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11 septembre 2021 à 10 h 15.

« 9 jours à Raqqa » de Xavier de Lauzanne.

Un film documentaire sous forme de double portrait, celui de Raqqa, au centre de la Syrie, l’ancienne capitale autoproclamée de l’état islamique en 2014, et celui de sa jeune maire actuelle, Leila Mustapha, chargée d’y rétablir la démocratie à la suite de la libération de la ville par les forces coalisées internationales en octobre 2017.

Accompagnant Marine de Tilly, le cinéaste a traversé l’Irak et une partie de la Syrie pour filmer la rencontre de cette jeune kurde exceptionnelle, dont la journaliste française a décidé d’écrire la biographie.

Une biographie forcément inachevée, mais déjà richement nourrie !

C’est une mission de reconstruction titanesque d’une ville détruite à 80% et sans plus aucunes infrastructures ni eau ni électricité, que cette ingénieure en génie civil de 30 ans assure et assume avec courage et détermination.

Ville martyre, avec ses camps de réfugiés en périphérie et ses nombreuses fosses communes, Raqqa, oubliée de l’ONU et de la plupart des ONG, selon Leila Mustapha, panse néanmoins ses plaies sous une gouvernance démocratique multiconfessionnelle, où les femmes, qui comptèrent parmi les principales victimes de Daesh, jouent désormais un rôle majeur : la responsable des forces armées locale est également une femme !

Emouvantes scènes de la place Al Naïm et de sa fontaine de sinistre mémoire : c’est là que les islamistes pendaient les têtes de la plupart des suppliciés et autour de laquelle désormais la vie reprend peu à peu son cours.

On peut s’y retrouver autour d’un café et les enfants y jouer.

Mais depuis que Trump a décidé de retirer les troupes américaines de Syrie, et les forces dormantes des djihadistes demeurant cachées parmi la population, cette renaissance est bien précaire et les risques toujours bien réels, ainsi que nous en avertit la jeune maire.

Et pas seulement à Raqqa, d’où partirent les ordres des attentats du 13 novembre 2015 à Paris.

Oui, encore bien loin d’être définitive, cette biographie filmée…



10 septembre 2021 à 11 h 50.

« Supernova » de Harry Macqueen, avec Colin Firth et Stanley Tucci.

Un écrivain et un musicien s’aimaient d’amour tendre, mais comment s’y prendre quand, trente ans plus tard, l’un des deux partenaire du couple commence à perdre la mémoire ?

Sur le fil ténu de ce scénario mélodramatique et particulièrement casse-gueule, Stanley Tucci (Sam, l’écrivain à la mémoire qui flanche et ne peut plus surmonter le vertige de la page blanche) et Colin Firth (Tusker, son fidèle compagnon concertiste) déploient, tels des funambules, toute l’étendue de leur vaste talent d’acteur.

Non sans justesse, délicatesse et pudeur. 

Ni nostalgie ni flash-backs dans ce film où le cinéaste anglais s’attache essentiellement à les suivre dans leur vieux camping-car sur les routes d’une Angleterre verdoyante et sauvage, l’occasion pour eux de retourner sur les lieux de leurs premières amours et de permettre à Sam de faire ses adieux aux parents et amis qui les ont accompagné tout au long de leur vie. 

Prétexte également au cinéaste à nous donner à voir, entre vallées et montagnes, de magnifiques paysages sous la voûte céleste, éternellement traversés par des poussières d’étoiles humaines…



6 septembre 2021 à 13 h 45.

« Chers camarades ! » de Andrey Konchalovsky, avec Yuliya Vysotskaya.

Dans un tout autre genre que le flamboyant « Michel-Ange », sorti à l’automne dernier, le cinéaste russe, âgé de 84 ans, nous propose aujourd’hui un film tout aussi historique mais nettement plus politique.

Konchalovsky a fait le choix ici du noir et blanc et renoué pour la sixième fois avec la comédienne Yuliya Vysotskaya pour nous conter, à travers elle, l’histoire d’une rébellion qui eut lieu dans une ville de province du sud de l’URSS en 1962.

Une véritable tentative de révolte populaire, en terre cosaque, qui fut violemment réprimée et dont aucunes informations n’avaient filtrées dans le pays, alors en proie à la Guerre froide.

C’est une belle reconstitution d’une fresque historique et dramatique, annonciatrice du futur effondrement de l’empire soviétique, que le cinéaste nous donne ainsi à découvrir.

Lioudmila, qui fut infirmière lors des combats de la Seconde Guerre mondiale, où elle rencontra un jeune soldat, tombé héroïquement au front, a élevé seule la fille qu’ils ont eu ensemble.

Devenue une cadre éminente du parti, et ayant aussi son vieux père à charge, elle mène une vie de femme active et a une liaison avec un homme marié, lui-même membre influent local.

Malgré la crise économique, elle jouit de quelques avantages et reste farouchement soviétique : elle croit avec conviction au communisme, dont l’avènement hélas se fait toujours attendre, mais avoue ne plus rien comprendre à ce qui se passe dans le pays depuis la mort récente de Staline, qu’elle déplore.

Jusqu’à ce que sa fille de 18 ans, qui travaille dans un laboratoire, décide de prendre part à la grève générale, qui finira dans un bain de sang.

Sa disparition sans laisser de trace, va plonger sa mère, partisane jusqu’alors d’une répression sans merci contre les « forces anti révolutionnaires », au coeur d’un cruel dilemme.

Bravant les directives venues d’en-haut, elle va partir à sa recherche.

Aidée inopinément en cela par un membre du KGB, envoyé par Moscou, qui, outre les convictions idéalistes partagées, ne reste visiblement pas insensible à ses charmes.

Prétexte à Andrey Konchalovsky de filmer les contradictions qui agitèrent à l’époque ces « chers camarades », qui crurent de bonne foi à un monde meilleur…



4 septembre 2021 à 10 h 25.
« Un Triomphe » d’Emmanuel Courcol, avec Kad Merad.
Je craignais le pire et finalement j’ai trouvé le meilleur.
A la vue en effet de la bande-annonce sur le thème de la rédemption de taulards par la culture, les bons sentiments affichés du scénario et l’accueil enthousiaste de la critique, j’avais peur de n’être guère convaincu par ce film universaliste « inspiré d’une histoire vraie » !
Quoique passablement cabotin dans la peau d’un acteur en galère, qui n’est pas remonté sur les planches depuis trois ans et survit en animant des stages de théâtre en entreprise ou en prison, Kad Merad trouve-là un superbe rôle à sa mesure.
Entrainant avec lui une troupe de partenaires efficaces (pas si facile de jouer les mauvais comédiens qui progressivement s’améliorent et deviennent franchement bons) et porté par un scénario qui ne ménage pas les effets de surprise jusqu’au coup de théâtre final, je n’ai pas boudé mon plaisir.
Au-dela de son aspect social, un rien politiquement correct, j’ai surtout vu dans ce film un superbe hommage au théâtre et au métier d’acteur.

Doublé d’un bel éloge à Samuel Beckett, dont le « En attendant Godot » se révèle parfaitement bien adapté à la condition carcérale.Une traduction ou transposition cinématographique doté d’une surprenante trahison : dans cette version, Godot apparait à la fin !

Histoire de redonner un peu d’espoir aux pauvres représentants de la condition humaine que nous sommes.

Un bel hommage aussi à Paris, idéalement représenté ici comme la ville de toutes les libertés…




29 août 2021 à 10 h 35
« La Terre des hommes » de Naël Marandin, avec Diane Rouxel, Finnegan Oldfield, Jalil Lespert et Olivier Gourmet.
Dans le paysage cinématographique français actuel, le film paysan est devenu un véritable genre en soi.
Un genre que le flâneur des deux rives que je suis, en mal d’exotisme et de pittoresque, en apprécie particulièrement la saveur.
D’autant plus lorsqu’il est réalisé par un bon cinéaste, porté par d’excellents comédiens et repose sur un scénario passablement élaboré.
« La Terre des hommes », à prendre dans tous les sens du terme : terre nourricière, terre dominée par les mâles et planète des humains, est un film particulièrement roboratif.
Le film nous plonge dans le milieu des éleveurs de bétail (vaches et veaux) de la campagne bourguignonne.
Outre l’aspect purement agricole, il aborde diverses autres problématiques professionnelles et existentielles liés à la condition paysanne.
Olivier Gourmet y incarne parfaitement le cas de ces agriculteurs qui ont raté le coche de la modernisation et se retrouvent en liquidation judiciaire.
Sa fille, en instance de mariage, travaillant à la ferme paternelle avec son futur mari, semble prête à prendre la relève avec un sérieux projet d’exploitation.
Mais c’était sans compter sur la rivalité qui oppose les deux principaux candidats à la présidence du syndicat agricole local…
Là-dessus se greffe une torride histoire de pulsions sensuelles dont le cinéaste nous laisse libre d’y voir l’émanation d’un banal adultère ou d’un sordide exemple de harcèlement sexuel.
Partie de jambe en l’air librement consentie ou viol, telle est la question ?
Pour ma part, je penche nettement pour la première proposition.
Ici, dans un univers au plus près de la nature et des animaux, où l’héroïne rêve qu’elle est possédée par le minotaure, l’amour est dans le pré souffre plutôt d’un trop plein que d’un manque !


27 août 2021 à 12 h 55

« Blanche » de Bruno Dumont, avec Léa Seydoux, Blanche Gardin et Benjamin Biolay.

Présenté en compétition au Festival de Cannes 2021, le film est reparti bredouille.

On n’y retrouve pas la patte du cinéaste du « P’tit Quinquin » et de « La Vie de Jésus », qui semble signer là une oeuvre qui n’est pas son genre.

Un genre plus politique que métaphysique.

Léa Seydou y incarne France de Meurs, une impériale journaliste vedette de la télévision française, coachée par sa redoutable et cynique assistante, Blanche Gardin.

Vivant dans un superbe appartement de la place des Vosges, cette reine des plateaux, experte des reportages bidons sur les principaux sites conflictuels mondiaux, se retrouve en délicatesse avec son écrivain de mari, Benjamin Biolay (elle gagne cinq fois plus que lui), et leur unique fils de 10 ans.

Le cinéaste ne nous épargne aucune station du chemin de croix de notre héroïne, entre passion et désillusion.

Car notre ambitieuse journaliste de vocation se met soudain à douter sur le bien fondé de son métier.

De triomphante, elle deviendra dépressive et n’arrêtera plus de pleurer.

Elle aura même à subir une trahison et un drame personnel.

Tout sonne faux dans le jeu des acteurs et les situations sont grossièrement brossées.

Mais que donc Bruno Dumont a-t-il voulu nous prouver à travers ce film ?

Une dénonciation de l’Etat spectacle, la viduité des images journalistiques sur celles, plus authentiques, des cinéastes ?

Toutes choses que l’on sait depuis longtemps.

J’ai ressenti malaise et ennui à la projection de ce film aux allures de règlement de compte, qui commence par une conférence de presse caricaturale (et reconstituée) d’Emmanuel Macron, du temps où la France n’était pas encore masquée…

21 août 2021 à 20 h 40

« Bac nord » de Cédric Jimenez, avec Gilles Lellouche, Karim Leklou, François Civil et l’aimable figuration d’Adèle Exarchopoulos.

Dieu sait que j’adore le cinéma mais j’ai horreur d’être enfumé !

Ici, le réalisateur est un habile joueur de bonneteau. 

Notez que l’on est prévenu dès le générique : « Ce film est inspiré d’une histoire vraie, mais reste néanmoins une fiction » 

« Tu la vois la carte de la vérité, elle est là, là et là, et tu ne la retrouveras jamais ! »

C’est avant tout une histoire d’hommes, principalement de policiers, où les cailleras sont présentés en bloc, sans distinction, et les deux femmes, la fliquesse et l’indicatrice, sont réduites au minimum syndical.

Entre les consignes contradictoires et prudentes de leur supérieur hiérarchique et du préfet de police local, trois flics, qui croient encore à leur métier, se donnent les moyens pour traquer, vaille que vaille, les principaux dealers d’un quartier chaud de Marseille.

Il leur faut absolument trouver 5 kilos de cannabis par leurs propres moyens pour obtenir un tuyau capital d’une gamine apparemment bien informée.

Une fois en possession du renseignement tant attendu, ils déclenchent alors une spectaculaire guerre : effets visuels appuyés et musique assourdissante assortie à l’issue de laquelle on ne déplorera miraculeusement aucun morts. 

Splendide victoire, qui rejaillit sur toute la BAC locale, son chef, le préfet et remonte jusqu’au ministre.

Jusqu’à ce que le film bascule soudain dans une sordide guerre des polices et que nos trois pieds nickelés, abandonnés par tous et cuisinés par l’IGPN se retrouvent en prison. 

A la fin du film, il ne reste plus au spectateur, particulièrement secoué et désenchanté, qu’à rejoindre les Gilets jaunes sur leurs ronds-points, à manifester avec les antivax et voter pour les candidats de l’extrême droite.

Pas d’autres choix possibles.

Que ce film soit présenté en compétition au festival de Cannes, même hors compétition, est une aberration…

19 août 2021 à 14 h 45

« Drive my car » de Ryusuke Hamaguchi, adapté du recueil de nouvelles « Des hommes sans femmes » de Haruki Murakami.

Présenté en compétition au Festival de Cannes 2021, le film de ce jeune cinéaste japonais de 42 ans, dont le précédent film « Asako I&II » avait été particulièrement remarqué, a obtenu avec celui-ci le prix du meilleur scénario.

Pour bien appréhender ce long métrage d’une durée de 3 heures, il faut en accepter la lenteur et y entrer en douceur.

Un long prélude d’avant générique et une postface en fin de film encadrent cette histoire centrée autour de la rencontre d’un metteur en scène quarantenaire et d’une jeune conductrice en âge d’être sa fille.

Tout se passe dans la voiture et sur les plateaux de répétition du festival d’Hiroshima, où le personnage principal (l’excellent acteur Hidetoshi Nishijima), qui vient de perdre sa femme, a été invité à mettre en scène « Oncle Vania » d’Anton Tchekhov. 

Les comédiens de la troupe asiatique internationale s’exprimant chacun dans une langue différente : le mandarin, le japonais, le coréen et le langage des sourds !

Peu à peu nous glissons alors dans une sorte de psychodrame généralisé : celui du metteur en scène, de sa chauffeuse mutique, des acteurs de la pièce de Tchekhov, qui elle même est déjà un psychodrame en soi. 

Autant de sources de tension autour du deuil et de la création mettant à mal la conscience dramatique personnelle du spectateur, qui ne sort pas indemne de la projection !

Superbe variation sur l’intériorité et l’extériorisation des sentiments, où les acteurs doivent puiser, et que le cinéaste traduit également dans la forme esthétique du film avec une alternance de plans à l’intérieur de la voiture sur les personnages, depuis l’intérieur de la voiture sur les paysages urbains et champêtres traversés, et aussi depuis l’extérieur à vue de drone sur la voiture sillonnant les routes et autoroutes.

Beau comme du Bergman !

11 août 2021 à 10 h 40.

« Tom Medina » de Tony Gatlif, avec David Murgia et Slimane Dazi.

Présenté en compétition officielle au dernier festival de Cannes, le film est reparti sans aucune récompense et a reçu un accueil plutôt mitigé de la critique.

Etonnant pour cet habitué de la Croisette, qui à 72 ans signe là l’un de ses films les plus forts et les plus abouti !

Les plus lyriques aussi.

Tom, le héros du film, incarné par le stellaire David Murgia, un acteur de nationalité belge, est un jeune délinquant sauvage et déraciné envoyé par la justice se faire réinsérer en Camargue.

Là, il s’affronte au propriétaire d’une manade, prénommé Ulysse, un personnage solide comme un bloc de pierre cachant néanmoins un coeur tendre (remarquable Slimane Dazi) et à sa fille, une maréchale ferrante compositrice et chanteuse de rock métal (fantastique Karoline Rose Sun).

Il y rencontrera aussi Suzanne, une jeune femme qui a été séparée de sa fille, à laquelle il s’attachera et tentera de redonner le sourire (émouvante et convaincante Suzanne Aubert).

Une histoire où Tony Gatlif a mis beaucoup de ses souvenirs de jeunesse, sur fond de perte d’identité et de reconstruction personnelle.

Comme à son habitude, le cinéaste, mêle le réalisme à la spiritualité (en l’occurence chrétienne), teintée toutefois d’une bonne dose de magie et de superstition.

Cela nous donne à voir un film flamboyant d’où émerge en majesté la Camargue : ses paysages naturels sans pareil, ses villes principales (Sainte-Marie de la Mer et Arles), ses habitants aux us et coutumes singuliers et sa faune foisonnante et variée.

Un choc de cultures entre tradition et modernité, qui nous donne à entendre des poèmes dans la langue des félibriges sur fond de musique gipsy et hard rock !

Une symphonie narrative tout en images et sons, où l’on assiste au combat impitoyable des taureaux, à la course des chevaux sauvages, à la chorégraphie inénarrable des flamands roses, sous le regard perçant des chouettes et le croassement des crapauds.

Captivant.


1er août 2021 à 11 h 30.

« The Sparks Brothers » de Edgar Wright.

Hier soir, bravant les manifestants antivax (peu nombreux) et les CRS (très présents), je suis allé à la séance de 20 heures du Majestic-Bastille pour voir le documentaire sur les frères Sparks, les auteurs de l’opéra-pop « Annette », sorti en salle dans la foulée du film de Léos Carax.

L’occasion d’en savoir un peu plus sur ce groupe de musiciens intrigants dont j’ignorais jusqu’alors l’existence.

Intéressant documentaire musical qui m’a fait découvrir qu’en fait je connaissais les Sparks sans le savoir, un peu comme monsieur Jourdain faisant de la prose.

Etonnants Ron Mae (l’aîné, claviste et compositeur du groupe à la petite moustache hitlérienne) et Russell (le cadet, chanteur trémoussant, au physique de Jim Morrison mâtiné de Mike Brandt).

Deux Californiens, nourris de cinéma et de musique anglaise, qui ont produit 25 albums, 500 chansons en cinquante ans de carrière et jouent un rôle déterminent dans l’histoire de la Pop musique.

Etonnant portrait aussi de ces deux frères (un même esprit dans deux corps), qui ont connu la gloire et les échecs sans jamais renoncer à faire la musique qu’ils aimaient et aiment toujours, en toute liberté.

Le documentaire montre aussi en creux le monde impitoyable du showbiz, que ces deux lascars ont traversé, sans se départir de leur humour et en se renouvelant sans cesse.

Avec en prime une morale plutôt réjouissante : tout vient à point à qui sait attendre…


31 juillet 2021 à 10 h 50.

« True Mothers » de Naomi Kawase.

Le dernier film de la cinéaste « naturaliste » japonaise des « Délices de Tokyo », labelisé Cannes 2020, nous propose ici une histoire toute en douceur et subtilité sur le thème de l’adoption.

D’un côté, Hikari, jeune collégienne de 14 ans, tombe amoureuse et enceinte d’un garçon du lycée, qui l’aime tout autant. Mais, contexte familial oblige, il ne leur sera pas possible de fonder une famille.

Parallèlement, Satoko et son mari, qui ont déjà un petit garçon devenant difficile, rêvent de lui donner un petit frère ou une petite soeur.

Mais il n’y arrivent plus de façon naturelle et décident alors de recourir à l’adoption.

Grâce à l’association « Baby Baton », fondée par une femme remarquable, sur une île face à Nagasaki (tout un symbole !), Hikari pourra accoucher en toute sérénité d’un petit garçon, Asato, qu’elle confiera, à contre-coeur, à Sakato et son mari.

Sur cette trame mélodramatique, depuis la naissance jusqu’aux six ans d’Asato, Naomi Kawase, qui fut elle-même une enfant adoptée, construit un film tout en lenteur et délicatesse.

Le scénario s’attachant à décrire le point de vue de chacun des protagonistes de l’histoire.

Son film, qui propose une vision idéalisée et une résolution apaisée sur le délicat problème de l’adoption, est particulièrement émouvant.

J’ai beaucoup aimé et un peu pleuré…


30 juillet 2021 à 14 h 38.

« Milla » de Shannon Murphy.

Présenté à la Mostra de Venise en 2019, le premier long-métrage de cette jeune réalisatrice australienne, qui sort en salle seulement cette semaine, covid oblige, en était reparti avec le prix du meilleur espoir.

Brillante comédie dramatique, qui donne à voir des adultes passablement barrés dont les enfants payent les pots cassés : drogue et dépendance, cancer plus ou moins en phase de rémission !

Les personnages sont-ils représentatifs de la société australienne actuelle ?

Heureusement que la nature alentour est si belle et les oiseaux bariolés ivres de bonheur.

Une love story insulaire et adolescente, où les deux protagonistes principaux, Eliza Scanlen (Milla) et Toby Wallace (Moses) se révèlent particulièrement doués et attachants.


29 juillet 2021 à 11 h 30.

« La Loi de Téhéran » de Saeed Roustayi.

Qu’est-ce qui m’a gêné dans ce thriller brillant sur fond de réalisme social ?

L’impression de découvrir une certaine réalité iranienne contemporaine avec les codes d’un polar traditionnel occidental.

Et aussi l’intensité des dialogues ininterrompus et heurtés semblables à une partie de pingpong endiablée entre les deux protagonistes principaux, les comédiens confirmés Payman Maadi et Navid Mohammadzadeh dans les rôles respectifs du flic et du voyou.

Deuxième long métrage du jeune cinéaste iranien Saeed Roustayi, 31 ans, présenté dans la sélection officielle du festival de Venise 2019 et primé au festival du film policier de Reims, « La Loi de Téhéran » est un film efficace, haletant, sur fond d’une problématique sociale lourde, qui ne manque pas d’interroger le spectateur.

Malgré la peine capitale par pendaison réservée aux trafiquants, la société iranienne, principalement dans ses couches populaires, est l’objet d’une flambée d’usagers de drogue, passant ces dernières années de 1 à 6,5 millions de consommateurs, notamment de crack.

La religion, opium du peuple, ne suffisant pas visiblement à canaliser le désenchantement général.

Mêlant la fiction au documentaire, le film enchaîne les scènes les plus époustouflantes et éprouvantes : courses poursuites, descentes de police, promiscuité dans des prisons crasseuses et surpeuplées, services de police et de justice en proie à la corruption, misérabilisme des consommateurs et exécutions collectives des dealers.

Un film coup de poing dont on sort un peu groggy, renouant néanmoins avec un cinéma iranien qui, malgré une censure prégnante, parvient à produire paradoxalement des oeuvres à la dimension politique forte et dérangeante.


28 juillet 2021 à 10 h 10.

« Bonne mère » de Hafsia Herzi.

Présenté dans la sélection Un Certain regard du Festival de Cannes 2021, ce second film de l’actrice Hafsia Herzi, révélation de « La Graine et le mulet » d’Abdellatif Kechiche, peut se voir comme un bel hommage à sa mère, à toutes les mères.

Tourné avec une majorité d’acteurs non professionnels dans les quartiers Nord de Marseille, le film est l’occasion de dresser un beau portrait de femme.

Emouvante Halima Benhamed, tout à la fois un coeur simple devenue par la force des choses une authentique mère courage.

Film de femme dans un univers de femmes, ou les hommes brillent par leur absence, leur manque et leur faiblesse ou une étrange soumission… sexuelle !

La bonne mère de l’histoire, sous la protection de celle de la ville, pleine de grâce et d’amour et dont la douceur naturelle triomphe toujours du monde de brutes où elle évolue ne manquera pas de vous faire verser de chaudes larmes…

Préparez vos mouchoir !


22 juillet 2021 à 11 h 09.

« Onoda – 10 000 nuits dans la jungle » d’Arthur Harari.

Loin des paillettes de la sélection officielle du festival de Cannes 2021, le réalisateur français qui s’était distingué avec le polar « Diamant noir » (2016) a présenté en ouverture de la section « Un Certain Regard » un beau film d’aventure comme on en fait plus guère, sorti dans nos salles cette semaine (l’occasion pour moi d’étrenner mon passe-sanitaire).

Entièrement tourné au Cambodge, en langue étrangère, Onada nous conte la geste incroyable et pourtant bien réelle de ce jeune officier japonais qui n’a accepté de déposer les armes qu’en… 1974 !

Qualifié de « dernier combattant » de la Seconde Guerre mondiale, le lieutenant Onada avait été envoyé en 1944 sur l’île de Lunang, aux Philippines, pour poursuivre une guerre sans merci contre les troupes américaines.

A la tête d’un petit commando, dont il fut l’ultime survivant, il poursuivit sans relâche, dans la clandestinité de la jungle, la guerrila contre les nouveaux maîtres du monde et leurs alliés locaux, ignorant toujours que l’Empire du Soleil Levant avait signé la capitulation en 1945.

Obéissant aux normes du film de guerre traditionnel, Arthur Harari nous offre de surcroit un film sous forme de fable métaphysique, prétexte à réflexion sur l’esprit de résistance : résistance à l’occupant et résistance à la modernité.

Tel un don Quichotte mâtiné d’un Robinson Crusoé, le soldat-ermite Onada combat jusqu’à l’absurde pour l’honneur perdu de son pays, qui l’avait oublié…

Devenant ainsi, sous nos yeux cinématographiques, un véritable personnage de légende, beau comme un Mishima, mais sans les apprêts du culturisme.


20 juillet 2021 à 12 h 18.

« Journal de Tûoa » de Miguel Gomes et Maureen Fazendeiro.

Une équipe de cinéma et trois comédiens sont confinés dans une ferme du sud du Portugal.

Un tournage en temps et situation réels entre août et septembre 2020.

Ainsi le film enregistre les moindres faits et gestes d’une fille et deux garçons : Crista, Carloto et João. 

Il ne se passe pratiquement rien que de très ordinaire. 

La construction d’une volière à papillons ou la scène du baiser sous le pommier entre la fille et le plus sexy des garçons et les quelques problèmes afférents à l’équipe technique mis bout à bout constituant l’essentiel de ce film chronologique, ponctué, jour par jour, par le lent pourrissement d’un coing posé sur un muret en plein soleil.

Aux acteurs qui s’interrogent sur leurs rôles, les réalisateurs et la scénariste (pas moins de trois têtes pensantes pour cette oeuvre) expliquent qu’il ne s’agit pas de donner du relief à leurs personnages ni d’histoire à raconter à travers leurs dialogues.

Juste des images de leurs actes quotidiens à enregistrer…

On note cependant que deux accortes noires se chargent de la cuisine et du ménage et on se souvient que le Portugal fut un empire colonial.

A part ça, rien de plus. 

Un film expérimental subventionné, comme l’on en voit régulièrement à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes, où le film fut présenté.

Un film totalement en phase avec les théories du Nouveau Roman.

Il faudra un jour faire l’inventaire des dégâts collatéraux, anciens et toujours présents, causés par ce mouvement littéraire français sur la culture mondiale !


18 juillet 2021 à 14 h 35

« Désigné coupable » de Kevin Macdonald, avec Tahar Rahim et Jodie Foster.

Bon thriller américain, comme l’industrie hollywoodienne, tendance démocrate, sait les faire.

Avec l’éternelle confrontation entre les forces du Bien et du Mal et la victoire finale de la justice.

God bless America !

Inspiré des « Lettres de Guantànamo » de Mohamedou Ould Slahi, un Mauritanien emprisonné abusivement durant plus de quatorze ans dans la célèbre enclave cubaine de l’armée américaine, le film retrace les conditions de vie et les tortures inhumaines dont a été victime le héros principal, avant d’être finalement reconnu innocent par la justice fédérale.

Une victime expiatoire, créée de toute pièce par les services secrets et l’armée américaine à la suite des attentats du 11 novembre 2001, qui devra son salut grâce à la pugnacité d’une avocate fidèle aux principes de l’habeas corpus et pour laquelle il ne saurait être question de répondre à la barbarie par la barbarie.

C’est violent, carré et efficace, avec deux rôles taillés sur mesure pour Tahar Rahim, qui se révèle un bon produit d’exportation internationale, au même titre que Jean Dujardin et Omar Sy, et une émouvante Jostie Forster, en actrice vieillissante, 100% bio, sans aucun recours au lifting et autres artifices, sinon les services d’un bon coiffeur.

Un bon film, oui, mais attention, j’ai pas dit un chef-d’oeuvre…


17 juillet 2021 à 10 h

« Bergman Island » de Mia Hansen-Løve.

Un couple de cinéastes vient passer l’été avec Bergman, dans l’île suédoise de Farö et nous embarque à leur suite. 

Un séjour professionnel, prétexte à la préparation de leurs prochains films respectifs. 

Lui, sensiblement plus âgé qu’elle et mieux reconnu dans la profession, est déjà en pourparler avec les producteurs. 

Elle, en est encore à l’écriture balbutiante du scénario.

Tout en nous faisant découvrir l’étonnant tourisme culturel qui s’est développé dans l’île autour des lieux de vie et de tournage du grand cinéaste, le mari suit avec empathie et tendresse le film à venir de sa femme, que Mia Hansen-Løve nous donne à voir en images.

Ainsi, sous forme de poupées russes avec mise en abîme, avons nous droit à trois histoires pour le prix d’une : le bio pic intrusif sur la vie de Bergman, présenté comme un auteur génial mais un homme antipathique ; les aléas professionnels et sentimentaux du couple interprété par Mia Wasikowska et Tim Roth et le film imaginé par cette dernière. 

Parfaite illustration d’un Bergman raconté aux bobos.

C’est intelligent, sensible, studieux et… passablement ennuyeux.


16 juillet 2021 à 9 h 52

« Titane » de Julia Ducournau, avec Vincent Lindon et Agathe Rousselle.

« Grave » c’était grave, mais « Titane » c’est proprement titanesque !

Un film qui transcende les genres et transgresse les codes.

Ecrit et réalisé par la jeune cinéaste française Julia Ducournau, 37 ans, ce second long métrage nous conte l’histoire d’une héroïne à la beauté ambiguë, qui a survécu à un terrible accident grâce à l’assistance d’une plaque en titane dans la tête.

Remarquablement interprétée par Agathe Rousselle, belle comme un travesti superbement carrossée mais passablement cabossée aussi.

Dans un monde chaotique, cette serial killeuse d’instinct, mue d’un salutaire réflexe d’auto défense, deviendra au terme d’un trépignant chemin de croix un beau mec à tendance humanitaire.

Grâce notamment à de fausses retrouvailles avec un père de substitution, un capitaine des pompiers, tout aussi déjanté qu’elle, auquel Vincent Lindon prête son vieux corps bodybuldé, qu’il maintient en forme à coup d’injections dans les fesses.

Un film heavy métal, aux images et à la bande-son particulièrement soignées, dont la morale nous réaffirme que seul l’amour peut encore sauver le monde.

Un amour sans tabou ni totem, dans un monde où la sexualité dominante est réduite à de la masturbation collective et la reproduction à une pure affaire de production mécanique en série.

Une proposition originale de la part de la fille parthénogénée de Fassbinder, pour les scènes de bal des pompiers en folie dignes des marins de Querelle, et de Pasolini, avec un final en forme d’évangile selon saint Bach !

Cela mériterait bien une palme d’or du meilleur film et/ou de la meilleure interprétation féminine et masculine.

Après « Parasite », les membres du jury, présidé par le réalisateur Spike Lee et composé de Mélanie Laurent, Tahar Rahim, Maggie Gyllenhaal, Mylène Farmer, la cinéaste Mati Diop, la productrice-scénariste Jessica Hausner, le réalisateur-producteur Kleber Mendonça Filho et l’acteur Song Kang-ho oseront-ils le grand saut ?

Moi, je dis bingo !


10 juillet 2021 à 11 h 05

« Benedetta » de Paul Verhoeven, avec Virginie Efira, Charlotte Rampling et Lambert Wilson. 

Un film historico-érotique qui se passe dans la Toscane du XVIIe siècle ravagée par la peste bubonique. 

Mais ce n’est pas le Décaméron de Pasolini. Plutôt une ultime version sadomasochiste d’ « Angelique et le Nonce du Pape » de Bernard Borderie !

Un péplum au couvent où la pourpre cardinalesque remplace toutes les nuances de gris.

Un scénario inspiré d’une « histoire vraie » un peu tirée par les cheveux. 

Celle d’une nonne destinée très tôt à être l’épouse du Christ et aura la révélation de l’amour des hommes, en l’occurence une belle et sauvage novice, qui lui fera connaître l’orgasme à l’aide d’un godemiché taillé dans une statuette en bois de la Vierge !

Sainte martyre locale, soeur Benedetta ne fut pourtant pas avare de miracles en tous genres, mais ne sera néanmoins jamais canonisée par le Vatican. 

Elle se paya pourtant le luxe d’un véritable chemin de croix, où la résurrection précèda sa montée au bûcher !

Une franche rigolade, plus digne du cinoche du samedi soir que du cinématographe.

Excellentes prestations de Virginie Efira, à la nudité naturelle, de Charlotte Rampling, quasiment sublime en mère supérieure austère tentant à tout prix de maintenir l’ordre dans ce joyeux bordel environnant et Lambert Wilson, effrayant dans le rôle d’un sous-pape régional, inquisitorial et lubrique à souhait.

Le vrai miracle tient au fait, ici, que le film de Paul Verhoeven, cinéaste de la lignée de Just Jaecking, se retrouve dans la sélection officielle cannoise !

Pour la Palme d’Or ou le prix d’interprétation féminine, ça risque d’être un peu juste…


8 juillet 2021 à 9 h 52

« Annette » de Leos Carax, avec Adam Driver et Marion Cotillard.

Après un an d’abstinence exceptionnelle pour cause de pandémie mondiale et un report de mai à juillet, le festival de Cannes a démarré sur les chapeaux de roues : ça crisse déjà sec sur la Croisette !

Et vu les films de la sélection officielle et des sélections parallèles à venir, cela ne risque pas de s’arrêter.

Cinéaste rare et singulier, avec six longs métrages en trente-sept ans de carrière, tous aussi décoiffants les uns que les autres, Leos Carax, anagramme de ses deux prénoms, Alex Oscar Dupont, de son vrai nom, revient sur nos grands écrans après dix ans d’absence, à soixante ans tout rond.

Cette fois-ci, nous avons droit à une comédie musicale dont le livret est signé des Sparks, un groupe californien de légende.

Avec Leos Carax, nous sommes assurés qu’il n’y aura jamais d’unanimité autour de son oeuvre, chez lui on adore ou on déteste.

Et disons le d’emblée, je me range résolument du côté des premiers : pardonnez-moi, mon Père, mais j’ai beaucoup aimé !

« Annette », est un opéra bouffe, un opéra rock, fait pour déranger les biens pensants, qui quitte généralement la salle, furibards.

Au début, c’est féérique, et à l’arrivée on se retrouve en plein film d’horreur.

Il était une fois… un prince du stand up en Hollywood aussi beau ou laid, c’est selon, mais aussi sexy que Iggy Pop, qui rencontra une reine du lyrique, française et tragique à souhait.

Henry et Ann, magistral Adam Driver et exemplaire Marion Cotillard, parfaitement dans son rôle en icône de la bien pensance oscarisée.

Ils filèrent un amour merveilleux, jusqu’au jour où ils eurent une enfant, Annette, sorte de ET venue de nulle part, fille de King Kong et de la fée aux cheveux bleus. Une marionnette en bois, à la rousseur du diable, une véritable Pinocchia.

Et patatras !

Les fans n’aiment pas que leurs idoles soient heureuses.

Lui décroit aux yeux de son public, tandis qu’elle, au contraire, s’élève toujours plus haut.

Les parents se désaiment jusqu’à la haine et projettent leur ego respectif sur la pauvre marionnette, qui n’en demandait pas tant.

Le destin, sournois et tragique, tire les fils…

Splendeur des plans, magie du son, lyrisme de la musique.

Les scènes s’enchaînent, toutes aussi fascinantes que belles.

Ah, la complainte de l’accompagnateur !

Et le duo père-fille final, magistral !

C’est Godard qu’on assassine, l’histoire du cinéma qui défile, David Lynch qui mulhollande à moto et la morale des féministes et des néo conformistes qui dégouline.

Et moi, malgré les 2 h 20 de la projection, j’en redemande et j’applaudis !


3 juillet 2021 à 11 h 05.

« Le Procès de l’herboriste » d’Agnieszka Holland.

Après « L’Ombre de Staline », sorti en salle en juin 2020, la cinéaste polonaise, qui fut la collaboratrice d’Andrzej Wajda et de Kryzsztof Kieslowski avant de passer derrière la caméra, nous propose, comme à son habitude, une ultime variation de la vie en régime totalitaire dans les pays de l’Europe de l’est.

Une thématique dont elle s’est fait la spécialiste et qui se traduit par des films bien maîtrisés et formellement superbes, généralement estampillés par les diverses sessions de la prestigieuse Berlinade.

Ici, après la grande famine hivernale en Ukraine à l’époque de Staline, sujet de son précédent film, Agnieszka Holland nous offre un biopic de Jan Mikolášek. 

Un herboriste talentueux, qui se passionna très tôt pour les plantes médicinales et se découvrit des dons exceptionnels de guérisseur.

Personnage hors normes, que nous suivons depuis les années trente jusqu’aux années cinquante. 

L’occasion de redécouvrir la Tchécoslovaquie, parfaitement reconstituée, depuis l’occupation nazie jusqu’à celle des fonctionnaires communistes d’après-guerre.

Période trouble s’il en est, durant laquelle Jan Mikolášek parvint toutefois à se maintenir et accroître sa renommée, en soignant indifféremment les puissants comme les pauvres, accourus en masse devant les grilles de sa clinique privée.

Jusqu’à ce que la police d’Etat pragoise lui tende un piège et puisse l’accuser de charlatanisme criminel, saisisse ses biens, et organise son procès en vue d’une condamnation à mort programmée.

Malgré le talent de Ivan Trojan, dans le rôle de l’herboriste, et de Juraj Loj, dans celui de son jeune amant-assistant, Agnieszka Holland, qui nous offre ici deux héros pour le prix d’un, ne nous convainc pas vraiment en ce qui concerne la vérité historique de son personnage principal.

Son film prend des allures de chromo où Jan Mikolášek nous apparaît tel un saint François d’Assise des plantes. 

Mais plus dur que tendre. 

Il faut dire que jeune militaire, il fut contraint de participer à l’exécution d’un de ses camarades. N’ayant d’autre choix que de tirer ou recevoir une balle dans la tête. 

Ce que la cinéaste nous donne à voir de manière un peu trop appuyée : « C’est le choix qui est insoutenable, confessera t-il plus tard à son amant ! »

Jeune, il guérira miraculeusement sa soeur, à base de crème, alors qu’elle devait être amputée d’une jambe, horriblement gangrénée.

A la seule vue d’un flacon d’urine, il est capable de détecter votre mal, de vous prescrire les plantes nécessaires pour en guérir, ou même, éventuellement, de prédire l’heure prochaine de votre mort.

Un peu too much !


2 juillet 2021 à 8 h 19

« Présidents » d’Anne Fontaine, avec Jean Dujardin et Grégory Gadebois.

Gentille pochade autour des deux anciens présidents en mal de confinement prolongé et chômage technique pour cause du virus du pouvoir : « Cinq ans ça passe trop vite ! »

Nicolas (belle prestation de Jean Dujardin) et François (Grégory Gadebois, plus irrésistible encore) saisissent l’opportunité offerte par le fait que Macron soit au plus bas dans les sondages (pire qu’ils ne le furent jamais mais ce qui n’est pas vraiment le cas aujourd’hui, bien au contraire) pour s’unir afin de faire barrage contre Marine Le Pen à la présidentielle de 2022.

Moralité de l’histoire ?

Pour battre cette dernière, rien de mieux qu’une femme semble nous dire cette comédie en forme de fable prophétique.

Sera-ce Valérie Pécresse ou Anne Hidalgo ?

Dores et déjà les paris sont ouverts…


1er juillet 2021 à 13 h 35

« Soeurs » de Yamina Benguigui, avec Isabelle Adjani, Rachida Brakni et Maïwenn.

Beaucoup de bruit et de fureur (mais ce n’est pas du Shakespeare), de cris et de larmes dans cette version métissée de ces trois soeurs franco-algériennes ( ce n’est pas du Tchekhov non plus).

Seulement du Yamina Benguigui, dans toute sa splendeur.

Un film particulièrement ambitieux où la réalisatrice, au-delà de ses principaux protagonistes, s’attache à nous restituer rien moins que l’histoire mouvementée et complexe de l’Algérie ex-française de ces soixante dernières années !

Recourant pour cela à tous les moyens offerts par le flashback cinématographique, redoublés ici par ceux relevant de la plus pure tradition théâtrale.

Un film en abyme s’il en est, conduit à une allure trépidante, voire hystérique, par Zorah (Isabelle Adjani), la soeur aînée des trois soeurs, auteure dramatique de son état, qui a écrit et met en scène l’histoire de sa propre famille, sans en avoir averti et demandé l’autorisation aux autres femmes de la tribu.

Une source supplémentaire de conflits dans cette histoire qui n’en manque pourtant pas.

A ses côtés on trouve sa cadette, Djamila, (Rachida Brakni), femme politique et maire d’une moyenne commune française, et Nohra, la benjamine (Maïwenn), la plus traumatisée des trois soeurs, au point qu’elle n’a pas pu faire grand chose de sa vie.

Au commencement de cette histoire, il y a le père et la mère, Ahmed et Leïla, un jeune couple de maquisards Algériens, qui s’est rencontré dans des conditions dramatiques, ainsi que nous l’apprenons grâce à la pièce de Zohra, où celle-ci fait jouer le rôle de sa mère (l’étonnante Fettouma Bouamari) par sa propre fille (Hafsia Herzi, la révélation de « La Graine et le mulet » d’Abdellatif Kechiche).

On ne comprend pas très bien pourquoi, ce jeune couple héroïque, qui a pris une part active à la guerre d’Algérie, se retrouve en situation de travailleurs immigrés dans le nord de la France ?

Là, outre leurs trois filles, que le père élève dans le culte de leur pays d’origine, le couple aura un quatrième enfant, un petit garçon prénommé Redah. 

Tout allait pour le mieux au sein du cocon familial, jusqu’au jour où le père voulut marier sa fille aînée, Zorah, selon la tradition arabo-musulmane.

La mère s’insurgea et demanda aussitôt le divorce, pour préserver la liberté de ses filles.

C’est alors que le père, après une scène particulièrement violente, retourna dans son pays en enlevant ses deux plus jeunes enfants.

Par la suite, Nohra, fut récupérée dans des conditions rocambolesques, mais le fils disparut pour toujours aux yeux de sa mère et de ses soeurs qui, près d’une trentaine d’années plus tard, débarqueront à Alger afin de retrouver sa trace…

Ayant gardé un sentiment agacé, irrité, durant les trois-quart de la projection, me disant que Yamina Benguigui ne manquait décidément pas de toupet et ne craignait pas le ridicule, ricanant in petto du fait que grâce à son lifting réussi Adjani (66 ans) était plus fraîche à l’écran que les deux comédiennes quarantenaires incarnant ses jeunes soeurs, j’ai finalement était retourné, ému et touché au coeur par ce film épique et lyrique à souhait, au moment où dans le dernier quart elles débarquent à Alger !

Il faut dire qu’Alger figure en bonne place dans la mythologie des villes que je rêve depuis toujours de visiter !


19 juin 2021 à 14 h 45

J’aime bien les frères Podalydès et, pour le fun, je ne suis pas contre une bonne comédie française, de tant à autre.

Fils d’un pharmacien d’origine grecque et d’une professeure d’anglais, et petit-fils d’une libraire versaillaise « catho de droite », les frères Podalydès, qui sont quatre, ont grandi dans la ville du Roi Soleil.

Bruno et Denis, qu’unit une tendre complicité, font souvent la paire au cinéma : généralement, le premier filme et le second se contente de jouer.

Dans « Les deux Alfred », réalisé par Bruno, les deux frères, qui ont co-écrit le scénario et les dialogues, se donnent la réplique à l’écran.

Avec la loufoque participation de Sandrine Kiberlain, jamais aussi bonne que dans la comédie.

Cela nous vaut une joyeuse pochade sur le monde impitoyable du travail contemporain et de ses nouveaux outils.

Un monde plein de drones, de voitures sans chauffeur, de gadgets et d’objets connectés en tous genres, où les forces actives n’ont plus d’autres choix qu’entre l’auto-entreprenariat, l’ubérisation à outrance ou les contrats de plus en plus précaires dans une Start up !

Autant de néo esclaves du libéralisme mondial triomphant.

C’est sympa, plus tendre que revendicatif et gaguesque, dans la lignée d’un Tati, sans la rigueur néanmoins du génial créateur de monsieur Hulot…

On rit et on est empli d’empathie pour cette pauvre engeance empêtrée dans les méandres de la débrouille, les obligations d’adaptation continue aux nouvelles règles économiques et sociétales contemporaines et constamment au bord de la crise de nerf !


17 juin 2021 à 13 h 30

Enfin un film qui me réconcilie avec le cinéma tel qu’en lui même je l’aime !

Six fois nominé aux Oscars, « Sound of Metal », le premier long-métrage de fiction de l’américain Darius Marder, moins formaté et formellement impeccable que « The Father » ou « Nomadland », qui ont raflé la mise à Hollywood, m’a mieux convaincu par son originalité et son authenticité.

Ce film, dont la bande son est le véritable héros, sorti en novembre dernier aux États-Unis n’est finalement reparti qu’avec l’Oscar du meilleur… son. 

On ne pouvait faire moins.

Grâce notamment à l'ingénieur du son français Nicolas Becker, cocorico !

Le film nous conte l’histoire de Ruben, incarné par le remarquable comédien et rappeur anglais d’origine pakistanaise Riz Ahmed, un jeune batteur de heavy metal tendance thrash, et de sa compagne Lou, l’émouvante actrice anglaise Olivia Cooke, chanteuse et guitariste du groupe qu’ils ont formé. 

Un couple heureux et sans problème, qui sillonne de ville en ville et de concert en concert, dans un superbe camping-car-studio, les routes américaines.

C’est une autre génération et une autre Amérique, non moins communautaire, qui nous est donnée à suivre ici. 

Celle d’anciens accro de la cocaïne, qui avaient réussi à trouver l’amour et un équilibre précaire, jusqu’au jour fatal où Ruben est brutalement saisi d’acouphènes et que le médecin diagnostique alors une perte irrémédiable et définitive de l’ouie. 

Suit alors une descente en enfer du musicien qui, entre dénégation, violence et acceptation finale, se résoudra à rejoindre un foyer de désintoxication spécialisé pour personnes malentendantes, dirigé par un étonnant « gourou », plein de sagesse : l’Eglise palliant l’absence de structures étatiques.

Quoi de mieux que le cinéma pour nous donner à imaginer et entendre ce qui se passe alors entre les oreilles d’un sourd ?

Une « problématique » à laquelle j’ai été personnellement sensible…

Un beau film qui résonne comme un hymne, au-delà de la musique, aux sons de la vie et du… silence !


12 juin 2021 à 10 h 15

« Nomadland » de Chloé Zhao, avec Frances McDormand, d’après le livre éponyme de la journaliste Jessica Bruder.

Oscars du Meilleur film, de la Meilleure réalisation et de la Meilleure actrice.

Pour réaliser ce scénario contemporain contant l’histoire de séniors devenus précaires, à la suite de la crise financière de ces dernières années, et contraints de partir à la recherche de petits boulots à travers les Etats-Unis à bord de leurs mini-vans, l’actrice principale et co-productrice du film, Frances McDormand, a choisi la réalisatrice chinoise Chloé Zhao.

Né à Pékin et installée aux USA, celle-ci s’était faite précédemment remarquer avec son second long métrage, « The Rider » (2017), s’attachant aux pas d’un cowboy qui, après s’être blessé, parviendra à conjurer le sort et se battre en vue de la réalisation de ses rêves.

« Nomadland » est un film 100% féminin, sur la précarité économique contemporaine et les nouvelles formes de solidarité socio-politique, qui remet au goût du jour le rêve américain.

Un néo western mâtiné d’idéologie beatnik et dont tous les ingrédients concourent à une oeuvre particulièrement consensuelle : aux bons sentiments positivistes et écologiques du moment s’adjoint ici la (re)découverte des splendides paysages de l’Amérique éternelle.

Le tout, porté par une Frances McDormand parfaite dans le genre anti héroïne.

Que demande le peuple ?

Un bon film, qui fait l’unanimité de la critique mondiale et qui a été largement récompensé par les professionnels de la profession hollywoodiens.

Sortant plutôt ému et satisfait de la projection, je me suis cependant posé une question lancinante dont je n’ai lu aucun écho dans la presse. Comment se fait-il que dans ce film supposé témoigner de l’Amérique contemporaine l’on n’aperçoive pas l’ombre d’un seul black ni d’un asiatique ou d’un latino américain ? Ne parlons pas des amérindiens…

Un pays peuplé uniquement de « Wasp » et organisé autour d’une problématique réactualisée !

Pourrait-on imaginer un tel film français dont tous les protagonistes seraient de type caucasien ?


7 juin à 11 h 40

Rétrospective Abbas Kiarostami (au Centre Beaubourg et dans la plupart des salles MK2).

« Où est la maison de mon ami » (1987).

Tournant des films sur les enfants et les produisant lui-même, les autorités iraniennes ont longtemps cru que Kiarostami réalisait des films pour enfants.

Inofensifs ?

Explosifs, tout au contraire, et d’une intensité poétique radicale !

Après le premier long métrage évoqué avant-hier et quelques films plus tard, je retrouve Kiarostami dans toute sa singularité. 

Entre temps, il est passé à la couleur et l’Iran s’est offerte une « révolution » : la dynastie des Pahlavi à cédé la place au règne des ayatollahs.

Mais dans le hameau et parmi les agriculteurs et artisans de cette histoire, filmée, à hauteur du regard de l’enfance, où se place toujours le cinéaste et où il renvoie le spectateur, les choses semble-t-il n’ont guère évoluées.

Les enfants, comme les animaux, ont une fonction essentiellement utilitaire et doivent se contenter d’obéir à l’autorité des adultes : parents, maîtres d’écoles et vieillards.

Ici, nous suivons Ahmad, un gamin de huit ans, bon élève, sage et discipliné, auquel va se poser un terrible cas de conscience, qu’il va devoir affronter tout seul. 

Ce matin-là, Nematzadeh, son jeune camarade de classe a encore égaré son cahier et a rendu son devoir sur une feuille volante. 

Tancé vertement par l’instituteur du village, il est menacé d’être renvoyé de l’école à la prochaine incartade. 

Après la classe, alors qu’Ahmad, rentré chez lui pour faire ses devoirs, et qu’il est sans cesse dérangé par sa mère et les aïeux de sa famille qui lui commandent de menus services, il s’aperçoit qu’il a emporté par inadvertance le cahier de Nematzadeh, dont il connaît seulement pour toute adresse le nom du hameau lointain où celui-ci réside.

Aucun adulte de son entourage, à commencer par sa mère, ne veulent entendre le dilemme moral qui se pose à lui. 

« Fais tes devoir et va chercher le pain ensuite, après quoi tu pourras aller jouer » lui répète inlassablement sa mère. « Va me chercher un paquet de cigarettes » lui ordonne son grand-père. 

Néanmoins, n’écoutant que sa conscience et désobéissant aux ordres, Ahmad se lance à la recherche de la maison de son ami dans les hameaux voisins pour lui rendre son cahier.

L’occasion de filmer cette superbe quête qui, comme toujours chez Kiarostami, n’atteindra pas le but escompté, mais contraindra le héros à découvrir le monde environnant où il vit et trouver lui-même la propre résolution au problème posé.

De la beauté du théorème malgré les risques encourus, où l’on constate, révolution ou pas, que la civilisation du coeur perdure toujours dans le coeur (simple) des petits enfants !


5 juin 2020 à 10 h 45

Rétrospective complète depuis le 19 mai et jusqu’au 26 juillet des films du cinéaste iranien Abbas Kiarostami (1940-2016), au MK2 Beaubourg et au Centre Pompidou à Paris.

Un cinéaste majeur, Palme d’or à Cannes en 1997 pour « Le goût de la cerise ».

Pour Martin Scorsese : « Kiarostami représente le niveau le plus élevé de l’art dans le cinéma. », et pour Jean-Luc Godard : « Le cinéma naît avec Griffith et se termine avec Kiarostami. ».

Fichtre !

Une occasion pour voir ou revoir l’essentiel de la quarantaine des longs métrages et courts métrages dont des inédits restaurés et présentés actuellement au public.

En essayant de remonter le temps de manière chronologique.

Hier, donc, j’ai pu découvrir le film considéré comme le premier long métrage de Kiarostami, « Le Passager » (1974). L’histoire d’un gamin provincial, Qassem, passionné de football, qui décide de se rendre coûte que coûte à Téhéran pour assister à un match de l’équipe nationale. Splendide film en noir et blanc où la fiction se mêle au documentaire et nous donne à suivre les tribulations impayables d’un ado, digne du fils du « Voleur de bicyclette » de Vittorio de Sica et du Jean-Pierre Léaud des « 400 cents coups ». Entre modernisme et archaïsme, néoréalisme et nouvelle vague, Kiarostami, qui filme les enfants et les milieux populaires avec empathie et sans mièvreries aucune s’attache aux pas de son jeune héros prêt à braver les coups de ceinturons de son père, les coups de règle de son maître d’école, de mentir ou voler même pour réaliser son rêve.

Une émancipation jubilatoire, avec son lot de déceptions, dont il devra payer le prix !

Le film est suivi d’un court métrage, « La Récréation » (1972), une autre histoire d’enfant et de ballon, qui nous offre de surcroit de belles images de la périphérie du Téhéran au temps du Shah d’Iran.

Impossible de ne pas penser durant la projection et au spectacle de ces enfants pleins de vie, qu’ils se retrouveront envoyés quelques années plus tard, avec la bénédiction des adultes et au nom d’Allah, en première ligne lors du conflit entre l’Iran et l’Irak…


4 juin 2021 à 11 h 40.

« Suzanna Andler » de Benoît Jacquot, avec Charlotte Gainsbourg et Niels Schneider.

Ainsi qu’il lui en avait fait la promesse, Benoit Jacquot a adapté une pièce peu connue de Marguerite Duras, dont il fut l’assistant, notamment sur son film culte « India song ».

Dans le sillage d’Anne-Marie Stretter, de Lol V. Stein ou de Vera Baxter, Suzanna Andler est une énième incarnation de ses personnages de femmes languides, belles et aisées toute entières accablées par les tourments de leurs sentiments amoureux.

Un hiver des années soixante, Suzanna Andler vient visiter une villa de la Côte d’Azur en vue d’une future location pour les prochaines vacances d’été. Mariée à un riche homme d’affaires, mère d’une fillette de 9 ans, elle semble toujours liée à son mari, avec lequel portant elle n’a plus de liens charnels : il la trompe en toute notoriété, mais avec tact et discrétion. 

Suzanna Andler, s’est résignée à prendre à son tour un amant, qui l’accompagne à l’occasion de ce voyage d’hiver. 

Dans un mimétisme parfaitement durassien, Benoit Jacquot réalise un film théâtral, entre ombre et lumière crépusculaire, d’une grande et austère villa dont toutes les pièces ouvrent sur la mer. Unité de lieu, de temps et d’action où l’on voit Suzanna Andler rôder en solitaire dans la bâtisse déserte, entre le salon et la terrasse. 

Toute la dramaturgie reposant sur les conversations qu’elle a tour à tour avec l’agent immobilier, à qui elle demande de la laisser seule dans la maison afin qu’elle puisse se déterminer à la louer ou non, son amant qui vient la visiter à diverses occasions (ils doivent aller ensuite passer la soirée à Cannes), ainsi que l’une de ses amies qu’elle retrouvera sur la plage privée de la propriété et dont elle sait qu’elle fut la maîtresse de son mari. 

Belle variation verbale sur le thème de l’amour : de la persistance des anciens liens, toujours pérennes, d’une renaissance du sentiment, fragile et quelque peu effrayant. 

Une belle architecture de mots et d’images, entrecoupée d’un air lancinant de flute indienne, propre à l’univers de Duras et aussi d’Antonioni.

Si Charlotte Gainsbourg se glisse parfaitement dans le ton du personnage, elle n’en a pas, hélas, le physique de l’emploi : dix ans de trop, une allure de femme enfant montée en herbe, sans l’élégance délicate d’une Delphine Seyrig de 40 ans à la féminité assurée et troublante.

Avec ses cheveux courts, moulée dans une robe ultra courte de Saint-Laurent et un manteau léopard en fourrure synthétique, perchée sur de hauts talons, on a du mal à croire que le beau et jeune Niels Schneider puisse être fou d’amour pour elle !

Une erreur de casting qui nuit au charme du film…


Jeudi 3 juin 2021

"Father" de Florian Zeller, avec Anthony Hopkins (deux Oscars)

Gentille dramaturgie sur un sujet particulièrement fédérateur : la relation conflictuelle entre un père et sa fille alors que celui-ci est victime de troubles dûs à l’Alzheimer : curieusement ici, le père perd la mémoire mais est envahi par de nombreuses visions aux allures de mirages ! Un film théâtral, à huis-clos, porté par d’excellents acteurs. Brillant en surface, mais sans réelle profondeur. Un produit « anglicisé » parfaitement calibré pour le marché mondial…


« Des hommes » de Lucas Belvaux, avec Gérard Depardieu, Catherine Frot et Jean-Pierre Darroussin, adapté du roman éponyme de Laurent Mauvignier.

Au roman choral de ce dernier succède ici un film en deux temps et beaucoup de mouvements sur la jeunesse et la vieillesse d’antihéros victimes des évènements d’Algérie. Une guerre honteuse, qui ne peut se dire, aux profonds ravages dont on mesure encore aujourd’hui les conséquences sur les deux pays belligérants. Malgré quelques éclats sensibles du réalisateur, son désir de trop vouloir nous en montrer et prouver, m’a fait ressortir de la projection plus confus que convaincus, hélas !


Mardi 27 octobre 2020 à 11 h 50 min.

Un film de Frederick Wiseman, fut-il d’une durée de 4 heures 32 min., ça ne se rate pas !

Pour dresser le bilan de son premier quinquennat le Maire démocrate de Boston, Martin J. Walsh a fait appel à l’un des meilleurs documentaristes internationaux du moment, lui donnant carte-blanche et accès à toutes les réunions menées par lui ou ses collaborateurs. 

Dans « City Hall » Wiseman, a enregistré, durant l’automne et l’hiver 2019, la plupart des réunions des conseils de quartier ou municipaux de Boston, une des villes les plus « métissées » des Etats-unis. 

Belle opération marketing nous plongeant au coeur de la concertation et des décisions politiques d’une équipe municipale, qui se distingue particulièrement dans sa gestion des problèmes économiques et sociaux qu’elle a en charge, et les solutions qu’elle y a apportés.

Bilan largement positif pour cet élu en tous points opposé à Trump.

On le découvre en action, se présentant en tant que fils d’immigrants irlandais et n’hésitant pas à évoquer en toute franchise son passé d’alcoolique, ne pas ménager sa peine au service de tous ses citoyens, notamment les plus fragiles et les plus démunis.

Images soignées, son impeccable et montage fluide, sans voix off lyrique ou didactique, caractérisent, le cinéma de Wiseman. 

Un cinéma dont la simplicité un brin austère est à l’égal de son authenticité et de son efficacité.

Et on songe à ce qu’aurait donné un tel film sur L’Hôtel de Ville de Paris…



Dimanche 25 octobre 2020 à 15 h 25 min.

« Miss » du cinéaste franco-portugais Ruben Alves.

Après la vague de films sur le thème de l’homosexualité, c’est au tour du transsexualisme.

Un petit garçon rêvait de devenir miss France, mais comment s’y prendre quand on a une queue ?

Cela donne une comédie sympa mais passablement lourdingue, qui tient grâce à la beauté troublante de l’acteur-mannequin androgyne Alexandre Wetter.

Ça riait grassement dans une salle quasi bondée, à la dernière séance juste avant 21 heures, hier soir.

Un futur succès ?



Jeudi 22 octobre 2020 à 12 h 12 min.

Disons-le d’emblée, le dernier film d’Andreï Konchalovsky, « Michel-Ange » (Il peccato) est d’une grande beauté !

A plus de 80 ans passés, le cinéaste russe parvient à nous téléporter dans l’Italie de la Renaissance, sur les pas de Michel-Ange.

Depuis Florence jusqu’à Rome en passant par Carrare.

Un flamboyant biopic qui s’attache à nous restituer la vie de cet artiste de génie, alors qu’il vient tout juste d’achever l’éprouvant chantier du plafond de la chapelle Sixtine et qu’il va se retrouver coincé au beau milieu des querelles de famille de deux papes : Jules II, illustre représentant de la famille Della Rovere, qui lui a passé commande de son tombeau juste avant de mourir, et Léon X, de la famille rivale des Médicis, qui à peine arrivé aux commandes du Vatican lui ordonne de réaliser la façade de la basilique San Lorenzo.

Remarquable interprétation d’Alberto Testone, aux traits burinés et au jeu nerveux, qui n’est pas sans évoquer Pasolini dans le rôle de Giotto.

Ici, on découvre un Michel-Ange crasseux, colérique, rendu quasi fou par le travail harassant qu’il doit fournir et la multitude des problèmes qu’il doit affronter pour parvenir à mener à bien ses oeuvres en cours : problèmes politiques, problèmes familiaux -son père et ses frères sont entièrement à sa charge-, problèmes de rivalité avec ses confrères, tel l’élégant Raphaël qui lui est en tous points opposé, rivalité amoureuse enfin entre ses deux jeunes assistants…

Mais aussi un Michel-Ange rusé, qui n’est jamais satisfait par son travail, et n’estime qu’un seul génie, Dante, dont il se récite par coeur les vers de… l’Enfer !

A travers ses reconstitutions soignées des paysages naturels et suburbains tels qu’on pouvait les voir à l’époque, et des plans aux angles de prise de vue et aux cadres composés à l’égal des peintures de la Renaissance, Andreï Konchalovsky nous transporte à mille lieux du monde actuel.

Nul académisme ni modernité cependant pour ce film qui nous propulse aux frontières de l’éternité.

Une éternité aussi sublime, dure et froide que le monstrueux bloc de marbre que Michel-Ange est allé choisir dans les carrières de Carrare pour réaliser la tombe de Jules II !



Samedi 3 octobre 2020 à 17 h.

« Billie » de James Erskine.

Voilà un documentaire comme je les aime.

A l’enchantement de retrouver la voix sans pareille de Billie Holiday j’en ai appris beaucoup sur elle et la société dans laquelle elle évoluait !

Tragique destin que celui de cette incomparable chanteuse de jazz, morte en 1959 à l’âge de 44 ans, et en paraissant alors au moins dix de plus.

Une vie en accéléré, mais quelle vie !

Prostituée à 13 ans, lesbienne par goût mais fascinée et recherchant les macs, qui l’exploitèrent et la rouèrent de coups, masochiste donc et de surcroit passablement droguée, devenue malgré tout une star en pleine époque ségrégationniste, le film de James Erskine nous permet de découvrir Billie Holiday dans tout son talent et sa complexité.

Après sa mort, la journaliste Linda Lipnack Kuehl, une juive new-yorkaise d’un milieu fort différent mais qui finit pas s’identifier à elle, enquêta durant une dizaine d’années en vue d’écrire sa biographie. 

Elle recueillit de nombreux témoignages des artistes qui l’avaient côtoyée : Charles Mingus, Tony Bennett, Sylvia Syms, de ses amants et maris, ses avocats, ainsi que ceux des agents du FBI qui l’ont arrêtée et envoyée en prison ou en cure de désintoxication…

Elle rencontra aussi le très inquiétant Count Basie, dernier mari de Billie Holiday, morte juste avant de signer sa lettre de demande de divorce…

Etrangement, la biographe n’eut pas le temps d’achever son livre et les bandes magnétiques de ses divers enregistrements étaient restées inédites.

C’est autour des images et des concerts de l’époque et des témoignages enregistrés par Linda Lipnack que le documentaire sur Billie Holiday est construit.

Celle-ci se serait suicidée en se jetant par la fenêtre.

Suicide que sa soeur conteste car rien ne laissait présager son geste : elle n’a laissé aucune lettre et a été retrouvée avec le visage enduit du masque de nuit habituel qu’elle se faisait avant d’aller se coucher !

Ainsi, à la vie tragique et tumultueuse de Billie Holiday vient se greffer l’étrange mort de sa biographe.

Beaucoup pour un film documentaire musical, aux allures de série noire, et sans recours aucun à une quelconque fiction !



Vendredi 2 octobre 2020 à 11 h 40 min.

« Un pays qui se tient sage » de David Dufresne.

Ce documentaire centré sur les dérives policières (indéniables) exercées à l’occasion des manifestations des Gilets jaunes, unanimement encensé par la critique, m’a déçu.

On assiste à un remontage d’images déjà vues auparavant, sur lesquelles le réalisateur fait commenter les divers protagonistes ayant pris part aux évènements et quelques experts invités : historiens, sociologues, représentants syndicaux…

La partialité du cinéaste et le manque de profondeur analytique font que tout se réduit à une simple dichotomie avec les bons d’un côté et les méchants de l’autre et ne nous permettent pas de comprendre véritablement les enjeux de cette situation singulière et la complexité des problèmes mis au jour.

Frustrant !



Vendredi 25 septembre 2020 à 12 h 35 min.

« Lux Æterna » de Gaspar Noé, avec Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg.

Bresson et Besson ayant fait leur Jeanne au bucher, Gaspar Noé en rêvait probablement.

Ici, Béatrice Dalle, réalisatrice, propose le rôle phare à Charlotte Gainsbourg.

A défaut de Jeanne, Noé se contente seulement de la scène du bucher.

Le bucher où l’on flambe les plus belles sorcières.

Un film étrange, atypique de 51 minutes.

Le format télévisuel, sans les contraintes du genre, financé par la fondation Yves Saint-Laurent, pour une oeuvre cinématographique hybride entre le long et le moyen métrage.

Un film d’auteur, plein de bruit, de lumière et de fureur, qui sert de prétexte à dénoncer les coulisses de la création cinématographique, un art collectif qui démultiplie particulièrement les égos !

Le vieux chef-op, qui a fait ses débuts avec « Jean-Luc » ne supporte pas les directives de la réalisatrice, qu’il juge incompétente et folle.

Il saborde son travail et tente de la faire virer par le producteur, qui semble être le diable en personne selon Gaspar Noé.

Belle occasion pour Béatrice Dalle de nous offrir l’une de ses sempiternelles scènes d’hystérie, sous l’oeil perplexe de la pauvre Charlotte, qui en a pourtant vu bien d’autres…

Un film en forme de règlement de compte, drôle, fascinant et esthétiquement réussi.

On aimera ou pas, mais moi qui ne supporte guère Béatrice Dalle et de moins en moins Charlotte Gainsbourg, j’ai bien apprécié !



Jeudi 24 septembre 2020 à 13 h 30.

« Sing me a song » de Thomas Balmès.

Oubliant pour un temps Bouddha, un jeune moinillon du Bhoutan rêve à une belle jeune femme, contactée sur un site de rencontres.

Il découvre qu’elle a déjà été mariée et est mère d’une gamine.

Peu importe, il en est tout entier transi d’amour.

Hélas, elle le trouve un peu trop vert à son goût et ne retiendra pas sa candidature, malgré l’argent qu’il a réussi à se procurer en revendant des champignons médicaux cueillis en haute montagne. Celle-ci préférera mettre à exécution son projet de partir deux ans sans son enfant au Koweit, afin d’y amasser un petit pactole.

Oeuvre hybride, entre documentaire formel et narration passablement scénarisée, Thomas Balmès nous offre là un film attachant, exotique en diable pour nous, qui nous permet en outre de constater que les dégâts de la mondialisation se sont irrémédiablement généralisés : désormais tous les protagonistes de cette histoire du bout du monde sont… connectés.

Rivés sur leurs téléphones portables et d’adonnant aux jeux vidéos en salle, les moines jouent un peu trop à la guerre et semblent plus portés sur la sexualité que sur la transcendance et le sacré !

De l’importance du chagrin d’amour dans le retour à la vocation religieuse et des désillusions apportées par la réalité dans le recyclage fictionnel…



Lundi 24 août 2020 à 11 h 45 min.

« Mignonnes », premier long métrage de Maimouna Doucouré, réalisatrice d’origine sénégalaise de 35 ans.

Elles ont l’âge de leurs premières règles, sont plus black beur que blanches, vivent en cités et, Françaises de nationalité, elles affrontent de plein fouet le choc des cultures.

Telles sont les mignonettes de ce film, qui rêvent toutes de danser à la manière de Beyoncé, réunies autour de la figure charismatique d’Amy, magistralement interprétée par la jeune Fathia Youssouf.

Aussi troublante pour sa première apparition à l’écran que la Sophie Marceau de La Boum ou la Sandrine Bonnaire de Passe ton bac d’abord de Pialat.

Mais avec, ici, une problématique totalement renouvelée.

Amy, jeune fille sage, qui accompagne sa mère à la mosquée et l’aide dans ses travaux ménagers et l’éducation de ses petits frères, va se révolter contre la règle qui veut que cette dernière accepte sans broncher, et même avec le sourire, la seconde épouse de son mari.

Ainsi, sous des airs de comédie, le film aborde t-il des rivages plus sombres, plus politiques et civilisationnels.

Beau portrait d’une Antigone noire, qui aime sa mère et va se donner tous les moyens pour échapper à la loi qui veut que les femmes soient tout entières soumises aux hommes.

Non, les nymphettes ne sont pas toutes des salopes !

Une cinéaste et des actrices à suivre…



Vendredi 21 août 2020 à 11 h 44 min.

« Family Romance » de Werner Herzog.

Surprenant et reposant le dernier opus du réalisateur allemand !

Plus doux, plus serein, plus calme, en un mot plus « zen » que la production à laquelle il nous avait jusqu’alors habitué.

Un film entièrement japonais, à la manière d’un conte moral, sur le besoin d’illusions nécessaires au bonheur des humains.

Le héros, superbe Ishii Yuichi, au propre comme au figuré, est le gérant d’une agence de comédiens baptisée Family Romance et à laquelle les tokioïtes aisés peuvent faire appel pour leurs besoins privés.

C’est ainsi, qu’engagé par sa mère, il rencontre régulièrement la jeune Mahiro Tanimoto, en se faisant passer pour le père qu’elle n’a jamais connu.

Prétexte à de tendres échanges, tout d’abord timides de la part de la jeune ado, dans les parcs et jardins de la ville à la saison des cerisiers en fleurs.

Belles images graphiques, entre tradition et hyper modernité, du Japon contemporain.

Notamment celle d’un hôtel où les réceptionnistes sont des robots, tout comme les impressionnants poissons rouges du grand aquarium du hall central !

Au fil de la relation qui se développe entre le pseudo père et sa fille, on découvrira que les comédiens de l’agence Family Romance n’agissent pas sans une certaine éthique.

Ainsi, lorsque Mahiro, désormais heureuse et épanouie, déclare son amour au prévenant Ishii, celui-ci, un peu à la manière du transfert psychanalytique, se voit contraint de mettre un terme à sa prestation en imaginant, en guise de porte de sortie, sa propre mort…

Quand l’imaginaire vient au secours de la réalité, il arrive que celle-ci le rattrape.

Telle pourrait être la moralité de cette histoire, où le prestataire de service s’engage totalement, parfois au détriment de sa propre vie familiale.

Si la fiction a ses limites, on note toutefois plusieurs noms de la famille Herzog : épouse, enfants, au générique de ce film véritablement familial !


Vendredi 14 août 2020 à 11 h 40 min.

« Light of my Life » de Casey Affleck.

Frère cadet de l’acteur Ben Affleck, le comédien et réalisateur Casey Affleck (45 ans) signe là l’un des plus beaux films de l’été.

Un film ressortissant du genre dit « survival » que, pour ma part, je qualifierais de conte moral, à caractère fortement biblique.

Dix ans après la survenue d’une étrange pandémie qui a éradiqué la totalité des femmes de la planète Terre, un père (Casey Affleck) et sa fillette prépubère (remarquable Anna Pniowsky), se battent pour survivre dans un univers peuplé uniquement d’hommes.

Déguisée en garçon, celle-ci attire toujours l’attention des survivants, du fait de son jeune âge, dans un monde qui ne s’est plus reproduit depuis lors !

Traité de manière réaliste sur un fond apocalyptique, on songe tout à la fois à l’épisode du Sodome et Gomhorre, réactivé par le souvenir du « cancer gay » ainsi qu’avait été défini le Sida à ses débuts, le film, prétexte à de superbes images, se veut avant tout une réflexion sur le bien et le mal.

Malgré la catastrophe, les humains, désormais sans plus d’avenir terrestre, ne se sont pas assagis pour autant.

Une histoire puissante que l’on regarde dans toute son étrangeté prémonitoire.

Nous n’étions guère plus d’une douzaine de spectateurs masqués dans la grande salle du MK2 Quai de Seine, hier après-midi, à songer inévitablement à la situation… actuelle !

L’amour reliant le père et sa fille sera-t-il suffisant à leur salut et… au nôtre ?

Partagé entre l’étrangeté du film et la méditation qu’il suscite en chacun de nous, j’avoue avoir été parfaitement séduit et fasciné, à l’égal de la majorité de la critique cinématographique.

A part quelques voix qui trouvent la morale de cette fable douteuse : Casey Affleck ayant été accusé par deux actrices de harcèlement sexuel sur un précédent tournage…

C’est dire combien « Light of my Life » est particulièrement d’actualité !



Jeudi 23 juillet 2020 à 11 h 06 min.

« Né à Jérusalem (et toujours vivant) » de Yossi Atia et David Ofek.

Réalisateur, scénariste et interprète du film, Yossi Atia, coréalise avec David Ofek un premier long métrage autour d’une idée originale et d’un personnage attachant, celui de Ronen, guide touristique à Jérusalem.

Face aux guides traditionnels de la ville sainte, qui se cantonnent généralement à l’histoire officielle, Ronen, jeune homme pataud et mélancolique, propose aux visiteurs un circuit organisé essentiellement autour des lieux d’attentats de la rue Jaffa. La première rue au monde en cette spécialité, comme il aime à leur rappeler.

Il n’accepte dans son groupe que des étrangers, au prétexte que « les Israéliens veulent toujours avoir raison », et, contrairement aux autres guides, refuse de se faire payer.

Des visites très élaborées, où il n’hésite pas à faire jouer aux touristes le rôle de victimes, leur distribuant des téléphones portables pour qu’ils puissent appeler leurs proches et leur dire qu’ils vont bien suite à un… attentat ! Il les soumet aussi à un questionnaire, du genre : « après une explosion dans un bus ou une fusillade dans un café, peut-on aller aussitôt prendre un pot avec ses amis ? »

Au fil de ces visites répétitives, où se distingue un fort contingent d’asiatiques, dont un gentil étudiant japonais, venu étudier la Bible sur les lieux-mêmes de la naissance du Livre, on remarque qu’il saute régulièrement une plaque commémorative et qu’il est souvent pris de sueurs froides.

Parallèlement, Ronen, qui doit s’occuper de son père, cloitré chez lui, et qui avoue avoir perdu récemment sa mère, « d’un cancer », précise-t-il, ne semble pas avoir de problèmes financiers : il partage un appartement avec son meilleur ami, qui tarde toujours a lui donner sa part de loyer. Ce dont Ronen ne semble pas se formaliser.

C’est alors qu’à la cocasserie de situation du film, le spectateur subodore plutôt assister à un acte de résilience de la part du héros.

Un Woody Allen triste et un peu grassouillet, qui ne semble pas disponible lorsque, contre toute attente, une ravissante visiteuse tombe amoureuse de lui !

Aussi finit-on par se demander quel est le sens véritable de cette histoire, qui nous apparait inaboutie, mais qui malgré ou à cause de ses maladresses ne manque pas d’un charme singulier…



Mardi 21 juillet 2020 à 13 h 53 min.

« Exit » de Rasmus Kloster Bro.

Premier long métrage d’un jeune cinéaste danois de 34 ans, ce « survival », sans effets spéciaux, est plutôt réussi dans son genre.

Un huis-clos palpitant se déroulant dans les entrailles souterraines d’un chantier de construction d’une ligne de métro de Copenhague.

Là, à la suite d’un incendie, une jeune photographe danoise, chargée de faire un reportage, se retrouve piégée en compagnie d’un technicien croate et de son assistant, un migrant érythréen, dans la tête tranchante du gigantesque outil servant à percer la terre.

Coupés du monde et en attendant les secours, il leur faut survivre dans l’obscurité, la chaleur insupportable et la boue. Avec une autonomie en oxygène qui leur est dangereusement comptée.

De ces trois êtres plongés directement en enfer, lesquels reverront la lumière ?

C’est tout l’enjeu de ce film…


Lundi 20 juillet 2020 à 11 h 35 min.

« Abou Leila » d’Amin Sidi-Boumediène.

Deux flics d’Alger, Lofti et S., partent à la recherche d’un dangereux terroriste (Abou Leila) dans le sud algérien.

Retour au désert pour ce premier long métrage d’un cinéaste au nom prédestiné, qui revient sur la période sanglante de l’Algérie des années 1990. 

Beau duo d’acteurs constitué par Lyes Salem et Slimane Benouari.  

Une course poursuite, mi politique mi fantastique, où le premier, solide baroudeur, cherche surtout à porter assistance au second, plus fragile et totalement dépassé par les évènements qui secouent le pays plongé en pleine folie meurtrière.

Mais de quelle monstruosité est-il question, se demande le spectateur occidental ?

Aux images d’horreurs des cadavres des populations civiles, transformées en agneaux sacrificiels, s’oppose la splendeur austère des paysages intemporels.

Ici, l’histoire rejoint la légende et l’on découvre la cassure profonde qui existe entre le nord et le sud du pays.

Un film où la lenteur des plans est contrebalancée par la violence des actes et où l’étrangeté l’emporte sur la rationalité analytique.



Dimanche 19 juillet 2020 à 11 h 05 min.

« Le Sel des larmes » de Philippe Garrel.

D’un côté, vous avez les blockbusters hollywoodiens, de l’autre, le cinéma artisanal français de Philippe Garrel.

Des repères qui servent de balises à la production cinématographique contemporaine et en marquent les limites extrêmes.

On pourrait dire aussi que le cinéma de Philippe Garrel, 72 ans, se présente comme une sempiternelle déclinaison du même film, à la manière de Patrick Modiano pour le roman.

Avec de semblables thèmes récurrents : une forte relation au père et l’éternel éveil du sentiment amoureux.

C’est dire combien est grande la singularité de ce cinéaste, tout à la fois post Nouvelle Vague et soixante-huitard !

Fils et père de comédien.ne.s, Garrel tourne, depuis plus d’un demi siècle, des films familiaux, à petit budget, généralement en noir & blanc, et dont le héros lui ressemble comme deux gouttes d’eau.

Avec lui on ne peut établir qu’une relation de fidélité, on le suit ou pas.

Ce qui, de loin en loin, est mon cas.

Je l’apprécie comme un cinéaste qui fait bande à part, sans jamais théoriser sur le cinéma tel Godard, et plutôt dans la lignée émotionnelle du Truffaut des débuts.

Comme si Garrel, resté adolescent, avait refusé de grandir, d’évoluer, de se renouveler fondamentalement, préférant creuser toujours le même inépuisable sillon.

Son père est mort, son fils est devenu un acteur bancable tout terrain, n’importe, il les remplace par d’autres comédiens et poursuit son chemin, en « petit maître » devenu incontournable à la longue.

Au fil du temps, on note même une tendance à l’épuration.

Ainsi « Le Sel des larmes », où André Wilms occupe la place laissée vacante par son père Maurice, et Logann Antuofermo, celle de son fils Louis, dans le rôle de son propre personnage.

Ici, Luc, est un jeune ébéniste provincial, très proche de son père, qu’il considère comme une sorte de poète, et qui monte à Paris pour suivre les cours de l’école Boule, où il vient d’être reçu.

Luc est un homme à femmes, à la recherche de la Femme, sans avoir connu jusqu’alors la passion.

Dans ce plaisant jeu de l’amour et du hasard, trois jeunes filles, trois portraits différents et complémentaires de la femme, gravitent autour de lui, dont, pour réactualiser le genre, une jeune beurette de Montreuil, Djémila, interprétée par Oulaya Amamra.

Tout en pudeur et fragilité, celle-ci s’oppose à Geneviève (Louise Chevillotte), un amour de jeunesse dont on peut admirer sous toutes les coutures la sculpturale nudité, et Betsy, une infirmière parisienne tout aussi plantureuse mais beaucoup plus émancipée et libre (Souheila Yacoub).

Le scénario, co-écrit avec Jean-Claude Carrière et Arlette Langmann, poussé à la simplification, évoque parfois un roman-photo, mais un roman-photo intello à destination des bobos.

Indéniablement, une bonne cuvée.



Samedi 18 juillet 2020 à 11 h.

« La nuit venue » de Frédéric Farrucci.

Un premier film réussi sous forme de thriller social et romantique sur le monde parallèle et périphérique de la ville Lumière : celui du Paris nocturne, où les travailleurs clandestins croisent les migrants parqués aux portes de la ville.

C’est ainsi que Jin (Guang Huo), un jeune Chinois de Pékin, ex DJ et compositeur de musique, se retrouve chauffeur de VTC à Paris, pour le compte de la mafia chinoise.

Ayant dû fuir son pays cinq ans plus tôt, il est condamné à travailler sans relâche afin de rembourser sa dette à son employeur.

Beau comme un roseau souple et lisse, Jin promène son élégante silhouette d’apparence à travers l’univers interlope de la nuit parisienne.

Mais à la veille de retrouver sa liberté, il sera rattrapé par son ineffable destin.

Il tombe en effet amoureux d’une de ses clientes récurrentes, Naomi (Camélia Jordana), une superbe stripteaseuse brune, aussi appétissante qu’une grenade éclatée par le soleil.

Liaison fatale, qui donne à ce film riche en scènes d’atmosphère reconstituée des allures de « fatum » un peu convenu…



Vendredi 17 juillet 2020 à 11 h 15 min.

« Beloved » de Yaron Shani.

On nous avait parlé d’un diptyque nous permettant de découvrir la même histoire selon le point de vue des protagonistes masculin et féminin.

Une histoire d’amour et de désamour dans un couple de quarantenaires qui tournera au drame.

« Chained » (Enchaîné), sorti la semaine dernière, s’attachait principalement à la version de l’homme, Rashi, flic à Tel Aviv et marié à Avigail, une infirmière en EHPAD, déjà mère d’une adolescente dont les crises viennent compliquer les relation tendues d’un ménage non dénué pourtant d’affection réciproque.

Malgré la version de Rashi, prévenant et autoritaire, on se doutait que celle d’Avigail serait toute autre.

« Beloved » (Bien aimé), sorti cette semaine, épouse en effet le point de vue d’Avigail.

Là, nous quittons l’univers machiste de la police, et entrons de plain pied dans le monde des femmes, l’autorité laissant place au dévouement.

C’est dans un véritable gynécée que nous entraîne Avigail et ses amies : infirmière, sage-femme, et même prostituée.

Ainsi, m’étais-je dis, après la thèse et l’antithèse, ou plutôt les deux versions de la même histoire, il appartiendra à chacun d’entre nous de faire la synthèse et d’en tirer ses propres conclusions.

C’était compter sans la surprise annoncée dès le générique de ce deuxième volet, qui nous en annonce un… troisième, « Stripped » (Lessivé), qui avait été présenté à Venise il y a deux ans, et est annoncé sur nos écrans en septembre !

C’est donc un triptyque, que signe Yaron Shani, jeune cinéaste israélien, qui s’était fait remarquer avec son premier long métrage, « Ajami », malgré les caprices d’une distribution perturbée sans doute par les conséquences du coronavirus ?

Mais que nous réserve donc la suite !

S’attachant aux deux principaux personnages, remarquables acteurs non professionnels, filmés en gros plans nerveux et tout en dialogues denses et intensifs, Yaron Shani, qui se singularise par un ton, une atmosphère et le choix des séquences montées bout à bout, outre les problématiques de couples, nous donne un bel aperçu de la société israélienne contemporaine toute entière.

Présentés dans l’ordre ou dans un joyeux désordre, ses films nous happent jusqu’à la fascination.

Esquissant le poids de la religion ou l’état de guerre propre à la société israélienne, Shani filme au plus près des individus en état de crise permanente, s’attaquant frontalement à la violence d’un pays en proie à la pédophilie, au féminicide, à l’éclatement de la famille et à la perte des repères traditionnels.

Des films au scalpel, éprouvants et déroutants, dont on se demande d’ores et déjà vers quelle conclusion possible ils vont bien pouvoir nous conduire.



Lundi 13 juillet 2020 à 12 h 33

Vous souvenez-vous de votre adolescence ?

Grande actualité cinématographique sur cette période de la vie, riche en conflits et en bouleversements personnels pour chacun d’entre nous.

« Été 85 » de François Ozon, qui sort en salle ce mercredi 15 juillet.

Adapté du roman d’ Adam Chambers, situé en Angleterre dans les années 1970 et traduit en France sous le titre « La Danse du coucou » en 1982, ce 19e film de François Ozon, aurait dû être le premier.

Habituellement invité à Cannes, où il n’a jamais été primé, son film a néanmoins reçu le label de la sélection officielle du festival 2020 où il aurait dû être présenté.

Se souvenant de sa propre adolescence, le cinéaste français a transposé le roman anglais au Tréport, au milieu des années 80.

Prétexte à une belle reconstitution au niveau des costumes et décors et de la bande musicale originelle, comme les aime Ozon qui, film après film, trace son sillon obsessionnel et nostalgique.

L’histoire raconte la passion inattendue entre Alexis (Félix Lefebvre), 16 ans, et David (Benjamin Voisin), 18 ans.

Beau face à face complice entre les deux jeunes comédiens.

Plus proche du drame que de la romance habituelle, dès l’ouverture, le film nous annonce la fin d’une histoire, plus noire que rose, à laquelle il nous sera donné d’assister !

La problématique s’attachant ici à reconstituer la trame que l’éveil des sentiments peut laisser à l’adolescence.

Comme une trace inaltérable au goût tendre et amer de première fois…

Bon cru d’Ozon, que l’on retrouve tel qu’en lui-même, après son précédent film plus politico-moral sur l’affaire de pédophilie dans l’évêché de Lyon.

On peut voir aussi actuellement « L’envolée », film britannique de Eva Riley.

Là, dans la lignée du cinéma social anglais, la cinéaste s’attache aux premiers pas de Leigh, une gymnaste de 14 ans, qui vit, avec son père et son demi-frère, dans la banlieue de Brighton. Un troublant cocktail où l’innocence le dispute à la tentation de la délinquance et des sentiments incestueux…

Enfin, est annoncé prochainement, « Adorables » de Solange Cicurel, avec Elsa Zylberstein et Lucien Jean-Baptiste.

Une comédie plus loufoque, où ces deux parents sont proprement conduits au bord de la crise de nerfs par leur insupportable fille de 14 ans.

Alors, l’adolescence, un moment heureux ou malheureux pour vous ?



Samedi 11 juillet 2020 à 10 h 10 min.

« Lucky Strike » de Yong-hoon KIM.

Le premier film de ce jeune cinéaste sud-coréen débute par un gros plan sur un sac Vuitton, qu’une main anonyme enfouit furtivement dans le casier d’un sauna de nuit.

Au petit matin, un homme de ménage le découvre et constate que celui-ci est bourré de liasses de grosses coupures : un million de dollars coréens !

Nous suivrons ensuite ce bagage, symbole mythologique du luxe made in France, jusqu’à sa destination finale dans le casier d’un aéroport international.

Entre temps, nous assisterons à un joyeux bal funèbre déclinant toute la panoplie des morts violentes : corps dépecés, écrabouillés, éviscérés, comme autant de promesse d’hémoglobine en technicolor !

Ici, comme dans « Parasite », nous évoluons dans un univers où tout le monde est affreux, sale et méchant, où les maris battent généralement leurs femmes, qui se révèlent être elles-mêmes de splendides garces !

A l’exception d’une unique bonne âme innocente, qui héritera de l’objet de tous ces carnages, dans un final aux allures de morale chrétienne.

Le tout donne un excellent polar, dans la lignée des meilleures séries noires, qui a fait toute la renommée du cinéma coréen de ces dernières décennies mais qui semble aussi en marquer la limite : un cinéma de genre pour le genre !

Espérons que Yong-hoon KIM, dont la virtuosité scénaristique et formelle n’est plus à démontrer, saura renouveler le cinéma sud-coréen avec ses prochains films ?

https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=282031.html


Vendredi 10 juillet 2020 à 12 h 10

« Malmkrog » de Cristi Puiu.

C’est un étrange objet cinématographique mal identifié (ou paradoxalement trop référencé) de plus de 3 heures que nous offre avec son cinquième long métrage le cinéaste roumain Cristi Puiu.

Adaptation de «Trois entretiens. Sur la guerre, la morale et la religion» du philosophe russe Vladimir Soloviev, son film met en scène, dans un beau manoir rose à colonnade blanches de Transylvanie, cinq personnages en quête de vérité.

Un dispositif théâtral à la Tchekhov, au service d’un exercice de haute voltige dialectique plus proche de Dostoievski que de Tolstoi !

Là, perdus au milieu d’un paysage enneigé, trois femmes et deux hommes, entourés et servis par des domestiques dévoués et mutiques, s’écoutent parler et penser à l’aube de ce XXe siècle annonciateur de grands bouleversements : Dieu, le bien, le mal, l’avenir de l’humanité…

Des échanges formels et courtois entre aristocrates conscients de leurs privilèges et désireux de comprendre le monde dans son essence et de participer à son émancipation. 

Un film tout en dialogues, où s’opposent aux tenants d’un christianisme orthodoxe les théories matérialistes d’une philosophie rationaliste annonciatrice de liberté et de progrès.

Un des protagoniste du film se payant même le luxe de nous citer les réserves d’Ernest Renan sur la crédibilité du 4e évangile !

Des échanges bavards et à la limite de la préciosité, soutenus par des plans et des images d’une indéniable beauté, qui n’empêchent pas le spectateur de sombrer plus ou moins dans un ennui qui, une fois surmonté, laisse place à une certaine fascination. 

Rien de neuf dans ce film qui ne manque pas pourtant d’une indéniable singularité… 



9 juillet 2020 à 10 h 44 min.

Plus roboratif et satisfaisant cinématographiquement parlant est le diptyque Chained / Beloved du cinéaste israélien Yaron Shani.

Deux films nous permettant de découvrir la même histoire selon le point de vue des protagonistes masculin et féminin.

Une histoire d’amour et de désamour dans un couple de quarantenaires qui tournera au drame.

Un film à déconseiller fortement à Clopine !

En attendant Beloved qui sortira la semaine prochaine, Chained s’attache principalement à la version de l’homme, Rashi, flic à Tel Aviv et marié à Avigail, une infirmière déjà mère d’une adolescente dont les crises viennent compliquer les relation tendues d’un ménage non dénué pourtant d’affection réciproque.

Malgré la version de Rashi, prévenant et autoritaire, on se doute que celle d’Avigail sera toute autre.

Un film terrible et d’actualité sur lequel je reviendrai après vision complète…



9 juillet 2020 à 9 h 38 min.

« Tout simplement noir » de Jean-Pascal Zadi.

De même que j’ai toujours préféré dire « homo » que « gay », une vague forme de recherche d’identité d’importation, Jean-Pascal Zadi, le sympathique héros de son propre film, insiste pour que l’on dise « noir » à la place de « black ».

La presse unanime et dithyrambe m’ayant promis que j’allais me tordre de rire en allant voir cette comédie sur un sujet sensible, rattrapé récemment par l’actualité nationale et internationale, je n’ai pas hésité à commencer par cette nouveauté de la semaine.

Hélas, je ne me suis guère fendu la gueule ni posé beaucoup de questions sur la question noire !

Cette promesse de cinéma de distraction, à dimension politique sous-jacente, se révèle n’être en définitive rien de plus que le catalogue des diverses formes d’être noir en France.

Et encore !

Orchestré autour de l’idée d’organiser une marche noire sur le modèle de « Touche pas à mon pote », le comédien Jean-Pascal Zadi s’intéresse essentiellement aux célébrités et autres privilégiés de cette communauté, qui a gagné en visibilité médiatique.

Une comédie de boulevard, plus bobo que sociale, où ne figure aucun migrant actuel ni banlieusard anonyme et qui se contente d’enfiler les clichés en usage sur le colonialisme, l’esclavage, les différences historiques et géographiques entre noirs issus d’Afrique ou des Dom Tom, les noirs noirs, les marrons clair ou les métisses.

Un ambitieux programme relégué ici au niveau de répliques de stand up.



4 juillet 2020 à 13 h 34 min.

« Le Colocataire », film argentin de Marco Berger.

Juan, jeune brun typé, accueille, dans son appartement de la banlieue de Buenos Aires, l’un de ses collègues de travail, Gabriel, un grand blond d’allure plus sensible et timide.

Ils sont tous deux ouvriers dans une grande menuiserie à la périphérie de la ville. 

Juan a une petite amie, qu’il reçoit régulièrement dans sa chambre, tandis que Gabriel, qui a perdu subitement sa jeune épouse, ainsi qu’on l’apprendra plus tard, s’absente le week-end pour aller retrouver sa fillette, laissée à la garde de ses parents, dans une petite ville voisine de la capitale.

Les deux jeunes hommes passent désormais le plus clair de leur temps ensemble au travail, dans les transports en commun et le huis-clos de leur logement, où ils reçoivent essentiellement les familiers de Juan. 

Ambiance macho, entre hétéros bon teint, devant la télé, en buvant des bières et des matés, mangeant des pizzas, fumant des cigarettes à tire larigot et parlant des filles.

Peu à peu, sans pathos, le cinéaste filme au plus près les deux protagonistes principaux dans leur intimité nouvelle : regards appuyés et fuyants, rapprochement insensibles des corps, troubles à la découverte de la nudité l’un de l’autre…

Une longue montée progressive d’un désir muet et suffocant, qui place le spectateur dans un état de tension partagée avec les deux hommes, jusqu’au… passage à l’acte, à près d’un bon tiers du film !

Dès lors, la fête des corps bascule dans le cérémonial secret d’un amour d’autant plus fort qu’il ne peut se vivre ouvertement.

Le brun domine le blond, en proie lui-même à la jalousie et aux larmes, lorsqu’il voit son amant s’enfermer dans sa chambre avec sa petite amie. 

Dès lors, la virtuosité du cinéaste à montrer la rencontre inévitable des deux corps cède la place à une thématique plus banale : comment vivre un amour interdit dans une société machiste, à la manière de « Brokeback Mountain ».

L’un s’enfermera dans le mensonge, tandis que l’autre revendiquera la voie de la vérité.

Belle scène finale entre le père et sa fille, gage d’un lendemain plus tolérant et meilleur ?



27 juin 2020 à 13 h 10 min.

« L’Amour à la ville » (L’Amore in citta) film en N&B de Michelangelo Antonioni, Federico Fellini, Dino Risi, Carlo Lizzani, Francesco Maselli et Alberto Lattuada (1953).

J’avais tout juste un an, à Cannes, lorsque de jeunes cinéastes italiens théorisaient et mettaient en pratique à Rome un nouveau cinéma dit néoréaliste, précurseur de la Nouvelle Vague française encore en gestation. 

Dans ce film à sketches, jamais vu auparavant et qui fait l’objet d’une nouvelle sortie en salle (Luminor-Hôtel de Ville), les réalisateurs se font les reporters d’un journal en images. 

Mêlant les acteurs professionnels aux interprètent anonymes, les scènes reconstituées au documentaire réaliste, ils nous offrent un film socio politique, inspiré de faits réels, non dépourvu de recherche stylistique cependant, autour du sempiternel thème fédérateur de l’amour, sous ses diverses formes.

Tant et si bien qu’aujourd’hui, le charme un peu désuet de L’Amour à la ville, aux séquences plus ou moins inégales, tient surtout à son caractère ethnographique.

A l’époque, l’amour était essentiellement hétérosexuel. Et ici, les réalisateurs s’attachent principalement à la condition des femmes. 

Femmes courageuses et solitaires, abandonnées par leur fiancés dès qu’elles tombent enceintes, chassées par leurs familles et qui se retrouvent à Rome à la recherche d’un hypothétique travail. 

Telles les prostituées de la périphérie ou du centre ville, que Lizzani suit sur leur lieu de travail et parfois jusque chez elle et interroge sur leur vie privée (séquence qui sera censurée à l’époque). 

Plus métaphysique l’enquête d’Antonioni, qui s’intéresse aux femmes ayant tenté de se suicider ! L’incommunicabilité radicale entre les hommes et les femmes, avant la lettre. 

Alors que Fellini, fidèle à lui-même, nous promène dans les arcanes rocambolesques d’une agence matrimoniale dont la pittoresque gérante promet à tous ses clients, même dans les situations limites, qu’elle va, moyennant argent, les caser ! 

Dino Risi, lui, se contente de nous livrer un film irrésistible, quasi muet, mais en musique, sur les bals du samedi soir où les hommes et les femmes tournoient ensemble dans l’illusion d’une rencontre et plus si affinités. 

Très drôle aussi le reportage visuel de Lattuada qui fait surgir de tous les coins de la ville des légions de belles italiennes, carrossées comme des bolides de formule 1, sur lesquelles les hommes ne savent plus où poser leurs yeux, les suivre, les interpeler ! A la plus grande satisfaction, visiblement, des demoiselles qui ne semblaient pas alors se sentir harcelées ? 

Autre temps, autres moeurs, autre cinéma… 



26 juin 2020 à 16 h 23 min.

« Elephant Man » de David Lynch, avec Anthony Hopkins, John Hurt, Anne Bancroft et John Gielgud. Je n’avais plus revu ce film en N&B, depuis sa sortie en 1980. 

Remarquable et remarqué, il avait alors valu une nomination aux Oscars à son jeune réalisateur dont on a tous pu suivre la carrière anglo-américaine par la suite. 

C’est toujours émouvant et éprouvant de revenir, quarante ans après, au point de départ d’un cinéaste que l’on estime depuis ses débuts et avec lequel on a vieilli.

Du film, je ne gardais que le souvenir vague d’images éclatées d’une grande virtuosité, presque surréalistes.

En fait, le scénario est des plus classiques, un mélange de « Freaks » de Tod Browning (1932) et de « L’Enfant sauvage » de François Truffaut (1969), mêlant l’horreur au didactisme scientifique. 

Le film nous conte l’histoire vraie de John Merrick, un jeune britannique atteint d’éléphantiasis et exhibé dans les foires à l’époque victorienne sous le nom de « l'homme éléphant » (méconnaissable John Hurt !). 

Jusqu’à ce que Le Dr Frederick Treves (Anthony Hopkins), un grand chirurgien et professeur d’anatomie, le découvre et le présente à son tour à ses confrères à l’occasion de ses cours. 

Changement de décor et changement de conditions de vie pour cet Eléphant Man, que l’on considérait comme un idiot congénital et qui se mettra à réciter un passage entier d'un psaume de la Bible (celui concernant le bon Samaritain).

Outre ce bon médecin, pétri de valeurs chrétiennes, une grande comédienne en vogue sur les scènes londoniennes et une altesse impériale contribueront, après bien des péripéties, à faire changer le regard du public sur cet homme que l’on ne pouvait regarder jusqu’alors qu’avec dégoût et grande frayeur. 

Moqueries aussi.

Un film empreint d’étrangeté, bien dans la veine de « Mulholland Drive » (2001), mais avec une forte dose de religiosité en plus.

On aurait tort de ne pas profiter de cette ressortie en copie neuve !

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19446023&cfilm=180.html



Mardi 23 juin 2020 à 14 h45

«L’Ombre de Staline» biopic polonais d'Agnieszka Holland, avec James Norton, Vanessa Kirby et Peter Sarsgaard.

Inspiré de l’histoire vraie de Gareth Jones, un jeune conseiller de l'ancien Premier ministre britannique Lloyd George, devenu journaliste, qui après avoir décroché une interview d’Hitler, rêve d’interroger Staline sur le « miracle soviétique ». 

Arrivé à Moscou en 1933, il ne rencontrera jamais le Petit Père des Peuples, mais parvenant à déjouer la vigilance de ses surveillants, il découvrira alors l’Ukraine hivernale en pleine famine. 

Contrairement à l’envoyé spécial américain en poste à Moscou, un éminent prix Pulitzer, soudoyé par les soviétiques, il révèlera la vérité au monde. 

Ce qui lui vaudra d’être assassiné l’année suivante.

La cinéaste polonaise Agnieszka Holland, ex collaboratrice d’Andrzej Wajda et de Kryzsztof Kieslowski, à laquelle on doit entre de nombreux films un subtil biopic sur Rimbaud et Verlaine (Total Eclipse) avec Leonardo DiCaprio, David Thewlis et Romane Bohringer (1995), s’en est donnée ici un peu trop à coeur joie pour nous concocter un film politique et historique, mêlant formellement l’espionnage au polar.

Hélas, ses images intensives, avec des scènes de cannibalisme passablement complaisantes, faisant songer au « Kaputt » de Malaparte, adapté jadis par Liliana Cavani, et des sons sursaturés à nous faire éclater le tympan, ont achevé de me décourager !

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19587571&cfilm=254025.html



(REPRISE DU « JOURNAL CINEMATOGRAPHIQUE » APRES PLUS DE TROIS MOIS D’ABSENCE POUR CAUSE DE CORONAVIRUS, voir « Le Déconfinement de Paris »)



7 mars 2020 à 10 h 41 min

« La Communion » de Jan Komasa.

Peut-on être Polak sans être catho ?

Difficile d’éviter cette thématique dans le cinéma actuel polonais, où, d’un film l’autre, cette thématique semble récurrente !

Ici, le jeune réalisateur Jan Komasa (38 ans), nous propose, sous forme d’un thriller haletant, de suivre les tribulations d’un jeune délinquant (saisissant Bartosz Bielenia) qui se découvre, en maison de correction, une véritable vocation de prêtre !

Hélas, le curé de l’établissement où il suit une formation de menuisier, lui déclare que la voie du séminaire lui est fermée en raison de la lourdeur de sa condamnation : au cour d’une bagarre, il a tué accidentellement son adversaire !

La rédemption n’existe-t-elle pas dans l’église polonaise ?

Peu importe, par la grâce du scénario, nous assistons, entre violence et passion, à celle de notre jeune héros qui, entre les pièges de la coke et de la chair, suivra un exemplaire chemin de croix.

Sublime, forcément sublime, mais pas vraiment nouveau, pour ce personnage pasolinien, comme échappé tout droit d’un roman de Genet !



6 mars 2020 à 10 h 56 min

« Monos » de Alejandro Landes.

Un film proprement détonnant.

Dans la forêt amazonienne colombienne, de jeunes guérilleros des deux sexes de quinze ans retiennent en otage une scientifique américaine, objet d’une âpre négociation de rançon.

Livrés à eux-mêmes en pleine nature hivernale, dans la boue poisseuse et le froid, ces « monos », des enfants guerriers révolutionnaires, armés de Kalachnikovs et de machettes, reçoivent leurs instructions d’un adulte nain, le « messager ».

A partir de ce thriller, enraciné dans une situation géopolitique bien réelle (on se souvient de l’enlèvement d’Íngrid Betancourt), le jeune cinéaste colombien nous entraine dans un univers d’images, de paysages et de sons hallucinants (planante bande musicale composée par Mica Levi), dans la lignée revendiquée de « Aguirre », d’ « Apocalypse Now » ou encore de « Sa majesté des mouches ».

Il y a aussi du Luis Buñuel de la grande époque surréaliste dans ce film violent, organique, orgiaque, orchestré autour d’enfants sauvages, primitifs, à la sexualité débridée et non encore véritablement fixée, notamment sous l’effet des champignons hallucinogènes.

Fascinant…



12 h 41 min

« Cyrille, agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes » de Rodolphe Marconi.

C’est un bon documentaire, c’est une triste histoire.

Curieusement, ce n’est pas tant l’agriculteur-laitier, supposé représentatif de la condition agricole toute entière, qui me parait faire l’intérêt de ce film, mais plutôt la personne même de Cyrille. 

D’autant plus que plusieurs films, tels, tout récemment, « Petit paysan » (2017) ou « Au nom de la terre » (2019), de nombreux reportages télé ou une émission comme « L’amour est dans le pré », nous ont largement sensibilisé au malaise économique et existentiel lié à cette profession, particulièrement touchée par un fort taux de suicides, comme par ailleurs pour les métiers de la police.

Ici, l’originalité du documentaire vient de la rencontre, sur une plage du littoral atlantique, entre le cinéaste et un jeune homme qui ne savait pas nager et découvrait pour la première fois la mer, et le

désir irrépressible qui s’en est suivi pour le premier de s’attacher à filmer au quotidien ce personnage, en tous points opposé à celui portraituré dans le précédent documentaire qui l’avait fait connaître du public : « Lagarfeld Confidentiel » (2007).

Quoi de commun entre le couturier allemand, parangon de la sophistication, et cet auvergnat englué dans le lisier et la boue ?

La condition homosexuelle ne prime-t-elle pas ici sur la condition agricole ?

Heureusement qu’au cinéma, la réalité nous est restituée en 3D mais sans l’odeur !

A mes yeux, la force du documentaire provient essentiellement de la relation étroite qui s’est établie entre le filmeur et le filmé.

D’une solitude l’autre, la caméra de Rodolphe Marconi ne se contente pas d’enregistrer in vivo les moindres faits et gestes de Cyrille, mais aussi, surtout, de lui offrir une épaule compatissante permettant à ce dernier de se confier en toute intimité.

Des conditions idéales de tournage et d’empathie qui font toute la qualité de ce film qui, sans pathos ni sensiblerie, nous donne à voir et à entendre un personnage particulièrement attachant et touchant.

Où l’on découvre un Cyrille, englué, en grande partie par sa faute, dans un scénario à l’échec programmé.

La mort de sa mère et le désir de la pérenniser vainement en reprenant et développant sa tâche, jusqu’à l’endettement inconsidéré, le mauvais choix d’une spécialisation agricole non viable, l’incommunicabilité avec son père qui le loge et le nourrit cependant, l’impossibilité de vivre sa vie affective (Cyrille doit traverser la chambre paternelle pour regagner la sienne) font que l’on est plutôt soulagé par la décision du tribunal de liquider son affaire et de le contraindre à reprendre en main son destin. 

D’autant plus que notre trentenaire, qui ne manque ni de ressources ni de courage, et, malgré ses larmes et moments de déprime, ne se laisse jamais gagner par la morbidité de sa situation et les idées suicidaires…



27 février 2020 à 12 h 57 min

« Judy » de Rupert Goold.

La prestation réussie d’un acteur est-elle suffisante pour faire un bon film ?

Hormis la notable performance réalisée par Renée Zellweger, rien de vraiment remarquable dans ce biopic du cinéaste britannique, qui s’attache essentiellement à l’ultime tournée anglaise de Judy Garlant, six mois avant sa mort, à l’âge de 47 ans.

Aïeule de la triomphante Madonna et de la terrassée Amy Winehouse, et soeur américaine d’Edith Piaf, la petite star hollywoodienne, que les scènes de flashback nous présente en enfant martyrisée par un Louis B. Mayer qui n’a rien à envier rétrospectivement à Harvey Weinstein, Judy Garland, semblait partie vaincue d’avance.

Dépossédée de la garde des deux plus jeunes de ses trois enfants (confié à la garde de leur père Vincente Minelli, caricaturé un peu rapidement en salaud flamboyant), ruinée par l’alcool et les cachets, fauchée, c’est une Judy Garland écorchée vive mais dotée d’un humour à la mesure de son désespoir, que Renée Zellweger incarne avec conviction.

Cela valait bien un oscar !



25 février 2020 à 15 h 33 min

« Sortilège (Tlamess) » de Ala Eddine Slim.

Etrange film, inattendu dans la production tunisienne actuelle et même dans la production internationale !

Ça commence comme une histoire réaliste et décolle très vite dans le surréel, le fantastique, l’ésotérique.

En plein hiver, un soldat encaserné dans le sud tunisien, à la recherche d’improbables terroristes, se voit octroyer une semaine de permission par son capitaine afin d’aller enterrer sa mère qui vient juste de mourir.

C’est alors que tout bascule pour lui et qu’il se fait déserteur.

Il se voit contraint, pour échapper à la police militaire et la prison, de s’enfuir, nu et blessé, dans la forêt.

Plus tard, devenu un homme des bois, chevelu et barbu, il croise un jour une belle jeune femme, venue consoler près d’une cascade son mal être existentiel.

Elle est marié avec un jeune macho accaparé par ses affaires, et vient d’apprendre qu’elle était enceinte de lui (par insémination !).

Lorsqu’elle aperçoit l’homme sauvage, celle-ci s’évanouit de frayeur.

Revenue à elle, elle découvre qu’il la retient prisonnière dans son repaire souterrain et qu’ils non pas besoin de se parler pour se comprendre.

Ils communiquent seulement par le regard (le regard du sourd ?).

C’est alors qu’il lui dit (avec les yeux) qu’il l’attendait pour la protéger ainsi que son futur enfant à naître.

Et qu’ensuite, il les emmènerait de l’autre côté de la mer.

Abasourdie, elle tente, en vain, de s’échapper, puis semble bien vite ne plus avoir l’intention de retrouver son fringant mari et leur somptueuse villa.

Les caractères sociaux des personnages virent dès lors aux archétypes archaïques, quasi bibliques, du premier homme et de la première femme.

La forêt est peuplée d’animaux effrayants et inquiétants.

L’enfant naîtra.

La mère étant sans lait, c’est l’homme sauvage, à qui a poussé sous les poils une voluptueuse poitrine, qui lui donnera le sein.

Contre toute attente, le « couple », sans aucun contacts entre eux, et sans paroles donc, rendront l’enfant à son père naturel, en l’abandonnant près de chez lui.

Sont-ils partis ensemble sur le radeau de fortune que l’ex soldat avait construit ?

On aura compris que ce film, à l’esthétique soignée, aux superbes images d’une Tunisie hivernale, loin des clichés traditionnels, entre mer rugissante, forêt pluvieuse et montagnes enneigées (un mixe des divers paysages naturels tunisiens), n’offrira plus au public qu’un faisceau de signes symboliques à décoder.

Malgré sa projection dans une unique salle du quartier latin, quelques spectateurs, normalement aguerris, ont quitté la salle avant la fin de la séance.

Moi, je suis resté sous le charme jusqu’au bout, tentant de comprendre ce que je voyais, ce que l’on me racontait.

Pas sûr d’avoir tout compris !



24 février 2020 à 08 h 52 min

« Le cas Richard Jewell » de Clint Eastwood.

A 89 ans, le vieux Clint, avec ce super thriller, tout à la fois tonique et limpide, parvient encore à nous surprendre.

En 1996, lors des jeux d’Atlanta, l’agent de sécurité Richard Jewell (remarquable Paul Walter Hauser), un obèse trentenaire, rêvant de réintégrer le corps de la police, d’où il a été remercié pour cause d’excès de zèle, et vivant toujours chez sa maman (l’inénarrable Kathy Bates), réussit à limiter les dégâts du terrible attentat qui fit deux morts et plus d’une centaine de blessés.

Salué comme un héros par la presse, il devint aussitôt pour les enquêteurs le suspect numéro 1.

Une sacré douche froide, qui bouleversa de fond en comble sa vie ainsi que celle de sa pauvre mère.

Anéanti, il fit appel à un avocat spécialisé dans les problèmes immobiliers, qu’il avait fort opportunément rencontré sur son précédent lieu de travail.

Mordant et désinvolte, celui-ci (efficace Sam Rockwell), qui s’est mis à son compte, mais attend de pied ferme les clients qui ne se précipitent pas à son cabinet, saisit sans hésiter cette occasion qui va le placer sous les feux de l’actualité.

Ce scénario, inspiré d’une histoire vraie, permet au cinéaste de nous offrir une ultime variation sur le thème de l’anti-héros américain, un thème qu’il affectionne particulièrement et nous avec.

Au passage, s’ajoute ici une réelle dimension socio-politique dont les médias et le FBI en feront principalement les frais.

Une ultime confrontation entre les forces de bien et du mal, sans trop de nuances, mais suffisante pour faire le spectacle à l’intention du spectateur…



23 février 2020 à 12 h 29 min

« Des Hommes » de Jean-Robert Viallet et Alice Odiot.

Les réalisateurs, journalistes locaux, ont attendu trois ans avant d’obtenir l’autorisation de filmer, de l’intérieur, durant vingt-cinq jours, la célèbre prison des Baumettes à Marseille, avant sa fermeture définitive.

Là, on suit une demi douzaine de prisonniers, qui ont accepté de raconter leur histoire face à la caméra.

Des multirécidivistes, pour la plupart, malgré leur jeunesse, issus en grande partie de l’immigration et filmés essentiellement dans leur cellule.

Autour d’eux, un personnel s’active, également jeune, où se distinguent de nombreuses femmes.

Outre la rumeur ambiante omniprésente, quelques plans séquences nous donnent un vague aperçu général de la vie quotidienne de l’établissement pénitentiaire : cour, couloirs, douches, cuisine…

Tristesse de ce lieu clos, en état de délabrement avancée, où se côtoient en toute promiscuité des individus déstructurés, dont le discours témoigne de leur engluement dans un fatum sans perspectives réjouissantes.

Pourquoi ce film, qui tient plus du reportage qu’autre chose, ne m’a-t-il pas vraiment convaincu ( pourtant les critiques sont plutôt bonnes) ?

Ce qui y est dit ou montré, en accord avec l’administration, m’a semblé surtout masquer ici ce qui n’est pas permis de voir ou d’entendre.

Les gardiens saisissent bien quelques téléphones portables et boulettes de kif, ce qui n’empêche pas visiblement les taulards de fumer des joints.

Mais peut-être n’y a-t-il rien à comprendre, à apprendre, chez des individus, qui se caractérisent surtout par une grande vacuité morale et intellectuelle ? La seule évasion possible pour eux leur est procurée par l’écran de télévision perpétuellement allumé…

D’où mon malaise, ma frustration, devant des images et des personnages d’où émane une tristesse glauque et désespérante…



21 février 2020 à 11 h 09 min

« Lettre à Franco » de Alejandro Amenábar.

Le film se passe en 1936, à Salamanque, et oppose deux destins croisés.

Celui, ascendant du général Franco, venu tout droit du Maroc et s’emparant habilement, tel un redoutable joueur d’échec, du leadership de la junte militaire, et celui totalement déliquescent du grand écrivain national Miguel de Unamuno, recteur de l’université de Salamanque, pris au piège de ses propres contradictions, synthèses parfaites de celles de l’Espagne toute entière.

Alejandro Amenábar, cinéaste Chilien qui fut formé en Espagne, dont le thriller fantastique « Ouvre les yeux » (1997), porté par le couple Eduardo Noriega / Penélope Cruz, fut l’un des plus gros succès de tous les temps du cinéma espagnol, nous propose un biopic historique comme on les aime.

Cette Lettre à Franco, aussi réussie que le récent « J’accuse » de Polanski, laisse pourtant la critique parisienne plus perplexe.

Pour quelle raison ?

Il est vrai qu’ici, la force brutale des armes triomphe irrémédiablement des forces de l’esprit.

La dictature s’oppose définitivement à la démocratie.

Pour longtemps.

L’histoire ici est-elle particulièrement dérangeante, parce que le destin du militaire dont il est question se confond avec l’histoire sanglante du pays tout entier ?

Ou bien parce que via Unamuno et Franco, les exactions des Républicains et des Franquistes sont renvoyées dos à dos ?

Un film sur un sujet sensible, passionnel, qui laisse à tout jamais sur l’Espagne une cicatrice béante…



19 février 2020 à 10 h 06 min

« Deux » de Filippo Meneghetti.

Deux voisines s’aimaient d’amour tendre.

Mais comment s’y prendre, s’inquiétait l’une d’entre elles pour le dire à ses enfants ?

Un premier film intimiste, subtil et tendre, sur une histoire d’amour entre deux femmes âgées, aux corps et dans leurs décors fanés, qui ne sombre pourtant jamais dans le mélo.

Ici, malgré le drame qui se profile, l’amour parviendra-t-il encore à irradier l’amour secret qui unit ces deux femmes, splendidement incarnées par Barbara Sukowa et Martine Chevallier (de la Comédie française) ?

A la veille de quitter Sommières pour aller vivre leur passion commune à Rome, la ville où elles se sont rencontrées vingt ans plus tôt, celle qui fut mariée et veuve, mère de deux enfants, un garçon et une fille (excellente Léa Drucker) et grand-mère, fait soudainement un AVC la laissant muette et paralysée.

Ainsi, ces deux femmes qui furent tout l’une pour l’autre, se retrouvent n’être plus rien aux yeux de la loi et de leur entourage et sont impitoyablement séparées.

Que savons-nous des adolescents demandait avec perspicacité l’avocate de « La Fille au bracelet » ?

Qu’est-ce que les enfants savent de leurs parents, pourrait-on pareillement se demander ?

Tandis que l’une est placée en EHPAD, où son état se délabre dangereusement, l’autre se désespère dans son coin, jusqu’au jour où elle prendra la (bonne) décision de faire… évader sa compagne, que ses enfants, soupçonnant la nature de leur relation, et choqués par celle-ci, ont volontairement éloignée d’elle.

« Deux » ou La voisine d’en face, un film passionnel aussi beau que « La Femme d’à côté ».

En moins désespérant toutefois, car ici l’amour ne mène pas à la mort, comme dans le film de François Truffaut.

C’est en effet une bombe d’amour que le personnage joué par Barbara Sukowa lance dans le marigot familial de sa compagne, déclenchant aussitôt à son encontre haine et incompréhension.

Une belle histoire de défragmentation où, à la fin, tous les espoirs sont permis !



18 février 2020 à 13 h 28 min

« La fille au bracelet », premier film de Stéphane Demoustier.

Une adolescente (convaincante Melissa Guers), est accusée du meurtre de sa meilleure amie. 

La victime ayant eu le tort de mettre en ligne la scène de fellation que celle-ci avait faite, avec son accord, à son petit copain, un vrai grand benêt. 

Le film s’attache essentiellement au procès d’assises, deux ans après les faits (entre temps, la fille fut laissée en liberté mais dotée d’un bracelet électronique), en présence des parents tout à la fois solidaires et passablement désemparés (émouvants et ravagés Roschdy Zem et Chiara Mastroianni).

D’autant plus que celle-ci doit faire face à une redoutable avocate générale, Anaïs Demoustier (la soeur du cinéaste, qui délivre ici un jeu scolaire, sans nuance).

Dans ce film-procès, tout est à charge contre la supposée criminelle. 

Ni la police ni la justice ne nous offre d’autres pistes possibles à suivre.

Malgré de nombreuses zones d’ombre, celle-ci apparait coupable, forcément coupable.

Les jurés comme les spectateurs n’ont plus qu’à juger en leur âme et conscience et selon leur intime conviction. 

Quelle que soit la sentence, nous ressortirons tous du palais de justice ou de la salle de cinéma avec une certaine frustration.

Et qui dit frustration dit déception…



15 février 2020 à 11 h 28 min

« Queen & Slim » de Melina Matsoukas et « Un divan à Tunis » de Manele Labidi.

Deux premiers films de femmes.

L’une est Américaine, l’autre Tunisienne.

Mon premier est un polar mon second une comédie.

Le tout est sympathique sans être tout à fait trascendant !

Melina Matsoukas, réalisatrice de clips pour Snoop Dogg, Lady Gaga, Jennifer Lopez ou Beyoncé nous offre une version black de Bonnie and Clyde.

Un banal contrôle de police qui tourne mal, pour le flic, et un couple en cavale à travers l’Ohio, la Géorgie et la Floride.

Un road movie tonique, doublé d’une belle histoire d’amour, sur fond de problématique politique et raciale un peu trop manichéenne à mon goût.

La première scène d’exposition et la scène de résolution finale sont trop invraisemblables pour être totalement convaincantes.

Le second film, plus drôle, nous conte l’incompatibilité de la psychanalyse en terre d’Islam.

Dans le rôle d’une analysante franco-tunisienne, la belle Golshifteh Farahani (qui est d’origine iranienne), rencontre un inattendu succès avec le cabinet qu’elle a installé à Tunis, où l’inconscient semble faire des ravages, mais se heurte à l’hostilité des autorités administratives, policières et religieuses.

Un prétexte à quelques gentils gags, soutenus malheureusement par une démarche esthétique digne d’un téléfilm, et un jeu des comédiens outré, à la manière des séries arabes traditionnelles.



12 février 2020 à 11 h 33 min

« Notre-Dame du Nil » de Atiq Rahimi.

Après l’adaptation de son propre roman « Syngue sabour, pierre de patience », prix Goncourt 2008, l’écrivain et cinéaste Afghan s’est inspiré cette fois-ci du livre éponyme de Scholastique Mukasonga, prix Renaudot 2012.

Dans son roman autobiographique, celle-ci se souvient du temps où elle était lycéenne à Notre-Dame de Citeaux à Kigali, faisant partie du quota des 10% d’élèves tutsis, lorsqu’elle a été victime de l’épuration perpétuée par les hutus en 1973, qui l’a contrainte à s’exiler avec sa famille au Burundi.

Transposées dans le huis-clos d’un établissement religieux dans de superbes paysages de montagne, ces exactions commises à Notre-Dame du Nil, précèdent et annoncent le terrible génocide qui s’est déroulé du 7 avril au 17 juillet 1994 (3 mois et 10 jours), au Rwanda, surnommé le « pays des mille collines », qui a fait près d’un million de victimes sur une population totale d’environ 12 millions d’habitants !

Film étrange et déstabilisant, qui nous conte sur le mode jazzy (le leitmotiv musical), à la manière africaine, une histoire effroyable où la réalité des faits est empreinte d’une certaine magie.

Dans un environnement exclusivement chrétien, sous la houlette autoritaire d’une mère supérieure belge, qui semble avoir oublié que le Rwanda est indépendant depuis 1962, les jeunes filles en fleurs, passablement métissées du film, rejetonnes des principaux responsables politiques hutus du pays, entretiennent envers leurs camarades de la minorité tutsis les tensions qui vont aboutir à la guerre civile, vingt-ans plus tard.

Rejetés de partout, ces derniers, héritiers d’une culture riche et singulière, nous apparaissent comme les Juifs d’Afrique. Tout à la fois enviés et haïs.

Ici, la vieille sorcière vivant en ermite dans la montagne, porteuse d’un savoir animiste et païen, incarne plutôt le bien, tandis que la mère supérieure, complice muette du massacre, au comportement résolument colonialiste, est à ranger du côté des forces du mal.

Le malaise du film provient essentiellement du fait que de la douceur et de la beauté paradisiaque émanant des premières images nostalgiques nous basculons soudainement dans l’horreur absolue.

Un film dont on ne ressort pas tout à fait intact.

D’autant plus lorsque l’on sait que la famille de Scholastique Mukasonga, qui était retournée au Rwanda, tandis qu’elle s’était installée en France, a été entièrement massacrée…



8 février 2020 à 11 h 00 min

« The Gentlemen » de Guy Ritchie, avec Matthew McConaughey et Hugh Grant.

Un super polar, plein d’actions, beau, efficace, rythmé comme un clip de Madona. 

Je suis allé le voir par curiosité mais ce n’est pas vraiment my cup of tea !

Le film se laisse néanmoins regarder sans problème, notamment par le jeune public, qui jubile aux moindres vannes à fort relent de racisme anti niakoué !



7 février 2020 à 11 h 37 min

« #Jesuislà » d’Eric Lartigau.

J’ai hésité à aller voir ce film, puis je me suis rappelé que « La famille Bélier », précédent film d’Eric Lartigau, neveu du comédien Gérard Lartigau, m’avait, pour des raisons personnelles, beaucoup touché.

Ici, le personnage interprété par Alain Chabat, qui n’a pratiquement jamais quitté Saint-Jean-de-Luz et les cuisines du restaurant qu’il a hérité de son père, est un homme divorcé, père de deux grands garçons, aidé dans la gestion de son affaire par Blanche Gardin, dotée pour l’occasion d’un savoureux accent du sud-ouest.

Grâce à Instagram, il est entré en relation avec une belle coréenne du sud, Doona Bae, qui lui dit qu’à Séoul en ce moment les cerisiers sont en fleurs.

En proie à un certain blues existentiel, celui-ci, sur un coup de tête, prend l’avion pour aller rejoindre cette amie virtuelle.

La comédie se met alors en place, avec ses malentendus et ses quiproquos.

Effrayée par cette arrivée intempestive, la belle coréenne le laisse en rade à l’aéroport, où en l’attendant durant plus de onze jours, il devient à son corps défendant une vedette des réseaux sociaux, sous le surnom de « French lover ».

A l’arrivée, cela donne un gentil film tout en émotion, promenant le spectateur entre le pays Basque et la Corée du sud à l’heure de la mondialisation.

C’est un beau roman, c’est une belle histoire, une fable d’aujourd’hui…



6 février 2020 à 10 h 19 min

« La Cravate » de Mathias Théry et Etienne Chaillou.

Durant les dernières présidentielles de 2016-2017, les cinéastes ont suivi Bastien, un jeune militant du Front National d’Amiens.

Un bon gros gars bien gentil de vingt ans dont ils ont enregistré les moindres faits et gestes et rédigé après coup le « roman de campagne » qu’ils lui soumettent pour accord durant une séance de lecture filmée.

Le jeune homme se prête volontiers au jeu, précisant quelques points çà et là et leur révélant une information capitale le concernant.

Sous une certaine placidité bonnasse et une transparence comportementale sympathique, Bastien dissimulait en effet une violence et un mal être personnels qui ont failli l’amener à commettre des actes irrémédiables particulièrement tragiques…

Comment peut-on être militant de ce parti d’extrême droite et consacrer l’essentiel de son temps à s’activer sur le terrain afin que Marine le Pen accède au pouvoir ?

Il y avait vraiment cru et fut fort dépité de voir la victoire échapper à sa candidate favorite.

Ce film documentaire, où les cinéastes sont particulièrement intrusifs et la voix off lourdement omniprésente (une tendance qui tend à se généraliser dans le genre ! Ainsi pour le documentaire sur Gilles Caron, précédemment évoqué), nous donne cependant à voir l’envers du décor de la campagne présidentielle, vue depuis la petite permanence locale et ses divers intervenants.

Bastien est cornaqué par un ami de collège avec lequel il collait les affiches jadis, un jeune Rastignac plutôt bellâtre qui a su grimper dans la hiérarchie et dont il devient l’assistant de fait.

Celui-ci l’introduira à Paris auprès de Floriant Philippot, le numéro 2 du FN d’alors et Marine le Pen fera une apparition remarquée sur le terrain local, dont Emmanuel Macron est également natif.

Bastien se montrera déçu néanmoins par le grenouillage politique auquel il lui est donné d’assister et où l’ambition personnelle de chacun prend, là aussi, contrairement à ce qu’il croyait, le dessus sur l’intérêt général du pays.

Son expérience politique lui aura servi cependant à s’affirmer dans son travail à la tête d’un club de jeux de laser.

Il n’a pas renoncé à voir Marine le Pen un jour prochain présidente de la République et à agir pour cela.

Le prochain coup sera-t-il le bon ?

Il convient de rester vigilant…



5 février 2020 à 11 h 32 min

« Histoire d’un regard » de Mariana Otero.

Le film de la semaine qu’il ne fallait surtout pas rater !

Cela se présente comme un documentaire sur le reporter-photographe Gilles Caron, qui a traversé les années 1960 de manière fulgurante, nous laissant pas moins de 100 000 clichés dont la plupart des photos que nous avons tous vues sur la guerre des Six Jours, mai 68, le conflit nord-irlandais, la famine au Biafra ou encore la guerre du Vietnam, avant de disparaître à trente ans au Cambodge en 1970.

Photographe vedette de l’agence Gamma, créée entre autres par Raymond Depardon quelques années auparavant, il laissait à sa mort une jeune veuve et deux petites orphelines.

A partir de l’ensemble des photos gravées sur un disque dur, confiées par l’une de ces dernières à la documentariste, celle-ci nous restitue la biographie photographique complète du reporter.

A travers ce véritable journal en images du reporter, elle nous conte l’histoire de son regard, qui fut et continue à être un peu le notre sur les grands évènements de cette époque, et qui devient grâce à son travail d’enquête précis et minutieux, l’histoire d’un destin.

On y découvre quel photographe exceptionnel fut Gilles Caron. Sa rigueur, son engagement jusqu’au-boutiste, son empathie pour ceux qu’il photographiait, s’attachant toujours à repérer les personnages les plus emblématiques nous permettant de mieux comprendre les drames dans lesquels ils étaient emportés.

Mais aussi ses doutes, ses conflits personnels à propos d’un métier qui lui apparaissait de plus en plus comme un rouage dans la machine médiatique.

Ce documentaire sur un témoin impliqué dans son temps et tout entier tendu pour nous le donner à voir, à le comprendre et à méditer, sous la conduite de la réalisatrice prend alors des allures de film avec mise en abyme.

D’autant plus que Mariana Otero, soeur de la comédienne Isabel Otero, qui a perdu sa mère, artiste, à l’âge où les filles de Gilles Caron perdaient leur père, ne nous cache pas l’intérêt personnel qui anime de manière sous-jacente sa recherche…



4 février 2020 à 16 h 02 min

« Le Lion » de Ludovic Colbeau-Justin.

Après Jean Dujardin parodiant James Bond, c’est au tour de Dany Boon, de s’y coller.

En duo avec le déjanté Philippe Katerine.

Le plus dingue des deux étant ici le premier, enfermé dans un asile et contant à l’autre, son psy, ses exploits d’espion international.

Enumérant tout ce qu’il sait faire, lui disant qu’il parle une demie douzaine de langues et qu’il sait conduire toutes les machines à moteur, le psy, excédé, lui déclare alors dites-moi plutôt ce que vous ne savez pas faire, ça ira plus vite !

L’autre, lui répond illico, la mayonnaise. Je ne sais pas faire la mayonnaise.

Et bien pour ce film, c’est exactement ça. Il y a bien tous les bons ingrédients, un duo d’acteur inattendu, et pourtant la mayonnaise ne prend pas.

Pourquoi ?



1 février 2020 à 19 h 31 min

« Cuban network » d’Olivier Assayas, avec Penélope Cruz, Édgar Ramírez et Gael García Bernal.

Je craignais le pire et j’ai finalement pas mal aimé.

Tout en me posant bien des questions.

Qu’allait donc bien pouvoir donner ce film politique, de la part d’un cinéaste spécialisé dans le cinéma d’auteur à caractère psychologique ?

Certes, il y a bien eu sa série sur Carlos, mais il s’agissait ici d’un film international essentiellement en langue espagnole, tourné en toute partie entre Cuba et Miami.

Rien de français.

Assayas s’en sort plutôt bien.

Mi polar, mi film d’espionnage, son « Cuban network » est bien rythmé et les profils superbement campés (Édgar Ramírez est craquant à point et rien de sa superbe plastique ne nous est caché !).

Là-dessus s’enchainent les situations.

Un film d’action, là où Assayas nous avait habitué à plus de méditative lenteur.

On s’attendait dans les années 90, époque où se situe l’histoire, à ce que le régime castriste s’écroule aussitôt !

Et les forces d’opposition, réfugiées à Miami, étaient fin prêt sur les starters.

Prêtes à revenir établir à Cuba un régime démocratique.

Or, il n’en fut rien, jusqu’à aujourd’hui encore…

Beaucoup alors émigrèrent vers Miami, au péril de leur vie.

Parmi eux, des espions envoyés par Cuba pour infiltrer les réseaux d’opposants à Castro et connaitre leur projets.

Dans le film, les principaux représentants d’opposition nous sont présentés comme des terroristes, vivant à l’américaine, et ayant des accointances avec les narco-trafiquants, tel le colombien Escobar.

Les bons seraient plutôt du côté de Castro ?

Le film joue sur l’incertitude où nous sommes toujours de savoir à quel clan appartiennent nos principaux personnages. Entre ceux qui considèrent que tous les Cubains sont des frères et ceux qui considèrent que tous les Cubains sont des camarades.

Même chez les couples unis et amoureusement passionnés, tel celui que forme Penélope Cruz et Édgar Ramírez, personne ne sait exactement qui est l’autre.

Un traite ou un héros ?

Ainsi que cela est mentionné sur l’affiche du film.

De ce point de vue-là, le contrat est respecté.

Pour l’aspect politique, on peut se montrer plus réservé…



31 janvier 2020 à 13 h 28 min

Déçu également par « Jojo Rabbit » du cinéaste Néo-zélandais Taika Waititi.

Six nominations aux Oscars.

Une version pop où l’on nous donne à voir comment un gamin allemand de dix ans est formé, avec enthousiasme, aux jeunesses hitlériennes, tandis que sa mère, superbe Scarlett Johansson, cache à leur domicile une jeune Juive.

Pourtant l’enfant et l’adolescente sont également parfaits et les images soignées.

On peut rire de tout, à condition que ce soit drôle !

Tout à la fois drôle et émouvant.

Et là, on est loin du « Dictateur », du grand Charlie Chaplin…



30 janvier 2020 à 11 h 31 min

Quand trop de fiction tue la fiction.

C’est à mon avis le cas pour le film « Les Traducteurs » de Régis Roinsard.

Le film m’a emmerdé au-delà du possible, tout m’a paru faux.

J’ai eu l’impression que le réalisateur expliquait une partie de jeu d’échecs, décrivant chacun de ses coups à venir ou advenus, afin de nous convaincre de sa suprême intelligence.

Fastidieux !

Une énigme à la Agatha Christie, transposée dans le Paris germanopratin d’aujourd’hui, mais avec des méthodes empruntées à la fabrication des bestsellers mondiaux à l’américaine.

Too much for me.

Lambert Wilson, que l’on annonce sous les traits du général de Gaulle dans un prochain film, incarne un éditeur hautement improbable.

Et les traducteurs, en esclaves modernes, sont ridiculisés à l’extrême.

Mais la morale sera sauve, au profit de la seule, vrai, intemporelle littérature, incarnée par Proust himself.

Il nous est donné à voir dans ce film inoubliable comment un seul volume de La Recherche peut vous sauver la vie.

Quelle imagination de la part des scénaristes !



29 janvier 2020 à 10 h 30 min

« K Contraire » de Sarah Marx.

Efficace mise en scène dans le style social-polar pour ce premier long métrage mettant en scène une mère dépressive et son fils semi délinquant.

Sandrine Bonnaire, dans le rôle d’une cotorep est telle qu’en elle-même, toujours bien, mais face à elle, le jeune Sandor Funtek, nerveux et doté d’une gueule singulière apparaît plus que prometteur.

Une possible « révélation de l’année » aux césar ?

K comme Kétamine, la drogue que le fils revend à l’occasion de raves parties, entre deux séjours en prison, pour subvenir aux besoins de la maisonnée.

Et « Contraire » parce que c’est cette même drogue que le neurologue de sa mère lui prescrit pour soigner sa dépression !

Comme on le voit, le scénario n’est pas trop compliqué et sans prise de tête…


Dans un genre très différent, « Les Filles du docteur March » (qui, comme chacun le sait, étaient quatre) par la cinéaste américaine Greta Gerwig, avec Saoirse Ronan, Emma Watson, Timothée Chalamet et Meryl Streep.

Belle distribution et reconstitution soignée pour cette adaptation classique, nostalgique et plaisante.



25 janvier 2020 à 13 h 44 min

« La Llorona » de Jayro Bustamante.

Selon la légende des indiens mayas du Guatemala, la Llorona est une âme en peine à la recherche de ses enfants perdus, que seuls les coupables entendent pleurer.

Le principal coupable de ce film politico-fantastique, c’est le général Monteverde, ancien président de la république et responsable de la guerre civile, doublée ici du génocide des Mayas.

Jugé et néanmoins relaxé par le tribunal devant lequel il comparait, il est renvoyé, malade, chez lui, auprès de sa femme, de sa fille, de sa petite fille et de quelques domestiques et agents de sécurités chargés de sa protection.

Un huis-clos rendu étouffant par le fait que les parents des victimes et les survivants de la guerre civile entourent sa maison jour et nuit en réclamant vengeance et brandissant les portraits des victimes.

La plupart des domestiques refusant désormais de la servir, la famille se retrouve à devoir gérer la plupart des taches ménagères quotidiennes.

C’est alors qu’une jeune indienne, aux superbes cheveux noirs et longs, se présente à leur porte.

Commencent les cris plaintifs, les sanglots, que seul le général entend dans son sommeil, tandis que sa hiératique épouse est la proie de cauchemars qui la font mouiller ses draps.

Tout semble s’accélérer et la famille jusqu’alors unie autour du patriarche se disloque peu à peu…

Le guatémaltèque Jayro Bustamante, 42 ans, s’est fait une spécialité des ambiances lourdes mettant en scène les conflits politico-idéologiques propres à son pays et à son continent, où le machisme le plus exacerbé fait bon ménage avec le christianisme le plus strict.

Son précédent film, « Tremblements », décrivait le séisme qui ébranlait Pablo, 40 ans, un honorable homme d’affaires, marié et père de deux enfants, catholique pratiquant, tombant subitement amoureux d’un séduisant homme plus jeune que lui.

Une maladie que sa famille et les hautes autorités ecclésiastiques de sa paroisse décident de le « guérir »….

A coup sûr, un cinéaste dérangeant, à suivre !



19 janvier 2020 à 15 h 04 min

« Selfie » de Thomas Bidegain, Marc Fitoussi, Tristan Aurouet … avec Manu Payet, Blanche Gardin, Elsa Zylberstein, Max Boublil…

Film à sketchs sur les méfaits du numérique dans nos vies, collectivement réalisé par de jeunes cinéastes et comédiens français.

Au départ, l’idée était bonne, mais on s’ennuie bien avant l’arrivée !

A part quelques ricanements, j’ai surtout dû me retenir de bâiller.

De toute cette jeune génération, la plus convaincante, dans le rôle d’une prof de lettres dépassée par les nouvelles technologies, c’est Elsa Zylberstein !



18 janvier 2020 à 12 h 40 min

« 1917″ de Sam Mendes.

Aimez-vous les films de guerre ?

Moi, pas particulièrement, mais celui-ci étant donné comme une réussite dans le genre, je suis allé voir de quoi il en retournait.

Film 100% britannique mais hollywoodien dans la forme, avec George MacKay, Dean-Charles Chapman et Mark Strong, il nous donne à voir deux jeunes soldats, chargés d’une mission impossible, en plein coeur de la tourmente. Toutes liaisons étant rompues entre les divisions alliées, il s’agit pour eux de traverser le no mans land séparant les deux lignes de front, pour aller empêcher un assaut, qui est en fait un piège tendu par les Allemands.

Hypothèse de départ qui ma parue peut crédible.

Un pigeon voyageur n’aurait-il pas mieux fait l’affaire ?

Bien que le réalisateur rende hommage au caporal Mendes au générique de fin, son probable grand-père, ancien combattant de la Grande Guerre, qui lui a raconté ses exploits en long et en large ?

Quoiqu’il en soit, sang et boue en cinémascope et en dolby stéréo garantis.

On sursaute au moindre tir, à la moindre explosion, et l’on se retient pour ne pas se plaquer au sol.

Paysages de tranchées, de villes en ruines, de cadavres en veux-tu en voilà, où les boches sont toujours les salauds et les franco-anglais les gentils.

Néanmoins, seuls les corbeaux et les rats, gras et noirs à souhait, semblent les seuls bénéficiaires du carnage.

A voir, si le coeur vous en dit !



17 janvier 2020 à 9 h 48 min

« Tommaso » d’Abel Ferrara avec Willem Dafoe.

Je me suis ennuyé à la vision de ce journal romain auto fictif autour d’un vieil acteur-réalisateur, marié à une très jeune femme, père d’une toute petite fille, qui, en attendant l’argent de son prochain film, fait les courses et la vaisselle, donne des cours de théâtre, en prend d’italien, sa rend aux rendez-vous d’anciens alcooliques et toxico, trompe sa jeune femme à droite et à gauche et craint qu’elle en fasse autant.

D’ailleurs, elle ne le supporte plus et moi guère mieux…

Même Rome m’a paru triste !



12 janvier 2020 à 11 h 49 min

« Nina Wu » de Midi Z.

Un film bien dérangeant, comme on les aime.

Ici, le jeune cinéaste taïwanais (37 ans) n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat.

Et quel plat, tout à la fois savoureux et ragoutant !

Un film qui pourrait le vouer aux gémonies des biens pensants et des féministes de tous poils, s’il n’était épaulé pour ce faire par la sublime Wu Ke-Xi, scénariste et interprète principale.

Résultat, un mélange de « Mulholland drive » dans la forme, et une adaptation de l’affaire Weinstein pour le fond.

Etrangeté et malaise garanti.

On ne devient pas une star internationale par hasard ni avec innocence.

Pourquoi Nina Wu, hier encore inconnue, est-elle parvenue, en concurrence avec de nombreuses actrices toutes aussi belles et douées qu’elle, à obtenir le rôle principal et à se retrouver propulsée sur le tapis rouge à Cannes ?

Grâce à la « magie du cinéma » répondrez- vous ?

Pas après avoir vu l’envers du petit monde merveilleux du cinéma donné à voir ici : sous les paillettes se cachent bien des noirceurs !

Mais à vrai dire, ça on le sait depuis longtemps…

Le producteur emblématique du film, peu importe qu’il soit taïwanais ou hollywoodien, personnage récurrent et interchangeable à volonté, lui ayant expliqué qu’il n’y avait pour lui que deux sortes de films : les rentables et les primés, Nina Wu lui donnera la preuve qu’elle en veut plus que toutes ses rivales réunies pour obtenir le premier rôle.

« A star is Born », dira le producteur à l’issu du visionnage des premiers rushes…

Après avoir vu par où elle dut en passer, avec la complicité du réalisateur et la kyrielle des assistants et autres intermédiaires de la profession, tous coupables, répond en écho le spectateur.

Oui, dérangeant, très dérangeant, pour l’image des stars en particuliers et celle du monde du cinéma en général.

Malaise aussi dans les rangs de la critique pour rendre compte de ce film : tout le monde voyait bien que le roi était nu mais personne ne le disait.

Mais dérangeant aussi pour le spectateur qui se dit que le talent est vraisemblablement à ce prix !



9 janvier 2020 à 11 h 52 min

« Les Siffleurs » de Corneliu Porumboiu.

Présenté en sélection officielle au dernier festival de Cannes, ce film du cinéaste Roumain revisite plaisamment le genre polar.

Belle pépé, cigarettes, méchants mafiosi, et millions d’euros mal gagnés à volonté…

Dans un monde où les micros sont partout à l’écoute des citoyens, jusque dans les commissariats de police, un flic, un peu véreux, mais qui se révèlera superbement amoureux, est contraint d’aller séjourner à la Gomora aux Canaries, pour apprendre à siffler comme les antiques Silbo locaux, qui communiquaient ainsi jadis entre eux de vallée à vallée.

Une langue sans paroles, qui démontrera son utilité à Bucarest, pour communiquer en toute liberté à la barbe des écouteurs téléphoniques professionnels.

Pas mal d’hémoglobine aussi pour ce film exotique, qui nous transporte en deux points opposés de la grande Europe d’aujourd’hui, et où la fiction s’enrichit au surplus d’un aspect documentaire.

Pas mal d’humour et de références cinématographiques sous forme de clin d’oeil.

Ici, les flics se donnent rendez-vous à la cinémathèque de Bucarest pour parler en toute discrétion en matant les classiques sur l’écran et Corneliu Porumboiu n’a pas peur de nous refaire le coup de la scène mythique de la douche de « Psychose » !



5 janvier 2020 à 12 h 33 min

« Les Vétos », de Julie Manoukian.

Un gentil téléfilm, sans plus, avec Noémie Schmidt, Clovis Cornillac et Michel Jonasz sur la thématique des vétérinaires de campagne.

On peut attendre son passage à la télé, sans nécessairement se déranger pour aller voir ce premier film au ciné…



4 janvier 2020 à 11 h 39 min

« Le Miracle du Saint Inconnu » de Alaa Eddine Aljem.

Pas vraiment emballé par ce premier long métrage de ce jeune cinéaste marocain en forme de fable plus ou moins édifiante.

Un voleur cache son butin au pied d’un arbre étique sur une colline déserte, juste avant d’être arrêté par la police.

Quand il sort de prison, après des années, demeuré parfaitement inchangé, avec ses cheveux longs et sa barbe foisonnante, il découvre qu’autour de son trésor un mausolée a été bâti.

Celui d’un saint inconnu, gardé la nuit par un homme et son chien.

Comment faire dès lors pour récupérer le magot ?

Un argument tout juste bon pour un court métrage et étiré jusqu’à l’usure.

Mais on se demande bien ce qu’à travers cette comédie, le cinéaste veut nous dire de la réalité du Maroc actuel ?

Bref, je suis resté sur ma faim…



2 janvier 2020 à 13 h 45 min

« Séjour dans les monts Fuchun » de Gu Xiaogang.

Premier film et premier volet d’une trilogie à venir de ce jeune cinéaste chinois de 31 ans particulièrement prometteur.

Natif du sud de la Chine, celui-ci est revenu à Fuyang, sa ville natale et balnéaire située sur la rivière Yangtsé, pour y tourner durant deux ans et quatre saisons un film choral orchestré autour de quatre frères et de leur vieille mère.

Le résultat est magistral, qui oppose la Chine éternelle à la Chine contemporaine, en pleine mutation économique et sociale.

Beauté du cadre et des cadrages, où les personnages voient leurs vielles demeures inexorablement démolies et laisser la place nette aux reconstructions modernes.

Comment s’adapter aux nouvelles conditions de vie tout en maintenant les repères familiaux et les notions de solidarité traditionnels quand ceux-ci volent de toute part en éclats ?

Heureusement que l’on a pas encore songé à déplacer les monts Fuchun, se dit le spectateur enchanté par les paysages qui lui sont donnés à découvrir, mais inquiet sur le devenir des hommes et des femmes qui s’y débattent, tels des poissons sortis hors de l’eau…



28 décembre 2019 à 10 h 58 min

« Le Lac aux oies sauvages » de Diao Yinan.

Un film noir, mais en couleurs, prétexte à une grande virtuosité visuelle, réalisé autour d’une course poursuite dans la Chine contemporaine.

Beau comme les polars des années 50 de Jean-Pierre Melville, où l’action tient lieu de discours. Dans un monde et sous un continent violent et tragique, qui se réduit ici entre flics, voyous et prostituées au grand coeur (ah ! les belles baigneuses) où le héros n’a seulement que la prime de sa captivité à offrir à la femme qu’il aime.

Sous le film de genre, incontestablement, un film d’auteur !

Plus pour la forme cependant (superbes plans à moto et en ombres chinoises) que pour le message…



27 décembre 2019 à 10 h 45 min

« La vérité » de Hirokazu Kore-eda, avec Catherine Deneuve et Juliette Binoche.

Vieilles rengaines que ces histoires de mères artistes, égocentriques, narcissiques et passablement castratrices avec leurs maris et leurs enfants, où Ingrid Bergman et Anna Magnani, entre autres, se sont justement illustrées.

Rien de bien nouveau dans cette vérité-là.

C’était d’ailleurs déjà un peu le thème du précédent film de Catherine Deneuve, « Fête de famille » de Cédric Kahn, avec Emmanuelle Bercot et Vincent Macaigne.

Catherine Deneuve n’est jamais aussi bonne actrice que lorsque elle nous donne l’impression d’être parfaitement juste avec légèreté et naturel.

Ici, hélas, le metteur en scène japonais a cru bon d’en rajouter des couches sur le sujet de la grande actrice toute entière dévouée à son art au détriment de sa vie de mère et d’épouse.

Au point que le couple improbable mère-fille Deneuve, dominante, et Binoche, dominée, tourne au duo de cabotines, tout en lourdeur et effets appuyés.

Avec le sentiment désagréable en sus que le réalisateur est allé cherché du côté de la vie privée de Deneuve pour nourrir son scénario : celle-ci étant pratiquement responsable de la mort de sa principale rivale, qui lui faisait du tort pour sa carrière personnelle…



24 décembre 2019 à 13 h 53 min

« La Vie invisible d’Eurídice Gusmão » de Karim Aïnouz.

Un superbe mélo, dans la lignée de Pedro Almodovar, mais en plus tragique ou en moins comique, qui nous conte le destin de deux soeurs, Euridice, 18 ans, et Guida, 20 ans, que la vie va impitoyablement séparer dans le Rio de Janeiro des années 1950.

Ici, seules survivront les lettres que l’une envoya à l’autre, qui, hélas, les recevra un demi siècle plus tard, trop tard…

Un beau film féministe, sur les ravages du machisme et du mensonge, causes de dégâts irrémédiables !



22 décembre 2019 à 10 h 59 min

« Talking About Trees » de Suhaib Gasmelbari.

Ce film documentaire nous présente quatre anciens cinéastes soudanais, du temps où ce pays avait encore une production cinématographique nationale, tentant d’organiser une grande projection publique à Khartoum et de rénover à cette occasion la grande salle de cinéma de la capitale dans un état de total délabrement.

Dès le coup d’Etat de 1989, en effet, la junte au pouvoir avait rebaptisée celle-ci « La Révolution » et interdit toutes projections cinématographiques.

Depuis, régimes dictatoriaux et pseudo démocratiques (le dernier président du Soudan a été élu avec 95% des voix) se sont succédés à la tête du pays, mais toujours pas de salles de cinémas publiques à l’horizon et encore moins de cinéastes locaux.

En revanche, tout autour de plus en plus de mosquées.

Incidemment, on apprend que les Chinois prévoient une rénovation complète de la vieille salle, avec un multiplex à la place et un centre commercial et un hôtel en prime.

En attendant, nos quatre amis s’activent pour faire aboutir leur projet.

En vain, hélas, mais non sans un certain humour fataliste…

Le cinéma serait-il un art immoral et dangereux, ainsi que le craignent visiblement les autorités politiques et les instances administratives, qui ne cessent de mettre des bâtons dans les roues de nos pauvres vieux cinéastes libertaires ?

Et cette salle symbolique n’est-elle pas plutôt le lieu où la Révolution est morte-née !

Telle semble être la bien triste morale de ce film…



20 décembre 2019 à 13 h 32 min

« The Lighthouse » de Robert Eggers, avec Robert Pattinson et Willem Dafoe.

Un film en noir & blanc, plein de silence et de fureur, au milieu de nulle part en pleine mer.

Plus proche de la Tempête shakespearienne que la la chasse à la baleine melvilienne.

Deux hommes sont débarqués pour une mission d’entretien du phare. 

Le plus vieux, le gardien officiel (Dafoe), se réserve jalousement les soins et l’accès à la lumière, le second, son aide, doit se contenter des travaux de colmatage des bâtiments et de récurage de la citerne. Il doit aussi vider les pots de chambre.

De taiseuse, au début, l’alcool de contrebande aidant, l’ambiance devient plus tapageuse. 

Vont-ils finir par s’enculer ou se massacrer, telle semble être la question ? 

D’autant plus que le cadet (Pattinson) a commis l’erreur de tuer rageusement une mouette, qui lui avait chié dessus. Ce qui ne se fait pas, selon les dire du vieux gardien ! 

Là-dessus, les éléments se déchainent, empêchant le bateau de venir les relever…

Il n’y aura pas de happy end.

Glauque, noir, effrayant, cauchemardesque !

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19585073&cfilm=262493.html



19 décembre 2019 à 12 h 04 min

« Notre-Dame » de Valérie Donzelli.

Maud Crayon (interprétée par Valérie Donzelli, qui a fait elle-même des études d’architecture) est une architecte DPLG quarantenaire, native des Vosges mais vivant à Paris.

Mère de deux ados, elle vit séparée de son mari.

Femme indépendante et active, passablement débordée, tirant le diable par la queue en travaillant dans un cabinet dont le patron se montre particulièrement odieux à son endroit, elle va décrocher, à titre indépendant, et par le plus grand des hasards, le concours international lancé par la mairie de Paris afin de réaménager le parvis de Notre-Dame.

Un budget inespéré de 121 millions d’euros, dont 7% pour l’architecte !

A cette occasion, Maud Crayon, qui continue secrètement de coucher avec son ex (Thomas Scimeca), retrouve son amour de jeunesse (Pierre Deladonchamps), un journaliste qui couvre l’actualité municipale, et avec lequel elle va connaître un revival sentimental.

Entre temps, sa soeur, gynécologue (jouée par Virginie Ledoyen) lui apprend qu’elle est enceinte de plus de trois mois (de son ex, forcément, le seul avec lequel elle trouve encore le temps de fricoter).

Ainsi, tous les ingrédients de la comédie sont en place, sur fond d’un Paris passablement loufoque, au climat détraqué (on se gèle en été et suffoque en hiver) et où les habitants, particulièrement excédés, se flanquent généralement de grandes claques dans la gueule lorsqu’ils se croisent sur un quai de métro ou dans la rue.

On rit de bon coeur, d’autant plus qu’Anne Hidalgo et son premier adjoint, incarné par Philippe Catherine, sont plus vrais que nature.

Une comédie bobo au plein sens du terme, pour un film loufoque plus proche de Jacques Demi que de Jacques Tati.

Une vision féministe, où l’ex mari, homme objet, est généralement filmé à poil, sous toutes les coutures, et l’héroïne éternellement vêtue d’une unique robe à motif écossais.

La bonne nouvelle, c’est qu’on a échappé au projet de Maud Crayon !

Et surtout, que l’on retrouve telle qu’en elle-même la cathédrale de Paris, juste avant l’incendie…



12 décembre 2019 à 14 h 24 min

Je ne connaissais pas du tout l’histoire de Franz Jägerstätter, ce paysan autrichien qui refusait de saluer ses voisins en tendant le bras et en braillant : « Heil Hitler ! ».

De quoi mettre mal à l’aise tous les gens de sa communauté et d’ailleurs !

Condamné à mort, il sera béatifié par le pape Benoit XVI.

Faut dire que le clergé autrichien et allemand n’a pas spécialement brillé à cette époque !

Avec ce film, Terrence Malick, a plus de soixante-quinze ans et après 45 longs métrages au compteur, de panthéiste se révèle monothéiste.

De fait, ce biopic historique, tourné dans le village et la maison de Franz Jägerstätter, où le héros apparait comme un antéhitler à la manière du diable antéchrist, m’a fait penser à la passion du Christ, bien sûr, mais aussi à celle de Jeanne d’Arc, dans la lecture de laquelle je suis actuellement plongé jusqu’au cou !

On reprochera à Malick le côté chromo de ses images, mais n’étant pas un spécialiste de son cinéma, je suis entré pleinement dans cette histoire et n’ai pas trouvé le temps trop long, malgré les près de 3 heures de projection.

Le film, où sont insérés des documents de l’époque dont les grands oeuvres propagandistes de Leni Riefenstahl, nous conte aussi l’amour qui unissait ce couple de fermiers d’un village perché au-dessus des nuages dans les Alpes autrichiennes.

August Diehl et Valerie Pachner sont parfaits et Bruno Ganz, dans son dernier rôle d’éternel nazi idéal, est particulièrement émouvant…



6 décembre 2019 à 12 h 50 min

« Seules les bêtes » de Dominik Moll, d’après le roman éponyme de Colin Niel (éditions du Rouergue, 2017).

Bon film de facture classique, avec un scénario taillé au cordeau, autour de quelques personnages ruraux bien campés.

Ambiance pesante garantie.

Ici, la mort est dans le pré : superbes paysages du Causse sous la neige avec en contrepoint quelques échappées à Abidjan.

Laure Calamy, Denis Ménochet, Damien Bonnard, Valeria Bruni Tedeschi… prêtent corps à la ronde des prétendants qui aiment celui ou celle qui ne les aime pas et en aime pareillement un (e) autre. 

La dure loi des jeux de l’amour et du hasard qui reposent souvent sur un malentendu !

Des amours hétérosexuelles, lesbiennes, virtuelles tout à la fois romanesques et réalistes, mêlant l’archaïsme à la modernité ambiante actuelle.

Je me suis laissé captiver par les histoires de ce film plus ou moins choral où la neige sera blanche ou noire…



5 décembre 2019 à 11 h 14 min

« It Must Be Heaven » de Elia Suleiman.

Réalisateur, scénariste et acteur chrétien Palestinien, natif de Nazareth, Elia Suleiman (60 ans) promène son élégante silhouette et son air perplexe à travers une partie du monde occidental, avec un irrémédiable sentiment d’étrangeté.

Une étrangeté qu’il nous fait partager.

Comment peut-on être Palestinien ?

Comme tout un chacun semble-t-il nous dire.

Avec l’acuité du regard du sourd, mais un sourd qui entendrait, mais ne parlerait pas, notre singulier personnage, mi Charlot mi monsieur Hulot, se contente de nous donner à voir comment s’agitent les humains autour de lui, que ce soit à Nazareth, à Paris ou à New York.

Un itinéraire conditionné par les besoins de trouver un financement pour son prochain film, celui-là même que nous voyons à l’écran aujourd’hui, sous forme de retour aux fondamentaux du cinéma muet.

Notre citoyen du monde n’a pas son pareil pour débusquer le comique de situation là où le guident ses pas.

A Nazareth, installé dans la villa cossue, entre citronniers et oliviers de ses défunts parents, le cinéaste témoigne que les prêtres orthodoxes n’hésitent pas à employer la manière forte pour faire exister leur dogme. Là, les Palestiniens musulmans ont un comportement farouche et ambigu vis à vis de l’alcool et les voisins juifs une fâcheuse tendance à coloniser votre jardin.

A Paris, un Paris vide centré autour du défilé du 14 juillet, ce qui saute aux yeux de notre Candide pas si candide que ça, c’est la beauté et l’arrogance des jeunes femmes et des jeunes hommes, qui, parés le leurs plus sophistiqués atours, déambulent dans les rues comme pour un défilé de mode permanent. Là, les SDF jouissent d’une grande considération de la part des organisations administratives et religieuses, digne d’un service cinq étoiles, et les policiers sont montés sur des roues électriques qui donnent à leurs poursuites des délinquants des allures d’harmonieux ballets. Tout comme les militaires, qui exhibent avec panache l’étendue de leur armement et de leurs forces.

A New York, plus que dans la Palestine occupée, les gens se présentent armés jusqu’aux dents et l’on ne plaisante pas avec le contrôle des étrangers à l’aéroport. Là, les individus, soucieux de leurs corps, font du sport, et les policiers traquent impitoyablement les anges car ils font tache dans le paysage environnant.

Ce serait donc ça le paradis, se demande notre personnage découvrant un monde en pleine palestinisation ?

Ainsi, tel Candide, Elia Suleiman nous invite-il à rentrer chez soi, en soi, et cultiver notre jardin.

Certes, même si le cinéaste pousse un peu loin le curseur de la caricature (n’est-ce pas la loi du genre comique ?), son film, beau comme les Lettres persanes mais écrites par un vrai Persan, nous donne néanmoins à rire et à sourire, ainsi qu’à méditer ou s’attrister de notre étrange condition humaine.

Rafraîchissant et salutaire, superbement intelligent !



28 novembre 2019 à 15 h 12 min

« Gloria Mundi » de Robert Guédiguian.

Je craignais une certaine lassitude, à la longue, un certain prêchi-prêcha post communiste. J’y suis allé en traînant un peu la patte et puis, très vite, divine surprise, l’émotion fut au rendez-vous…

De tous les comédiens du film, c’est surtout Gérard Meylan, « l’autre visage de Guédiguian », qui m’a le plus touché…

Le cinéaste, contrairement à son habitude, ne nous montre plus un Marseille pittoresque, entre la Joliette et les calanques de rêve, mais le Marseille du XXIe siècle, en voie de barcelonisation et d’ubérisation définitives.

Là, le personnage incarné par Gérard Meylan n’a plus sa place. C’est un homme inutile, qui se révèlera pourtant essentiel au moment capital. Face au non sens de la vie, à la violence du monde, il est réduit à écrire des haïkus : « Je marche sur le toit de l’enfer et je regarde les fleurs »…

Au début, Ariane Ascaride, en technicienne de surface à la coiffure impeccable de grand faiseur et vivant en HLM, m’a fait un peu grincer des dents, et puis la comédienne de talent, primée à juste raison à Venise, a très vite pris le dessus !

Là dessus, la jeune génération d’après la bande habituelle à Guédiguian, menée par Anaïs Demoustier, Robinson Stevenin et Grégoire Leprince-Ringuet semble bien mal barrée. 

« Il faut conserver la solidarité », plus familiale et amicale que syndicale, prêche le personnage las et désillusionné joué par Ariane Ascaride.

Me gène bien un peu que Guédiguian fasse passer les chauffeurs de taxis marseillais, économiquement agressés par les Ubers, pour des fachos.

Gloria ça vient d’où ?

Mais de John Cassavetes (« Gloria », 1980), évidement !



26 novembre 2019 à 10 h 53 min

J’ai vu, « Martin Eden » de Pietro Marcello, avec Luca Marinelli, comme une curiosité.

Une curiosité due au côté formellement daté du film, malgré le télescopage entre l’Amérique du début du XXe siècle et la Naples des années 1950-60, comme pour lui donner artificiellement un coup de jeune, plus en phase avec l’actualité.

J’ai eu aussi le sentiment de voir un roman-photo, certes plus socio-politique que ces publications à l’eau de rose habituelles.

Un peu le même sentiment que j’avais eu à la lecture du quatuor napolitain d’Elena Ferrante.

Tout cela, film et livres, se laissant regarder ou lire sans déplaisir sur l’instant, mais ne laissant guère de traces profondes en la mémoire.

Le scénario linéaire de Pietro Marcello, qu’intemporalise un peu les plans d’insertion documentaires plus anciens, nous montre un Martin Eden américain à l’origine, revisité ici à la sauce napolitaine.

Structuré rigoureusement en deux parties :

1/ Le jeune marin Martin, qui a appris à se battre, mais aussi à lire, tire le diable par la queue pour devenir écrivain et témoigner de la condition ouvrière dont il fait partie.

2/ Soudainement devenu célèbre, il se conduit telle une rock star, capricieuse et passablement névrosée.

Ni libéral bourgeois ni militant marxiste, cet individualiste forcené ne croit plus à la culturelle comme vecteur de justice sociale et encore moins à l’amour comme facteur d’émancipation.

Lui pourtant qui prônait naguère que seul l’amour était la clé qui pouvait nous permettre de nous libérer de notre prison intérieure.

Ainsi, le film se réduit-il à un catalogue des désillusions du XXe siècle : sociales, politiques et affectives.

Et les comédiens, à défaut d’incarner de vrais personnages, ne sont plus que des mannequins portant leur rôle comme des costumes démodés.

Est-ce pour faire plus réaliste que les dents de Luca Marinelli ont été volontairement noircies ?

Etrange, oui, étrange film dont on est surpris de voir que l’on en fait encore !


23 novembre 2019 à 13 h 21 min

« Noura rêve » de Hinde Boujemaa (Tunisie).

Une version du divorce à la tunisienne, dans un pays où pour divorcer la femme doit obtenir le consentement de son mari.

Noura, lingère à l’hôpital de Tunis, trois enfants et un mari en prison, a une liaison secrète et rêve de pouvoir vivre son amour au grand jour. Mais dans une société où le vol et le mensonge semblent de mise, la confrontation avec la réalité va la faire tomber de haut.

Libéré de prison plus tôt que prévu, son mari va perturber ses plans et celui-ci n’aura de cesse, pour se venger, que de sodomiser l’amant de sa femme !

Vu le portrait en creux de la Tunisie actuelle (et éternelle) que Hinde Boujemaa nous donne à voir, je crains qu’elle n’ait du mal à réaliser un second film (celui-ci avait bénéficié de toutes les aides possibles en vigueur) !


« Les Misérables » de Ladj Ly (France 9.3).

Primé à Cannes où il était en complétion officielle et où le film a fait évènement, cette version réactualisée du célèbre roman de Victor Hugo se termine par le message suivant du poète visionnaire : « Il n’y a pas de mauvaises herbes ni de mauvais hommes, il y a seulement de mauvais cultivateurs ». Ici, Ladj Ly a transposé la cour des Miracles à Montfermeil, et son Gavroche est passablement métissé.

Un film d’urgence, beau comme un signal d’alarme !


« Terminal Sud » de Rabah Ameur-Zaïmeche, avec Ramzy Bedia.

Séduisant par sa forme narrative, le film est plus problématique quant au fond. A la projection, je n’ai jamais pu lâcher prise et me suis constamment demandé où voulait donc en venir le cinéaste ?

« Terminal Sud » se déroule de nos jours dans un pays jamais nommé, mais où l’on reconnait les paysages contrastés, entre mer et montagne, de la région Paca. Là, les populations post houellebecquiennes, majoritairement maghrébines, sont soumises à une terreur d’état, et vivent sous la férule de miliciens non religieux qui volent, rançonnent et exécutent les gens selon leur bon vouloir.

Plus tard dans le film, on découvrira qu’il existe aussi des groupes de résistants. Hélas, leur comportement envers les représentants de la majorité silencieuse, qui ne demandent qu’à vivre et à passer entre les mailles du filet dans lequel ils sont étroitement liés et ligotés, est identique à celui de leurs principaux ennemis.

Au milieu de tout ça, Ramzy Bedia, en chirurgien urgentiste, a bien du mal a exercer son boulot correctement.

On a même droit à une scène de torture aux allures de séance sadomaso homo !

Un film en forme de parabole contre les dangers de l’extrême droite ?

Plus complaisant que salutaire, malheureusement…



22 novembre 2019 à 23 h 20 min

« Le Mans 66 » de James Mangold.

Du bon cinéma américain, super efficace. 

Sans être fan de courses automobiles, j’ai été immédiatement embarqué sur la piste mythique des 24 h du Mans, de nuit sous la brume, à 7000 m (350 km/h), et je n’ai plus lâché les accoudoirs de mon siège jusqu’à la fin du film ! 

Belle pléiade de beaux mecs, mais mon préféré c’est Jon Bernthal…

Ce n’est pas l’un des personnages principaux ni l’un des plus sympathiques, mais quel charisme naturel ! Responsable de l’image de la firme Ford, il se livre à une amusante comparaison pour expliquer la baisse des ventes des voitures américaines en montrant le portrait des belles italiennes, Sophia Loren et Monica Vitti, mieux carrossées et plus profilées que les stars hollywoodiennes des années 1960.

Matt Damon est toujours aussi parfait, mais c’est Christian Bale, bourru, doué et nerveux, mais non dépourvu d’humour, qui emporte le morceau sur ce coup.



15 novembre 2019 à 10 h 37 min

« J’Accuse » de Roman Polanski, avec Jean Dujardin, Louis Garrel, Emmanuelle Seigner et la majeure partie des comédiens de la Comédie Française.

Roman Polanski a titré son film « J’Accuse » et non pas « L’Affaire Dreyfus ». Prenant ainsi le parti de Zola et, au-delà du cas particulier, de la dénonciation de l’antisémitisme général à l’époque (et pas seulement).

Le héros du film ici n’est pas à proprement parler Alfred Dreyfus (étonnant Louis Garrel), figurant de sa propre histoire, mais bel et bien le colonel Picquart (convaincant Jean Dujardin).

Picquart comme Zola, symboles de l’honneur retrouvé de la France.

Film historique, formellement plus conventionnel qu’à sa manière habituelle, de quoi le « J’Accuse » de Roman Polanski est-il ici le nom ?

Le cinéaste de 85 ans, lui-même au centre de sa propre affaire, nous donne à voir, avec intelligence et brio, l’antisémitisme organique propre à la Troisième République du distingué président Félix Faure, qui trouvera son aboutissement « naturel » avec le régime de Vichy du maréchal Pétain…

Difficile aussi de ne pas voir, sous ce film historique, le plaidoyer pro domo du cinéaste.

Lui même figurant instrumentalisé d’une histoire qui le dépasse et dont l’aspect antisémite, non avoué, semble caractérisé : étrange révélation, un demi siècle après les faits, et comme par hasard au moment de la sortie du film, d’une grave accusation de viol et de violence prenant le relais de l’ancienne, qui s’essoufflait, et relançant ainsi l’animosité à son égard.

Pour un artiste, le verdict du public n’est-il pas supérieur à celui des procureurs, petits ou grands, et de la mauvaise rumeur ambiante ?

Auquel cas, il nous faut bien avouer que le vieux Polanski, toute énergie retrouvée, est en voie d’avoir réussi son pari !



11 novembre 2019 à 9 h 40 min

On peut voir actuellement sur nos écrans une copie restaurée de « La Viaccia » (1961) de Mauro Bolognini, avec Jean-Paul Belmondo et Claudia Cardinale. Superbe reconstitution en noir et blanc, sous la brume hivernale, de Florence à la Belle Epoque. Avec leurs gros culs de taffetas et leurs talons carrés, les femmes ont une silhouette comique d’animal de basse cour. Néanmoins, grâce à sa gaine, Claudia Cardinale, avec ses formes rebondies et sa taille de guêpe est pulpeuse à souhait. Une histoire renaissante de gros sous, d’héritage, de bordel et d’amour impossible entre deux jeunes gens de la campagne ayant échoué à la grande ville. Maupassant revu et corrigé par le néoréalisme italien ! Près de soixante ans après, le film, lui, n’a pas pris une seule ride !



9 novembre 2019 à 9 h 33 min

J’ai dit mon peu d’attrait pour certains films de genre : histoires de vampires, fictions intergalactiques, films d’animation en général…

En revanche, d’autres genres, qui n’altèrent en rien le principe de réalité, m’agréaient plutôt, notamment les films musicaux ou de danse.

C’est ainsi que je suis allé voir « Et puis nous danserons » de Levan Akin.

Bonne pioche, car outre les prestations rythmées, flamboyantes et viriles de Merab et Irakli, les deux plus brillants élèves de l’école nationale de danse traditionnelle de Tbilissi, mais aussi rivaux pour décrocher l’unique place qui s’offre à l’un d’entre eux d’intégrer la troupe du ballet national géorgien, c’est à leurs amours réciproques et partagées que nous assistons.

Des amours illicites, dans un pays où l’homosexualité vous conduit directement à l’indignité nationale.

Ici, le coeur et les jambes sont au service d’un beau et tendre mélo.

On souffrira tout spécialement avec Merab (même si c’est Irakli le plus beau), les pieds en sang et le coeur en lambeaux, mais on s’envolera dans un magistral vol plané avec lui !



8 novembre 2019 à 10 h 21 min

Comment peut-on être Palestinien aujourd’hui ?

Il semble que l’actualité ne soit plus centrée sur un processus de paix et la coexistence pacifique de deux états indépendants sur ce même territoire historique de haute antiquité. Un territoire à peine équivalent à une région française, mais qui vit la naissance des trois monothéismes !

La réalité quotidienne pour les Palestiniens, désormais, après 70 ans de conflits ininterrompus, est, au mieux, à l’apartheid, au pire, pour eux, à la réserve des Amérindiens !

Avec les colonisateurs sionistes, le ghetto a-t-il définitivement changé de camp ?

C’est ce que nous montre, témoignages et chiffres à l’appui, le percutant documentaire « Le char et l’olivier » de Roland Nurier.

Un film brut de décoffrage, sans fioritures esthétisantes, qui s’inscrit dans une autre dimension cinématographique, celle qui donne à voir et à penser plus qu’à se distraire ou se pâmer…

C’est ça aussi le cinéma !



7 novembre 2019 à 11 h 50 min

« J’ai perdu mon corps » film d’animation de Jérémy Clapin.

Jai vu le film dans la grande salle du Louxor au décor égyptien.

Nous étions moins d’une demi douzaine !

De la belle ouvrage, où je n’ai vu que la technique, la technique, la technique. Mais pour moi, tout ce travail, non dénué d’une dimension certes poétique, ne fait guère sens, hélas !

Cette main sans corps, qui voit, parle, pense, agit en toute autonomie ne m’a pas convaincu, ni ému, ni effrayé.

En revanche, l’histoire parallèle de ce jeune Marocain au destin contrarié et contrariant (porte-t-il la poisse à tout ce qu’il touche, à tous ceux qu’il aime ?) et qui veut en changer en faisant résolument un pas de côté me parlait mieux.

Fallait-il se couper la main pour cela ?

Quant à la jeune fille de l’histoire, elle m’a parue bien compliquée !

Non, le jeune couple mixte Naoufel/Gabriel n’est pas évident, mais ce n’est pas la faute à la mixité.

Dans le cinéma d’animation, il me manque toujours quelque chose qui a à voir avec le principe de réalité. Je peux admirer la beauté de l’estampe ou de l’imagerie d’Epinal, mais je ne peux totalement m’y abandonner et y croire : ça peut être beau mais ça ne me parait jamais vrai…



3 novembre 2019 à 10 h 16 min

« Oleg » de Juris Kursietis.

Travailleur sans papiers, boucher de son métier, Oleg, Letton d’origine, est venu tenter sa chance à Bruxelles.

Là, il devient la proie d’un réseau mafieux polonais et de son imprévisible chef, Andrzej.

Le conte sur l’esclavagisme moderne au coeur de l’Europe tourne alors à la description impitoyable de la relation sadomasochiste entre les deux protagonistes.

D’autant plus que l’histoire est ponctuée de séquences oniriques à caractère religieux on ne peut plus orthodoxes.

Le tout donne un film étrange, où le social côtoie le sordide, et où les revendications légitimes sont entachées d’une forte dose de complaisance malsaine.

D’où aussi quelques invraisemblances dans le scénario.

Pourquoi Oleg, plutôt que de fuir, se soumet-il aux diktats de son tortionnaire ?

Présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, ce film prometteur, soutenu par le jeu efficace des deux acteurs principaux, donne envie de voir la suite…



1 novembre 2019 à 10 h 46 min

« Le Traitre » de Marco Bellocchio.

Les films de mafiosi sont-ils des films de genre à part entière, comme les films de vampire ?

Moins d’hémoglobine cependant chez le Bellocchio, plus politique, que chez le Francis Ford Coppola de la série des Parrains 1, 2, 3, 4.

Ici, l’histoire rejoint l’Histoire et le cinéaste italien retrace pour nous, à travers le personnage flamboyant de Tommaso Buscetta, remarquablement interprété par Pierfrancesco Favino, la chronique des repentis, inaugurée par le juge Giovanni Falcone.

Ce dernier, avant d’être liquidé dans un spectaculaire attentat, pensait qu’en brisant le tabou de la loi du silence, il parviendrait à éradiquer définitivement le problème mafieux italien.

Certes, le sommet de la pyramide de Cosa Nostra fut bien décimé, mais il semble que le cancer n’en finisse toujours pas de se généraliser.

Présenté en compétition au dernier festival de Cannes, le film de Marco Bellocchio (79 ans), reparti bredouille, allie, avec efficacité, le drame antique des personnages à la modernité des images.

Bon pied bon oeil, le Marco !



26 octobre 2019 à 9 h 58 min

Prenez de petits jokers en puissance, des enfants autistes lourds, rebuts de la société (syndromes également de tous ses malaises) pour lesquels elle ne peut rien et qu’elle ne veut pas voir.

Un de ces enfants ne cesse de tirer des signaux d’alarme !

Seules, les associations cultuelles et humanitaires, une juive et une musulmane, à travers les figures de Bruno et Malik, inspirées de la réalité et incarnées par Vincent Cassel en kipa et Reda Kateb, acceptent de s’en charger et de se consacrer corps et âme à cette juste cause.

C’est ainsi que « Hors normes » d’Olivier Nakache et Éric Toledano prouve, une fois encore, que l’on peut faire de bons films avec de bons sentiments.

C’est possible mais c’est plus dur.

Une bonne raison d’aller voir ce film, d’autant plus que 5% des bénéfices seront reversés aux deux associations à l’origine de l’histoire…



25 octobre 2019 à 10 h 59 min

« Au bout du monde » de Kiyoshi Kurosawa.

Entre vérités et mensonges, le film s’attache à l’équipe de tournage réunie autour d’une présentatrice de la télévision japonaise en reportage en Ouzbékistan.

De l’exotisme au carré qui nous donne droit à un circuit touristique à travers les splendides paysages naturels et les principales villes : Tachkent et Samarcande de ce pays perdu des fins fonds de l’Eurasie.

Bel exercice également autour de la fausse réalité du documentaire télévisuel et la vérité, tout aussi relative, du film de fiction qui se construit entre deux prises du tournage audiovisuel.

L’occasion de retrouver la belle Atsuko Maeda, muse du metteur en scène ?, qui va jusqu’à nous interpréter « L’Hymne à l’amour » d’Edith Piaf !

Malgré quelques longueurs, propres aux films d’errance, les scènes de « Au bout du monde » prennent peu à peu sens à nos yeux intrigués et nous permettent de retrouver la pâte singulière du cinéaste japonais.



24 octobre 2019 à 10 h 16 min

« Sorry We Missed You » de Ken Loach.

En bon héritier du réalisme à la Zola et du néo réalisme italien d’après guerre – on songe tout particulièrement ici au « Voleur de bicyclette » de Vittorio de Sica-, le cinéaste britannique de gauche poursuit son inventaire des sempiternelles petites misères faites aux petites gens.

Son ultime film politique sur les méfaits du capitalisme, rien à voir avec un quelconque cinéma de genre, nous conte les tribulations de Ricky et Abby et leurs deux enfants dans la Newcastle d’aujourd’hui.

Malgré l’amour que se portent entre eux les membres de cette petite tribu, celle-ci résistera-t-elle à la rigueur des temps induite par la mondialisation économique ?

Dans la société libérale post thatchérienne actuelle, où la classe ouvrière de jadis a vu fondre depuis belle lurette ses moindres acquis sociaux, la tendance semble être désormais au « travailler plus pour gagner moins.»

Abby, assistante ménagère et aide soignante à domicile ne compte plus ses heures passées au services des personnes âgées qu’elle torche avec tendresse et affection.

Tandis que Ricky, lassé d’enchaîner les petits boulots mal payés s’est laissé séduire par les sirènes de l’auto-entreprise (géniale invention du patronat pour avoir à disposition une main d’oeuvre à des coûts défiants toute concurrence).

Devenu chauffeur-livreur supposé « indépendant », il se voit de fait de plus en plus corvéable à merci.

La situation du couple, de moins en moins disponible pour la vie de famille, ne va pas arranger les choses à la maison : l’ainé des enfants se révèlera un ado tagueur en révolte tandis que la cadette, studieuse, sensible et passablement perturbée par la situation, se mettra à faire pipi au lit…

Certes, on pourra toujours reprocher à Ken Loach d’en rajouter des tonnes dans le misérabilisme et la sinistrose ambiante : on aura même droit à la vision d’un vieux chien à trois pattes, n’empêche que sa fable sociale n’est pas dépourvue de pertinence et de justesse.

La fluidité de la mise en scène et le jeu efficace de Kris Hitchen en père doux et roux, particulièrement craquant, et de Debbie Honeywood en néo mère courage, font de « Sorry We Missed You » un bon cru dans la filmographie de notre cinéaste octogénaire…



17 octobre 2019 à 11 h 05 min

« Matthias & Maxime » de et avec Xavier Dolan.

Un excellent cru, qui renoue avec les films des débuts.

Dans la lignée de « Tom à la ferme » (2012) et de « Mommy » (2014).

Il y a du Truffaut, chroniqueur d’Antoine Doisnel, chez notre jeune cinéaste prodige québécois, mais à la sauce mélodramatique, amplifiée par ses thèmes récurrents : la folie de ma mère et mes amours homos naissantes et contrariées, et la musique envahissante du compositeur Jean-Michel Blais.

De belles trouvailles visuelles dynamisent la narration et donnent son propre style au film, le style Dolan, mi hystérique et mi tendre, notamment ici la ligne jaune autoroutière, filmée à toute allure.

J’ai vu, j’ai été ému et j’ai versé ma larme…



15 octobre 2019 à 11 h 40 min

Pour Sama », de Waad al-Kateab et Edward Watts, remarquable documentaire sur la situation à Alep en pleine guerre civile, où les Russes font désormais la loi. Guère plus réjouissant ! Toutes les guerres de libération arabes semblent mal barrées ?



11 octobre 2019 à 13 h 32 min

« Papicha » de Mounia Meddour.

A quoi rêvaient les jeunes filles en fleur d’Alger dans les années 90 ?

Elles n’avaient pas d’autres choix qu’entre la soumission ou la résistance.

La vie dans l’ombre d’un homme ou la mort !


« Nedjma, 18 ans, étudiante habitant la cité universitaire, rêve de devenir styliste. A la nuit tombée, elle se faufile à travers les mailles du grillage de la Cité avec ses meilleures amies pour rejoindre la boîte de nuit où elle vend ses créations aux » papichas « , jolies jeunes filles algéroises. La situation politique et sociale du pays ne cesse de se dégrader. Refusant cette fatalité, Nedjma décide de se battre pour sa liberté en organisant un défilé de mode, bravant ainsi tous les interdits. »


C’est superbement tourné en gros plans rapides et serrés. 

Un vrai film de guerre féministe, autrement plus couillu que l’improbable « Soeurs d’armes » de Caroline Fourest, qui sort en même temps sur les écrans !



10 octobre 2019 à 15 h 16 min

« Chambre 212 » de Christophe Honoré.

Maria, la quarantaine bien tassée, prof de droit à la fac, un peu lassée de sa vie de couple avec un mari qui se laisse aller, s’envoie régulièrement en l’air avec de jeunes hommes recrutés pour la plupart parmi ses élèves.

« Maria c’est moi », pourrait dire Christophe Honoré !

Un personnage de fiction sur laquelle il transfère ses goûts pour les garçons et sa crainte de vieillir.

La comédie tourne à la fable féerique lorsque Maria s’installe à l’hôtel, en face de son appartement de la rue Delambre à Montparnasse, où retrouvant son mari à vingt ans (Vincent Lacoste), elle observe son vieux mari (Benjamin Biolay) de l’autre côté de la rue : ce qu’il fut, ce qu’il est devenu, par sa faute !

Vieille rengaine, prétexte à un vaudeville, sur le thème de tout passe, tout lasse, tout casse…

Hélas, malgré quelques bonnes idées de départ, dont le fait de réunir sur l’écran un couple qui fut bien réel à la ville, celles-ci ne suffisent pas à aboutir à un bon film !

Chiara Mastroianni, les traits du visage un peu forts mais la chevelure flamboyante et le corps toujours svelte, incarne non sans conviction une Maria peu convaincante.

Carole Bouquet, qui fait une apparition dans ce film consacré au ravage du temps, nous présente un visage si bien lifté qu’elle en a les yeux bridés !

Moralité : il ne sert à rien de vouloir rester jeune à tout prix…


5 octobre 2019 à 12 h 09 min

« Joker » de Todd Phillips.

Décidément, le cinéma me réservera toujours d’agréables surprises sur prises !

N’étant pas un familier des « productions JJ Abrams, Marvel, ou DC Comics » ni un lecteur des séries de BD sur Batman et autres hommes araignées, je m’attendais à être déçu, voire de m’ennuyer passablement à sa projection.

Allais-je sombrer dans un insondable et voluptueux roupillon ?

Tout au contraire, j’ai vu le film, l’ai aimé et en suis sorti en proie à une totale jubilation !

Je l’ai appréhendé comme un objet en soi, unique et dépourvu de toutes références génétiques ou d’appartenance généalogique : plus comme un film d’auteur que comme un film de genre.

Aussi ne suis-je pas étonné qu’il soit reparti de la Mostra de Venise avec le Lion d’Or en poche.

Au début, dans ce Gotham vintage imaginaire de l’histoire, j’ai pensé au New York nostalgique de Woody Allen.

Mais aussitôt les choses se sont corsées et on a alors basculé dans l’atmosphère violente propre à l’ « Orange mécanique » de Stanley Kubrick.

Ici, le héros est avant tout une victime : de sa mère, de ses collègues de travail, de la violence urbaine en général.

Le vieux garçon, sous son masque de clown triste, condamné à être éternellement souriant et joyeux, va se transformer sous nos yeux, et sous nos applaudissements, en un justicier impitoyable.

Mais néanmoins plus juste que cruel.

On ne peut alors que compatir et applaudir à la vengeance.

Car Super Phoenix ne dégomme que les méchants : les voyous en tous genres, les politiques véreux, les bourgeois méprisants, les animateurs cyniques de télévision, tel Robert De Niro…

Il va devenir, à son corps acceptant, le chef de file spontané d’une horde de victimes en révolte.

Superbe scène où les flics à ses trousses dans les rames du métros bourrés de clowns clonesques, paille dans une meule de foin, ne peuvent plus le reconnaitre.

On songe alors aux Gilets jaunes transportés dans l’univers trumpesque, que le film de Todd Phillips m’a rétroactivement rendu plus sympathiques !

Grâce à Joachim Phoenix, aux allures d’un Michael Jackson non pédophile, le film prend dès lors une dimension hugolienne.

Mélange de Quasimodo et de Gavroche, il devient le vengeur fardé de tous les Misérables de la terre, et le film tourne à l’éloge de la folie.

Jubilatoire, vous dis-je !



4 octobre 2019 à 16 h 44 min

« Atlantique » de Mati Diop, Grand Prix au dernier festival de Cannes.

J’avoue avoir été un peu déçu par ce film, j’en attendais beaucoup.

Certes, l’image est belle, et les jeunes garçons et jeunes filles sont tout aussi sexy.

Mais à trop vouloir mêler le réel à l’irrationnel, comme le veut la tradition narrative africaine, la cinéaste ne parvient pas hélas à se positionner et nous sert un film mi politique mi zombi !



3 octobre 2019 à 8 h 35 min

Vus deux films hier, « Alice et le maire » de Nicolas Pariser avec Fabrice Luchini et Anaïs Demoustier, beaucoup de bla-bla pour pas grand chose, et « Ceux qui travaillent » d’Antoine Russbach avec le toujours impeccable Olivier Gourmet. L’histoire d’un cadre supérieur, plus ou moins bon père et bon mari, employé modèle, qui, a force d’avoir le nez dans le guidon, en perd tous sens moral. Rien de bien réjouissant…



2 octobre 2019 à 12 h 37 min

« Au nom de la terre » d’Edouard Bergeon.

Ce film, à l’esthétique de téléfilm standard et au scénario platement illustratif, rend hommage au père du réalisateur.

Un agriculteur qui s’est laissé piéger par les sirènes de l’agriculture intensive et qui, ruiné (l’élevage de poulets en batterie lui sera fatal), finira par se suicider avec les propres produits hautement toxiques dont il arrosait généreusement ses champs de cultures.

Une histoire autobiographique sous forme de biopic.

Avec Guillaume Canet, dans le rôle principal, et qui s’est impliqué jusqu’à coproduire ce film, qui vaut surtout par le jeu des acteurs.

Face à lui, Veerle Baetens se révèle une épouse impeccable et toujours compatissante et le jeune Anthony Bajon, découvert dans « La Prière » de Cédric Kahn, toujours aussi émouvant.

Rufus, dans le rôle du grand-père peu solidaire et particulièrement critique envers la façon de faire de son fils à qui il a vendu l’exploitation agricole à prix d’or, est bourru, ironique et antipathique à souhait.

Difficile ainsi d’être totalement en empathie avec ce héros, peu soucieux d’empoisonner la terre pour lui faire rendre un maximum et de se suicider en laissant femme et enfants dans la panade !

Un film dans l’air du temps, que le public plébiscite (premier en nombre d’entrées dès sa sortie) et propre à alimenter bien des débats…



30 septembre 2019 à 10 h 34 min

« Ne croyez surtout pas que je hurle » de Frank Beauvais.

Comment faire un film sans tourner le moindre plan ?

A défaut de se servir d’une caméra, le « cinéaste » utilise ses propres mots, illustrés par les images des autres.

Sur un texte lyrique dit en voix off, à la manière de « L’homme qui dort » de Georges Perec, Frank Beauvais, plaque près de 400 extraits de films puisés dans son anthologie cinématographique idéale.

Ici, le cinéaste dit « je » et énonce essentiellement pour les spectateurs son journal de l’année 2016.

Période de sa vie amoureuse qui l’avait ramené dans son village originel d’Alsace.

Six mois plus tard, à 45 ans, il s’y retrouve seul, sans son compagnon ni réelle perspective de travail.

Perdu en pleine campagne, au proche voisinage de sa mère, lui parvient l’écho lointain de l’actualité mondiale, notamment les attentats du 14 juillet à Nice et de novembre à Paris, qui virent l’instauration de l’état d’urgence en France.

Se sentant impuissant, il trompe sa rage et son ennui en visionnant quatre à cinq films par jour, téléchargés illégalement sur son ordinateur.

De quoi nourrir son futur film et préparer son retour dans la capitale.

Original et prenant.



28 septembre 2019 à 9 h 25 min

« Port authority » de Danielle Lessovitz.

Ce premier film du cinéma indépendant américain nous conte les amours d’un petit blanc débarqué à New York et quasi SDF avec une belle transgenre black de Harlem.

Un Roméo et Juliette queer sur fond de « voguing » (croisement entre la tecktonik et le défilé de mode).

On peut regretter que la romance prenne néanmoins le pas sur la danse, mais on ne boudera pas son plaisir car ici les histoires d’amour finissent plutôt bien en général…



27 septembre 2019 à 11 h 37 min

« Bacurau » de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles.

C’est beau comme la rencontre de Claude Levis-Strauss et de Sergio Leone.

Un western ethnographique où les bons sont les indigènes et les brutes viennent de l’extérieur. Des mercenaires au service des truands politiques locaux.

Violent et réjouissant !



21 septembre 2019 à 9 h 40 min

Les romans historiques de Pierre Lemaitre seraient-ils plus adaptables au cinéma que ses romans policiers ?

On ne retrouve pas dans « Trois jours et une vie » de Nicolas Boukhrief la magie qu’Albert Dupontel avait su insuffler à « Au revoir la haut » (prix Goncourt 2013).

A la veille de la tempête historique de décembre 1999, dans un village des Ardennes Belges, un enfant disparait.

On ne retrouvera son corps que 15 ans plus tard.

Connaissant d’emblée le coupable, le spectateur, du moins celui qui n’a pas lu le livre, se demande s’il va finir par être découvert : le suspens étant plutôt transféré dans cette histoire sur les notions de secret et de culpabilité.

De ce roman psychologique à l’ambiance simenonienne, Nicolas Boukhrief n’en tire qu’un bon téléfilm, honnêtement servi par Sandrine Bonnaire, Pablo Pauly et Charles Berling.

Il lui manque la valeur ajoutée du point de vue du cinéaste.

Est-ce à cause de la trop grande pression exercée par l’auteur, également producteur, scénariste et même comédien du film ?



20 septembre 2019 à 13 h 31 min

« Portrait de la jeune fille en feu » de Céline Sciamma.

Depuis son premier long métrage, « Naissance des pieuvres » (2007), qui nous contait l’éveil au désir de trois adeptes de la danse synchronisée, Céline Sciamma, ancienne élève de la Fémis, creuse inlassablement un même sillon sur la thématique des femmes entre elles et de leurs amours lesbiens.

Une dizaine d’années après ces « adolescentes en eau », où se distinguait déjà la toute jeune et gracile Adèle Haenel, la cinéaste s’attaque ici à un film historique, situé en Italie à la fin du XVIIIe siècle.

C’est ainsi que nous retrouvons cette dernière sous les traits de la jeune fille en feu : le feu de la colère à laquelle va se substituer le feu de la passion amoureuse.

Héloïse, notre héroïne, a été retirée précipitamment du couvent par sa mère, une comtesse exilée depuis vingt ans sur une île déserte (l’occasion pour Valeria Golino d’interpréter un rôle tout en demi teinte, partagé entre autorité et affection).

Son aînée s’étant jetée du haut d’une falaise pour échapper au mariage arrangé par sa mère avec un riche Milanais, celle-ci se voit alors contrainte de se rabattre sur la cadette.

A cet effet, elle commande son portrait à une jeune femme peintre française, personnage inspiré par la haute figure de madame Vigée-Lebrun, pour l’envoyer au futur époux.

Remarquable Noémie Merlant, prénommée Marianne dans le film, qui sous le prétexte de venir lui tenir compagnie, doit observer discrètement Héloïse et la peindre en secret.

Mais révoltée par le fardeau que lui a légué sa soeur, celle-ci ne veut pas se soumettre au dictat de sa mère, qui rêve pourtant d’une vie meilleure pour elles deux à Milan, et refuse obstinément de poser.

Entre la jeune femme indépendante et la belle aristocrate rebelle un sentiment puissant va naître, avec l’aide discrète d’une jeune servante.

Trois types de femmes, de conditions sociales différentes, autour desquelles Céline Sciamma va tisser avec force et subtilité sa trame.

Une trame romanesque et sensuelle, sorte de Lady Chatterley dont l’amant serait une femme, son film nous fait plutôt songer dans sa forme, parfaitement maitrisée de bout en bout, depuis le scénario jusqu’au cut final, à « La leçon de piano » de Jane Campion et aux « Cris et chuchotements » d’Ingmar Bergman.

Prix du scénario au dernier festival de Cannes, ce « Portrait de la jeune fille en feu » aurait tout aussi bien mérité le prix de la mise en scène…



18 septembre 2019 à 21 h 07 min

« Un jour de pluie à New York » de Woody Allen.

Une comédie légère sur les jeux de l’amour et du hasard : il pense épouser celle-là mais c’est finalement celle-ci qui, contre toute attente, lui était prédestinée. 

Et inversement. 

Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils sont riches et cultivés, ils habitent New York, ils aiment le jazz et ils ont de l’humour.

Dans son genre, « Un jour de pluie à New York » est une ultime variation plutôt réussie…



15 septembre 2019 à 11 h 37 min

« L’insensible » d’Ivan I. Tverdovsky.

Dans son précédent long métrage, « Zoologie », ce jeune cinéaste russe de 30 ans , qui avoue une certaine prédilection pour les personnages atteint d’un particularisme les reléguant aux marges de la société, nous contait les tribulations d’une femme d’une cinquantaine d’années, à laquelle était soudainement apparue au bas du dos une… queue !

Denis, le héros de son troisième film, est un jeune orphelin, souffrant d’analgésie congénitale, une maladie tout aussi orpheline, qui le rend insensible à la douleur.

Lorsque sa mère débarque inopinément à l’orphelinat, où 16 ans plus tôt, alors qu’elle était encore une adolescente, elle l’avait abandonné, elle l’en sort illicitement et l’emmène avec elle à Moscou.

Là, cette belle blonde trentenaire au physique d’escort girl idéale, l’introduit dans le gang de fonctionnaires corrompus auquel elle est associée.

Profitant du particularisme de son fils, ceux-ci vont le contraindre à se jeter sous les roues des voitures de riches moscovites et simuler d’avoir été grièvement blessé par eux.

Suite à quoi le réseau de brancardiers, médecins, flics ripoux, avocats véreux et juges marrons peut entrer en action et en profiter pour faire chanter et extorquer un maximum d’argent à ces néo capitalistes nantis de grosses cylindrées de prestige.

Une revanche, aux manières de maffia, du public sur le privé, dans un système totalement dérégulé ?

Si Denis est insensible à la douleur, il ne l’est pas aux sentiments.

Il est ému aux larmes lorsque sa mère lui dit pour la première fois qu’elle l’aime.

Même si celle-ci, immature et volage, lui affirmant qu’il est son « petit homme », fait planer autour de lui une troublante atmosphère incestueuse.

La confusion économique se doublerait-elle ici d’une confusion des sentiments ?

Le conte et la morale finale du film prennent nettement alors des allures de pamphlet politique et ne donnent pas une image particulièrement positive de l’Administration russe sous Poutine !

Où l’on constate, une fois de plus, que la problématique des films des jeunes cinéastes de l’ex empire soviétique et de ceux de leurs principaux satellites de l’Europe de l’est, est fort différente de la notre, volontiers plus tournée vers la psychologie et l’intériorité des personnages…

Peu importe le sujet, l’essentiel étant dans ce que l’on en fait.

Quoiqu’il en soit, Ivan I. Tverdovsky, malgré une réception critique controversée, notamment dans la presse de gauche, est indéniablement un cinéaste à suivre.



14 septembre 2019 à 11 h 58 min

« Tu mérites un amour » de Hafsia Herzi.

À 32 ans, l’actrice Hafsia Herzi, révélée en 2007 dans « La Graine et le Mulet » d’Abdellatif Kechiche réalise son premier film.

Elle s’y est réservé le rôle principal, celui de Lila, qui, trompée par son petit ami Rémi, a bien du mal à vivre sa rupture amoureuse.

Et, au-delà des peines de coeur de son héroïne, elle dresse le constat des difficultés de la génération des 25-35 ans à s’investir dans une véritable histoire d’amour.

Une thématique semblable à celle des « Deux moi » d’Arnaud Desplechin, sans l’empathie toutefois pour ses personnages et pour la ville de celui-ci.

Belle unanimité pourtant de la presse enthousiaste autour de ce premier film présenté dans une section parallèle du dernier festival de Cannes, qui ne m’a pas entièrement convaincu.

Le Paris de Hafsia Herzi, où se déroule également son histoire, n’a pas d’odeur ni de saveur, et l’on n’apprendra pratiquement jamais rien sur les divers garçons et filles qui constituent ce film choral générationnel.

Que font-ils, d’où viennent-ils, à quoi rêvent-ils ?

Un sexe and the city parfaitement anonyme, où l’action se concentre essentiellement autour des problèmes de coeur et de cul des protagonistes.

C’est ainsi que l’on découvre l’ami et confident homo de Lila, ses rencontres infructueuses grâce aux réseaux sociaux, ses investigations guère plus convaincantes dans les milieux libertins parisiens…

En bonne disciple du Kechiche de « Mektoub, my love », Hafsia Herzi n’a pas non plus la sauvage flamboyance du cinéaste tunisien pour parler du désir amoureux.

Lila est plutôt pleine de larmes et de désenchantement.

Malgré tous les beaux gosses qui s’agitent frénétiquement autour d’elle, elle a le sexe triste, hélas.

Hélas pour elle et hélas pour nous !

L’amour, « c’est compliqué », se répète inlassablement Lila, mais la réalisatrice n’est pas totalement désespérée, qui lui réserve au final une rencontre inopinée avec un gosse moins beau que son ex mais nettement plus sensible.

Un jeune photographe, qui lui dit qu’elle ressemble à Frida Kahlo et qui lui récite l’un de ses poèmes : « Tu mérites un amour qui te fasse te sentir en sécurité, capable de décrocher la lune lorsqu’il marche à tes côtés, qui pense que tes bras sont parfaits pour sa peau/Tu mérites un amour qui veuille danser avec toi, qui trouve le paradis chaque fois qu’il regarde dans tes yeux, qui ne s’ennuie jamais de lire tes expressions/Tu mérites un amour qui t’écoute quand tu chantes, qui te soutiens lorsque tu es ridicule, qui respecte ta liberté, qui t’accompagne dans ton vol, qui n’a pas peur de tomber/Tu mérites un amour qui balayerait les mensonges et t’apporterait le rêve, le café et la poésie. »



13 septembre 2019 à 12 h 46 min

« Jeanne » de Bruno Dumont.

Depuis l’époque du cinéma muet avec Carl Dreyer et Falconetti (1928) jusqu’à plus récemment Rivette (Sandrine Bonnaire) ou Luc Besson (Milla Jovovich), chacun veut faire sa Jeanne d’Arc.

Est-ce un passage obligé de tout bon cinéaste qui se respecte ?

Pour Bruno Dumont, qui s’était déjà attaqué au motif avec « Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc » (2017), c’est même un joli doublet !

Faut dire que depuis «La vie de Jésus » (1997), Dumont nous avait préalablement familiarisé avec son goût pour les sujets à caractère mystique et religieux.

Plusieurs partis pris forts caractérisent (entachent ?) sa dernière proposition artistique.

Tout d’abord l’âge de l’apprentie comédienne à laquelle le cinéaste a confié le rôle titre.

Remarquable Lise Leplat Prudhomme, à la diction limpide et au caractère entier qui, du haut de ses douze ans (une manière de souligner la virginité de la Pucelle ?), peut renvoyer Greta Thunberg à ses chères études.

Autre singularité tout aussi décoiffante, c’est le fait d’avoir mixé ici le texte de Charles Péguy avec la musique de Christophe (le choc des lyrisme !).

Un mélange classique/variété aussi intriguant que l’effet du doux/amer culinaire sous la langue !

On peut s’interroger également sur la pertinence de ces choix singuliers, sur leur sens, mais il faut reconnaître qu’au vu du résultat final, ça fonctionne plutôt bien.

Cela rajoute même une couche à la bizarrerie de ce film où, comme à son habitude, Dumont mélange les comédiens professionnels et non professionnels.

Ainsi Fabrice Luchini, dans le rôle du roi Charles VII, participe tout autant du casting que le Gilles de Rais joué par un jeune inconnu édenté semblant sorti d’un tableau du Caravage.

Evoquant assez rapidement la période des batailles de Jeanne d’Arc, le film s’attache surtout sur celle de son procès.

Ce qui nous donne toute une série de plans vertigineux à l’intérieur de la cathédrale (Amiens a été préféré à Rouen), en plongé et contre plongé, comme si la caméra était située au niveau du regard du Christ en croix : comme si l’oeil de Dumont voulait se hisser à celui de Dieu !

Bel effet esthétique garanti, tandis que s’agite plus bas la cohorte richement bariolée des divers juges ecclésiastiques exaspérés par l’insolente gamine et pressés, sur l’injonction des occupants Anglais, de l’envoyer au bûcher.

Autant de libertés factuelles et géographiques (le bûcher de Jeanne est dressé sur fond d’un superbe paysage naturel) qui se justifient sur un plan esthétique, moins sur celui de la vérité historique.

Mais avec Jeanne d’Arc n’est-on pas plus ou moins condamnés à la légende ?

Selon qu’il viendra voir un film sur la vie de la future sainte ou une oeuvre de Dumont, le spectateur sera déçu ou enthousiaste…



12 septembre 2019 à 11 h 02 min

« Deux moi » de Cédric Klapisch.

Depuis « Chacun cherche son chat » (1996), tourné dans le quartier de la Bastille, Cédric Klapisch s’est affirmé comme le cinéaste-sociologue de la génération bobo.

Un peu à la manière de Jacques Becker dont les comédies « Edouard et Caroline » ou « Antoine et Antoinette » nous contaient les tribulations existentielles de la jeune bourgeoisie émergente d’après-guerre.

Rémy et Mélanie, François Civil et Ana Girardot, les deux « moi » du film, habitent rue Marx Dormoy, dans le 18e arrondissement de Paris. Leurs fenêtres mitoyennes donnent sur les rails de la gare du Nord avec la masse du Sacré-Choeur émergeant au loin.

Le film démarre allegro presto, sur les images accélérées du métro souterrain et aérien, comme pour nous faire ressentir la pesanteur de la ville sur le destin de nos personnages principaux.

Âgés d’à peine la trentaine, Rémy et Mélanie semblent déjà épuisés par le fardeau de leur vie en solitaire. On les voit assis côte à côte, tristes et gris.

Leurs parcours se croisent souvent mais ils ne se voient jamais.

Ils ont pourtant tout pour être heureux, ils sont jeunes, beaux, ont un boulot (elle travaille dans la recherche contre le cancer, il est cariste chez Amazon), un appart, des amis… et apparement beaucoup de problèmes personnels : elle dort trop, lui pas assez.

Ils sont tellement complémentaires qu’on les subodore faits l’un pour l’autre.

Mais pour l’heure, ils s’ennuient ferme et sombrent dans la dépression.

Lui traîne un fort sentiment de culpabilité, elle ne se remet pas d’avoir été larguée par son ex petit ami dont elle était passionnément amoureuse.

Chacun cherche à donner un sens à sa vie et finalement trouvera son psy : François Berléand pour l’un et Camille Cottin pour l’autre (le premier est du genre mutique, tendance lacanienne, la seconde plus prolixe a toujours le cliché qui rassure).

De fait, les deux psy parviendront en peu de temps à permettre à leurs patients de troquer leurs scénarios négatifs habituels en scénarios positifs.

Vont-ils enfin se rencontrer et s’aimer ?

Déjà, le petit chat blanc qu’il a adopté et qui s’est enfui par la fenêtre s’est installé chez elle…



11 septembre 2019 à 11 h 16 min

Plutôt qu’un film à vague prétention humanitariste comme « Les hirondelles de Kaboul », où l’on se donne bonne conscience sans risque et sans réelle analyse de la situation, autant aller voir « Inséparables » de Varante Soudjian.

Un pur film de distraction, sans prétention aucune, dans la lignée de ceux de Gérard Oury ou de Francis Veber, auxquels le cinéaste rend un hommage appuyé au générique de fin.

Construit autour d’Ahmed Sylla, le grand Noir, et d’Alban Ivanov, le petit Caucasien, deux acteurs tout droit échappés du Comédie Club de Jamel Debbouze, le film remplit parfaitement son contrat : nous faire passer un bon moment, sans prise de tête.

Un couple traditionnel de comédie que tout oppose.

Le premier est un magouilleur-né mais avec des circonstances atténuantes et un bon coeur.

Le second, passionné d’armement et de sport de combat russes, est proche de la débilité profonde mais néanmoins doté d’une droiture morale et d’un sens indéfectible de l’amitié.

Partageant un temps la même cellule, le grand Noir, qui n’avait jamais eu d’amis dans son enfance, sera touché par l’amitié que le petit gros lui témoignera en prison et appréciera l’aide efficace que celui-ci lui apportera.

Mais pas question de le revoir à leur retour dans la vie civile, malgré les belles promesses prodiguées.

C’était sans compter sur l’acharnement que ce dernier mettra pour le retrouver.

Ici, les gags les plus loufoques s’enchaînent et l’on rit de bon coeur.

Que demander de plus à ce genre de film ?



9 septembre 2019 à 12 h 41 min

« Les hirondelles de Kaboul » de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec.

Là aussi j’ai beaucoup hésité à aller voir ce film, tant le parti pris esthétique me semblait inadapté à son éthique.

Peut-on imaginer le répertoire des tragédies antiques ou le théâtre de Shakespeare sous forme de film d’animation ?

Adapté du roman de Yasmina Khadra, le film de Zabou Breitman associée à la dessinatrice Eléa Gobbé-Mévellec, nous conte, à travers de superbes planches d’aquarelles animées, de ton ocre, douces et chaleureuses, un épisode de l’été 1998 durant lequel les talibans faisaient régner la terreur sur Kaboul en ruines.

A la délicatesse des images correspond une réalité politico-sociale d’une brutalité extrême, nous donnant à voir pas moins qu’une scène de lapidation d’une femme infidèle, d’égorgement d’un homme et de quelques pendus au centre du stade de Kaboul, sous les applaudissements de la foule.

Le malaise découle ici du fait que le spectateur se sent voyeur d’une histoire qui ne le concerne pas directement et de l’impression désagréable de se faire peur à bon compte.

Cela étant dit, le film est remarquablement fait, mais je m’interroge toujours sur la pertinence de son propos et son utilité politique.

Les personnages impliqués dans l’histoire, dessinés à grands traits, plus emblématiques que caricaturaux, sont réduits aux rôles de victimes expiatoires d’un régime laissant bien peu de place à l’espoir.

Et pourtant, ces hirondelles de Kaboul, relayées par quelques hommes et femmes bien décidés à résister, ne sont-elles pas annonciatrices de jours meilleurs à venir ?

Suffit-il seulement d’y croire ?



8 septembre 2019 à 13 h 36 min

« Fête de famille » de Cédric Kahn.

Je n’étais pas très chaud pour aller voir cette énième histoire de grande réunion familiale avec déballage sordide et règlement de vieux comptes à l’appui.

D’autant plus que l’on est pas tenu d’aller voir tous les films avec Catherine Deneuve, devenue au fil du temps une actrice stakhanoviste, toujours juste dans son interprétation mais dans des rôles guère différents.

Un peu comme pour Isabelle Huppert.

Un film sur trois annuellement suffit pour suivre leurs carrières flamboyantes.

Je m’étais dit que j’irais plutôt voir son film suivant où pareillement confrontée à un rapport mère-fille intense, mais cette fois-ci face à Juliette Binoche, a été encensé au dernier festival de Venise.

Et puis finalement je me suis laissé tenter.

Tandis que la comédie se met en place autour de Catherine Deneuve dans le rôle de la mater familias, régnant sur une belle demeure provinciale, sans chichis, au centre d’un vaste parc et s’activant frénétiquement aux fourneaux pour sa petite tribu : un mari effacé et aimant, un fils ainé irréprochable (Cédric Kahn), un cadet passablement loufoque (Vincent Macaigne) et une fille hautement problématique (Emmanuelle Bercot) ainsi qu’une joyeuse cohorte de concubines et de petits-enfants affectueux, la comédie vire peu à peu au drame.

Première surprise, Deneuve ne tire plus ici sur ses éternelles fines cigarettes blanches ni ne mange et boit comme un trou !

Moins hédoniste et plus soucieuse du bien être de sa descendance, celle-ci abandonne même la vedette à Emmanuelle Bercot, qui prend peu à peu le dessus et devient le centre du film.

Tout s’emballe à cause de la folie de cette dernière.

L’expression d’une grande souffrance personnelle qui va faire voler en éclat l’harmonie de façade.

Remarquable interprétation de l’actrice, qui m’a renvoyé par ses crises excessives et imprévisibles, aux scènes vécues dans mon enfance et à un traumatisme personnel.

L’émotion pour moi était au rendez-vous !

Chacun y retrouvera-t-il son compte ?



6 septembre 2019 à 12 h 39 min

« Viendra le feu » d’Oliver Laxe.

Le troisième long-métrage de ce jeune cinéaste franco-espagnol, prix du jury d’Un certain regard à Cannes, à de quoi emporter l’adhésion du spectateur par sa singularité, sa force, sa beauté.

Un homme plus très jeune, libéré de deux ans de prison pour cause de pyromanie, regagne en plein coeur de l’hiver sa ferme perdue entre montagne et forêt du côté de la Galice.

Là, il y retrouve sa vieille mère, leurs trois vaches et le vieux chien fidèle de la maisonnée.

La vie reprend alors son rythme fait de lenteur de gestes dans les travaux quotidiens requis par la ferme et de mutisme affectueux, empreint de non-dits, entre les deux personnages principaux, interprétés avec une grande justesse et authenticité par Amador Arias et Benedicta Sánchez, qui conservent d’ailleurs leurs prénoms réels dans le film.

Est-on dans la fiction ou dans le documentaire ?

Peu importe !

Le film est constitué dès lors de longs plans de la vie ordinaire qui nous conduisent paisiblement jusqu’au retour des beaux jours, non sans une certaine inquiétude lorsque l’on se remémore le titre du film.

Car, en effet, voilà que, soudainement, survient le feu et que tout bascule.

Superbe évènement, tout à la foi fascinant et effrayant, dans lequel on est alors plongé au plus près et qui soulève chez les villageois et le spectateur bien des questions.

Hélas, celles-ci resteront sans réponses, d’où une certaine frustration…

Mais sur cette trame de la nature et de ses drames, chacun n’est-il pas libre d’apporter ses propres explications et conclusions ?


5 septembre 2019 à 13 h 38 min

« Liberté » d’Albert Serra.

J’avais apprécié « La mort de Louis XIV », le précédent film de ce jeune cinéaste espagnol.

Surtout pour la prestation très crédible de Jean-Pierre Léaud dans le rôle du Roi-Soleil.

Ici, j’étais intrigué par le retour à l’écran d’Helmut Berger.

Hélas, j’ai trouvé ce dernier film consternant.

Consternant en soi et consternant du fait des nombreuses louanges de la critiques. Le film ayant même remporté le Prix spécial du jury dans la section Un Certain regard à Cannes.

Quant à l’acteur viscontien, c’est tout simplement pathétique !

Au prétexte que les libertins étaient des révolutionnaires avant la lettre, d’où le titre, « Liberté », je n’ai vu là, pour ma part, qu’un mauvais film porno.

Un porno historique cheap, donnant à voir (et de fait le spectateur est pris en otage et transformé en pur voyeur) une besogneuse partouze nocturne en forêt.

Un film ennuyeux, aux plans lents et répétitifs, aux dialogues inconsistants et aux images poisseuses : un clair-obscur en clairière, où l’obscur prédomine et empêche toute clarté des images.

Au point que l’on ne sait plus très bien ce que l’on voit ou entraperçoit.

C’est lassant.

Et dire que certains ont souligné la qualité esthétique de ce film !



1er septembre 2019 à 10 h 30 min

« Frankie » d’Ira Sachs.

Présenté en sélection officielle à Cannes et reparti bredouille, le film nous conte l’histoire d’une actrice française de renommée internationale qui, sentant sa mort prochaine (un cancer généralisé), fit venir ses proches en vacances avec elle au Portugal.

Une histoire de famille décomposée et recomposée, avec son misérable tas de petits secrets, comme on en a déjà vu tant et tant sur nos grands et petits écrans.

Pour sa sortie définitive de scène, Françoise Crémont dite Frankie (Isabelle Huppert) a eu la bonne idée de réunir les siens à Sintra : mer-forêt-châteaux baroques dans de beaux paysages puissants, contrastés et romantiques à souhait.

Des décors naturels et architecturaux ou urbanistiques sans pareils et une situation exceptionnelle (la mort programmée, déjà abordée dans sa jeunesse avec « La Dame aux camélias ») permettent à notre star hexagonale de donner toute la mesure de son talent anorexique : impeccable et sans surprise, comme à son habitude.

Un film choral, où autour de Frankie, à l’ego surdimensionné, s’agitent son fils, tout à la fois gâté et frustré (Jérémie Renier), son premier mari et père de son enfant, passablement castré (Pascal Greggory), son deuxième mari britannique, aussi triste que rubicond (Brendan Gleeson), la fille, le gendre et la petite-fille de celui-ci, tous trois à la peau noire, et enfin une amie intime américaine de l’actrice, coiffeuse en chef à Hollywood (Marisa Tomei).

Autant de personnages et d’interactions où à la famille réelle se mêle la famille du cinéma et donnent une touche vaguement tchekhovienne au film.



30 août 2019 à 13 h 00 min

« Vif-Argent » de Stéphane Batut.

Je n’ai pas été totalement convaincu par ce premier film, malgré son obtention du prestigieux prix Jean-Vigo 2019.

Cette romance fantastique, un peu désuète propre à un certain cinéma d’avant-guerre et d’hommage revendiqué à Franju, tout à la fois métaphysique et poétique, nous propose de revisiter le sentiment d’éternité aux Buttes-Chaumont, en pleine nuit.

Est-ce à cause du côté anachronique de la délicate comédienne Judith Chemla, confrontée ici au fantôme d’un amour défunt, « incarné » par le jeune Thimotée Robart, qui fait une première apparition remarquée au cinéma ?

Ou bien à cause de Jacques Nolot, l’inévitable caution chic ou plutôt cheap de tout bon film d’auteur français qui se respecte ?

Juste, le jeune homme de notre histoire, dont on comprendra qu’il s’est jeté du haut du « pont des suicidés » de ce fameux parc parisien, erre indéfiniment, telle une âme en peine, autour des lieux de sa mort.

Il finira par y rencontrer, Agathe, follement aimée et abandonnée jadis, tant il était effrayé par sa passion.

Ainsi leur est-il offert une seconde chance, leur permettant de faire l’amour en transparence !

Ce désir retrouvé, assorti d’une jouissance physique garantie, gage d’amour intemporel, quoique manquant du plus élémentaire principe de réalité, il faudra bien que nos amants s’en contentent.

L’éternité sinon rien !

Et les spectateurs, aidés par une belle vision onirique du quartier et une musique particulièrement berçante des compositeurs Benoît de Villeneuve et Gaspar Claus, aussi !



29 août 2019 à 12 h 20 min

« Une fille facile » de Rebecca Zlotowski.

La belle surprise de cette rentrée 2019 !

Prenez la ville la plus médiatisée de la planète (du fait principalement de son célèbre festival du film), placez y un personnage emblématique de la télé-réalité la plus contemporaine, la tapageuse ex escort-girl Zahia Dehar (Sofia), entièrement refaite des pieds à la tête la vingtaine à peine entamée, et sous l’apparente artificialité des tombereaux de paillettes recouvrant Cannes et son actrice d’un jour sondez en profondeur leur… âme.

Tel était l’ambitieux parti pris de départ de la réalisatrice et de son scénariste (Teddy Lussi-Modeste).

Pari réussi au-delà de toute espérance pour un sujet particulièrement casse-gueule, tant était grand le risque de se noyer dans la vulgarité ambiante !

En place de quoi, nous avons droit ici à un conte d’été d’une grande finesse, propice aux émotions et méditations diverses.

Notamment pour le jeune Cannois que je fus, et qui se demandait anxieusement au sortir de l’adolescence ce qu’il allait bien pouvoir faire de sa vie.

Tout comme la jeune Naïma de 16 ans, incarnée par Mina Farid, chez qui sa cousine Sofia est descendue en vacances.

Sous la houlette de cette dernière, celle-ci va pouvoir passer de l’autre côté du miroir et découvrir le monde du luxe et de la richesse flamboyante dont jusqu’ici elle n’était, comme tout bon Cannois qui se respecte, que la simple spectatrice.

Un monde débilitant, fragile, dangereux où l’irréfragable frontière entre les puisants de ce monde et les humbles autochtones ne s’ouvre qu’occasionnelement par le biais des services (main-d’oeuvre ou corps) que les seconds peuvent offrir aux premiers.

Le rejet ne se situant pas forcément là où l’on pense : belles scènes où les personnels domestiques se montrent les plus méprisants envers les « putes » passées illégitiment à leurs yeux de l’office au salon…

Grâce à Sofia (étonnante Zahia Debar, subtil cocktail siliconé de Brigitte Bardot et de Sophia Loren !), Naïma (c’est moi !), ne se perdra pas et reviendra plus forte et déterminée que jamais de son trip estival dans la baie et le long des côtes de sa cité de rêve.

Le spectateur ne sera pas non plus déçu du voyage !



24 août 2019 à 13 h 41 min

« L’Affaire Pasolini » de David Grieco.

Si quelqu’un mérite que toute la vérité soit faite sur sa mort, c’est bien Pasolini !

Tout d’abord pour sa mémoire, mais aussi pour l’histoire contemporaine de l’Italie.

Si la thèse de la passe qui aurait mal tournée semble peu crédible (comment l’athlétique poète et cinéaste aurait-il pu proprement se faire massacrer par cet adolescent grassouillet et quelque peu débile ?), celle de l’assassinat politique, telle du moins qu’elle nous est présentée dans ce biopic, ne l’est guère plus.

L’explication des faits, la reconstitution du meurtre où rien ne nous sera épargné, parait confuse, contradictoire et suscite plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.

Alors que Pasolini achevait le montage de « Salo » et rédigeait « Pétrole », ni roman ni essai, mais plutôt une oeuvre pamphlétaire et testamentaire sur les connections industrielles, politiques et maffieuses régissant alors la société italienne, celui-ci fut retrouvé mort à l’été 1975 sur une plage d’Ostie.

A qui profite le crime ?

Cette « Macchinazione »(titre original du film), semble bien compliquée et peu convaincante. Elle aurait été orchestrée au sein d’une loge maçonnique dite P2, par un patron de l’industrie pétrolifère italienne. Le donneur d’ordre serait un député de la Démocratie chrétienne et l’exécution l’oeuvre d’une bande hétéroclite et improbable de bras cassés. Le tous, avec la participation, la complicité, la bienveillance de la justice et de la police, et sous l’oeil de nombreux habitants des bidonvilles voisins du lieu du crime !

Et pas un aveu ou un témoignage n’aurait filtré !

Là où l’on aurait souhaité un scénario reposant sur un vrai travail d’investigation et un ton dépassionné de la part du réalisateur, on assiste plutôt à la construction d’un mythe.

Celui de saint Pasolini, poète et martyr, et de son long calvaire conté à la manière d’un édifiant chemin de Croix, avec Pino Pelosi dans le rôle de Judas et la propre mère du cinéaste dans celui de la Vierge Marie.

Qu’attend le Vatican pour canoniser Pasolini ?

D’un mensonge l’autre !

Saura-t-on jamais ce qui est réellement advenu ?



23 août 2019 à 13 h 30 min

« Roubaix, une lumière » de Arnaud Desplechin.

Estampillée cinéma d’auteur, la filmographie de Desplechin, riche et variée, a généralement bonne presse.

Tel est le cas de son dernier opus, présenté en compétition au festival de Cannes, d’où il est pourtant reparti sans aucune distinction.

Pour sa dernière ode, sous forme d’hommage à sa ville natale, désormais métissée et ruinée, où les femmes du nord apparaissent de plus en plus voilées, le cinéaste a choisi le genre polar-social.

Nous offrant ainsi un véritable film d’atmosphère, organisé autour d’une galerie de personnages hauts en couleur.

Tout d’abord Roschdy Zem, dans le rôle du shérif local. Un lonely man désenchanté et doux, tout à la fois flic et assistante sociale, qui n’a pas voulu suivre sa famille toute entière retournée au bled. Tout le rattache à la ville de sa jeunesse dont il est parvenu à prendre la tête du commissariat central.

Face à lui, un jeune inspecteur fraîchement diplômé et plus tourmenté, interprété par Antoine Reinartz, qui le soir venu prie le Seigneur de lui donner la force d’affronter le mal et la misère ambiantes.

Inspiré d’un sordide fait divers, l’assassinat d’une vieille voisine par un couple de lesbiennes paumées, le film permet également à Léa Seydoux et Sara Forestier de déployer l’étendu de leur talent.

Un film noir, psychologique en diable, où l’ombre du grand Simenon côtoie celle, plus fugitive, de Bernanos !

Une atmosphère glauque, renforcée par la musique omniprésente du compositeur Grégoire Hetzel.

Malgré « une lumière finale » passablement télescopée, le film témoigne de la virtuosité de ce metteur-en-scène dont j’ai vu, toujours avec intérêt, la plupart des films, sans toutefois en être profondément marqué.

Tant sous le cinéaste, je n’ai pas encore bien réussi à identifier l’auteur !



22 août 2019 à 12 h 37 min

« Thalasso » de Guillaume Nicloux.

Au cinéma, raconter une histoire qui fasse sens serait-elle désormais la chose du monde la moins partagée ?

A défaut de sens, de plus en plus de cinéastes se rabattent sur le non-sens, l’absurde, le loufoque.

Certains y réussissent fort bien, mais ici le film tient tout à la fois de la bonne blague et du bon coup.

Guillaume Nicloux, qui avait déjà tourné avec Gérard Depardieu dans l’émouvant « Valley Of Love » où face à Isabelle Huppert l’acteur se confrontait à la propre mort de son fils Guillaume, et le téléfilm « L’Enlèvement », dans lequel Houellebecq avait révélé au public une étonnante nature de comédien, a eu la bonne idée de les réunir.

A la question que faut-il pour faire un bon film, Gabin avait répondu jadis trois conditions : « Un bon scénario, un bon scénario et un bon scénario ».

C’est ainsi qu’en mettant Gabin face à Belmondo et avec Antoine Blondin au script, Henri Verneuil avait réalisé l’excellent « Un Singe en hiver ».

Sur le même canevas de départ, Nicloux met en scène son tandem de monstres sacrés en vase-clos sur la côte Normande, mais, hélas, l’histoire ne suit pas, loin de là !

Saupoudré d’une vague fiction, ce gentil téléfilm, où l’on retrouve la bande de branquignols qui avait enlevé Houellebecq cinq ans auparavant, ne tient pas sur la longueur.

On rit, on sourit, on se lasse.

Depardieu, comédien génial, qui nous convaincrait même en lisant le mode d’emploi de son grille-pain, et Houellebecq, qui s’était révélé un étonnant acteur par nature et posture, ne parviennent pas à faire décoller le film au-delà de l’anecdotique et de la peopolisation à outrance.

Au point que le réalisateur a cru bon d’insérer, en guest star, un improbable Sylvester Stallone !

De cette confrontation au sommet, où il apparait que l’un croit en l’éternité et l’autre pas, juste un bref moment d’émotion quand, Houellebecq, sincèrement en larmes, affirme à un Depardieu, passablement ahuri, que la mort n’existe pas et qu’un jour il pourra retrouver telle qu’en elle même sa grand-mère adorée !



20 août 2019 à 13 h 35 min

En attendant la rentrée cinématographique.

Rapidement, les trois derniers films de cette semaine :

1/ « Le Gangster, le Flic et l’Assassin » de Lee Won-Tae. Un polar sud coréen très efficace.

2/ « Nuit magique » de Paolo Virzì. Reparti bredouille de Cannes, où il était en compétition, le film nous conte comment dans les années 1980 le cinéma italien s’est auto détruit. Ça commence bien, mais ça lasse un peu sur la longueur !

3/ « Je promets d’ère sage », premier film de Ronan Le Page. Une comédie avec Pio Marmai et Léa Drucker tout juste digne d’un honnête téléfilm.



17 août 2019 à 15 h 36 min

« Perdrix » de Erwan Le Duc.

Une nouvelle tendance s’affirmerait-elle et se confirmerait-elle dans le cinéma hexagonal, avec un retour au nonsense, à l’absurde, au loufoque, aux situations quasi surréalistes ?

Un cinéma décalé, illustré par les récents « Le Daim » avec Jean Dujardin ou « Yves » réalisé par Benoit Forgeard.

Sur fond de comédie romantique, le premier film d’Erwan le Duc, mélange l’humour belge et l’athmosphère « barrée » du cinéaste indépendant américain Wes Anderson.

On assiste ici, dans une petite ville des Vosges, à la rencontre d’une nomade invétérée, Juliette Webb, et de son futur Roméo, Pierre Perdrix, un sédentaire, capitaine de gendarmerie, célibataire, qui vit en circuit fermé entre la maison familiale avec sa mère (Fanny Ardant), son frère et la fille de celui-ci et sa gendarmerie.

Ce couple que tout oppose, remarquable tandem de jeunes trentenaires joué par Swann Arlaud et Maud Wyler, s’allie à l’occasion d’une enquête de police peu banale.

Juliette, qui s’était arrêtée sur la route pour s’assoir sur un banc et prendre des notes se fait voler sa voiture, sous son nez, par une jeune femme nue. Avec toutes ses affaires, notamment les nombreux carnets de son journal intime.

Pierre Perdrix, le capitaine de gendarmerie du coin, lui apprend qu’ils sont la proie d’une bande de révolutionnaires nudistes (sorte de blackblocs, blancs et nus, écolos plutôt pacifistes, qui veulent activement libérer les individus de tout ce qui est superflu).

Personnages et situations inattendus, dialogues métaphysico-rigolos pour une histoire d’amour finalement téléphonée entre ces deux personnalités de caractère entier et tranché.

Et le tout sur fond d’une bande musicale particulièrement riche, mêlant la bonne variété (Gérard Manset) et les bons morceaux de musique classique (Cimarosa ou Grieg).

Sympa mais pas forcément génial.



16 août 2019 à 12 h 54 min

« L’Intouchable, Harvey Weinstein »de Ursula Macfarlane et « Once Upon a Time… Hollywood » de Quentin Tarantino.

Pochette surprise en cette semaine de sorties cinématographiques la plus creuse de l’année !

Un documentaire et un film de fiction distribués avec le maximum de discrétion ?

Sur le premier, pas envie de hurler avec la meute et de tirer sur l’ambulance Weinstein ! 

Juste remarquer que la mère et le père du producteur étaient présents en tête du catalogue des productions Miramax (mélange des prénoms maternel et paternel : Miriam et Max) et que le scandale est arrivé grâce à l’intervention musclée auprès de la presse du fils de Mia Farrow, Ronan, dans l’incertitude du père : Frank Sinatra ou Woody Allen ?

Une affaire aux forts relents de vengeance familiale transposée à la tribu hollywoodienne.

Nauséabond !

Sur le dernier opus tarantinien, l’un des cinéastes les plus représentatifs du catalogue des productions Miramax, que dire de plus que c’est un film d’hommage à Hollywood, cette fois-ci à travers le genre western, et qui s’étend jusqu’aux westerns spaghetti italiens.

A noter cependant qu’ici, Tarantino remplace les méchants indiens par les méchants hippies et qu’il semble préférer Sergio Corbucci à Sergio Leone ?

N’étant pas particulièrement amateur de films de genre, en général, ni fan inconditionnel de Quentin Tarantino, en particulier, mais plutôt de films d’auteur, j’ai apprécié néanmoins, malgré quelques longueurs, la grande virtuosité du cinéaste et la prestation des deux acteurs principaux : Brad Pitt et Leonardo Di Caprio, égaux à eux-mêmes, non sans humour et distanciation. 

Et je lui suis reconnaissant, malgré cet happy end improbable, d’avoir transposé le crime de Sharon Tate et de ses amis sur la maison voisine, celle justement des deux héros du film !



10 août 2019 à 15 h 04 min

« Les Faussaires de Manhattan » de Marielle Heller.

Un film drôle, passablement pervers et délicieusement démodé, qui a failli rapporter un Oscar à l’inénarrable Melissa McCarthy, son interprète principale.

Ancienne biographe à succès, oubliée par son agent littéraire et boudée par le public, Lee Israel végète dans un appartement crasseux de Manhattan, avec un vieux chat pour seule compagnie.

Devenue grosse et alcoolique, cette vieille lesbienne solitaire, acariâtre et totalement fauchée, en panne d’inspiration, se découvre presque par hasard et par jeu un don sans pareil dans l’art de rédiger de fausses correspondances de célébrités, tels Noël Coward ou l’actrice de vaudeville Fanny Brice.

Avec l’aide de son ami Jack (magistral Richard E. Grant), un homo flamboyant, en voie de clochardisation, elle monte une affaire juteuse et nous fait découvrir le milieu des libraires de livres rares et d’autographes en tous genres new-yorkais.

Un milieu plus intéressé semble-t-il par le gain éventuel que ces documents para littéraires peuvent leur rapporter que par leur authenticité ?

C’est ainsi qu’elle fabriqua pas moins de 400 lettres, dont certaines se retrouvèrent citées dans des biographies officielles, et que son imagination lui permis enfin de vivre plus confortablement de son labeur.

Jusqu’à ce que le FBI débarque chez elle et que, finalement, après condamnation, elle retrouve, grâce à sa propre histoire de faussaire, le matériau nécessaire, authentique cette fois, de son futur manuscrit auto fictif.

Tout finit bien dans cette fable grinçante située dans le New York hivernal post intello de Woody Allen, non sans une certaine nostalgie pour le spectateur, qui assiste en direct à la disparition d’un monde dévalorisé, où les faux monnayeurs occupent de plus en plus le haut du pavé !



8 août 2019 à 15 h 06 min

« Une grande fille » de Kantemir Balagov.

Après le très remarqué « Tesnota », son premier long métrage, ce jeune prodige du cinéma russe de trente ans a reçu le prix de la mise en scène de la section Un Certain Regard à Cannes pour ce second film.

Prix mérité, car la mise en scène et le regard sont incontestablement certains chez lui.

Inspiré du roman « La guerre n’a pas un visage de femme » de Sveltlana Alexievitch, prix Nobel de littérature en 2015, « Un grande fille » retrace le portrait d’Iya et Masha, deux jeunes femmes rescapées de la Seconde Guerre mondiale.

Le moins que l’on puisse dire est que Kantemir Balagov n’a pas peur de se confronter à des sujets lourds et à se renouveler.

Alors que « Tesnota », film hyper contemporain, évoquait la communauté juive du Caucase du Nord (la région natale du cinéaste), « Une grande fille » est l’occasion pour lui de s’essayer au film historique.

Ici, l’histoire s’enchâsse dans la grande Histoire et nous transporte à Léningrad, à l’automne 1945.

La grande fille, au sens propre du terme, remarquablement interprétée par l’actrice Viktoria Miroshnichenko, dépasse d’une bonne tête les hommes et les femmes qui l’entourent.

Prénommée Iya (Violette en grec, selon l’un de ses vieux voisins), elle est surtout surnommée « la Girafe ».

Dotée d’un petit garçon malingre et d’un traumatisme, qui la rend par instant absente du monde, l’un est l’autre fruits de la récente guerre, elle promène sa longue silhouette maladroite à l’hôpital de Léningrad, où elle a trouvé un emploi d’aide soignante, au service des soldats revenus plus ou moins en entier du front.

C’est là que la rejoindra Masha, incarnée par la toute aussi remarquable Vasilisa Perelygina, une fois démobilisée à son tour.

Les deux jeunes femmes, compagnes de guerre, et que lie un secret, partageront le même travail à l’hôpital et le même appartement communautaire.

Chez Balagov, les femmes ont toujours le rôle principal, tandis que les hommes sont généralement relégués au second plan.

Du Saint-Petersbourg d’alors, superbement reconstitué, on ne verra que quelques scènes générales, le film privilégiant plutôt les huis-clos et les dialogues intimistes entre les protagonistes.

Donnant ainsi au film une forme théâtrale et, grâce à ses cadrages et au travail sur les couleurs à dominante vert et rouge, une forte influence picturale.

A noter de magistraux plans-portraits de femmes à leur toilette !

Il y a comme un air de Bergman chez Balagov.

A quoi ressemblera son prochain film ?



6 août 2019 à 17 h 47 min

« Diego Maradona » du cinéaste britannique Asif Kapadia.

Ne m’intéressant pas particulièrement au foot, j’étais très intrigué cependant par ce film documentaire sur l’une des dernières stars mondiales incontestées dont je ne conservais que les souvenirs de sa déchéance.

D’autant plus que j’avais beaucoup aimé le précédent film que ce réalisateur avait consacré à Amy Winehouse.

J’y suis donc allé et ne l’ai pas regretté.

Ce documentaire soigné, réalisé à partir d’archives abondantes et le plus souvent inédites, et les commentaires en voix off du Maradona d’après la légende, nous donne à voir le parcours singulier de cet enfant pauvre des favelas de Buenos Aires, qui put offrir, encore ado, à ses parents et ses quatre soeurs ainées un appartement et la respectabilité qui va avec (Auparavant, ils vivaient tous dans une seule pièce, sans tout à l’égout et sans eau courante…)

Nous avons droit ensuite à son parcours professionnel, depuis Barcelone, époque très conflictuelle, jusqu’à Naples, la ville de sa consécration, ville qui l’avait tant aimé, et à laquelle il avait redonné sa fierté.

Mais comment la ville la plus endettée d’Europe put-elle s’offrir le joueur le plus cher de l’époque ?

Tous les matches importants de son étonnante carrière sont passés en revue et ne connaissant pas l’issue de ceux-ci, le suspens fut d’autant plus grand à chaque fois pour moi !

Malgré l’amour de sa femme et de ses deux petites filles, Maradona, dépassé par une gloire pour laquelle Pelé dit qu’il n’avait pas été préparé, ne pourra résister à la cocaïne et aux putes, que la Camora napolitaine mit complaisamment à sa disposition, en le prenant ainsi en otage.

Puis après cette gloire sans pareil, la chute fut tout aussi vertigineuse !

Tous ceux qui l’avaient adulé : les politiques, les patrons des fédérations de foot, et même les Napolitains lui tournèrent le dos.

Mais le petit Diego, timide et respectueux, bon fils, bon mari et bon père de famille, qui s’était longtemps protégé derrière la carapace du Maradona flamboyant de pure fiction qu’il s’était inventé pour l’extérieur, a plutôt survécu à tout cela, contrairement à l’image qu’en donne la presse, et m’est apparu dans le fond très sympathique.

Quel destin !

En regard, son successeur dans la carrière, Zinedine Zidane, si lisse et si convenable, nous parait bien terne !



2 août 2019 à 12 h 52 min

Curieux film que ce « Midsommar » du cinéaste américain Ari Aster.

Il faudrait voir son précédent premier film, « Hérédité » !

Midsommar (le milieu de l’été) est un film d’horreur ethnologique sur une communauté ancestrale suédoise, plus proche d’une secte, mais sans Dieu.

Ici la nature est la mesure de toute chose et les « bons sauvages » étudiés se révèlent particulièrement effrayants.

La jeune héroïne américaine du film, frappée par un drame familial, et qui a accepté de suivre son petit ami étudiant en ethnologie, va trouver là une nouvelle famille de substitution et être élue par le plus grand des hasards Reine de la fête du solstice d’été.

Sur ses pas, le cinéaste nous trimballe au milieu d’un fatras d’us et coutumes symboliques, inspirés des catalogues des ethnologues occidentaux traditionnels.

Ici, l’individu doit impérativement se fondre dans la masse au seul profit de l’intérêt collectif : les fortes individualités seront impitoyablement sacrifiées.

Il en va de la survie et de l’intégrité de la communauté toute entière, qui doit cependant coopter de nouveaux membres pour éviter les inconvénients d’une trop forte consanguinité.

C’est ainsi que l’on assiste à une sorte de couronnement de Greta Thunberg, à laquelle l’actrice ressemble étrangement !

Musique tout à la fois folklorique et new âge, pour ce film où le land art esthétisant offre un cadre formel idéal à cette barbarie écologique absolument pas végane pour un sou.

Beau travail sur les costumes et les décors également, comme il en va pour tous film de genre parfaitement pensé et réalisé.



29 juillet 2019 à 11 h 21 min

Qui a dit que le cinéma indépendant américain n’existait plus ?

« Give Me Liberty » du cinéaste Russe Kirill Mikhanovsky en est un exemple parfait.

Un petit joyau dans la production dominante hollywoodienne.

Liberté de ton et de vision et inventivité de forme.

Avec un son saturé à outrance et des images en roue libre tout du long, ce film de fiction, aux allures de documentaire hyper réaliste, nous conte l’Amérique des laissés pour compte en tous genres : membres de la diaspora russe, communauté black des ghettos, handicapés psychiques ou moteurs…

Une belle leçon d’un cinéma mené à un train d’enfer, à base de bons sentiments, où un noir paraplégique plein de sagesse nous déclare, du plus profond de son immobilité, que la vie est belle et qu’il faut profiter de l’instant.

Autour de Vic, jeune Américain d’origine russe au coeur tendre, conducteur d’un minibus pour personnes handicapées, se déploie toute une galerie de personnages et de scènes détonnantes, et finalement revigorantes, du Milwaukee profond.

Ce devrait être à désespérer de l’humanité et pourtant ce n’est pas triste !



25 juillet 2019 à 20 h 00 min

« Daniel Darc, Pieces of My Life » 

Le cinéaste Marc Dufaud, qui avait déjà fait trois films sur lui, dans toute sa carrière, s’est associé un monteur Thierry Villeneuve, car il disposait de toutes les images (photos, doc, films d’amateurs) de Daniel Darc (1959-2013), depuis sa petite enfance jusqu’à sa mort.

Sa mère, morte peu après son fils, lui a donné toutes leurs archives privées et les clés de leurs appartements respectifs.

Un trésor de matériaux pour nous offrir non pas un biopic mais un superbe documentaire biographique de création. 

Au plus près de l’homme et de sa musique.

Darc, à la belle gueule d’ange déchu, était très poseur et savait jouer avec le grain punk-rock de sa voix suave et sensuelle.

Il se voulait plus un poète maudit dans la lignée de Lautréamont et Rimbaud (un peu excessif !).

Il croyait en Dieu et pensait qu’après avoir perpétuellement connu l’enfer sur terre, il irait aussitôt au paradis.

Très tôt, il fut renommé avec Taxi-Girl, mais l’héroïne aidant, il n’a jamais connu le succès récurrent d’un Etienne Daho ou d’un Alain Bashung… ses presque semblables.

Une reconnaissance finale, cependant.

Je ne connaissais pratiquement rien de sa musique en entrant dans la salle, mais le documentaire en lui-même et le personnage m’ont beaucoup intéressé !

Le chanteur musicien aussi, bien sûr. Une heureuse découverte…


Il dit qu’il croit en Dieu et il cite surtout Jésus.

Il dit aussi qu’à sa mort, comme il n’a connu que l’enfer sur terre, il ira aussitôt au paradis.


Le cinéaste, qui avait fait trois films sur lui, dans toute sa carrière, s’est associé à un monteur, car il disposait de toutes les images (photos, doc, films d’amateurs) de Daniel Darc (1959-2013).

Sa mère, morte peu après son fils, lui a donné toutes leurs archives privées et les clés de leurs appartements respectifs.

Un trésor de matériaux pour nous offrir non pas un biopic mais un superbe documentaire de création biographique.

Darc, à la belle gueule d’ange déchu, était très poseur et savait jouer avec le grain punk-rock de sa voix suave et sensuelle.

Il se voulait plus un poète maudit dans la lignée de Lautréamont et Rimbaud.

Très tôt, il fut connu avec Taxi-Girl, mais l’héroïne aidant, il n’a jamais connu le succès récurrent d’un Etienne Daho ou d’un Alain Bashung… ses presque semblables.

Une reconnaissance finale, cependant.

Je ne connaissais pratiquement rien de sa musique en entrant dans la salle, mais le documentaire en lui-même et le personnage m’ont beaucoup intéressé !

Le chanteur musicien aussi, bien sûr. Une heureuse découverte…



23 juillet 2019 à 11 h 19 min

Deux films.

Dans l’un on y danse et dans l’autre ça chante.

Et dans les deux cas, plutôt bien.

C’est déjà ça.

« Yuli » de la cinéaste espagnole Maria Iciar Bollain. Honnête biopic à la gloire de Carlos Acosta. Un enfant métis et pauvre de Cuba, qui avait la danse dans le sang, mais ne voulait surtout pas devenir danseur, plutôt footballeur : « c’est tous des tapettes ! ». Heureusement que son géniteur (beau portrait de père), l’a envoyé à coup de pompes dans le cul et de ceinturon suivre les cours de l’école supérieure de danse de la Havane. Résultat des courses, une carrière internationale qui l’a conduit au Royal ballet de Londres, après un passage à Turin puis Houston-Texas. Et retour triomphal à la Havane, quand tous rêvaient de fuir à Miami. Beaux plans sur la ville, où derrière les façades rutilantes on découvre les arrières-cours délabrées. Réalisé avec l’autorisation des autorités cubaines, cette sympathique comédie musicale, où l’on bouge bien, a cependant un arrière-goût de film touristique de propagande…

« Wild Rose » du cinéaste britannique Tom Harper.

Film plus convaincant, où l’on suit les péripétie de Rose-Lynn, jeune écossaise talentueuse et déterminée dont le désir est de quitter sa ville natale de Glasgow pour devenir chanteuse de country à Nashville. Mais comment faire quand on était déjà mère de deux enfants à dix-huit ans et que l’on vient tout juste de sortir d’un an de prison pour trafic de drogue ?

Ici, sous le musical (excellent, même si comme moi on est pas particulièrement fan de country) se cache un film social à l’anglaise. Heureusement que la mère de Rose-Lynn est là pour l’épauler ! Beaux portraits de femmes dans un monde où elles ne comptent plus sur les hommes. La country attitude se révèlera finalement payante, lorsque notre comédienne chanteuse (superbement interprétée par Jessie Buckley) prendra conscience que Nashville n’est plus à Nashville et que les Nashvilles sont désormais là où l’on vit !



20 juillet 2019 à 16 h 32 min

En ce moment, je ne vais voir ou revoir que des classiques. Les nouveautés sont nettement moins intéressantes au coeur des vacances d’été à Paris.

Hier, j’ai découvert « Les Moissons du ciel » (1978) de Terrence Malick, avec Richard Gere et Sam Shepard, que je n’avais jamais vu. Superbe mélodrame dont la belle Brooke Adams est l’enjeu central, sur fond de moissonneuses batteuses et de grands paysages texans. Il n’y manque que les Indiens ! Musique de Ennio Morricone et images de Nestor Almendros. Cela vaut bien ****


Les jours précédents, j’ai vu « Memories of murder » (2004) ***** et « Mother » (2010) **** de Bong John ho, que j’ai trouvé plus époustouflants que le « Parasite » palmé à Cannes ***

On annonce une rétro Wong Kar Way…



13 juillet 2019 à 13 h 01 min

Avez-vous le goût du reggae ?

Moi, pas plus que ça.

Ce qui ne m’a pas empêché d’aller voir, hier, « Inna de Yard », le film documentaire du réalisateur Britannique Peter Webber.

Un beau voyage en musique à la Jamaïque, où j’ai appris tout en me trémoussant !

Bob Marley n’a-t-il pas été en ce domaine l’arbre qui a caché la forêt ?

Dans ce film, on retrouve, plus de trente ans après leur âge d’or, les survivants de ce genre musical singulier, qui a fait rayonner l’âme de la Jamaïque dans les années…. 1970 !

Décidément, on n’en sort pas ?

Autant de musiciens et chanteurs, aux dreadlocks grisonnants, à la silhouette dégingandée et la gueule passablement ravalée par l’abus de fumette.

Réunis dans le collectif Inna de Yard, ils continuent néanmoins à répandre la bonne parole musicale aux quatre coins de la planète.

Notamment, récemment, au Trianon, où un public parisien a pu partager avec eux leur enthousiasme dans le pur esprit de la tradition rasta, faite d’amour, de respect et de fraternité.

Planant !



11 juillet 2019 à 11 h 37 min

« Vita & Virginia » de Chanya Button.

Il ne suffit pas de maitriser plus ou moins la technique ni d’aimer et de connaitre l’oeuvre et la vie du personnage principal pour réussir un bon biopic.

Qualités que l’on ne conteste pas à la réalisatrice Britannique dont le film m’est apparu, malgré tous les bons ingrédients de départ, tel une mayonnaise ratée !

Dieu sait que je ne suis pas insensible au genre biopic, mais cette évocation des amours saphiques de Virginia Woolf (Elizabeth Debicki) et de Vita Sackville-West (Gemma Arterton), m’a paru proprement grotesque et je n’ai jamais pu entrer dans le film.

J’en suis même sorti profondément irrité !

Les deux comédiennes, toutes en pâmoisons de sublimité, ne sont plus ici que des mannequins sans âmes. Leur physique, qui aurait pu apporter une certaine modernité intemporelle au film, est plutôt de l’ordre de l’uchronie.

Ajoutez par-dessus cela l’interprétation caricaturale d’Isabella Rossellini dans le rôle de l’austère lady Sackville et la valse des maris de ces dames, réduits à de gentilles tapettes, et le tour est joué !

Allez comprendre, avec ça, que de cette relation sulfureuse, anticonformiste, ait pu sortir « Rolando », le roman qui apporta enfin à Virginia Woolf une relative célébrité.

A défaut d’une vision singulière et du moindre parti-pris, le film de Chanya Button ne nous offre plus que des images d’illustration ! 



8 juillet 2019 à 8 h 13 min

Peut-on imaginer un monde sans les Beatles et sans Coca cola ?

Mais avec les Rolling Stones et Pepsi, faut rien exagérer !

Un tel monde, conduirait inévitablement à devoir nous passer de Harry Potter.

C’est cette hypothèse de potache, produite par un grand buzz informatique bouleversant de fond en comble nos mémoires googelisées, qui sert de canevas à « Yesterday », de Danny Boyle.

Un film particulièrement réjouissant, qui a le grand mérite de nous faire redécouvrir les oeuvres des quatre garçons de Liverpool dans le texte.

The best !

Certains critiques font la fine bouche, mais le public, toutes générations confondues, plébiscite le film.

Et moi, qui n’était pas au départ un inconditionnel des Beatles, j’ai été proprement enchanté par la projection et en suis sorti revivifié ! 



7 juillet 2019 à 11 h 51 min

« Rojo » du cinéaste argentin Benjamín Naishtat.

Etrange film et étrange histoire que cette évocation de l’Argentine des années 1970.

Années sombres qui se soldèrent par la disparition de 300 000 personnes, les fameux « desaparecidos », et le départ en exil de bon nombre d’Argentins.

C’est dans le contexte de la guerre froide – le pays ayant choisi résolument le camp des USA -, juste avant que la junte militaire ne renverse le régime d’Isabelita Perón, que Benjamin Naishat, né après ces évènements, a placé son film.

Un film à l’atmosphère de polar plus que de film politique.

Celle-ci n’étant jamais abordée directement mais seulement à travers le comportement feutré des personnages : la bourgeoisie de droite prenant nettement le pas sur celle de gauche, tel l’avocat Claudio, magistralement interprété par l’acteur Dario Grandinetti.

Un homme cultivé, qui sous le verni de sa bonne éducation, ne manquera pas de profiter de l’opportunité de la situation.

La nostalgie est empreinte ici d’une violence diffuse et ne nous renvoie pas une image pour le moins positive de ses habitants, qui nous apparaissent étrangement exotiques et passablement cruels.

Dès la première scène, on assiste au pillage d’une villa de la banlieue résidentielle de Buenos Aires par ses distingués voisins : les propriétaires légitimes ayant dû partir en catastrophe. On apprend aussi comment bien tuer une mouche sans se fatiguer et l’on assiste à l’art d’émasculer un taurillon avant de le savourer en barbecue.

Ou encore comment faire disparaitre un corps dans le désert…

A noter aussi ici le choix formel du cinéaste, qui a l’habituelle narration éclatée a préféré une narration linéaire, plus simple, et qui du coup rajoute paradoxalement une couche à l’étrangeté du film.

Oui, ils sont vraiment étranges ces Argentins !


5 juillet 2019 à 10 h 51 min

« So Long, My Son » de Wang Xiaoshuai.

Deux jeunes amis d’une grande ville du nord de la Chine, ayant dû aller se faire rééduquer à la campagne, sous Mao, se retrouvent dans la peau d’ouvriers modèles à la fin des années 1970.

Ils sont mariés et pères, chacun, d’un petit garçon lorsque se met en place la politique de l’enfant unique.

C’est alors que survient le drame.

Les deux familles identiques vont suivre alors des destins totalement dissemblables.

Sur cette trame, Wang Xiaoshuai tisse, sur fond de mélodrame flamboyant, une grande fresque historique de la Chine de ce dernier demi siècle !

Cette belle chronique d’une longue vie intranquille, de près de 3 heures, particulièrement mouvementée, qui nous transporte de la Chine industrielle du nord à la Chine maritime du sud, valut aux deux comédiens principaux, Wang Jing-chun et Yong Mei, l’ours d’argent du meilleur acteur et de la meilleure actrice au 69e Festival du film de Berlin.

Prix justifié pour ce grand film politique ambitieux, de facture plus classique malgré une narration éclatée, que le « Parasite » de Bong Joon-Ho.

Tandis que l’on riait jaune avec le film coréen adulé à Cannes, le film chinois, où l’amour cimente encore les relations humaines et l’amitié demeure au-delà des rapports de classe, dans une société autrement plus chamboulée, est nettement plus édifiant et émouvant.



4 juillet 2019 à 11 h 28 min

Etrange film que ce « The Mountain » de Rick Alverson.

Ici, le spectateur est invité à un long voyage d’hiver au pays de la folie.

Un voyage rétroactif, qui nous embarque durablement, tout en douceur et avec lenteur, à travers les paysages frontaliers s’étendant entre New York et le Canada des années 1950.

Décor, costumes, grosses voitures d’époque, musiques vintage et couleurs sépia donnent toute leur étrangeté à ce film d’ambiance, au formalisme soigné, où les acteurs s’expriment toujours sur un ton feutré.

Après avoir perdu son père, le très improbable Udo Kier, un septuagénaire prof de patinage artistique, trop tôt disparu de l’écran à mon grand regret, Ty Sheridan, en jeune homme triste de vingt ans, dont la mère fut enfermée alors qu’il était encore un petit enfant, va suivre le docteur Fiennes, interprété par Jeff Goldblum (l’homme aux gènes de mouche s’est métamorphosé en un vieux médecin aux pratiques inquiétantes).

Ayant accepté de devenir son assistant-photographe, il le suit d’asile en asile, où celui-ci pratique d’effrayantes opérations sur ses patients, qu’il lobotomise à l’aide d’aiguilles géantes enfoncées dans les lobes oculaires.

Loin de toute hystérie habituelle, les fous, traités aussi aux électrochocs, sont proprement transformés en zombies silencieux et immobiles.

C’est plus reposant pour le spectateur !

Un film en forme de voyage initiatique pour notre jeune héros (le titre complet est « The Mountain : une Odyssée américaine »), qui en cours de route perdra son pucelage avec une belle et jeune victime de son mentor, et sombrera lui aussi dans… la folie.

C’est alors qu’entre en scène, le père de la jeune fille, un artiste français encore plus inquiétant, qui permet à Denis Lavant de déployer son grand art de jouer les idiots de service, sautillant et grimaçant à souhait.

Lui aussi pratique la médecine, mais avec des méthodes alternatives moins irréversibles. On le voit à l’oeuvre sur un grand échantillon de ses patient réunis dans un théâtre sans rideau et accompagnés de musiciens de xylophones interprétant des airs de musique concrète. Une scène qui évoque David Lynch !

Pour lui, seul l’amour gouverne le monde, et il expédiera le jeune couple au sommet de la montagne.

Là seul est leur possible salut…

Beau et étrange singularité de ce film, qui n’est pas sans nous inquiéter cependant sur l’état du cinéma indépendant américain !



3 juillet 2019 à 10 h 54 min

J’ai été déçu, frustré, voire agacé par le documentaire « Beau joueur » de Delphine Gleize.

On y suit durant toute l’année 2016 le club de l’Aviron Bayonnais, après que celui-ci, sous la houlette de son coach Vincent Etcheto, est entré au TOP 14 des meilleures équipes de rugby nationales.

Tout au long de la projection, je ne suis pas parvenu à comprendre le propos de la réalisatrice. Il est vrai que je me suis assoupi plusieurs fois…

Pourquoi tout d’abord ce titre au singulier, alors qu’il s’agit d’un portrait de groupe ?

Le film aurait d’ailleurs plutôt dû être titré « Beaux perdants », dans la mesure où l’on assiste essentiellement à une suite de déculottés carabinées de ladite équipe, qui ne gagnera durant toute la saison qu’un seul match devant… Bordeaux !

Restant toujours à la surface des choses, on a du mal à identifier ces joueurs, réduits à des paquets de viandes, que l’on suit exclusivement durant leurs entrainements intensifs et à l’occasion des mi-temps où, passablement cabossés, ils doivent se faire rafistoler par les soigneurs et admonester par leur entraineur !

Les matchs ne sont jamais filmés, seuls les scores sont indiqués.

Par dessus cela se fait entendre la voix off, passablement lyrique et intrusive de la réalisatrice (pour meubler le vide ?), et tout un tas d’airs de musique envahissants : on a même droit, avant un match capital, à la 5e de Mahler, celle de la mort à Venise !

La Rédaction du quotidien Sud-Ouest, particulièrement concernée par ce film, lui a mis… quatre étoiles !



2 juillet 2019 à 10 h 45 min

« Conséquences » du slovène Darko Štante.

Un premier film ambitieux qui se confronte à un sujet tabou : l’homosexualité chez les cailleras.

Plus fort que dans le foot !

Ancien éducateur, le cinéaste nous conte l’histoire d’Andrej, un jeune homme révolté et qui a du mal à bander avec les filles, que ses parents, en désespoir de cause, placent dans un centre de détention pour jeunes.

Là, il doit subir la loi d’un caïd du même âge que lui dont il va tomber amoureux et subir la domination.

Un film un peu démonstratif mais remarquablement porté par les deux comédiens principaux.

Une romance noire en forme de violence et passion, qui donne envie d’aller faire un tour à Ljubljana et de découvrir la verte Slovénie alentour !

Dur dur l’homosexualité dans ce territoire de l’ex Yougoslavie.

Pour preuve, la mère d’Andrej voulait bien tolérer que son fils soit un voyou et distribue inconsidérément ses coups de poings à droite et à gauche, mais lorsqu’elle apprend qu’en plus il est pédé, elle rompt définitivement les ponts avec lui : trop c’est trop !



1 juillet 2019 à 8 h 51 min

Hier, après une semaine d’intense canicule, j’ai été voir un documentaire brésilien, « Bixa travesty ».

Film portrait d’une « tapette trav’ », Linn da Quebrada, un(e) enfant des favelas de Rio, contrainte à réinventer sa vie à chaque pas au grès de ses passions et de son imagination. Une femme à poil et à bite, qui chante avec talent, aime son corps qu’elle donne à adorer, bouge bien et écrit des paroles qui font sens. Une artiste complète, emblématique d’une certaine lutte politique dans un pays particulièrement machiste, qui a même triomphé d’un cancer des testicules !

Une héroïne semblant s’être échappée de la fabrique underground d’Andy Warhol…

Tout à la fois rafraîchissant, tonique et stimulant !



30 juin 2019 à 11 h 33 min

Beaucoup aimé, malgré ou à cause de quelques hauts le corps et le coeur, « Golden Glove » de Fatih Akin.

Autre chose que le très policé « In the fade » avec la lisse Diane Kruger, dont le succès a néanmoins permis au cinéaste turco-allemand de prendre un virage radical.

Munich avait Fassbinder, Hambourg a Fatih Akin !

Tout aussi esthétique, politique, théâtral, mais en plus gore.

Remarquable et inquiétant Jonas Dassler, dans le rôle de Fritz Honka, sérial killer sordide à la gueule cassée, sorte de Jack l’éventreur de la ville hanséatique des années 1970, et recrutant ses victimes, de vieilles putes pathétiques, au Golden Globe, un bar du légendaire quartier chaud de Saint Pauli !

Un cinéaste à suivre et dont je verrais volontiers les premiers films que j’ai ratés.

Je ne comprends pas la réserve de la critique toute entière sur ce dernier opus d’un cinéaste authentique ?

Il est vrai qu’ici, toutes les sirènes du politiquement correct sonnent l’alarme.

On est au-delà du rouge : déplorable retour d’image de la femme, battue, violée et découpée en morceaux ; propos sacrilèges sur la religion ; portraits tout aussi déplorables des diverses communautés migrantes de la ville…



29 juin 2019 à 11 h 07 min

C’est toujours amusant d’avoir des nouvelles de nos cousins québécois.

Dans « La Femme de mon frère » le premier film de Monia Chokri, avec la détonnante Anne-Elisabeth Bossé, il faudrait plutôt parler de nos cousines.

Un peut vexant néanmoins les sous-titres en version française, alors que tous les comédiens sont parfaitement compréhensibles !

Une comédie bon enfant autour de la génération des 35 ans, ni trop jeune pour entreprendre ni trop vieille pour désespérer.

Généralement des surdiplomés, qui doivent galérer dur pour trouver un emploi correct et toucher un salaire convenable et, plus simplement, rencontrer l’âme-frère ou soeur !

Certes, des préoccupations basiques, dans un univers convulsif, qui puisent toute leurs saveurs dans le jeu des comédiens, une mise en scène dynamique, et l’exotisme d’une certaine parlure à forts relents de vieux français…

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19583907&cfilm=273177.html



27 juin 2019 à 9 h 43 min

« Yves » de Benoît Forgeard, présenté en clôture de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes.

Une comédie vaguement surréaliste sur les progrès et les méfaits des « Choses », qui depuis Perec se sont vues dotées d’une intelligence artificielle.

Ici, Jerem finira par faire l’amour à Yves !

Une histoire de haine et passion frigorifique moins convaincante que celle du blouson à franges de « Le Daim », de Quentin Dupieux, avec Jean Dujardin et Adèle Haenel.

Le principal avantage étant la fraîcheur climatique offerte durant deux heures dans la salle de cinéma. Par temps de canicule, c’est déjà beaucoup !



23 juin 2019 à 11 h 36 min

Contre toute attente et malgré des critiques mitigées, j’ai beaucoup apprécié le biopic sur « Noureev » de l’acteur et réalisateur anglais Raph Fiennes.

De la belle ouvrage, certes un brin académique, mais sensible et efficace.

Le film se concentre sur les quelques semaines de 1961 durant lesquelles la troupe du Kirov vint se produire à l’opéra Garnier et qui se soldèrent, en pleine Guerre froide, par le passage définitif à l’Ouest de son danseur le plus singulier. Avec des flashbacks sur son enfance et ses années de formation à Léningrad.

Le charme de ce biopic tient en grande partie aux séquences de ballet et au talent de son interprète principal, Oleg Ivenko, danseur classique professionnel, dont c’est le premier rôle au cinéma.

Plus beau que son modèle, qui avait pour sa part plus de gueule, il incarne de manière convaincante, la sauvagerie et l’insolence de ce nouveau Nijinski, souple et sautillant comme un fauve, qui subjugua alors le public parisien.

Raph Fiennes, dans le rôle de Pouchkine, maître de ballet du Kirov, à l’autorité douce et pondérée, est assez intrigant, et le reste de la distribution tout aussi soignée : belles figures du père, de la mère et de l’enfant Noureev, rejeton d’une famille pauvre, dont on apprend qu’il est né dans un train !

Dans un rôle plus discret mais décisif, Adèle Exarchopoulos interprète Clara Saint, la compagne de Vincent Malraux, mort quelques jours plus tôt dans un accident de voiture avec son frère Gauthier.

Sa rencontre avec le danseur et sa proximité avec le ministre de la culture de l’époque seront déterminants dans la scène capitale du film qui se jouera à Orly, où Noureev, plutôt apolitique mais ivre de liberté, se verra pratiquement contraint à demander le Droit d’asile à la police française.

Malgré les menaces de représailles sur sa famille par les officiels soviétiques…

Fort heureusement nous étions alors sous Khrouchtchev et non plus sous Staline !

Mentionnons encore au crédit de ce film, la reconstitution nostalgique du Paris du début des années 1960 et, même si la plupart des séquences russes sont tournées en Serbie (fautes de moyens ?), les superbes plans des places et rues de Saint-Petersbourg au petit matin !



22 juin 2019 à 8 h 32 min

N’étant pas un passionné de littérature mythologique nordique et ayant à peine survolé le « Seigneur des anneaux » ou même « Harry Potter », principalement dans leurs versions cinématographiques, je suis tout de même allé voir « Tolkien » de Dome Karukoski.

Attiré uniquement par ce réalisateur finlandais, né à Chypre, sur la foi de son précédent biopic, « Tom of Finland », que j’avais bien apprécié.

Fallait oser s’attaquer à un tel personnage, susceptible d’intéresser un public très… limité !

« Tolkien » donc ?

Tout autre chose, en effet.

Un autre monde et d’autres moeurs.

Celui d’un jeune orphelin anglais du début du XXe siècle, passionné de philologie et inventeur de langues supposées anciennes, que nous suivons, à travers un film de facture plus académique. Depuis sa jeunesse studieuse à Birmingham puis à Oxford et jusque dans les tranchées boueuse de la Somme durant la Première Guerre mondiale.

Des années de formations rudes, pour ce doux rêveur de dragons et de personnages de légende, qui rencontra très tôt sa princesse.

De belles images à défaut d’originalité…



21 juin 2019 à 10 h 54 min

« Buñuel après L’Âge d’or » du cinéaste espagnol Salvador Simó, d’après la bande dessinée de Fermin Solis.

Ce superbe biopic sous forme de film d’animation est aussi une belle leçon de cinéma.

Le réalisateur s’attache seulement à la première période du cinéaste surréaliste, depuis la projection scandaleuse de « L’Âge d’or », film anticlérical et anti bourgeois, écrit avec Salvador Dali, en 1930, jusqu’à la genèse et au tournage de « Terre sans pain » (1933). Avec quelques flash back sur l’enfance de Buñuel et son rapport houleux avec son père.

Si, dès son précédent court métrage, « Un Chien Andalou » (1929) Buñuel avait connu la gloire, à la suite de son premier long métrage, il allait aussitôt connaître sa douleur.

Menacée d’excommunication par le pape, la famille du comte de Noailles intervint vigoureusement pour que ce dernier mette immédiatement fin au financement des films du cinéaste surréaliste.

C’est alors que Buñuel, en désespoir de cause (Dali ayant refusé de lui prêter le moindre argent), se retourna vers son ami Ramon Acin, un sculpteur anarchiste espagnol, aussi fauché que lui, mais qui acheta un billet de loterie nationale avec promesse de produire son prochain film s’il gagnait.

Et, miraculeusement, il décrocha le gros lot !

A croire que Dieu n’était pas en phase avec le Vatican ?

C’est ainsi que Buñuel put réaliser « Terre sans pain », un film documentaire sur les villageois de Las Hurdes, une région particulièrement misérable, quasi moyenâgeuse, de l’Espagne profonde.

Le film d’animation de Salvador Simó nous conte principalement les tribulations de cet incroyable tournage, où l’on voit qu’à partir du réel, il s’agissait toujours pour Buñuel d’en extraire un film de création.

Et quel film, dont les principaux plans en N&B sont intercalés dans ce film d’animation aux somptueuses couleurs !

Film impossible à tourner aujourd’hui, compte tenu de l’évolution des moeurs et d’une certaine « morale animalière » : Buñuel n’hésitant pas, pour la beauté de l’art et la vérité du message final, à bousculer la réalité. Faisant tomber quelques malheureuses chèvres de leurs rochers, pour les filmer en pleine chute, ou détruisant un rucher transporté par un âne malingre, qui sera proprement dévoré sous nos yeux par les abeilles en fureur !

Sans parler de l’agonie filmée en gros plan d’une gamine…

Salaud de Buñuel !

Oui, mais génial et prémonitoire ?

Peu de temps après, la réalité serait encore plus cruelle, avec le déclenchement de la guerre d’Espagne.

A quoi sert l’art ?



20 juin 2019 à 14 h 47 min

« Lune de miel » d’Elise Otzenberger.

Là aussi, à la vision de la bande-annonce, je m’étais dit que cette histoire d’un couple de juifs bobos parisiens trentenaire partant en Pologne à la découverte de leurs origines, ça ne pourrait pas être possible !

Et bien non, ça l’a fait, avec justesse et émotion…

Comme quoi il ne faut pas toujours s’en tenir à ses premières impressions.



19 juin 2019 à 20 h 22 min

« Le Daim » de Quentin Dupieux, avec Jean Dujardin et Adèle Haenel.

La bande-annonce ne me donnait pas envie d’y aller. Mais au final, je ne l’ai pas regretté. 

Superbe master class de cinéma pour les apprentis réalisateurs !

Ou comment faire un film habité, sans financement, sans scénario, avec des images poisseuses et une idée débile. Oui, c’est possible…

Présenté à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes, le film de Quentin Dupieux, tourné avec trois fois rien, est un peu l’anti « Parasite » de Joon-ho Bong !

Et face à Jean Dujardin, renouant avec l’absurde de « Brice of Nice », vingt ans après, Adèle Haenel lui tient la dragée haute. Toujours parfaite, comme d’habitude, sauf dans « Un peuple et son roi », où, comme tous les autres comédiens elle tournait en roue libre.



13 juin 2019 à 9 h 59 min

Tandis que « The Dead Don’t Die » de Jim Jarmush faisait l’ouverture de la compétition officielle au dernier Festival de Cannes, Bertrand Bonello présentait « Zombi child » à la Quinzaine des réalisateurs.

Encore une histoire de zombie !

Mais attention, là on n’est plus dans le cinéma de genre, mais bien dans le cinéma d’auteur.

Produit, écrit, réalisé et mis en musique par Bertrand Bonello himself, « Zombi Child » se veut une oeuvre d’art et non pas un simple film de divertissement.

Alliant sa haute couture formelle habituelle à une sérieuse culture de fond, le réalisateur nous conte une histoire à deux temps, alternant entre le Haïti des années 1960 et le Grand Paris actuel.

Une sombre histoire de zombie, d’un côté, et d’éducation de jeunes filles en uniforme au prestigieux pensionnat de la Légion d’honneur à Saint-Denis, de l’autre.

Deux lieux et deux époques que tout oppose mais dont on pressent le lien commun grâce à la présence d’une pensionnaire haïtienne, Melissa, interprétée par la belle et énigmatique Wislanda Louimat.

Petite-fille d’un Haïtien réduit en esclavage par zombification, orpheline d’une mère qui avait été fait chevalier de la Légion d’Honneur pour ses activités contre le régime Duvalier – condition sine qua non pour pouvoir intégrer le célèbre établissement -, celle-ci va initier peu à peu ses jeunes camarades blanches et bourgeoises à la culture mambo.

Notamment sa plus proche compagne d’internat, jouée par Louise Labeque, qui ne va pas hésiter à recourir au vaudou pour reconquérir le coeur du jeune homme dont elle est amoureuse et qui l’a laissé tomber.

Bertrand Bonello n’a pas son pareil pour filmer les jeunes filles en fleurs.

Après les prostituées de « l’Apollonide », un bordel du début du XXe siècle, il s’attache ici, dans un contexte tout aussi anachronique, à l’éducation d’excellence de jeunes filles bon chic bon genre d’aujourd’hui.

Dans les splendides bâtiments du Grand Siècle, celles-ci reçoivent les cours d’Histoire de Patrick Boucheron, qui leur explique la Révolution française à travers « Le Peuple » de Michelet, et leur donne comme interro écrite : « Les conséquences des printemps Arabes » ! Tandis qu’elles dialoguent, en anglais, sur la vie et l’oeuvre de Rihanna ou reçoivent un enseignement particulièrement pointu en Math et en Physique-Chimie. Sans oublier la pratique d’un instrument de musique et du chant.

A part cela, ce sont des jeunes filles comme les autres, s’intéressant à la mode, aux garçons ou aux filles, aux musiques les plus branchées et ne quittant pas leurs smartphones.

Malgré la lourdeur d’une structure en deux temps, et un certain didactisme autour de la culture vaudou, hallucinée et inquiétante, souterraine et étrange, Bonello parvient à nous offrir un film ambitieux et original.

Où l’on voit que les ipodés peuvent être particulièrement culturés…



7 juin 2019 à 11 h 25 min

Dans un tout autre genre que « Parasite », j’ai trouvé très intéressant le premier film de Blaise Harrison, « Les Particules ». 

C’est frais, un peu potache, mais plein d’idées et d’inventivité.

On dirait un film d’élève de fin d’étude d’école de cinéma.

Pas un virtuose surdoué à la manière du coréen palmé, mais plutôt un doux expérimentateur-rêveur, s’aventurant sur les chemins de traverse, pour traduire en sons et images son histoire.

Celle de Pierre-André, remarquablement incarné par Thomas Daloz, et sa bande de joyeux copains.

Ils sont en terminale au lycée, et leur préoccupation première ne semble plus être « passe ton bac d’abord ! », du défunt Pialat.

Le film se passe à la frontière franco-suisse, du côté de Ferney-Voltaire. On a droit à de superbes paysages d’hiver au voisinage desquels se trouve le plus important accélérateur de particule du monde.

Là, le cinéaste nous donne à voir une jeunesse désenchantée, mal en point physiquement, consciente d’appartenir à un univers pré apocalyptique. Livrés à eux-mêmes, tandis que les adultes ne sont déjà plus que quelques points de repère, entre joints et musiques synthé, ils se dirigent tout droit vers une… désagrégation programmée !

Une inquiétante fin de partie parfaitement traduite sur l’écran et qui nous fait irrésistiblement planer, même sans avoir tiré au préalable sur le moindre pétard !



6 juin 2019 à 10 h 31 min

De Joon-ho Bong je n’avais vu que « Snowpiercer » dont je garde le souvenir d’un brillant film de divertissement, sans plus.

C’est donc d’un oeil relativement vierge que j’ai découvert « Parasite », précédé du tintamarre de sa récente Palme d’Or cannoise et de l’incroyable unanimité d’une critique enthousiaste, chose somme toute assez rare : une écrasante majorité de cinq étoiles !

Dès l’abord, deux familles et deux mondes s’affrontent, celui du sous-sol, puant, humide, malsain et misérable, et celui de la surface, de la lumière, du confort, de l’aisance et des privilèges. Le petit monde du chômage, de la précarité et de la débrouillardise face à celui de l’argent, du luxe et de la beauté (magistrale illustration de cette différence par… l’odeur !).

Aucun contact possible entre ces deux mondes que tout sépare et entre lesquels, inexorablement, l’écart tend à se creuser de plus en plus, sinon par le biais de la domesticité.

Pour s’en sortir, la famille du sous-sol, les Ki-taek, doit faire preuve d’intelligence, là où l’autre, les Park, n’a qu’à se laisser porter au gré d’un vent favorable.

Très vite j’ai pensé à « Théorème » de Pasolini et à la prise de possession de toute une famille de la bonne bourgeoisie industrielle de Milan par l’ange d’amour incarné par le jeune Terence Stamp.

A part qu’ici, les séducteurs se démultiplient en quatre, et que l’angélisme est proprement diabolique.

Et c’est ainsi que d’un cinéma d’auteur, en apparence, nous passons peu à peu à une cinéma de genre, celui de la comédie italienne et de « Affreux, sales et méchants » de Ettore Scola !

Au mi-temps du film, tandis que je me demandais vers quelle morale allait bien pouvoir nous conduire cette fable sociale savamment mise en place par Joon-ho Bong, alors que les quatre membres de la famille Ki-taek ont pris possession de la maison des Park, la fusée concoctée par notre habile cinéaste-scénariste va soudainement révéler un second étage et un second sous-sol !

On s’enfonce alors dans des profondeurs abyssales et passons à un tout autre niveau.

De la comédie italienne nous glissons dans le monde tout à la fois absurde, surréaliste et politique des pires films d’un Luis Bunuel !

Beaux plans des rues de Séoul, tout en escaliers, et vertigineuse séquence des remontées des égouts qui voit la merde envahir toute la ville, et nous rappelle qu’en Corée du Sud, que l’on soit riche ou pauvre, plane éternellement la menace voisine du dictateur fou de la Corée du Nord dont le doigt sur le bouton nucléaire à de quoi rendre tout le monde paranoïaque !

Certes, on peut trouver quelques longueurs avant d’atteindre la résolution finale (pléonasme) du film, mais la sinuosité de l’histoire qui nous est contée par Joon-ho Bong semble ne pouvoir en faire l’économie.

Grand film époustouflant de virtuosité et de modernité dans un monde entièrement connecté, qui laisse loin derrière lui, le cinéma plus traditionnel d’Almodovar.

Quoique chez ce dernier on retrouve un univers qui lui est propre et que l’on peut se demander quel est, au-delà de sa superbe virtuosité, celui du premier ?



31 mai 2019 à 14 h 33 min

J’ai plutôt été déçu par « Le Fils », film documentaire du russe Alexander Abaturov. Réalisé autour de l’hommage rendu à son cousin Dima, jeune militaire de 21 ans tué dans le Caucase, le cinéaste filme, avec l’autorisation des autorités militaires, ses camarades de promotion, les Spetsnaz, une unité d’élite de l’armée russe. Des images fortes, qui relèvent néanmoins plus du reportage télévisuel que du film d’auteur.



25 mai 2019 à 12 h 19 min

« Sibyl » de Justine Triet, avec Virginie Efira.

Autre film en compétition officielle à Cannes et pour lequel la critique enthousiaste crie au génie (cinq étoiles dans les Cahiers du cinéma ) !

A la projection, j’ai longtemps été agacé, tant tout me semblait faux et plein de clichés.

A commencer par Sibyl (Virginie Efira), ex écrivaine devenue psy et qui décide de revenir à son premier métier. Son éditeur improbable, sa vie familiale partagée avec ses deux filles, son mari avec lequel elle ne couche plus (adorable Paul Hamy) et son très charnel et superbe amant (Niels Schneider). Ses problèmes d’alcoolisme, son conflit avec sa mère et sa soeur (Laure Calamy)…

To much pour un seul personnage !

Et comme si cela ne suffisait pas, Sibyl, en panne d’inspiration romanesque, va accepter de prendre en cure une comédienne particulièrement perturbée (Adèle Exarchopoulos) et finir par se retrouver au centre du conflit pervers que celle-ci entretient avec son amant comédien (Gaspard Ulliel) et sa femme (Sandra Hüller) la réalisatrice du prochain film dont ils sont tous les deux les acteurs principaux.

Sibyl a enfin trouvé son sujet de roman et écrit comme jamais alors à Paris ! C’est ainsi que l’on se retrouve en plein tournage à Stromboli et où j’ai abandonné toute idée de film réaliste et psychologique et accepté de glisser à l’intérieur de cette comédie totalement déjantée.

Sous la direction parfaitement maitrisée de Justine Triet, ses personnages, sans plus aucune raison ni structure morale, sont tout entier livrés à leurs seules pulsions. Belles images qui empruntent leur esthétisme à Rosselini, Antonioni et même au Godard du « Mépris ».

Pas forcément nouveau mais bien beau.

Et au milieu de tout cela, Virginie Efira peut déployer toute la gamme des émotions. De la froideur des débuts à l’hystérie paroxystique, pleurant, dansant, chantant, jouant l’ivresse et prêtant généreusement son corps aux positions les plus érotiques, elle y est proprement grandiose (de quoi remporter le prix d’interprétation féminine, ce soir ?)

Cela suffit-il à faire un chef-d’oeuvre ?

J’avoue que malgré tout, le film me laisse un brin perplexe…



23 mai 2019 à 11 h 29 min

« Le Jeune Ahmed » des frères Dardenne, film en compétition dans la sélection officielle du Festival de Cannes.

C’est aussi austère et minimaliste que « Le Journal d’un curé de campagne » de Georges Bernanos adapté en 1951 par Robert Bresson.

Sauf qu’entre temps, on est passé du catholicisme à l’islamisme.

Sans parler d’un hypothétique et très discutable « grand remplacement », disons plutôt que la réalité sociologique que, comme à leur habitude, les frères Dardenne nous donne à voir s’est sensiblement modifiée dans une grande partie de l’Europe.

Notamment dans le Nord de la France ou en Belgique, où les maghrébins ont remplacés les Italiens.

Ici, la Rosetta de 1999 a cédé la place vingt ans plus tard à Ahmed et la problématique du film se joue entre un islam modéré et un islam radical.

L’un et l’autre représentés par une prof d’Arabe tolérante et un imam intégriste.

C’est cette réalité conflictuelle que le jeune Ahmed, cadet des trois enfants élevés par une mère veuve, aimante et débordée par les difficultés économiques et sociales environnementales, ayant elle-même un problème d’addiction à l’alcool, va affronter de plein fouet.

Adolescent fragile, intelligent et sensible, épaulé par une prof dévouée et attentive, le jeune Ahmed va soudainement se détacher de l’influence des femmes et, exalté par l’exemple d’un cousin martyr et d’un imam radical, se laisser embringuer par une vision pure et dure, intolérante et machiste de l’Islam.

La caméra des frères Dardenne va suivre de bout en bout, sans jamais lâcher le personnage principal du film, cette radicalisation du jeune Ahmed, ponctuée par ses heures de prières et ses ablutions intensives, jusqu’à son point fatal.

Remarquable incarnation plus qu’interprétation de Idir Ben Addi, qui porte le poids du personnage et partant du film sur ses épaules, avec ses troubles, ses contradictions, sa naïveté et sa dangerosité.

Courage aussi du choix d’un sujet sensible et délicat de la part des frères Dardenne.

Ici, pas de happy end possible.

Pas d’échappatoire, sinon une fin que certains pourront interpréter comme une punition divine et d’autres comme la conséquence d’actes irresponsables.



18 mai 2019 à 10 h 03 min

Quoique pleinement justifiée, palme ou pas palme, « Douleur et gloire » (quel titre français à la soap opéra !) est un bon cru.

Voire même un cru exceptionnel.

Un beau film personnel en forme de bilan.

Une sorte d’à la recherche du désir perdu et retrouvé.

Rarement Pedro Almodóvar se sera ainsi livré, en profondeur et en délicatesse.

Aucune impudeur narcissique dans cette énième autofiction, où le cinéaste espagnol évoque, en une narration éclatée, son enfance, l’amour exclusif pour sa mère, la détresse dans laquelle sa mort l’a laissé, mais aussi ses premières pulsions villageoises pour un maçon analphabète, sa plus flamboyante histoire d’amour (malheureux) de jeunesse madrilène, ses conflits avec l’un de ses plus célèbres comédiens, ou encore l’entrée douloureuse dans la vieillesse et la vacuité de sa vie lorsqu’il ne tourne pas.

Souvenirs réels et affabulation imaginaire, tout lui sert pour aboutir à un film, tant sa vie est liée au cinéma.

Comment retrouver l’impulsion, l’énergie, le désir de s’atteler à une oeuvre nouvelle, où la justesse des sentiments le partage avec l’émotion, quand on se sent physiquement amoindri, dépressif et solitaire ?

Dans tout film, et tout particulièrement chez Almodóvar, il y faut l’intervention d’un élément magique, à défaut d’une intervention divine, pour que le processus créatif reparte.

Ici, la découverte inattendue d’un modeste dessin le représentant un demi siècle plus tôt, servira de déclencheur.

Les mauvaises langues diront que la drogue aura aussi beaucoup aidé.

Peu importe, le film est là, servi, par un subtil glissement de rôles, où Antonio Banderas devient le réalisateur-narrateur de l’histoire, lui même incarné par l’acteur Asier Etxeandia. Tout deux tout aussi remarquables, ainsi que Penélope Cruz, aussi belle et voluptueuse que Sophia Loren en lavandière napolitaine, dans le rôle de la mère d’Almodóvar.

Et c’est ainsi que « Douleur et gloire » se métamorphose peu à peu sous nos yeux, quelque peu humides, en « Douceur et bonheur »…



17 mai 2019 à 12 h 43 min

« Passion », le premier film de Ryusuke Hamaguchi ?

Fort du succès international des « Senses 1 à 5» et des « Asako 1 & 2 », il nous est donné de voir sur nos écrans ce film daté d’une dizaine d’années.

Du Hamaguchi à l’état brut, non décanté.

« Passion », quoiqu’un peu chiant s’avère finalement… passionnant !

Certes, c’est du cinéma de nature intimiste -l’éternel dilemme de l’amour entre les hommes et les femmes-, passablement bavard, certain diront théâtral, genre dont je ne suis pas à-priori fan, sauf quand c’est signé Rohmer.

Hamaguchi est de ce niveau-là.

La primeur en moins mais l’exotisme en plus.

Le bon cinéma n’est-il fait d’une suite de singulières exceptions ?

« Passion » nous conte les jeux de l’amour et du hasard entre trois couples de jeunes bobos tokioïtes plus ou moins trentenaires et amis de longue date.

C’est beau comme un théorème illustré, même si j’ai dû passer plus de temps à lire les sous-titres qu’à regarder les images.

A est en couple avec A’, une prof de math. Ils ont décidé de se marier.

B est marié à B’, qui est sur le point d’accoucher de leur premier enfant.

C, sans attache, fricote cependant avec C’, tout aussi indépendante.

Mais où est donc le problème me direz-vous ?

Et bien dans le fait que C aime secrètement A’, qui ne le lui rend pas, tandis que A qui a eu jadis une liaison avec C’ en est toujours follement épris. Parallèlement, B, qui se dit fidèle et loyal à sa moitié, va se révéler amateur d’adultères torrides avec toutes les femmes qu’il croise, notamment avec C’, particulièrement sensible aux rapports sadomasochistes-masochistes…

Vous suivez ?

Parce que tous les protagonistes de ce beau théorème amoureux universaliste, beaux parleurs et raisonneurs, vont vite se retrouver dépassés par les évènements.

La pratique plus forte que la théorie.

« C’est bien la vie de couple » demande A à son pote B, au début du film. « C’est parfois ennuyeux mais non dépourvu de certains avantages », lui dit-il.

Un peu ce que pense le spectateur à la vue du film !



16 mai 2019 à 9 h 34 min

CANNES INTRANQUILLE

Ce 72e Festival de Cannes sera-t-il placé tout entier sous le signe de l’intranquillité ?

C’est du moins ce que donne à penser le film en ouverture de compétition qui voit l’invasion de la Croisette par les zombies !

Avec « The Dead Don’t Die », Jim Jarmusch revisite les films de genre et nous sert un cocktail Tarantino à sa manière, frappé et bien glacé.

Une bonne dose d’horreur, un goût prononcé de catastrophisme, un zeste de science-fiction, un lancinant relent de fable écologique, sur fond de thriller psychédélique, de pamphlet politique et de réflexion métaphysique.

Pas moins !

Ainsi sont convoqués ici la fin du monde (la terre étant subitement sortie de son axe), l’horreur sanglante (avec le retour des morts vivants envahissant la ville), l’arrivée finale des soucoupes volantes, le tout noyé de musique rock (le leitmotiv du morceau de Sturgill Simpson qui donne son titre au film et l’apparition en zombie d’Iggy Pop), et de références littéraires (Henry David Thoreau ou Herman Melville).

Un film particulièrement genré, qui peut se lire aussi comme une charge contre l’administration Trump, vantant les bienfaits de l’économie libérale et niant les rapports des experts sur l’état catastrophique de la planète, et le mensonge relatif des médias, disant au public ce que celui-ci veut bien entendre et évitant les questions qui fâchent.

Le tout porté par une distribution éblouissante : Tom Waits, Bill Murray, Adam Driver, Tilda Swinton, Steve Buscemi…

Paradoxalement, ce scénario trop riche, se traduit à l’écran par une narration lente (long processus de mise en place d’une apocalypse annoncée par l’inénarrable agent Peterson joué par Adam Driver, qui ne cesse de dire que tout cela va mal finir) et distanciée grâce à la forte dose d’humour désenchanté et désarmante de Jim Jarmusch.

Somme toute, un film en mode mineur chargé d’un message particulièrement lourd !

Ajoutons encore qu’il a pour cadre une ville forestière du Nord-Est des Etats-Unis, Centerville, autant dire n’importe où. Et que les zombies, bien sûr c’est nous, surconsommateurs sans âme et passablement lobotomisés.

De quoi en effet inquiéter la Croisette.

Heureusement que je connais toutes les hauteurs de la ville, d’où voir en beauté la fin programmée de l’humaine humanité…



12 mai 2019 à 15 h 10 min

« Lourdes » de Thierry Demaizière et Alban Teurlai.

Certains critiques leur reprochent d’entretenir une trop grande empathie pour les curistes-pèlerins qui participent à la renommée de cette ville-sanctuaire.

Pour la gaudriole, Jean-Pierre Mocky nous avait déjà donné son inénarrable « Le Miraculé », avec Michel Serrault et Jeanne Moreau.

Mais s’agissant ici d’un documentaire, comment peut-on reprocher aux auteurs d’éviter de porter un regard misérabiliste sur le sujet ?

Grâce à la première apparition de la Vierge à Bernadette Soubirous, en 1858, Lourdes attire les pèlerins venus du monde entier. Depuis, l’on compte des milliers de guérisons inexpliquées et 70 miracles officiellement avalisés par le Vatican. Désormais, chaque année, 3 millions de visiteurs s’y rendent en procession. Tout un peuple de croyants et d’invalides de toutes sortes, qui n’ont d’autres espoirs de guérison qu’à travers la manifestation d’un… miracle !

A l’empathie des auteurs ne peut correspondre que la compassion des spectateurs.

Que faire d’autre devant le spectacle de tant de misères physiques réunies ?

Les cinéastes filment au plus proche les visages et les corps des malades, les gestes de soulagement et les soins apportés par les divers personnels d’encadrement, laïcs ou religieux, pour la plupart bénévoles, ainsi que les rituels en usage.

Une esthétique soignée et charnelle qui évoque les fresques religieuses de la Renaissance italienne. Il faut voir comment les pèlerins caressent la pierre humide de la grotte sacrée, le regard noyé de larmes…

Le cinéma, lieu de la présence excessive de la mère quand le père n’y est pas, selon Serge Daney ?

Ma mère, veuve, chrétienne et sourde et muette, une fois ses trois enfants conduits au seuil de l’adolescence, songea enfin à s’occuper un peu d’elle-même. Son infirmité la révoltait toujours autant et elle fit plusieurs fois le voyage à Lourdes en compagnie de quelques membres de l’association paroissiale locale. 

Nous, ses enfants, esprits forts, nous ricanions toujours un peu en la voyant partir en nous disant, d’un air entendu, qu’à son retour nous devrions nous attendre à ce que : « Moi, peut-être miracle ! »

Il n’y eu jamais de miracle, mais, pour elle, quelque temps d’apaisement après chaque voyage où elle avait pu constater que, sous l’angle de l’infirmité, elle n’était finalement pas si mal lotie…



11 mai 2019 à 11 h 12 min

« Le Chant de la forêt » des cinéastes João Salaviza et Renée Nader Messora.

Dès le premier plan, on s’enfonce sous l’épaisse voute verdâtre amazonienne, sur les pas d’Ihjãc, jeune indien de la tribu des Krahô, seulement revêtu d’un short et chaussé de tongues. On est immédiatement happés par les mille sons de la forêt, rien moins que silencieuse à cette heure nocturne. Un opéra de bruits étranges et terrifiants où se reconnaissent néanmoins quelques chants d’oiseaux.

Ihjãc, marié et père d’un petit bébé a perdu son père voilà déjà quelque temps. En plein coeur de la nuit, celui-ci lui est apparu en rêve et lui a demandé de le rejoindre près de la grande cascade.

Là, il ne le verra pas mais il l’entendra. Son père le presse alors d’organiser au plus vite la fête traditionnelle de ses funérailles afin qu’il puisse cesser d’errer indéfiniment dans la forêt et rejoindre le village des morts.

Ihjãc, ne parle pas de cette rencontre à son épouse, ni même à sa mère, encore jeune et pourvue d’enfants en bas âge. Aîné de sa famille, malgré ses oncles et son grand-père, il est désormais le chef du clan.

Décrétant à son entourage la préparation de la fête de fin de deuil, Ihjãc ne se sent pas bien. Son grand-père lui dit qu’il faut immédiatement consulter le vieux chaman du village. L’un de ses oncles le prévient cependant qu’il existe de bons chamans mais aussi de nombreux chamans malveillants, qui plutôt que soigner les malades précipitent leur fin.

Au cour de la consultation, le vieux chaman local, tout à ses préparatifs de purification, lui annonce qu’il est en voie lui-même de chamanisation.

Ihjãc prend peur, il prétexte qu’il est trop jeune et qu’il ne veut pas de cette fonction, trop lourdes pour ses frêles épaules.

Pour échapper à son « Maître », un effroyable perroquet multicolore aux cernes sanguinolentes, qui ne le lâche pas des yeux, Ihjãc s’enfuit à la ville voisine, tentant ainsi de se faire oublier.

Dans un contexte de plus en plus précaire, Ihjãc sera-t-il le dernier chaman du clan des Krahô ?

Tel est le propos de ce magnifique film à caractère ethnographique, où les protagonistes sont les acteurs de leurs propre vie.

Ici, nulles annotations savantes d’un Claude Levi-Strauss ou de voix off explicatives d’un Jean Rouch.

Tout est donné à voir, entendre, ressentir.

Etonnant phrasé, empreint d’une grande lenteur d’élocution, de ces amérindiens tout à la fois fatalistes et mélancoliques.

L’enjeu de ce second film de João Salaviza, jeune cinéaste Portugais de 35 ans, est identique quoique fort différent de celui de son précédent film, plus directement autobiographique, « La Montanha », qui nous contait déjà les désarrois d’un jeune lisboète de 14 ans qui, sentant venir la mort de son grand-père, se réfugie dans la montagne, tentant ainsi d’échapper à l’a fatale injonction d’entrer dans l’âge adulte.

Un cinéaste à suivre…



10 mai 2019 à 11 h 18 min

L’humour folle vaut-il l’humour juif ?

Pas de hiérarchie en cette matière.

L’essentiel est dans le bon dosage entre autodérision, autodéfense et enfonçage du politiquement correct : les principaux concernés pouvant se permettre ce que les non concernés ne peuvent plus dire aujourd’hui.

De ce point de vue, « Les crevettes pailletées » de Cédric Le Gallo et Maxime Govare s’inscrivent parfaitement dans la tendance actuelle de la nouvelle comédie française, mêlant le rire aux larmes et la dérision à l’émotion.

S’inspirant de la performance, passée relativement inaperçue, de l’équipe de water polo « les grenouilles et les princesses » (The frogs and Princess) aux Gay games de Paris en aout 2018, les scénaristes ont imaginé un film aux allures de road-movie, conduisant nos joyeux sportifs en autobus à impériale à travers l’Europe jusqu’en Croatie, sous la houlette d’un entraineur condamné à des travaux d’intérêt général pour cause d’homophobie.

Une situation paradoxale de départ, avec retournement de situation adéquate qui, sans être particulièrement originale, évoque tout à la fois « Priscilla, folle du désert » et « Le Grand bain ».

Toutefois, n’en déplaise aux grincheux en tous genres et aux militants de base un peu coincés, la comédie de Maxime Govare et de Cédric Le Gallo, portée par une brochette de comédiens pas forcément gays mais talentueux, est rehaussée d’une dimension dramatique, qui n’est pas sans évoquer les « 120 battements par minute », de Robin Campillo, Palme d’or au Festival de Cannes 2017.

Au fait, pourquoi les « Crevettes pailletées » ?

« Parce que dans la crevette le meilleur c’est la queue et avec des paillettes c’est encore mieux ! »

Une réplique d’anthologie à faire pâlir d’envie le défunt Michel Audiard des « Tontons flingueurs ».

Humour folle avez-vous dit ?



6 mai 2019 à 9 h 58 min

« Dieu existe, son nom est PETRUNYA » de Teona Strugar Mitevska.

Imaginez Josiane Balasko jeune, ou bien sa fille Marie Lou Berry, dans le rôle d’une jeune femme de 32 ans, diplômée d’Histoire, vivant toujours chez ses parents et recherchant désespérément un travail à Stip, une agglomération informe et montagneuse située en Macédoine du Nord.

Tel est le personnage qu’incarne avec talent l’actrice Zorica Nusheva.

Tandis qu’elle sort d’un énième et humiliant entretien d’embauche, où elle sollicitait un modeste emploi de secrétaire, et que le patron de l’usine de confection, après lui avoir désobligeamment palpé l’entre jambe, lui ait dit qu’elle paraissait dix ans de plus que son âge, que trop grosse et trop moche, elle n’était même pas baisable, et qu’en plus elle ne savait pas coudre, Petrunya, rejetée et totalement désenchantée, croise la procession traditionnelle de Noël.

Une cérémonie locale où le pope s’apprête à lancer, depuis le pont en surplomb dans la rivière glacée, une croix consacrée, sous l’oeil impatient d’un bataillon de jeunes hommes torses nus et spécialement entrainés pour cela.

La croix est suposée apporter un an de bonheur à qui la repêchera.

C’est alors que Petronya se jette à l’eau, toute habillée.

Suicide ou instinct de survie désespéré ?

Un instant après, elle remonte à la surface, tenant la croix en main, déclenchant aussitôt les cris de haine des mâles en fureur, à qui cette cérémonie moyenâgeuse est essentiellement réservée.

Un an de bonheur ?

C’est mal parti pour Petrunya, car elle est mise en examen au commissariat local, pour vol de bien sacré. Là, le pope, le commissaire, le procureur de la république, la somment, en vain, de restituer l’objet légitimement gagné, tandis que la foule s’est amassée aux portes pour la lyncher.

Petrunya commence alors un véritable chemin de croix, sous les crachats et les jets de seaux d’eau froide de la foule.

Tout à la fois fable, conte et histoire hyper réaliste, le film de Teona Strugar Mitevska, inspirée d’un fait divers vrai, nous donne à voir une comédie sociale pleine d’humanité, où l’on rit et médite à souhait.

A la ronde des corps constitués, passablement machistes, réunis autour de notre pauvre Christ en jupon, s’agrège une inénarrable journaliste en mal de scoop.

Pour cette subtile narration à caractère féministe, la cinéaste a choisi un parti pris esthétique parfaitement adéquat. Au cadre léché habituel, riche et composite hérité des tableaux de la Renaissance, elle a préféré celui, plus morcelé et faussement naïf des icônes enfumées orthodoxes : un angle d’oreille par-ci, un profil coupé par-là d’où émerge en arrière-plan la scène d’ensemble.

Un film remarquable, dont la morale de l’histoire sera que Petrunya, ni mouton déguisée en loup ni loup déguisée en mouton, décidera de n’être plus jamais une victime et, avec ou sans la croix, s’acheminera désormais d’elle-même vers le bonheur.

Un bonheur communicatif qui fait que les spectateurs dans la salle où j’étais ont applaudi à la fin de la séance.



5 mai 2019 à 15 h 44 min

« Duelles » du cinéaste belge Olivier Masset-Depasse.

C’est un film « vintage », avec une reconstitution soignée du début des années 1960 : on y roule en simca 1000 et DS, décor intérieur et vêtements d’époque et usages d’un temps où les femmes restaient à la maison.

Dans un beau double pavillon de la banlieue chic de Bruxelles, deux couples avec chacun un petit garçon coulent des jours heureux.

Les femmes sont les meilleures amies du monde et ont la clé l’une de l’autre, pouvant ainsi se rendre divers menus services.

Un way of Life à l’européenne, fortement teinté de celui des Etats-Unis.

On s’invite à diner, on boit des cocktails à l’heure de l apéritif, un digestif après les repas et l’on fume en abondance.

En ce temps-là on trouvait des cendriers jusque sur les tables de nuit…

Puis un drame survient et tout bascule.

Dès les premières images le spectateur est mis dans l’ambiance et, malgré le fil ténu de l’histoire de départ, tenu en haleine jusqu’au bout.

On comprend très vite que derrière la légèreté de cette comédie des belles apparences une réalité plus lourde va s’imposer.

Un peu à la manière d’un roman de Simenon qui aurait été adapté au cinéma par Alfred Hitchcock !

Bien vite le vernis de ces vies lisses, banales, conformistes, craque et l’amour, tout en surface, que se portait les deux femmes va laisser la place à une haine froide, terrible, effroyable.

De duelles, au sens double du terme, on passe à la dualité proprement dite.

Une dualité en forme de combat à mort…



4 mai 2019 à 13 h 24 min

Vus, hier, coup sur coup, deux films sur le thème de l’homosexualité.

Un documentaire : « Coming Out » de Denis Parrot, et un film de fiction « Tremblements » du cinéaste guatémaltèque Jayro Bustamante.

Le premier est un montage de vidéos filmées par des jeunes du monde entier au moment où ils annoncent à leurs parents qu’ils sont gays. Témoignages que le « cinéaste » a recueilli sur le Net. Est-ce encore un film ou une simple succession de copiés/collés ?

Le résultat est cependant intéressant.

Les jeunes garçons et filles appartiennent tous au monde Occidental. Parmi eux on dénombre une majorité d’homo mais aussi quelques transsexuels. Tous font leur coming out à leur mère. Un seul, un jeune Canadien l’annonce à son père. On les voit plein de trac et d’appréhension, mais en général ça se passe plutôt bien. Et, quand la religion s’en mêle, parfois plutôt mal, très mal même. Là, il est question d’aller pourrir en enfer et l’un d’entre eux prend des coup de sa mère et de son père venu en renfort. Parfois aussi, certaines mères bienveillantes mais maladroites répondent à leur enfant qu’elles respectent leur choix. Ce à quoi les enfants répondent tous que ce n’est pas un choix et que s’ils avaient eu vraiment le choix, ce n’est pas celui qu’ils auraient fait.

J’ai été très étonné de voir que dans la salle il y avait une grande majorité de jeunes du même âge que les protagonistes du film. Et qu’ils étaient empreints d’une certaine gravité.

J’ai alors pensé que les choses étaient loin d’être gagnées…

Le second est un film de fiction plus traditionnel et bénéficiant de certains moyens budgétaires.

Pablo, 40 ans, est un homme de la bonne bourgeoisie guatémaltèque. Un beau mec, viril, cadre supérieur, superbement incarné par Juan Pablo Olyslager.

Religieux pratiquant, il est marié à une non moins superbe femme (Diane Bathen, qui a des faux-airs de Carla Bruni).

Le couple modèle a deux enfants merveilleux, une grande fille et un petit garçon.

Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, jusqu’au jour où Pablo tombe amoureux de Francisco.

Patatras !

Scandales sur fond de séismes et tremblements à tous les étages.

C’est alors que la famille s’en mêle et demande secours au pasteur et à son étrange épouse de leur paroisse pour le « soigner ».

Le film tourne dès lors au cauchemar surréaliste…



3 mai 2019 à 10 h 09 min

Aujourd’hui, ce qui change plus rapidement le coeur des villes que le coeur des hommes, ce n’est plus tellement la démolition d’anciens bâtiments ou de quartiers entiers, mais leur gentrification.

Désormais, de plus en plus souvent, au cours de mes balades parisiennes, je me souviens de ce qu’il y avait avant…

C’est donc avec un intérêt certain que je suis allé voir « 68, mon père et les clous » le premier film de Samuel Bigiaoui. Un documentaire consacré à son père, Jean Bigiaoui, qui fut durant trente ans le gérant de la quincaillerie Bricomonge, rue Monge, en vis à vis de la Mutualité et de Saint-Nicolas du Chardonnet.

Un haut-lieu du Vieux Paris situé entre la Sorbonne et Notre-Dame, où à la boboisation ordinaire s’ajoute le surdéveloppement du tourisme dans la capitale.

Revenant sur le terrain de jeu labyrinthique de son enfance, le cinéaste filme les derniers jours de la boutique de son père avant son remplacement par la future antenne d’une chaîne de supermarchés (Super U).

Un film où l’émotion le partage à la distanciation nécessaire et se structure autour de trois axes principaux : urbanisation parisienne, portrait du père, relation père-fils.

Cela donne un documentaire étonnant sur un homme détonnant.

La force du film repose surtout sur la personnalité de son personnage principal, un homme singulier à l’esprit vif et d’une totale générosité de coeur, qui incarne à lui seul l’esprit de Mai 68.

Issu d’un milieu d’intellectuels parisiens, intello lui-même, Jean Bigiaoui fut l’un des créateurs clandestins de la Gauche Prolétarienne (après l’assassinat de Pierre Overney, il participa à l’enlèvement du n°3 de chez Renault, sans demande de rançon et sans assassinat).

Assistant de Joris Ivens et préparant l’agrégation d’Histoire, contrairement à ses copains Claude Eveno ou Claude Hagège, il tourna résolument le dos à une quelconque carrière.

Ici l’ancien Mao ne s’est pas recyclé au Rotary club.

Se percevant plutôt comme un « demi solde », il décida à 37 ans d’ouvrir ce bazar improbable, tout à la fois un « abri », selon ses propres mots, un brin agacé pour répondre aux questions insistantes de son fils, et une sorte de phalanstère, ainsi que le film nous le donne à voir.

A Bricomonge, les employés et les clients furent particulièrement heureux.

Et tout particulièrement tristes de sa mort programmée.

Nous aussi.

Autres temps, autres moeurs…



28 avril 2019 à 13 h 02 min

J’ai aperçu Mathieu Amalric et son jeune fils Elias jouant les touristes enchantés dans « Un tramway à Jérusalem » d’Amos Gitaï. 

Un film mosaïque à la manière du « Taxi Téhéran » de Jafar Panahi. 

La critique est mitigée, mais moi j’ai bien aimé. 

On y découvre la ville sainte sur tout le parcours du tramway, de jour comme de nuit. 

Film choral et cosmopolite constitué de scènettes qui sont comme autant de notations émotionnelles sur cette ville particulièrement schizophrénique pour ses habitants, qui semblent tous vivre au-dessous du volcan, et où les Palestiniens sont systématiquement contrôlés…

Le film d’Amos Gitaï, sans être raté, n’est pas abouti. Mais il m’a quand même bien intéressé.

La partie fictive du film pêche un peu : les scènettes interprétées par les comédiens paraissent artificielles.

Pourtant, certaines choses sont dites sur les rapports humains, sur la politique régionale, la religion…

N’ayant jamais été en Israel, c’est la partie documentaire qui m’intéressait. L’idée de cette traversée de Jérusalem en tramway me plaisait bien. Malheureusement, de nombreuses scènes sont tournées de nuit.

Question paysage, on est un peu frustré.

Mais enfin, entre les scènes de jour et celles tournées sur les quais, j’ai pu voir pas mal de choses et ressentir bien des impressions…

C’est le genre de petit film raté qui m’en apprend plus qu’un grand réussi !


26 avril 2019 à 10 h 07 min

« Monrovia, Indiana » de Frederick Wiseman.

Film documentaire que j’ai plus apprécié que « Ex Libris », son précédent film.

Et pourtant, j’aurais volontiers fréquenté La New York Public Library, alors que si le malheur m’avait fait naître à Monrovia, je n’aurais eu de cesse d’en fuir au plus vite !

Pas vous ?

Effroyable vision de l’Amérique profonde dont les mamelles semblent être : l’obésité, le surarmement, la consumérisme à tous crins et une religiosité envahissante…

Etonnant échantillon de 1400 habitants seulement, essentiellement Blancs, que F. Wiseman observe à la manière d’un entomologiste.

On a droit à un mariage et à un enterrement, quelques réunions du conseil municipal, une remise de médaille à la loge maçonnique locale, une réunion de notables au lion’s club du patelin, avec, par dessus tout ça le poids prédominant d’une Eglise à révèrent !

Sinon, tout est conditionné par le travail : élevage et agriculture intensifs. Peu de distractions possibles !

On constate que la boutique d’armes de chasse et celle d’alcools forts fonctionnent plutôt bien : le tiroir-caisse encaisse à plein régime.

J’ai bien distingué un garage, un tatoueur, un salon de coiffure, des resto à nourriture abondante et grasse peu appétissante.

Pas de librairie ni de bibliothèque et un collège sinistre où l’on s’attend à ce qu’un jeune lycéen surgisse avec des armes et tire indistinctement dans le tas…



25 avril 2019 à 12 h 54 min

« L’Adieu à la nuit » d’André Téchiné, avec Catherine Deneuve et Kacey Mottet Klein.

Premiers jours du printemps 2015.

Long travelling sur les cerisiers en fleurs, virginalement blanches, les fleurs…

Catherine Deneuve, gentlewoman farmer occitane, exploitante d’un centre équestre, est tout à la joie d’accueillir son unique petit-fils, dont la mère, sa propre fille, est morte dans un accident de plongée sous-marine.

Retrouvailles chaleureuses et pudiques, jusqu’à ce que la grand-mère découvre que son petit-fils s’est converti à l’Islam et s’apprête à partir faire le djihad en Syrie !

Sujet particulièrement casse-gueule pour Téchiné, cinéaste à l’esthétisme intimiste, qui offre, avec ce huitième films, un rôle à sa (dé)mesure à son actrice fétiche.

Deneuve étant en quelque sorte la soeur porte-parole idéale du cinéaste : une icône pas nécessairement gay, de la race des bons vins qui se bonifient avec le temps ; une transposition fictive dont il pourrait dire : « Deneuve, c’est moi ».

Face à cette équation éthique implacable, inhabituelle chez Téchiné, et au service de laquelle il met avec discrétion et efficacité émotionnelle tout son savoir-faire esthétique, que va bien pouvoir faire notre héroïne ?

Une résolution cornélienne dont on constatera les effets au moment de la cueillette des cerises qui, cette année-là, donneront un goût amer au printemps !


10 avril 2019 à 13 h 30 min

« Curiosa » (mot qui désigne un objet ou une oeuvre à caractère érotique à destination de vieux bourgeois libidineux), film éponyme de Lou Jeunet.

Un biopic situé à la Belle Epoque parisienne, réalisé autour de la délicate et sensuelle figure de Marie de Heredia, alias Gérard d’Houville, incarnée par Noémie Merlant.

Fille aînée de José-Maria de Heredia, ses parents la forcèrent à épouser Henri de Régnier alors qu’elle lui préférait Pierre Louÿs (interprété par le craquant Niels Schneider).

Le premier était nettement plus riche et influent (il obtiendra la nomination de son beau-père au poste de conservateur de la bibliothèque de l’Arsenal) et le second plus volage.

Peut importe, l’un sera son mari et l’autre son amant de coeur et de corps.

Entourée d’un essaim d’ex-jeune filles en fleurs, devant et derrière la caméra, Lou Jeunet nous offre un film des plus sensuels et des plus littéraires, que l’on recommande tout particulièrement à M. Court.

Poète et amant, l’auteur des Chansons de Bilitis savait joindre la pratique à la théorie…



3 avril 2019 à 14 h 45 min

Selon le festival : Cannes, Berlin, Locarno… où ils ont été préalablement présentés, on pourrait presque définir une sorte de génétique aux films.

Une génétique qui se répercute sur leur éthique et leur esthétique.

Film politique bien dans l’esprit de la Mostra de Venise (sélection 2018), « Compañeros », du cinéaste uruguayen Alvaro Brechner, s’inspire des récits de prisonniers politiques Tupamaros pendant la dictature militaire en Uruguay de 1973 à 1985.

Ce biopic s’attache principalement aux douze années d’emprisonnement que vécurent trois d’entre eux : Mauricio Rosencof (poète et écrivain, incarné ici par l’acteur Chino Darín ), Eleuterio Fernandez Huidobro (ex-dirigeant des Tupamaros, élu sénateur en 1999 jusqu’à sa mort, en 2016, joué par Alfonso Tort), et José « Pepe » Mujica (élu 40ᵉ président de la République d’Uruguay de mars 2010 à mars 2015, rôle tenu par Antonio de la Torre).

Incroyable ce que la peur du communisme et la haine qu’elle engendra alors en Uruguay a pu enflammer l’imagination perverse des putschistes installés au pouvoir, qui, plutôt que de fusiller ces compañeros (camarades) les torturèrent insidieusement et lentement à petit feu afin de les rendre… fous !

Sans jamais avoir été jugés, ces trois prisonniers furent pris en otages par leurs geôliers, qui les menacèrent d’exécution sommaire en cas d’attentats des Tupamaros.

Placés dans un isolement total, transportés au fil des ans de prisons militaires en prisons militaires, dans des conditions de vie proprement effroyables, ils sortent peu à peu de la réalité et son plongés dans une autre dimension, une autre perception du monde.

C’est cette longue descente aux enfers que le cinéaste nous donne à voir.

Si la plupart des otages ne survécurent pas à ce régime, ces trois-là résistèrent jusqu’au bout, mus par une force surhumaine.

Un film rythmé de bout en bout comme une partition musicale, sur lequel le spectateur peut se poser bien des questions, tant sur le plan esthétique (celle du glauque et de la merde) qu’éthique (une histoire racontée par d’anciens vaincus redevenus vainqueurs). 



30 mars 2019 à 13 h 40 min

Comment filmer le chaos ?

C’est le propos du film documentaire « Still Recording » (un terme technique désignant une fonction secondaire de la caméra consistant à enregistrer des images fixes) de Saeed Al Batalj et Ghiath Ayoub.

Deux étudiants partis participer à la révolution syrienne, caméra au poing, et rejoints plus tard par leur ami Milad, peintre et sculpteur, étudiant aux beaux-arts de Damas.

Se partageant entre la capitale, où sont concentrées les forces de Bashar al-Assad, et la Ghouta orientale, autrefois appelée le verger de Damas et située à quelques kilomètres plus à l’est, ils vont filmer, assistés d’un collectifs de cameramen dont certains y laisseront leur vie, les combats qui se sont déroulés essentiellement dans la ville assiégée de Douma et le front de Jobar, entre 2011 et 2015.

Des scènes proprement surréalistes (que n’aurait pas osé imaginer le Malaparte de Kaputt : un gamin ayant trouvé un morceau de jambe après explosion, avoue l’avoir jeté à la poubelle) que nos jeunes documentalistes, qui n’ignorent rien de l’art du cadrage – on a même droit à une étonnante leçon de master en cinéma appliqué ! -, enregistrent et nous donnent à voir, nous plongeant en direct-différé au coeur de la guerre civile.

On y apprendra ainsi de la bouche des jeunes combattants, qu’il n’y a rien de plus excitant que de fuir sous les bombardements !

Dieu que la guerre est jolie ! A proportion de l’horreur qu’elle engendre ?

Ici, les cadavres, tous sexes et générations confondus, ne font pas de la figuration.

Ici nulle voix off pour nous dire ce qu’il y aurait à comprendre et décrypter le sens des images.

Des images brutes et des mots de circonstance, non improvisés.

Au spectateur de voir et d’essayer de comprendre la situation, au-delà des intentions et des motivations premières des cinéastes.

Nous qui voyons se profiler derrière ces jeunes révolutionnaires libertaires aux cheveux longs les inquiétants combattants de Daesh et savons, que depuis les combats de février à avril 2018, les forces du président Bachar al-Assad ont reconquis le terrain…

Aujourd’hui, nos cinéastes sont réfugiés à Beyrouth.

Qui demain, noblesse du cinéma oblige, nous donnera à voir, à comprendre, la suite du chaos ?



28 mars 2019 à 12 h 14 min

« Synonymes » du cinéaste israélien Nadav Lapid.

Un jeune israélien, beau comme le David de Michel-Ange, ne trouve pas de mots assez forts pour décrire sa détestation de son pays d’origine.

Il n’a qu’un seul désir, devenir Français et être enterré un jour au Père-Lachaise.

D’où lui vient cette haine ?

Pourquoi cette fuite ?

En attendant, nous le suivons au cours de ses déambulations parisiennes, revêtu d’un élégant manteau couleur capucine, à faire pâlir Lavande de jalousie !

C’est peu comme argument de film, me diriez-vous, et pourtant je partage entièrement l’étonnement de la critique des Cahiers du Cinéma : « Fallait-il s’attendre à ce que le meilleur film français vu depuis longtemps nous viennent d’un réalisateur israélien ? »

Mon éblouissement, ne tient pas tant à la démarche résolument anti sioniste du héros du film, mais surtout à la façon dont ce jeune frère d’exil m’a fait me ressouvenir du « comment être Parisien ? ».



27 mars 2019 à 13 h 07 min

« Sunset » du cinéaste hongrois Laszlo Menes. Après nous avoir embarqués en compagnie des fantômes d’Auschwitz (« Le fils de Saul »), il remet ça avec les fantômes du chapelier de Budapest. Le Budapest de 1913, juste avant l’éclatement généralisé. Beau comme un scénario de Fassbinder qui aurait été filmé, caméra à l’épaule, par Visconti !



26 mars 2019 à 14 h 01 min

Où l’on constate que la question homosexuelle est loin d’être réglée !

Pas moins de deux premiers films, cette semaine, sur nos écrans parisiens sur le thème de l’homophobie.

Tout d’abord, « Entre les roseaux » du réalisateur finlandais Mikko Makela. Le film nous conte une douce romance entre un étudiant Finlandais et un réfugié syrien. Une romance passionnée et discrète, qui se déroule dans une cabane en bois au bord d’un lac. Paysage idéal d’un amour partagé et éphémère, loin de la famille et de la société, hostile, forcément hostile…

Le second film, « L’Homme qui a surpris tout le monde », oeuvre du couple de cinéastes russes Natalya Merkulova et Aleksey Chupov, est nettement plus fort, plus dur, plus abouti.

Dans la Russie homophobe de Poutine, Egor, jeune et viril garde forestier des confins de la Taïga sibérienne, qui aime autant sa femme et son fils qu’il n’est aimé d’eux, apprend soudainement qu’il est atteint d’une tumeur au cerveau. Les médecins lui donnent tout au plus deux mois à vivre. Un cancer en phase terminale, produit par le refoulement de sa vraie nature, à laquelle il va alors donner libre cours. Lutter ou mourir en silence ? Un combat épique, magistralement filmé et joué.



22 mars 2019 à 8 h 48 min

Habituellement, Benoît Jacquot est un bon faiseur, dans le genre du cinéma d’auteur, et Vincent Lindon un comédien des plus attachants.

Jugeant sans doute qu’on le cantonnait un peu trop aux emplois d’humanitariste ou de syndicaliste, ce dernier, animé du sentiment légitime qu’il pouvait tout jouer, est parvenu à convaincre le premier de lui confier le rôle de Giacomo Casanova.

Hélas, avec « Dernier amour », l’erreur de casting évidente se double d’une lecture particulièrement moralisante et sombre de la vie du célèbre aventurier vénitien.

Fellini en avait fait un crétin, Jacquot nous le rend totalement dépressif.

Malgré la caution scénaristique de Chantal Thomas, les amateurs du XVIIIe siècle n’y reconnaitront pas leur libertin préféré !

Le réalisateur nous le montre à son crépuscule, rédigeant ses mémoires dans la bibliothèque du château perdu en Bohème, où il a trouvé refuge.

Là, avec son air d’épagneul triste et bougon, Vincent Lindon incarne un Casanova pour qui la chair est triste et qui aurait séduit toutes les filles.

A la demande de la nièce de son hôte (la belle Julia Roy), il consent à lui conter la seule histoire d’amour malheureuse de sa longue carrière de séducteur, trente ans plus tôt à Londres, avec La Charpillon, redoutable courtisane interprétée par la non moins belle Stacy Martin.

Un couple improbable à l’image pour ce Casanova atteint d’une sinistrose chronique.

Au plaisir du livre à succédé l’ennui du film !



21 mars 2019 à 11 h 55 min

« M » de Yolande Zauberman.

«M» c’est Menahem Lang, un chanteur et comédien âgé de 35 ans, installé à Tel Aviv, qui, quinze ans après, revient sur les lieux du crime : son quartier natal de Bnei Brak, la capitale mondiale des Juifs ultra-orthodoxes.

Là, durant toute sa prime enfance, il fut la victime de violences sexuelles de la part de plusieurs rabbins.

Le pire dans son cas, c’est que s’en plaignant à son père, l’enfant se verra interdire d’accomplir par la suite tout acte sacré, au prétexte de son impureté nouvelle.

Une impureté imposée par ses maitres en religion !

Menahem n’en perdra pas pour autant la foi, mais en restera durablement perturbé.

Accompagnant avec empathie son interprète principal, et recueillant son témoignage et ses émotions, la cinéaste voit s’agglutiner autour de lui de nombreux autres jeunes gens de son âge ou plus jeunes, victimes des mêmes abus.

Face à cet afflux de paroles qui se libèrent, Menahem, plein d’idée de vengeance, va peu à peu s’apaiser.

Grâce à ce film documentaire aux vertus thérapeutiques, il ira jusqu’à se réconcilier avec sa famille et sa communauté…

Au-delà du problème traité, le film nous permet aussi de découvrir, de manière plus ethnographique que caricaturale, les particularismes d’une société et d’une culture particulièrement fermées au yeux du goy que je suis.

J’aimerais pouvoir découvrir un documentaire semblable en terre musulmane…



16 mars 2019 à 12 h 21 min

Je recommande « Rebelles » d’Allan Mauduit à tous ceux qui ont aimé le cinéma d’Ennio Moricone.

Ponctué par une musique de western, le film est une fable sociale féministe se déroulant dans les plaines post industrielles du Pas de Calais.

Comment les hommes, flics ou truands, sont dégommés par la bonne grosse (Yolande Moreau), la fluette cagole (Audrey Lamy) et la bimbo à poigne (Cécile de France).

Quand les ex femmes battues du peuple de France passent à l’action et n’hésitent pas à couper la bite et débiter en petits morceaux les petits chefs harceleurs…

Belle leçon de rire jaune, loin des ronds-points, dans la pure tradition des séries noires !



15 mars 2019 à 12 h 54 min

Critiques controversées pour « Ma vie avec John F. Donovan », le 7e film de Xavier Dolan (le premier en anglais), avec Natalie Portman, Susan Sarandon et Kit Harrington, sans oublier Gabriel Yared à la musique.

Moi, je n’ai pas été déçu, loin de là.

J’y ai retrouvé toute la virtuosité formelle de cet enfant prodige du cinéma mondial, et ses thématiques habituelles, avec deux portraits, pour le prix d’un, de mères hystériques et aimantes.

Mais de plus, ici, le scénario flirte avec un sujet sensible et tabou !

Le spectateur risque de faire hâtivement le lien en effet entre l’homosexualité, assumée ou pas, et la pédophilie.

Xavier Dolan, qui a commencé une carrière d’enfant acteur à six ans, aurait bien aimé que Leonardo DiCaprio, l’aîné et le modèle qu’il admirait alors plus que tout, réponde à la lettre qu’il lui avait envoyée à l’époque.

La réalité n’ayant pas satisfait son désir précoce, il ne restait plus à l’enfant qu’à l’imaginer.

C’est le scénario idéal que le Xavier Dolan devenu cinéaste, âgé aujourd’hui de 29 ans, nous propose avec son dernier film.

S’offrant de surcroît le luxe d’un héros à la sensibilité identique à la sienne, contrairement à DiCaprio, hétéro pur et dur, « Ma vie avec John F. Donovan » s’articule autour de la correspondance fantasmée qui liera durant cinq ans le garçon et le célèbre jeune acteur hollywoodien de cette histoire.

Une histoire d’amitié partagée, où l’aîné se confie en toute intimité à son cadet.

Rassurez-vous, il ne s’agit pas d’un biopic sur la vie de Michael Jackson, à propos duquel notre grand écrivain moraliste français Yann Moix a déclaré qu’il ne pouvait pas être pédophile car il était lui-même un enfant !

Ici, la relation est essentiellement épistolaire et les deux protagonistes ne se rencontreront jamais.

Dans ce mélo flamboyant où, entre vérité et mensonge, l’élève dépassera et accomplira pleinement le rêve du maître, c’est bien l’amour qui triomphe.

Que demander de plus ?


9 mars 2019 à 13 h 10 min

Outre l’éblouissante performance de Steve Coogan (Stan Laurel, le petit maigre pleurnicheur) et de John C. Reilly (Oliver Hardy, le gros teigneux adipeux), j’ai trouvé particulièrement émouvant « Stan & Ollie », le biopic du réalisateur anglais Jon S. Baird.

Le film porte essentiellement sur la dernière tournée, anglaise et irlandaise, dans les années 1950, du célèbre duo d’acteurs comiques. Juste avant leur retrait définitif de la scène pour cause de santé : Ollie mourra peu après et Stan quelques années plus tard, sans avoir pu tourner le film qu’ils projetaient alors à partir de l’histoire de Guillaume Tell.

Enfant, j’étais tout à la fois fasciné et horrifié jusqu’au malaise par ce tandem masculin, que je percevais comme un couple sadomasochiste et qui me renvoyait une image peu gratifiante de l’homosexualité, encore en latence chez moi !

Grâce au biopic, j’ai appris qu’il en allait différemment dans la réalité.

Ce que je savais plus ou moins, ne me souvenant jamais précisément qui était Laurel et qui était Hardy.

La tête pensante du « couple », celui qui écrivait, imaginait et mettait en scène leurs pantomimes, c’était Stan Laurel, le maigre, pas aussi débile que son personnage. Le gros Oliver Hardy, plus cossard, se laissait en fait porter, de bonne grâce, par son complice et ami de toujours. Tous deux étaient, par ailleurs, parfaitement hétéros et heureux en ménage, chacun de son côté.

L’émotion du film vient du fait, qu’à l’issue d’une longue carrière bien remplie, avec ses hauts et ses bas habituels, ces deux hommes que la vie va séparer, seront restés fidèles à leur couple professionnel et que pour eux cela comptait plus que tous.

Oui, l’amour entre hommes est possible, même en dehors de toute sexualité !


7 mars 2019 à 10 h 08 min

« Le Mystère Henri Pick » de Rémi Bezançon, d’après le roman éponyme de David Foenkinos.

Imaginez Bernard Pivot se prenant pour Hercule Poirot et incarné à l’écran par Fabrice Luchini !

Cela donne une gentille comédie policière entre le milieu des éditeurs parisiens et Roscoff.

L’énigme à résoudre ici est de savoir si Henri Pick, un pizzaiolo breton, mort deux ans auparavant, que sa femme et sa fille n’ont jamais vu lire un seul livre et encore moins écrire, est bien l’auteur d’un roman, devenu un best-seller, à la suite de sa découverte par une jeune éditrice de chez Grasset dans les rayonnages d’une bibliothèque des manuscrits refusés, créée au fin fond de la Bretagne.

Sur les pas de notre détective privé improvisé, aidé par la fille du pseudo auteur posthume (l’occasion d’un duo efficace entre Fabrice Luchini et Camille Cottin) le spectateur est baladé sur de fausses pistes, jusqu’à la résolution finale.

Un sympathique divertissement, qui se laisse regarder dans la bonne humeur, mais pas très nouveau dans la forme ni véritablement dénonciateur des moeurs de l’édition, ainsi qu’il le voudrait.

Juste un produit culturel (le film) succédant à un autre (le roman).

Pour le cinématographe ou la littérature, au sens artistique, il faudra frapper à une autre porte…




par Jacky Barozzi 08 avr., 2024
Sandrine, assisse au soleil sur un banc du square Trousseau , au faubourg Saint-Antoine, observait, tout en achevant d’avaler un sandwich, des enfants jouant dans l’aire de jeux, au milieu du grand bac à sable. Une jeune femme blonde d‘une vingtaine d’années et son compagnon, un beur du même âge, accompagnés de leur gamin, se dirigèrent vers le kiosque à musique, au centre du jardin. Là, ils s’installèrent sur les marches. Le père sortit une balle de son sac à dos et la donna au garçon, qui courut rejoindre les autres enfants dans l’aire de jeux voisine du kiosque. Sandrine alluma une cigarette et fuma voluptueusement, les yeux mi-clos, le visage offert aux rayons du soleil. Plongées dans ses rêves, elle fut soudain ramenée à la réalité par la voix d’une jeune femme : – Pourrais-je vous emprunter votre briquet, s’il-vous-plait ? Rouvrant les yeux, Sandrine découvrit la blonde du kiosque. Elle tira un briquet de son sac, posé à côté d’elle sur le banc, et le tendit en souriant à la mère du petit garçon. Sans plus de façon, celle-ci repartit jusqu’au kiosque où elle donna à son tour le briquet à son conjoint. Malgré la distance, Sandrine perçu toute l’action : le jeune homme chauffa une barrette de cannabis et se confectionna un joint, qu’il alluma, avant de rendre le briquet à sa compagne. Celle-ci revint en direction de Sandrine et lui redonna son briquet – Merci beaucoup, dit-elle. – Il n’y a pas de quoi, répondit Sandrine, toujours souriante. 
par Jacky Barozzi 23 mars, 2024
Connaissez-vous, au voisinage du bois de Vincennes, l’hôpital Esquirol de Saint-Maurice ? Un haut-lieu de vie et de mémoire, qui vaut le détour ! Durant douze siècles, Saint-Maurice se dénomma Charenton-Saint-Maurice, jusqu’à ce qu’une ordonnance royale de Louis Philippe, du 25 décembre 1842, lui permit de n’en conserver que sa seule appellation dernière. Officiellement, pour la distinguer de la commune voisine, qui prit le nom de Charenton-le-Pont en 1810. En réalité, c’est parce que les habitants, du fait de la trop grande renommée de l’asile de Charenton, et trouvant qu’ils avaient de plus en plus de mal à marier leurs filles, voulurent, à défaut de se débarrasser de l’asile, en effacer le nom. Voilà pourquoi l’ancien asile de Charenton, devenu l’hôpital Esquirol, ne se trouve pas sur la commune de Charenton, mais sur celle de Saint-Maurice.
par Jacky Barozzi 12 mars, 2024
JARDIN DES PLANTES - 1633 5° arr., place Valhubert, rue Buffon, rue Geoffroy-Saint- Hilaire, rue Cuvier, M° Gare-d’Austerlitz, Jussieu ou Place-Monge C’est en 1614 que Guy de La Brosse, médecin ordinaire de Louis XIII, soumet à Jean Héroard, Premier médecin du roi, son projet de création d’un jardin où l’on cultiverait « toutes sortes d’herbes médicinales ». Il faut dire que les travaux des botanistes du XVI° siècle avaient attiré l’attention sur cette science nouvelle. Après la création du Jardin des plantes de Montpellier, en 1593, qui est le premier fondé en France, Henri IV et Sully songèrent à en établir un semblable à Paris qui possédait seulement un petit jardin de simples planté par l’apothicaire Nicolas Houel pour l’école des Apothicaires de la rue de l’Arbalète. L’édit de fondation du «Jardin royal des plantes médicinales » est promulgué en 1626 mais il reste encore à lui trouver un emplacement ! C’est Guy de La Brosse qui, en 1633, s’occupe de l’acquisition d’un vaste terrain, le clos Coypeau, situé au sud de l’abbaye Saint-Victor. D’une surface représentant environ le quart de sa superficie actuelle (qui est de 24 hectares), le jardin est séparé de la Seine par un entrepôt de bois et bordé de l’autre côté (vers l’actuelle rue Geoffroy-Saint-Hilaire) par des buttes artificielles faites de détritus et de gravats de construction. Guy de La Brosse s’attache immédiatement à aménager cette propriété royale, dont il est nommé intendant en 1635, pour en faire une école de botanique et d’histoire naturelle. L’espace est compartimenté en quatre zones distinctes, séparées par deux allées se coupant à angle droit. L’on y cultive des plantes usuelles, des arbres fruitiers, des arbustes et des plantes aquatiques. Sur les pentes des buttes artificielles qui bornent le jardin, Guy de La Brosse aménage un labyrinthe. En 1636, Vespasien Robin, démonstrateur en botanique, plante le robinier ou faux-acacia à partir d’un rejet dont son père Jean Robin, chargé du Jardin du roi dans l’île de la Cité (emplacement de la place Dauphine), se serait procuré les graines par l’intermédiaire d’un pépiniériste anglais. Le robinier du Jardin des plantes fut longtemps le deuxième plus vieil arbre de Paris, après le robinier du square René-Viviani planté vers 1601 par Jean Robin. Il est aujourd’hui mort et il ne reste qu’un tronc avec des rejets (extrémité ouest de la galerie de botanique) mais celui du square René-Viviani, avec ses 20 mètres de hauteur et ses 4 mètres de circonférence, existe toujours, soutenu par des étais. Dès 1640, le jardin est ouvert au public et, à la mort de son fondateur, l’année suivante, il compte 1 800 plants différents. C’est désormais le « Jardin du roi », développé à partir de 1693 par Fagon, Premier médecin de Louis XIV, puis par le botaniste Tournefort, qui plante l’érable de Crète en 1702 (labyrinthe, côté bibliothèque), et les trois frères de Jussieu qui parcourent le monde à la recherche de nouvelles espèces rares. C’est ainsi que Bernard de Jussieu rapporta d’Angleterre, en 1734, deux cèdres du Liban dont l’un subsiste sur les pentes du grand labyrinthe ; c’est lui aussi qui plantera en 1747 le premier pied de Sophora, qui provenait de Chine (devant la galerie de minéralogie). Entre 1732 et 1739 sont créées les premières serres chaudes françaises, pour abriter des plantes exotiques. Nommé intendant du Jardin du roi en 1739, Georges- Louis de Buffon le restera jusqu’à sa mort, en 1788. Il sut s’entourer des meilleurs savants, parmi lesquels les naturalistes Louis Daubenton (une colonne signale sa tombe près du sommet du labyrinthe) et Jean-Baptiste de Lamarck et le botaniste Antoine-Laurent de Jussieu, neveu des trois frères. Pour le jardin, il s’adjoignit les services d’André Thouin, nommé jardinier en chef en 1764, et pour la construction des bâtiments, ceux de l’architecte Edme Verniquet. C’est sous la direction de Buffon que le Jardin du roi va connaître son plus bel essor. L’intendant y habite, dans la maison dite « de Buffon » située dans l’angle sud-ouest du jardin (actuelle librairie).
par Jacky Barozzi 01 mars, 2024
Fontaine Hydrorrhage Jardin Tino-Rossi, quai Saint-Bernard (5e arr.) Métro : Gare d’Austerlitz ou Jussieu Transformé en jardin entre 1975 et 1980, le quai Saint-Bernard constitue désormais une belle promenade, entre les ponts d’Austerlitz et de Sully. C’est là qu’a été installé le musée de Sculptures en plein air de la Ville de Paris, consacré essentiellement aux œuvres de la seconde moitié du XXe siècle. Au centre, un rond-point constitué d’une succession de bassins semi-circulaires, abrite une bien singulière fontaine. Baptisée Hydrorrhage , celle-ci a été réalisée en 1975-1977 par l’architecte Daniel Badani et le sculpteur Jean-Robert Ipoustéguy. Derrière une imposante armure en forme de bouclier, on découvre un homme nu, harnaché d’un attirail relevant proprement de l’iconographie sado-masochiste, et suçotant une sorte de gland tout en se livrant à la masturbation ! Cette audacieuse œuvre, contemporaine de l’époque de la libération sexuelle, semble avoir dépassée les souhaits de son commanditaire. La municipalité a en effet récemment entouré d’un grillage et d’une haie d’arbustes l’ensemble des bassins, empêchant le visiteur de se rapprocher de cette fontaine, autrefois de plain-pied, et en a pudiquement détourné la gerbe principale, qui jaillissait du sexe du personnage et retombait dans le premier bassin depuis le gros tuyau recourbé au centre du bouclier, pour le remplacer par les deux inoffensifs jets d’eau du bassin, situés de part et d’autre du groupe en bronze. 
par Jacky Barozzi 29 févr., 2024
La Lutèce gallo-romaine reconstituée. JARDIN DES ARENES DE LUTECE ET SQUARE CAPITAN - 1892 5° arr., rue de Navarre, rue des Arènes, rue Monge, M° Place-Monge La Lutèce gallo-romaine, qui voit se reconstruire l’île de la Cité, se développe sur la rive gauche, à l’abri des inondations. Là, sur les pentes de la montagne Sainte- Geneviève, s’établit une cité à la romaine, de part et d’autre de la voie principale, le cardo, dont on retrouve le tracé dans la rue Saint-Jacques. Un peu à l’écart, adossé au versant oriental de la colline, est construit vers la fin du Ier siècle après J.-C. un édifice, connu sous le nom d’Arènes de Lutèce, qui servait en réalité tout aussi bien pour les jeux du cirque que pour les représentations théâtrales, comme en témoigne la scène qui vient interrompre les gradins sur un côté.
par Jacky Barozzi 25 févr., 2024
I nlassable piéton de Paris, pour lequel les errances dans la capitale furent longtemps le prétexte à ranimer son imaginaire mémoriel, Patrick Modiano serait-il brusquement rattrapé par le principe de réalité ? Dans son dernier roman, « La Danseuse », un récit de moins de cent pages, aux chapitres particulièrement aérés, il nous conte l’histoire d’une danseuse, jamais autrement nommée dans le livre, et de son jeune fils Pierre, rencontrés un demi siècle plus tôt. Situé en grande partie entre la Place Clichy (9e arr.) et la Porte de Champerret (17e arr.), ce court texte est ponctué de plusieurs paragraphes où le présent s’invite comme jamais auparavant dans les romans de notre auteur récemment nobélisé : « Qu’étaient devenus la danseuse et Pierre, et ceux que j’avais croisés à la même époque ? Voilà une question que je me posais souvent depuis près de cinquante ans et qui était restée jusque-là sans réponse. Et, soudain, ce 8 janvier 2023, il me sembla que cela n’avait plus aucune importance. Ni la danseuse ni Pierre n’appartenaient au passé mais dans un présent éternel. » Ici, le narrateur ne reconnait plus le Paris de sa jeunesse et s’y sent désormais étranger. Une ville où les Parisiens ont été remplacés par les touristes et où la nostalgie n’est plus ce qu’elle était. Une ville : « qui avait à ce point changé qu’elle ne m’évoquait plus aucun souvenir. Une ville étrangère. Elle ressemblait à un grand parc d’attraction ou à l’espace « duty-free » d’un aéroport. Beaucoup de monde dans les rues, comme je n’en avais jamais vu auparavant. Les passants marchaient par groupes d’une dizaine de personnes, traînant des valises à roulettes et la plupart portant des sacs à dos. D’où venaient ces centaines de milliers de touristes dont on se demandait s’ils n’étaient pas les seuls, désormais, à peupler les rues de Paris ? » Tandis que le narrateur traverse le boulevard Raspail (Patrick Modiano réside aujourd’hui dans le 6e arr.), il croise un fantôme du passé : « Je reconnus aussitôt Verzini. Et j’éprouvai un brusque malaise, celui d’être en présence de quelqu’un que je croyais mort depuis longtemps. » Après l’avoir accosté, les deux hommes décident de se réfugier dans un café, à l’angle du boulevard et de la rue du Cherche-Midi : « Nous étions assis à une table, l’un en face de l’autre, seuls dans la salle, ce qui m’étonnait. Depuis quelques temps, les cafés et les restaurants étaient bondés. Devant la plupart d’entre eux, il y avait même des files d’attente. » Le narrateur précisant : « Derrière la vitre, je voyais passer les groupes de touristes habituels depuis quelques mois, sac au dos et traînant leurs valises à roulettes. La plupart portaient des shorts, des tee-shirts et des casquettes de toile à visière. Aucun d’entre eux ne pénétrait dans le café où nous étions, comme si celui-ci appartenait encore à un autre temps qui le préservait de cette foule. » Et ajoutant, au moment où le narrateur et Verzini se séparent sur le trottoir : « Dehors, nous étions bousculés par le flot des touristes. Ils avançaient par groupes compacts et vous barraient le chemin. ''Nous reprendrons peut-être un jour notre conversation, me dit-il. C’est si loin, tout ça… Mais j’essaierai quand même de me souvenir…'' Il eut le temps de me faire un signe du bras avant d’être entraîné et de se perdre dans cette armée en déroute qui encombrait le boulevard. » Le narrateur ou Modiano lui-même, avouant, plus loin : « Nous vivions des temps difficiles depuis trois ans, comme je n’en avais jamais connu de ma vie. Et le monde avait changé si vite autour de moi que je m’y sentais un étranger. » Alors, texte testamentaire de notre auteur national, dans un Paris post covidien et de plus en plus airbnbisé ? Seul, l’avenir nous le dira…
par Jacky Barozzi 20 févr., 2024
12e arrondissement Musée des Arts forains 53, avenue des Terroirs de France Tél. : 01 43 40 16 22 Métro : Cour Saint-Émilion http://www.arts-forains.com
par Jacky Barozzi 20 févr., 2024
PARC DES BUTTES-CHAUMONT - 1867 19° arr., rue Manin, rue de Crimée, rue Botzaris, M° Buttes- Chaumont ou Botzaris Entre Belleville et La Villette, la butte de Chaumont, du latin calvus mons ou mont chauve, est de tout temps une colline aride et dénudée dont le sol calcaire interdit toute agriculture. Des moulins apparaissent dès le XVI° siècle sur les hauteurs de Belleville et de La Villette et on en dénombre six à la fin du XVII°sur la butte de Chaumont. A partir du XVIII° siècle, le gypse du sous-sol est exploité pour fournir de la pierre à plâtre destinée à la construction. Cette extraction, qui se fait en souterrain, entraîne des affaissements du terrain et, à la suite d’effondrements meurtriers, l’exploitation souterraine est interdite en 1779. Les carrières à plâtre sont détruites et comblées par éboulement mais l’exploitation va se poursuivre à ciel ouvert, de plus en plus intensive dans le premier tiers du XIX° siècle. En 1851, la carrière dite de l’Amérique, l’une des plus importantes, quasiment épuisée, est fermée. Le site offre à cette époque un aspect véritablement désolé. Aux pieds de la butte, du côté de La Villette, se trouve depuis la fin du XVIII° siècle le plus grand dépotoir d’ordures de la capitale, qui sert aussi pour l’équarrissage des chevaux. La nuit, les anciennes carrières sont le refuge des clochards et des rôdeurs. 
par Jacky Barozzi 18 févr., 2024
PARC FLORAL DE PARIS 1969 12° arr., bois de Vincennes, esplanade Saint-Louis, route de la Pyramide, M° Château-de-Vincennes. Entrée payante Le Parc floral a été inauguré en 1969 à l’occasion des Troisièmes Floralies internationales de Paris. Les deux premières éditions s’étaient tenues en 1959 et 1964 au Centre national des Industries et des Techniques (CNIT) de La Défense et le succès qu’elles avaient remporté avaient conduit les organisateurs à rechercher un emplacement mieux adapté. C’est ainsi que le Conseil de Paris décida en 1966 d’implanter ce nouveau “Parc d’activités culturelles de plein air” dans le bois de Vincennes, sur des terrains qui avaient été occupés par les anciens établissements militaires de la Pyramide et de la Cartoucherie. L’objectif était double : accueillir les Troisièmes Floralies internationales de Paris, qui seraient suivies d’autres expositions temporaires, mais aussi profiter de l’engouement pour l’art floral manifesté par le grand public pour le sensibiliser à l’art contemporain en exposant des œuvres en plein air. 
par Jacky Barozzi 06 févr., 2024
BOIS DE VINCENNES - 1857 12° arr., M° Château-de-Vincennes ou Porte-Dorée Le bois de Vincennes est le vestige d’une vaste forêt antique qui s’étendait à l’est de Paris. Ces terres incultes appartenaient à tous et les paysans gaulois puis gallo- romains les utilisaient pour mener paître leurs bêtes, se nourrir et trouver du bois pour se chauffer. L’arrivée des Francs, si elle ne modifie pas leurs habitudes, change cependant le statut de la forêt qui, de publique, devient alors privée selon les règles du droit franc. Après la mort de Dagobert, en 639, sa veuve fonde une abbaye à Saint-Maur. La première mention connue de la forêt de Vilcena figure dans une charte royale de 848 dans laquelle Charles le Chauve entérine un échange de terres entre l’évêque de Paris et l’abbé de Saint-Maur-des-Fossés. La forêt devient propriété de la couronne à la fin du X° siècle mais c’est dans une charte de 1037, par laquelle Henri Ier accorde des droits d’usage dans la forêt aux moines de l’abbaye de Saint-Maur, que la présence royale est mentionnée pour la première fois à Vincennes. D’autres droits seront accordés à différentes abbayes parisiennes jusqu’en 1164, date de la fondation du couvent des Bonshommes de Grandmont par Louis VII, qui donne aux moines un enclos et un prieuré. Louis VII possède un pavillon de chasse dans la forêt de Vincennes, la plus proche du palais de la Cité où il réside fréquemment. Dès le début de son règne, Philippe Auguste rachète les droits d’usage qui avaient été accordés dans la forêt afin de constituer un domaine de chasse. Il fait construire un manoir, qui constitue la première résidence royale à Vincennes (disparue au XIX° siècle), et élever en 1183 un mur de pierre pour protéger cet espace destiné à la chasse (ce mur restera en place jusqu’aux aménagements du Second Empire). Saint Louis fait construire en 1248 une chapelle dédiée à saint Martin pour abriter une épine de la Couronne du Christ qu’il a acquise de l’empereur d’Orient Baudoin II. Il agrandit le manoir d’un donjon car Vincennes constitue désormais la deuxième résidence du roi après le palais de la Cité et chacun connaît la fameuse scène, rapportée par Joinville dans la Vie de saint Louis, du roi rendant la justice sous un chêne du bois de Vincennes. 
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