PARC DES BUTTES-CHAUMONT - 1867 19° arr., rue Manin, rue de Crimée, rue Botzaris, M° Buttes- Chaumont ou Botzaris Entre Belleville et La Villette, la butte de Chaumont, du latin calvus mons ou mont chauve, est de tout temps une colline aride et dénudée dont le sol calcaire interdit toute agriculture. Des moulins apparaissent dès le XVI° siècle sur les hauteurs de Belleville et de La Villette et on en dénombre six à la fin du XVII°sur la butte de Chaumont. A partir du XVIII° siècle, le gypse du sous-sol est exploité pour fournir de la pierre à plâtre destinée à la construction. Cette extraction, qui se fait en souterrain, entraîne des affaissements du terrain et, à la suite d’effondrements meurtriers, l’exploitation souterraine est interdite en 1779. Les carrières à plâtre sont détruites et comblées par éboulement mais l’exploitation va se poursuivre à ciel ouvert, de plus en plus intensive dans le premier tiers du XIX° siècle. En 1851, la carrière dite de l’Amérique, l’une des plus importantes, quasiment épuisée, est fermée. Le site offre à cette époque un aspect véritablement désolé. Aux pieds de la butte, du côté de La Villette, se trouve depuis la fin du XVIII° siècle le plus grand dépotoir d’ordures de la capitale, qui sert aussi pour l’équarrissage des chevaux. La nuit, les anciennes carrières sont le refuge des clochards et des rôdeurs. 
par Jacky Barozzi 18 févr., 2024
PARC FLORAL DE PARIS 1969 12° arr., bois de Vincennes, esplanade Saint-Louis, route de la Pyramide, M° Château-de-Vincennes. Entrée payante Le Parc floral a été inauguré en 1969 à l’occasion des Troisièmes Floralies internationales de Paris. Les deux premières éditions s’étaient tenues en 1959 et 1964 au Centre national des Industries et des Techniques (CNIT) de La Défense et le succès qu’elles avaient remporté avaient conduit les organisateurs à rechercher un emplacement mieux adapté. C’est ainsi que le Conseil de Paris décida en 1966 d’implanter ce nouveau “Parc d’activités culturelles de plein air” dans le bois de Vincennes, sur des terrains qui avaient été occupés par les anciens établissements militaires de la Pyramide et de la Cartoucherie. L’objectif était double : accueillir les Troisièmes Floralies internationales de Paris, qui seraient suivies d’autres expositions temporaires, mais aussi profiter de l’engouement pour l’art floral manifesté par le grand public pour le sensibiliser à l’art contemporain en exposant des œuvres en plein air. 
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